Lettre ouverte à Hollande et à Obama

L’arrestation de Laurent Gbagbo n’est que l’achèvement du coup d’Etat commencé le 19 septembre 2002 par la mafieuse Cosa nostra venue de Ouagadougou (Première partie)

Hollande et Obama à la Maison blanche.

L’arrestation de Laurent Gbagbo n’est que l’achèvement du coup d’Etat commencé le 19 septembre 2002 par la mafieuse Cosa nostra venue de Ouagadougou (Première partie)

Messieurs les présidents François Hollande et Barack Obama, depuis le déclenchement des graves événements qui déchirent encore la Côte d’Ivoire après l’élection présidentielle de 2010, les multiples officines qui servent de caisses de résonnance à la politique des Etats-Unis d’Amérique, de la France et de leurs alliés s’évertuent à faire croire au monde que la crise ivoirienne a commencé le 28 novembre 2010, date du second tour de cette consultation électorale. A écouter les théories bricolées par de pseudos spécialistes de la Côte d’Ivoire, la crise ivoirienne serait née, ex nihilo ou presque, le 28 novembre 2010. L’avant 28 novembre 2010 serait une nuit noire, un vide insondable.
Ainsi, cette date a constitué la borne intangible à partir de laquelle s’est bâtie une vision manichéenne de la Côte d’Ivoire avec, d’un côté, Laurent Gbagbo et ses partisans accusés de tous les maux de la terre, traqués, contraints à l’exil, embastillés à la Cour pénale internationale (Cpi) ou dans les goulags du pays et, de l’autre, Alassane Dramane Ouattara et son clan lavés plus blancs que blanc par leurs maîtres. Cette démarche intellectuelle et ses méthodes relèvent de la pure métaphysique.
Messieurs les présidents, les événements survenus après le 28 novembre 2010 ne peuvent être mécaniquement coupés de l’histoire de la Côte d’Ivoire, en général, et de celle de la première décennie du XXIème siècle, en particulier. Par exemple, l’attaque de la Côte d’Ivoire par une rébellion le 19 septembre 2002 ne peut être effacée d’un coup de baguette magique et jetée aux oubliettes, si l’on veut comprendre la crise qui frappe le pays.
Entre autres documents, un article publié par le quotidien français Le Monde, le 11 octobre 2002, jette une lumière crue sur cette rébellion. L’article écrit à Ouagadougou porte la signature de Stephen Smith, Damien Glez et Vincent Rigoulet. Il s’intitule : « Côte d'Ivoire : le visage de la rébellion ». Je ne m’attarde ni sur les passages qui concernent les rapports conflictuels entre Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié, Alassane Dramane Ouattara et le général Robert Guéï, ni sur les contradictions entre ce dernier et les « sous-offs… qui l’ont hissé sur le pavois », lors du coup d’Etat de 1999, etc. Je ne retiens ici que les extraits de l’article du Monde qui se rapportent directement à la rébellion.
« Qui sont ces hommes qui, dans la nuit du 19 septembre, ont fait basculer tout le nord du pays dans le but de prendre le pouvoir ? Ils appartiennent à la Cosa nostra que dirige le sergent-chef « IB », installé à Ouagadougou, écrivent les journalistes français.
SOMGANDÉ est un vieux quartier de Ouagadougou, dans le nord de la capitale du Burkina Faso, sur la route qui mène à Ziniaré, le village du président Blaise Compaoré. Entre une zone industrielle et une forêt classée, une cité pavillonnaire y a été implantée dans les années 1980, à l'époque où le « pays des hommes intègres » se disait révolutionnaire. Dans ces villas à l'identique, un peu personnalisées au fil du temps, des « policiers ivoiriens » logeaient encore il y a trois semaines. Leurs voisins les appelaient ainsi parce qu'ils les apercevaient, le soir, assis sur leur terrasse, en uniforme, armés. En revanche, les mêmes étaient en civil quand ils sillonnaient la ville à bord de 4 × 4 rutilants, quand ils écumaient le Jimmy's ou le Papa Gayo, leurs boîtes de nuit préférées.
Maintenant, sauf pour l'un d'entre eux, tous sont partis faire le coup de feu en Côte d'Ivoire. Qui sont-ils ? Quel est l'itinéraire qui les a faits « rebelles » ? Pour comprendre, il faut revenir douze ans en arrière...(…)
En octobre 2000, empêchant à son tour Alassane Ouattara de se présenter, le général Gueï tente de se faire élire président. Mais son seul rival resté en lice, avec lequel il croyait s'être entendu, le « roule dans la farine », comme il dira plus tard : Laurent Gbagbo, opposant de longue date à Houphouët-Boigny, ne se résigne pas à servir de caution au plébiscite du général, en échange d'un poste au gouvernement. Il mène campagne et, en l'absence d'autres concurrents, gagne. (…)
Le 4 décembre 2000, un quotidien du RDR, Le Patriote, publie à la « une » la carte du pays coupé en deux : les treize départements du Nord y sont arrachés au Sud, la déchirure s'opérant à la hauteur de Bouaké, la ville carrefour au cœur de la Côte d'Ivoire. En fait, cette fracture épouse l'actuelle ligne de front, celle qui sépare les insurgés du 19 septembre et les forces loyales au président Gbagbo. (…)
Homme-clé du putsch de Noël 1999, puis garde du corps d'Alassane Ouattara, avant de fuir le pays pour échapper à la vindicte du général Gueï, le sergent-chef Ibrahim Coulibaly, dit « IB », tente depuis deux ans de rectifier l'histoire de la Côte d'Ivoire à la pointe du fusil. D'abord éloigné du pays comme attaché militaire de l'ambassade ivoirienne au Canada, il s'est ensuite installé à Ouagadougou, au quartier Somgandé. (…)
Les 7 et 8 janvier 2001, « IB » est impliqué dans « le coup de la Mercedes noire », la limousine escortée d'un convoi de 4 × 4 qui, venant du Nord, fait route vers Bouaké, en même temps que des éléments armés à Abidjan, 450 km plus au sud, attaquent la résidence du président Gbagbo. Cette tentative de prise de pouvoir tourne court. Rétrospectivement, elle apparaît comme la répétition générale de la mutinerie à Abidjan d'un bataillon appelé à être démobilisé et qui, dans la nuit du 19 septembre, s'est muée en insurrection et a fait basculer tout le Nord.
Depuis, cette rébellion cache son visage politique. Elle veut renverser le pouvoir en place, mais fait accroire qu'elle n'a pas de chef, seulement des « porte-parole ». Le plus connu d'entre eux est le sergent-chef Tuho Fozié. Agé de 38 ans, Mandingue d'Odiénné, dans l'extrême nord-ouest de la Côte d'Ivoire, il était du putsch de Noël, puis dans la garde rapprochée du général Gueï. L'été 2000, lors de la grande scission entre frères d'armes, il échappe à l'arrestation et fuit à l'étranger. Il ne revient que pour participer au « coup de la Mercedes noire », ce qui lui vaut une condamnation par contumace à vingt ans de prison pour « abandon de poste, violation de consigne, atteinte à la sûreté de l'Etat, assassinat, tentative d'assassinat ». Le 1er octobre, onze jours après le début du soulèvement, c'est lui qui révèle le nom que finissent par se donner les rebelles : Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire. C'est au nom du MPCI qu'il négocie avec les médiateurs ouest-africains. Mais il n'est qu'un porte-parole parmi d'autres. Qu'a-t-il en commun avec son alter ego à Korhogo, l'adjudant-chef Massamba Koné, ou avec le caporal Omar Diarrasouba, dit « Zaga-Zaga », les sergents-chefs Iréné Kablan et Souleymane Diomandé, surnommé « la Grenade » ? Il fait partie du premier cercle autour d'« IB », le chef de tous ces sous-officiers déserteurs au sein d'une organisation clandestine, la Cosa nostra. Celle-ci, basée à Ouagadougou, fournit le noyau organisationnel à l'insurrection.
Grâce à un généreux bailleur de fonds, elle a recruté à tour de bras, d'abord dans les pays voisins, ensuite en Côte d'Ivoire. Elle a acheté des uniformes et des pataugas neufs, des armes en grande quantité. Elle a pourvu en numéraire des combattants payant cash, et s'abstenant de piller, pour gagner la bataille des cœurs et des esprits. Leur opération, d'une si grande envergure, a-t-elle pu se monter à l'insu des autorités burkinabés ? Seul « IB », le sergent-chef Ibrahim Coulibaly, est resté à Ouagadougou. Tous ses camarades ont quitté leurs maisons de Somgandé pour faire la guerre en Côte d'Ivoire. Il y a trois semaines, le sergent-chef Fozié occupait encore la villa 1023, au portail blanc. Maintenant, lui et les autres forment l'épine dorsale de la rébellion.
Cependant, les ponts n'ont pas été coupés entre le front et la base arrière : quand un journaliste de l'AFP, Christophe Koffi, soupçonné d'être un espion, a été détenu par la rébellion dans le nord de la Côte d'Ivoire, il a été emmené une nuit dans un convoi, ficelé sur le plateau d'un pick-up, jusqu'à la frontière burkinabé. Là, un homme en civil a traversé la rivière frontalière, la Lerada, sur une petite embarcation, pour s'entretenir, pendant des heures, avec ses compagnons d'armes. Pour Christophe Koffi, ce mystérieux chef rebelle a pris une décision heureuse : le journaliste a été libéré le lendemain. Sollicité par Le Monde, « IB » n'a pas voulu dire si l'on pouvait le remercier pour cette preuve de mansuétude. Peut-être n'avait-il pas envie, surtout, de répondre à la question de savoir s'il se battait pour son propre compte ou pour celui d'un Etat voisin et d'un homme politique ivoirien... »

Messieurs les présidents Hollande et Obama, ainsi parla Le Monde, un quotidien français qui ne peut être soupçonné de sympathie pour le président Laurent Gbagbo et son régime. La vérité historique qui ressort des écrits du quotidien ne fait l’ombre d’aucun doute. Le Burkina Faso (« l’Etat voisin ») de Blaise Compaoré, tête de pont de l’impérialisme français, a servi de base arrière à la rébellion qui a attaqué la Côte d’Ivoire le 19 septembre 2002 pour renverser le régime constitutionnellement établi du président Laurent Gbagbo. L’objectif des rebelles logés, nourris et blanchis dans les villas luxueuses de Somgandé, à Ouagadougou, est de s’emparer du pouvoir d’Etat au profit de d’Alassane Dramane Ouattara, l’« homme politique ivoirien » dont parlent les journalistes français. Il n’est point besoin d’être grand clerc pour le comprendre.

Au moment où paraissait l’article de Stephen Smith, Damien Glez et Vincent Rigoulet, l’appui logistique et opérationnel des gouvernements français de Jacques Chirac et burkinabé de Blaise Compaoré à la rébellion qui semait la mort en Côte d’Ivoire n’était déjà plus qu’un secret de Polichinelle. Messieurs les présidents Hollande et Obama, est-il encore besoin de dire que la crise qui secoue la Côte d’Ivoire n’a pas commencé le 28 novembre 2010 ?

Qu’est-ce que la Cosa nostra ? Quel est l’itinéraire des organisations - Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (Mpci), Mouvement patriotique pour le grand ouest (Mpigo), Mouvement pour la justice et la paix (Mjp), Forces nouvelles (Fn), Forces armées des forces nouvelles (Fafn), etc. - qui en sont issues ? Quelle est, aujourd’hui, l’emprise de la Cosa nostra et de ses démembrements sur la Côte d’Ivoire ? Quelles places occupent leurs hommes dans les hautes sphères de l’Etat ? Et que dire de Luis Moreno Ocampo, le procureur à la fois charlatan et prédateur de la Cpi !
Je suspends ici ma plume, messieurs les présidents. Je reviendrai. Sine die. (A suivre).

Deuxer Céï Angela. L’œil du juste.