Présidentielle 2020: ASSEYONS-NOUS ET REFLECHISSONS D’ABORD…, Par Pr Dagbo Raphaël

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - Présidentielle 2020. ASSEYONS-NOUS ET REFLECHISSONS D’ABORD…, Par Pr Dagbo Raphaël.

Dagbo Raphaël. Image d'archives.

Le bon sens qui, comme disait René Descartes, est la chose la mieux
partagée impose en toute logique rationnelle qu’un pays comme la Côte
d’Ivoire d’aujourd’hui fasse de la réconciliation nationale le
préalable à toute action impliquant son peuple meurtri.

Existe-t-il un moment plus solennel que celui d’une élection présidentielle où les
citoyens scellent en toute lucidité un pacte politique, idéologique
social…commun ?

L’histoire n’est-elle pas la meilleure ressource où
l’on doit puiser pour imaginer l’avenir? Que nous enseigne en substance
l’histoire récente de ce pays quand nous la regardons avec lucidité ?

Nous y voyons qu’il a sombré dans le chaos du choc des ambitions et des
égos surdimensionnés dont nous savons aujourd’hui que les uns étaient
clairement plus égoïstes, plus nombrilistes que les autres.

Ce choc meurtrier a violemment projeté les Ivoiriens dans un chaos où ils ont
laissé plus de 16000 morts si l’on en croit le rapport de la commission
Dialogue Vérité et Réconciliation (CDVR) de M. Charles Konan Banny.

Ce rapport n’a d’ailleurs jamais été publié et pour cause, beaucoup de
dirigeants actuels n’y avaient aucun intérêt. M. Banny a fini par être
congédié sine Die.

C’est dire que des élections présidentielles qui
sont faites uniquement parce que les échéances doivent être mécaniquement
respectées ne sont pas forcément de nature à conduire à l’apaisement,
voire à une paix pérenne.

Il s’est trouvé de mauvais prestidigitateurs
terriblement intéressés pour faire croire aux Ivoiriens que des résultats
économiques suffiraient, à coup de « pluies de milliards » ou de «
pardons hypocrites et contraints » pour panser les plaies béantes laissées
dans les cœurs de ceux dont les proches ont été massacrés ou qui
croupissent dans les prisons aussi insalubres que morbides.

Non seulement aucune goutte de ces "pluies de milliards " n’a touché aucun de ceux
qui, dans le dénuement absolu, les attendaient, mais pire encore, ces fameux
résultats économiques, s’ils existent, n’ont concerné que ceux qui ont
construit ce chaos diabolique.

Quant au pays, il est resté plus que jamais
divisé dans les cœurs et dans les esprits.

En réalité, ceux qui ont arraché par effraction l’autorité que confère
la puissance publique ont tout mis en œuvre pour prendre des libertés avec
la réconciliation. Pourtant, celle-ci s’imposait.

Disons-le tout net, ils n’avaient aucun intérêt là aussi à ce que cette réconciliation se
fasse avant qu’ils ne se soient définitivement installés pour tenir en
respect le peuple par la crainte qu’ils inspirent grâce à la violence
érigée en système de gouvernance.

Les instruments de cette gouvernance
pesante sont connus de tous et ont pour noms : le rattrapage ethnique dans
les administrations et autres services de l’Etat avec un petit zeste
d’inconditionnels zélés pour confirmer la règle;

une justice aux ordres prête à remplir les prisons d’opposants en fabriquant chaque fois de
toutes pièces des charges ; la distribution à tout vent de la nationalité
ivoirienne pour se constituer du bétail électoral permettant d’être
certain de confisquer le pouvoir d’Etat.

Mais, ce silence inspiré par la peur se fissure pour faire de plus en plus place à la défiance ; un terreau
qui fait craindre le pire.

A mesure qu’approchent les échéances électorales majeures, le ciel
s’obscurcit. Qu’est-ce qui a vraiment changé depuis 2010 où une
rébellion meurtrière lourdement armée de l’extérieur menaçait
l’armée régulière sous embargo d’armes et de médicaments ?

Nous savons que rien n’a changé. En effet une milice lourdement armée tient
aujourd’hui en respect les forces dites nationales. Qu’est ce qui a
vraiment changé quand les mêmes qui hier encore avaient noyauté la
commission électorale dite indépendante pour aller se proclamer vainqueurs
au siège de leur campagne sont encore aujourd’hui ultra majoritaires dans
toutes les instances qui doivent dire les résultats d’un éventuel scrutin
présidentiel ?

Non, rien n’a changé. Si en 2015 ils se sont
autoproclamés vainqueurs avec un score digne des pires dictatures au monde,
c’est non seulement parce que le scrutin n’avait quasiment intéressé
que 11% des Ivoiriens, mais aussi qu’ils avaient « arrangé » les
chiffres pour que ceux-ci soient présentables.

Les affrontements qui se sont faits jour aux législatives entre le PDCI-RDA et le RDR ont bien montré que
lorsqu’il y a un véritable enjeu, la réalité électorale est totalement
différente de la communication mensongère servie par les tenants du
régime.

La Côte d’Ivoire est malade de l’hypocrisie de tous ceux qui savent
pertinemment qu’une élection présidentielle ne résoudra rien dans ce
pays bouillant comme la larve d’un volcan à quelques instants de son
explosion éruptive.

Quelles chances d’égalité y a-t-il dans une
confrontation où un joueur est à la fois juge et partie ? Quant à ces
quelques personnalités qui ont choisi d’entrer à la commission
électorale dite « indépendante », avec tout le respect que nous leur devons, elles savent
par acquis de conscience qu’elles y sont plus pour figurer et continuer
d’exister politiquement que pour veiller à la transparence du scrutin.

Comment pourront-elles peser en réalité, noyées qu’elles sont, au cœur
d’un ensemble constitué pour servir le régime qui veut se succéder à
lui-même quel qu’en soit le prix ?

Le fait que ce même régime ait pris
des précautions « judiciaires » pour condamner sur la base de rien à 20
ans certaines personnalités, maintenir en exil d’autres, refuser de
discuter sérieusement de la constitution de la CEI…etc., sans parler de la
liste et de la loi électorales…, tout cela démontre à foison la volonté
de confisquer encore une fois les résultats réels du scrutin comme en 2010.

Pour tout ce qui précède, et pour bien d’autres choses encore, la Raison
commande que l’élection ne soit pas la priorité en Côte d’Ivoire
aujourd’hui. Les Ivoiriens y ont encore plus à perdre, c’est-à-dire
pour beaucoup, leur vie.

Il faut exiger absolument un cadre qui impulse une
VÉRITABLE RECONCILIATION comme l’a déjà proposé le Président Laurent
GBAGBO. Si on aime la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens, on pourrait alors
saisir cette occasion pour se mettre d’accord sur quelques règles claires
et simples qui établissent un minimum de confiance.

Tous ceux qui poussent aujourd’hui à une élection Présidentielle se sont préparés pour
profiter du désordre comme ils excellent hélas très bien à le faire.
Pour avoir expérimenté ce genre d’errement, personne n’ignore en Côte
d’Ivoire quelles en seront les redoutables conséquences ;

c’est pourquoi il faut s’y opposer fermement. On a toujours le droit de refuser le pire
quand rien ne nous interdit de choisir le meilleur.

Raphaël DAGBO
Président de l’Association des Amis de Laurent GBAGBO