La CPI et la constitution des Etats – Enjeux et intérêts: Contribution à l’intervention de Louise Mushikiwabo, ministre rwandaise des Affaires Etrangères au NewYork Forum Africa 2013

Par Correspondance particulière - Contribution à l’intervention de Louise Mushikiwabo, ministre rwandaise des Affaires Etrangères au NewYork Forum Africa 2013.

La CPI et la constitution des Etats – Enjeux et intérêts: Contribution à l’intervention de Louise Mushikiwabo, ministre rwandaise des Affaires Etrangères au NewYork Forum Africa 2013

LA CPI ET LA CONSTITUTION DES ÉTATS
(UNE CONTRIBUTION À L'INTERVENTION DE LOUISE MUSHIKIWABO MINISTRE RWANDAISE DES
AFFAIRES ÉTRANGÈRES A NEW YORK FORUM AFRICA 2013)
Ivoirebusiness nous rapporte dans son article du 19/06/2013 des extraits de ce forum où
nous voyons la ministre rwandaise des Affaires étrangères contredire les propos de la procureure
Fatou Bensouda. Nous ne pouvons percevoir l'enjeu de ce débat que si nous saisissons mieux les
intérêts que défendent les deux protagonistes de ce Forum. La ministre des Affaires étrangères
rwandaise, au coeur de la diplomatie internationale, ne peut qu'être mécontente de la manière dont
les États africains sont traités sur la scène internationale. Elle ne défend ici que la dignité des
Africains dont celle du président Laurent Gbagbo, le Chef d'État de la Côte d'Ivoire dont l'élection
est attestée par MEDIAPART, un groupe dont la crédibilité est reconnue sur le plan international.
Haute personnalité politique de son pays, Louise Mushikiwabo sait de quoi elle parle. Fatou
Bensouda, fonctionnaire internationale, d'origine africaine, défend, quant à elle, au-delà de son
Institution: la CPI, sa carrière professionnelle. Pour cette dernière, la Cour pénale internationale a
été créée par la Communauté internationale qui n'est pas sous la houlette des grandes puissances.
L'Afrique a poussé à la création de la CPI, le premier pays à ratifier le statut de Rome fut le
Sénégal. La Ministre africaine trouve qu'il est malhonnête d'affirmer que la CPI ne s'acharne pas
contre les Africains. Elle soutient au contraire que les Européens utilisent la CPI pour manipuler
l'Afrique, ce dont l'Afrique n'a pas besoin. Elle exhorte indirectement les Africains à lutter contre le
colonialisme judiciaire. Le contentieux électoral ivoirien, qui oppose, jusqu'à ce jour, le président
Laurent Gbagbo à Alassane Ouattara, est un fait politique, qui confirme la manipulation du Droit
international (la CPI) par l'Occident. L'adoption du statut de la Cour pénale internationale (CPI) à
Rome le 17 juillet 1998, 38 ans après nos indépendances, s'est faite dans un climat politique
particulier. Les milieux d'affaires internationaux ainsi que les nations européennes, qui financent les
organisations internationales et les pays africains ont certainement posé comme préalable aux
investissements dans nos pays en voie de développement, la ratification de ce statut qui leur a
toujours permis de contrôler nos appareils judiciaires. L'adoption du statut de Rome, qu'on le veuille
ou non, fut indirectement imposée aux Africains qui étaient encore sous l'ère des partis uniques: les
présidents africains étaient invités, en général, à obéir aux métropoles, au doigt et à l'oeil, de peur
d'être victimes de coups de force. Ce mécanisme cruel a été seulement peaufiné, et nous assistons
aujourd'hui au "colonialisme judiciaire", selon les termes de la ministre rwandaise des Affaires
étrangères, qui sont appropriés au contexte que nous vivons. Alassane Ouattara arrive au pouvoir
grâce aux armes, aux soldats de l'Armée française, sous la tutelle de l'ONU, et il demande à la CPI
de le débarrasser de son adversaire politique, en l'accusant de crimes contre l'humanité. La CPI
s'empresse de le faire, et l'on nous parle de Droit international. Quel homme politique au monde ne
se servirait pas d'une telle machine judiciaire pour se débarrasser de son adversaire politique? Il
suffit de voir tous les emprisonnements d'hommes politiques, et de soldats républicains dont le
Général Dogbo Blé, en Côte d'Ivoire, pour s'en rendre compte. Avec l'avènement de Sarkosy à la
tête de la France, un avocat des affaires, le Droit international a été le meilleur bouclier pour
installer au pouvoir les Africains assimilés, prêts à défendre les intérêts du monde des affaires de la
Nation française. Pour les mêmes crimes contre l'humanité dont sont accusés les partisans
d'Alassane Ouattara par les Organisations internationales, la CPI reste muette, inactive. Il ne s'agit
pas de rendre complexes des faits politiques que nous observons tous de manière quotidienne. Que
dit la CPI au sujet de tous ces emprisonnements d'hommes politiques, de soldats républicains en
Côte d'Ivoire? Tout se fait-il selon le Droit international? Après la ratification du statut de Rome, les
pays occidentaux, assez futés, ont pris, tout de suite, des mesures juridiques, afin de ne pas être
inquiétés par la Cour pénale internationale. Toute ratification de clauses internationales exige de la
part des pays qui s'y soumettent, de manière délibérée, certaines précautions: l'entrée en vigueur du
statut de la Cour pénale internationale nécessitait, en effet, une certaine révision constitutionnelle.
Certaines dispositions du Statut de la Cour pouvaient en fait être contraires aux Constitutions des
États qui les avaient ratifiés. Une décision du Conseil Constitutionnel français du 22 janvier 1999 a
justement déclaré certaines dispositions du statut de Rome contraires à la Constitution française, et
a demandé une révision constitutionnelle avant la ratification de ces dispositions. Le Conseil
constitutionnel français a relevé trois motifs de non-conformité relatifs surtout à l'article 27 du statut
de la CPI intitulé: «Défaut de pertinence de la qualité officielle». Cet article de la Cour pénale
internationale prévoit une responsabilité pénale possible pour tous, y compris les titulaires de
charges officielles. Pour le Conseil constitutionnel français, cette disposition est contraire aux
articles 26, 60 et 68-1 de la Constitution française parce que les parlementaires français ou les
membres du gouvernement, et le président de la République, en particulier, bénéficient d'immunités.
Une telle disposition priverait la France de sa souveraineté. L'article 68 stipule en fait que le
président de la République française n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses
fonctions qu'en cas de haute trahison, et qu'il n'est jugé, dans un tel cas, que par la Haute Cour de
justice. L'Article 68-1 souligne que les membres du gouvernement responsables des crimes et délits
commis dans l'exercice de leurs fonctions sont jugés par la Cour de justice de la République.
L'article 26 indique que tout député français doit avoir son immunité levée par le Parlement français
avant d'être arrêté pour des crimes. Grâce à une telle révision constitutionnelle, les pays
Occidentaux ne peuvent être influencés par l'article 27 du statut de la Cour pénale internationale.
Nous nous demandons, sur-le-champ, pourquoi les États africains ne peuvent-ils pas entamés une
telle révision constitutionnelle pour protéger aussi leurs autorités politiques, qui sont victimes,
comme le président Laurent Gbagbo, d'une certaine injustice internationale, à cause de leur vision
politique, économique du monde différente de celle des Occidentaux? Il suffit de parcourir les
événements politiques en Côte d'Ivoire pour le comprendre. Le Président Laurent Gbagbo,
conscient de notre immaturité politique, avait accordé l'Amnistie aux rebelles, partisans d'Alassane
Ouattara, qui avaient commis en 2002 des crimes contre l'humanité, à l'endroit des populations
civiles, afin d'instaurer un dialogue entre les Ivoiriens. Avec Alassane Ouattara installé par les
puissances occidentales, la crise ivoirienne a pris une dimension internationale: le président Laurent
Gbagbo fut arrêté et conduit à la CPI avant une ratification concrète du Statut de Rome, qui pouvait
attendre une certaine révision de la Constitution ivoirienne. Les efforts du président Laurent
Gbagbo ont été simplement minés par la politique française dont le but est d'étouffer cette volonté
politique orientée indubitablement vers une indépendance véritable de nos États africains, vers la
signature d'accords gagnant-gagnant. L'armée française et les rebelles qui avaient bénéficié d'une
amnistie ont bombardé la résidence d'un Chef d'État africain, qui fut ensuite transféré à la CPI. Une
telle attitude ne confirme-t-elle pas le fait que la CPI soit sous la houlette des grandes puissance?
Une Cour qui s'acharne à condamner un Chef d'État africain après un NON-LIEU, n'est-ce pas un
désir affiché d'annihiler toute volonté d'indépendance des Africains? Le Conseil Constitutionnel
français s'est opposé à l'article 27 de la Cour pénale internationale dans le but de protéger sa
souveraineté internationale, tandis que la souveraineté des États africains est bafouée. Un député
français est plus protégé par le Droit international qu'un Chef d'État africain. Lutter pour le
président Laurent Gbagbo et pour la dignité des africains, c'est lutter pour l'universalité des Droits
de l'homme, car nous devons tous être égaux devant la Loi; un principe universel que ne semble pas
respecter la CPI, jugez-en vous mêmes.

Isaac Pierre BANGORET
(Écrivain)