LE RETOUR DES EXILES EN COTE D'IVOIRE, A QUEL "PRIX?": (RAPPORT D’UN CONCLAVE DE LA FIDHOP)

Par Correspondance particulière - LE RETOUR DES EXILES EN COTE D'IVOIRE, A QUEL "PRIX".

INTRODUCTION: DU RETOUR DES EXILES IVOIRIENS, SOURCE DE REELLES INQUIETUDES!

Les jeunes Ivoiriens aiment souvent dire en plaisantant: « Chaque mouton à son prix, sur le marché. »
Appliqué au contexte actuel de la situation du retour des Exilés ivoiriens dans leur pays, l'on pourrait se demander, à quel "prix" – c'est à dire, sur la base de quelles conditions – certains exilés (et non des moindres) décident-ils de rentrer individuellement en Côte d'Ivoire?
En effet, l’on se demande comment ont été "goupillés" les retours au pays, de M. Marcel GOSSIO, l'ex-DG du Port Autonome d'Abidjan sous le mandat du Président Laurent GBAGBO; ou celui de M. Alain DOGOU, l'ex-Ministre de la Défense dans ledernier Gouvernement-Gbagbo; ou celui de M. Ouattara GNONZIE, l'ex-Ministre de la Communication dans ce même gouvernement; ou encore celui de l'ex Maire FPI de la commune de Yopougon, M. Jean-Félicien Gbamnan DJIDAN? Pourquoi ces personnalités citées ci-avant sont-elles rentrées avec des tapages médiatiques, quand d'autres ont plutôt préféré rentrer très discrètement? Quels deals ou quelles concessions les uns (comme les unes) et les autres ont-ils accepté de sceller avec le régime-Ouattara?
Dès lors, les centaines de milliers d'Exilés, non nantis, non célèbres, et donc inconnus du grand public, mais qui ont aussi risqué leur vie en soutenant l'ex-Majorité présidentielle (LMP) du Président Laurent GBAGBO, ou qui ont défendu, au prix de leur vie, la décision du Conseil Constitutionnel et la Souveraineté de la Côte d'Ivoire, et qui se sont réfugiés massivement dans les pays voisins et en Occident, ne sont-ils pas en droit d'être angoissés par ces retours des gros bonnets, en s'interrogeant sur leur propre sort?
En effet, ces Exilés sont habités, pour la plupart, par de sérieuses et légitimes inquiétudes. A tel point qu'ils ne savent plus s'il leur faut accepter de rentrer au pays en ce moment, ou s'ils doivent plutôt continuer à subir l'exil, aussi longtemps que le régime-Ouattara les y contraindra.
Ces Inquiétudes des Exilés ivoiriens – car il s’agit en réalité d’inquiétudes plutôt que de ‘’conditions’’ pour le retour – ont été répertoriées et ont fait l'objet d'analyses par une équipe de la Fondation Ivoirienne pour l’observation et la surveillance des Droits de l’Homme et la vie Politique (FIDHOP), sous la conduite de Dr BOGA S. Gervais, à l'occasion d'un Conclave qui s'est tenu les 2 et 3 févriers 2014 à Hambourg, en Allemagne. Motivés essentiellement par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), qui affirme en son Article 9 que « Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé », les membres de la FIDHOP ont relevé ces Inquiétudes et les ont classées en trois grandes catégories, qui constituent l’essence du présent Rapport.
Mais avant de les présenter, et bien qu'elle a souvent réclamé dans ses Communiqués le retour des Exilés ivoiriens dans leur pays, en s'appuyant sur la Constitution ivoirienne qui stipule en son Article 12, qu' « Aucun Ivoirien ne peut être contraint à l'exil », la FIDHOP tient à faire cependant la précision suivante, avec GRAVITE :
« AUCUN EXILE IVOIRIEN N'EST A VENDRE ET NE DOIT JAMAIS ACCEPTER DE L'ETRE!
CAR, C'EST EN RISQUANT SA VIE QU'IL A EU LA GRACE DIVINE DE SORTIR DE LA COTE D'IVOIRE, DANS LES MOMENTS LES PLUS DANGEREUX DE LA CRISE POSTELECTORALE DE 2010, DANS LAQUELLE DE MILLIERS DE CONCITOYENS ONT PERI. CHACUNE ET CHACUN DOIT DONC SAVOIR QUE LA VIE – TOUT COMME LA DIGNITE HUMAINE – N'A PAS DE PRIX ET ELLE NE SE MARCHANDE PAS : IL S'AGIT D'UN DROIT DE L'HOMME FONDAMENTAL! »

I- DE L'INQUIETUDE PRINCIPALE DES EXILES: L'INSECURITE QUI PREVAUT DANS LE PAYS.
Selon l’Article 3 de la DUDH : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. » Et l’Article 5 ajoute : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »
Dans tout Etat de droit, la sécurité des personnes et de leurs biens reposent généralement sur deux piliers principaux de la République: d'une part, les forces chargées d'assurer l'ordre public, à savoir la Police, la Gendarmerie et l'Armée (en cas de nécessité) et d'autre part, la Justice. Lorsque ces deux piliers sont fragilisés, ou partiaux, ou partisans, ou quasiment inexistants – comme cela semble le cas en Côte d'Ivoire depuis l'avènement de M. Alassane OUATTARA au pouvoir –, c'est la République tout entière qui est gravement en danger et les principes de la Démocratie et des Droits de l'Homme qui sont compromis dans ce pays.
Dès lors, tout citoyen doit s'inquiéter pour sa vie et son intégrité physique, ainsi que pour la sécurité de ses biens. Chacun se demandant qui le secourra en cas de violation de ses droits ou de violence sur sa personne.
Or, quelles réalités la Côte d’Ivoire sous M. OUATTARA donne-t-elle à voir au plan sécuritaire ?
1- Une situation alarmante en matière des Droits de l’Homme :
Bien de rapports des organisations nationales et internationales des Droits de l’Homme, ainsi que ceux des Nations Unies, ne cessent de dénoncer la situation alarmante des Droits de l’Homme qui prévaut en ce moment dans le pays. Depuis le renversement du Président Laurent GBAGBO le 11 avril 2011 – et même deux à trois semaines auparavant – ses partisans et sympathisants font continuellement l’objet de traques, d’enlèvements, de tortures ou d’exécutions sommaires et extra-judiciaires. Et il est prouvé que ces violations et crimes émanent principalement des éléments des ex-Forces-nouvelles et des dozos rebaptisés en FRCI (Forces Républicaines de Côte d’Ivoire) par M. Alassane OUATTARA, dans une ordonnance prise à l’Hôtel du Golf, le 17 mars 2011, bien avant son investiture. Et pourtant, cela n’émeut guère le pouvoir actuel !
2- La situation militaire et sécuritaire préoccupante :
La situation des forces de l’ordre en Côte d’Ivoire demeure plus préoccupante, dans la mesure où les FRCI et dozos, qui ont toujours refusé de désarmer, sont aujourd’hui devenus superpuissants, parce que désormais hyper-armés ; face à des Forces de Défense et de Sécurité (FDS), ces forces républicaines qui sont accusées d’avoir été loyales au Président déclaré vainqueur par le Conseil Constitutionnel, sont réduites à néant. La plupart des Policiers, Gendarmes et Militaires sont suspectés, surveillés et désarmés, pour les pluschanceux ; les plus malheureux se retrouvant dans des camps secrets de tortures et de maltraitances physiques, d’où ils sortiront comme des tels en sursis.
3- La Justice ivoirienne : indépendance et crédibilité perdues :
Depuis la crise postélectorale de 2010, la Justice ivoirienne est plutôt vue comme « une Justice des vainqueurs contre les vaincus ». En effet, cette justice est sous contrôle et influence directe du pouvoir centrale, notamment de la présidence de la République dans la gestion des dossiers liés à la crise postélectorale. Ainsi, des centaines de pro-Gbagbo croupissent dans les prisons, sans procès ou sans avoir même rencontré un juge.
En outre, cette justice consacre l’impunité en faveur des FRCI et dozos, qui n’ont jamais fait l’objet d’interpellation, alors qu’ils sont souvent épinglés et dénoncés par les ONGs des Droits de l’Homme, dans plusieurs cas d’exactions, de tortures et d’exécutions sommaires sur des personnes qualifiées de pro-Gbagbo.
Dans un tel contexte, quelles garanties les dirigeants actuels donnent-ils à tous les Exilés, particulièrement aux éléments FDS en exil, pour qu’ils retournent au pays en toute quiétude ? Comment les rassurer qu’aucun Exilé retourné ne sera victime de représailles ni de règlements de compte, discrètement ou nuitamment, à son domicile ? Comment être convaincu que les FRCI et les dozos sont effectivement sous le contrôle des dirigeants du pays, puisque certains d’entre eux continuent de circuler dans le pays avec leurs armes, malgré les sommations des Autorités ? Que fait le gouvernement face à la prolifération des armes légères et la fabrication d’armes par les dozo à Abobo ?
Autant d’Inquiétudes d’ordre sécuritaire, qui méritent que les Autorités actuelles leur trouvent des solutions convaincantes et rassurantes.

II- LES INQUIETUDES LIEES AU CONTEXTE SOCIOPOLITIQUE MENAÇANT POUR 2015.
Selon l’adage, « Les mêmes causes produisent les mêmes effets ! »
Or, comme pour l’élection présidentielle de 2010, qui a occasionné des événements tragiques ayant (justement) obligé des milliers d’Ivoiriens à s’exiler, la présidentielle (hypothétique) de 2015 s’annonce déjà dans un climat sociopolitique confligène, comportant des menaces de chaos plus prononcées que celle du passé.
En voici quelques sujets très angoissants.
1- La Commission Electorale Indépendante, une source de discorde :
Cette CEI a toujours été décriée par la Société civile ivoirienne, à cause surtout de sa mauvaise composition en faveur du pouvoir actuel, déséquilibrée et pléthorique, avec ses avis plutôt partisans qu’impartiaux. Aussi, suite à la crise postélectorale de 2010 dans laquelle cette institution a failli, ce qui lui vaut d’assumer une grande part de responsabilité dans cette crise, la Communauté internationale semble désormais favorable à la recomposition de la CEI. Ceci constitue une exigence à laquelle le régime-Ouattara devra accéder le plus urgemment, si l’on souhaite avoir de vraies élections démocratiques, transparentes et apaisées annoncées pour 2015.

2- Un Conseil Constitutionnel illégal, illégitime et partisan :
Tel que reconstitué par le Président OUATTARA, le Conseil Constitutionnel ivoirien soulève de sérieux problèmes de légalité, de légitimité et d’équitabilité. En effet, sans que leur mandat ne soit venu à son terme conformément à la Constitution ivoirienne en vigueur, les membres de cette institution nommés par le Président déchu ont été remplacés.
Mais surtout, alors que l’ex-président du Conseil, le Pr Paul YAO-N’DRE, a été taxé par le Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) soutenue par la Communauté internationale, d’être un proche de M. GBAGBO et un membre de son parti, le Front Populaire Ivoirien (FPI), une des raisons évoquées pour ignorer la décision déclarant le candidat LMP vainqueur du scrutin de 2010, son remplaçant est lui aussi un allié du pouvoir actuel. En effet, bien avant de se rallier publiquement au candidat Alassane OUATTARA pour le second tour de la présidentielle de 2010, suite à son échec en tant que candidat au premier tour, le Pr Francis WODIE et sa tendance du Parti Ivoirien des Travailleur (PIT), s’était officiellement déclaré un allié du RHDP.
Dès lors, ce Conseil Constitutionnel, qui est donc passé d’un camp à l’autre, ne paraît guère rassurant pour garantir des élections crédibles en 2015. Ce qui constitue une grande inquiétude pour chaque Ivoirien et particulièrement pour les Exilés. Cette institution devra donc être dissoute et reconstituée sur la base d’un consensus national.
3- La Constitution ivoirienne du 1er août 2000 et son (fameux) Article 35 :
L’actuelle Constitution ivoirienne, qui a toujours divisé la société, pourrait être la source principale d’un chaos qui s’annonce autour de la présidentielle prochaine.
En effet, c’est sur la base de cette loi fondamentale, qui fut adoptée par référendum en juillet 2000, à 86% des votants pour un taux de participation estimé à 56% des Ivoiriens, avec l’avis favorable de tous les grands partis politiques que sont le PDCI-RDA de M. BEDIE, le FPI de M. GBAGBO et le RDR de M. OUATTARA, que les candidatures à la présidentielle de 2000, de MM. Alassane D. OUATTARA et Henri Konan BEDIE ont été rejetées par la Cour Suprême alors présidée par M. TIA KONE. Lors de la présidentielle de 2010, dans un souci de paix tant recherchée, l’ex-Chef de l’Etat a été amené à user de l’Article 48 de cette même Constitution, afin de rendre M. OUATTARA éligible, de façon « exceptionnelle ».Et cette Constitution n’a pas changée ! Elle demeure toujours en vigueur. Et son Article 35 n’a pas été modifié non plus. Pourtant, l’actuel Chef de l’Etat déclaré inéligible hier en application de cet Article 35, s’est déjà proclamé candidat pour 2015. Sur quelles bases ?
Telles sont les grandes inquiétudes d’ordre sociopolitique qui angoissent la plupart des Ivoiriens et particulièrement les Exilés. Ces questions nécessitent un réel consensus national à engager entre les forces vives de la Nation, au cours d’un Dialogue national.

III- LES INQUIETUDES RELEVANT DE L’ABSENCE TOTALE DE MESURES D’ACCOMPAGNEMENT POUR CHAQUE EXILE.
Il s’agit (ici) des problèmes existentiels et de Droits fondamentaux de l’Homme auxquels chaque Exilé se trouvera confronté s’il décidait de rentrer dans son pays, malgré ses inquiétudes d’ordre sécuritaire et politique évoquées plus haut. Ce sont des questions vitales pour lesquelles les gouvernants actuels de la Côte d’Ivoire, s’ils souhaitent vraiment le retour de tous les Exilés, devront prendre des mesures spéciales et urgentes.
Voici quelques problèmes clés à résoudre :
1- Le problème des domiciles occupées ou perdus : comment aider l’Exilé à se reloger décemment à son retour au pays ?
2- Le problème des ressources minimales pour survivre : considérant que la majorité des Exilés est sans ressources financières, du fait aussi du gel des avoirs de certains, une fois retourné au pays, comment se nourrir ; comment se vêtir ; comment se soigner, se déplacer … ?
3- Le problème des emplois perdus, dans le privé comme dans la fonction publique :
Cas des fonctionnaires absents depuis fin 2010, dont les salaires sont suspendus ;
Cas des employés du privé absents depuis et sans salaires ;
Cas des Militaires, Gendarmes, Policiers et Douaniers aux salaires et grades suspendus ;
Cas des élèves et étudiants dont l’évolution scolaire et académique, ainsi que les diplômes ont été paralysés par l’exil…
Toutes ces préoccupations méritent d’être prises en compte par le Gouvernement ivoirien, afin de leur apporter des solutions concrètes et globales pour tous les Exilés, sans discrimination aucune.
Ceci est une ‘’injonction’’ de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), en son Art.25 (alinéa1) : « Toute personne a droit à un niveau de viesuffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. »

EN GUISE DE CONCLUSION :
Considérant que l’exil constitue une violation des Droits de l’Homme ;
Considérant que la Constitution ivoirienne interdit l’exil pour tout Ivoirien ;
Considérant que le retour des Exilés en Côte d’Ivoire serait un acte fort de décrispation de la vie sociopolitique et de Réconciliation nationale – au même titre que la libération de tous les prisonniers politiques ;
Espérant que le régime au pouvoir et le Chef de l’Etat Alassane OUATTARA envisagent le retour des Exilés avec la bonne foi (et non dans un but de faire de la propagande politicienne) ;
Vu que les Exilés Ivoiriens sont dans l’ensemble favorables à l’idée d’un retour dans leur pays si toutes leurs inquiétudes sont levées ;
La Fondation Ivoirienne des Droits de l’Homme et la vie Politique (FIDHOP) adopte ce qui suit.
1- La FIDHOP adhère totalement au principe du retour de tous les Exilés ivoiriens dans leur pays et le soutient !
2- La FIDHOP demande aux dirigeants actuels des gages clairs et rassurants concernant la sécurité des Exilés qui retourneront en Côte d’Ivoire.
3- La FIDHOP exhorte très vivement l’ensemble de la classe politique ivoirienne et la Société civile à ouvrir un Dialogue national franc et républicain, autour des sujets qui ‘’polluent’’ la vie sociopolitique et menacent de nouveau la Paix à l’horizon 2015 ; notamment les sujets des FRCI et dozos, de la CEI, du Conseil Constitutionnel et de l’Article 35 de la Constitution.
4- La FIDHOP invite enfin le Gouvernement à dialoguer de façon directe avec les représentants des Exilés eux-mêmes, en présence de membres de l’opposition politique ivoirienne et de la Société civile, afin de les rassurer et de les encourager à rentrer dans leur pays, en vue de contribuer à sa reconstruction et à son « émergence ».
Car ces Exilés méritent un accueil national, digne des « Filles et Fils prodiges » !
Fait à Hambourg, en ALLEMAGNE, les 02, 03 fév. 2014
Pour le Conclave de la FIDHOP:

Dr BOGA SAKO GERVAIS
Président-Fondateur de la FIDHOP