Interview/ Stéphane Kipré, président de l’UNG : « Cela fait plus de quatre ans que la Côte d’Ivoire est sous une dictature virulente »

Par IvoireBusiness - Interview/ Stéphane Kipré, président de l’UNG : « Cela fait plus de quatre ans que la Côte d’Ivoire est sous une dictature virulente ».

© Partis Politiques par DR. Stéphane Kipré, président de l`Union des Nouvelles Générations (UNG).

Monsieur le président, comment se porte l'Union des Nouvelles Générations (UNG), la formation politique dont vous êtes le président-fondateur?

Je tiens avant tout à vous remercier de l’opportunité que vous me donner de parler de l’Union des Nouvelles Générations et de la situation socio-politique en Côte d’ivoire qui est alarmante.
Notre parti se porte bien ! Il a traversé plusieurs moments difficiles dus à l’arrestation de plusieurs de nos responsables mais il ne s’est pas cassé et nous continuons aussi bien en Côte d’Ivoire que dans la diaspora à installer des bases et former nos militants sur les défis à venir.

Votre parti est en profonde restructuration avec le changement à la tête de la jeunesse et l’investiture récemment du bureau national des femmes de l’UNG. 2015 est une année électorale. Peut-on savoir à quoi répondent toutes ces mutations au sein de l’UNG ?

Notez tout d'abord à vous dire que l'UNG n'est pas "en profonde restructuration". Il ne s'agit pas ici de réorganiser des structures qui seraient inadaptées! Non... Il s'agit plutôt d'apporter une modification à la tête des ces deux structures, en l'occurrence le bureau de la jeunesse et celui des femmes, sans toutefois en changer les soubassements et les principes. Donc l'on peut parler ici de simple changement mais aucunement de "profonde restructuration" dans le but d’apporter une nouvelle dynamique tout en saluant le travail abattu par les camarades qui ont passé le flambeau. Principalement le camarade Dagnogo Aboubakar, ex président des jeunes promu secrétaire général adjoint et encourager les camarades Zagol Alain Durant pour les jeunes et Fallone Keita au niveau des femmes qui prennent la relève. Par ailleurs, effectivement 2015 est une année électorale et ma position concernant la participation aux élections est connue. Nous estimons que certaines conditions quant à la participation à celles-ci ne sont pas remplies pour que nous nous sentions concernés.
De ce fait donc, les mutations au sein de l'UNG ne peuvent être mises en corrélation avec l'année électorale de 2015 car l'UNG se forme et se prépare aux défis à venir et c’est à cela que répondent ces mutations.

Cela fait plus de quatre ans maintenant que vous êtes en exil. A quand votre retour au pays?

Cela fait plus de quatre ans que la Côte-d'Ivoire est sous une dictature virulente. À quand la fin de cette dictature? À quand la liberté d'expression effective en Côte d'Ivoire? À quand la libération de tous les prisonniers politiques en Côte d'Ivoire? À quand la fin de cette justice partiale, de cette justice des vainqueurs? À quand l'instauration de réelles garanties de sécurité pour le retour des exilés dans leur très cher pays? ... Comprenez que ma réponse se trouve dans les interrogations que je viens d'exposer. Ce qui est le plus important aujourd’hui pour moi mais surtout pour tous les ivoiriens, ce n’est pas le retour de Stéphane Kipré en Côte d’Ivoire mais le retour de la liberté et de la démocratie et c’est ce combat que nous menons quel que soit notre situation géographique.

Plusieurs cadres pro-Gbagbo sont rentrés en Côte d'Ivoire, suite à l'appel du président Ouattara. Vous êtes encore en exil. Qu'est-ce qui vous retient à l'extérieur du pays?

Je tiens tout d'abord à dire qu'il ne suffit pas seulement de lancer un appel pour que les exilés rentrent! Il faut que cet appel soit assorti de garanties effectives de sécurité, d'absence de représailles mais force est de constater que certains exilés mettent fin à cette rude épreuve qui est l'exil pour atterrir dans une prison à ciel ouvert qu'est devenue la Côte d'Ivoire. Faites le point de tous ceux qui sont rentrés d’exil et vous conviendrez avec moi que soit tu rentres, tu deviens une marionnette que le pouvoir peut utiliser à sa guise pour faire croire que la réconciliation avance, soit tu gardes une attitude de dénonciation des tares du régime et dénonce toutes les tentatives d’inféodation et tu te retrouves en prison. Les Ivoiriens qui comme moi ont été contraints à l'exil, l'ont été pour une seule raison: le régime totalitaire de monsieur Ouattara ainsi que la violence inouïe de ses bandes armées dont l'on attend toujours le désarmement d'ailleurs. Lorsque cette autocratie sanguinaire prendra fin, vous verrez que plus rien ne retiendra personne à l'extérieur du pays.

L'UNG a adhéré à l'Alliance des forces démocratiques (Afd), pour, ensuite se retirer. Quelles en sont les raisons ?

Effectivement nous avons adhéré à l’Alliance des Forces Démocratiques (AFD) parce qu’il s’agissait de se battre ensemble pour le retour des libertés et de la démocratie. Il s’agissait de créer une force politique qui par des actions populaires, diplomatiques et pacifiques contraigne le pouvoir à prendre en compte nos revendications dans le cadre du processus de réconciliation et à cet effet, nous avions adopté une feuille de route. Mais nous nous sommes rendus compte que certains d’entres nous se servaient de cette structure pour contourner les organes statutaires de leur parti politique dans le but d’escorter M. Ouattara à des élections pour le légitimer. Nous avons refusé de nous associer à cette trahison du peuple de Côte d’Ivoire et nous sommes sorti de cette alliance.

Quelle lecture faites-vous de la crise au FPI, votre allié?

Je me suis longuement prononcé sur la crise qui a secoué le Front Populaire Ivoirien auquel nous sommes alliés. Je pense que l’élection du président Gbagbo (NDLR : à la tête du FPI) que j’ai d’ailleurs félicité lors de mon récent voyage à La Haye permet de fermer cette parenthèse et se consacrer à la priorité des Ivoiriens qui consiste à créer des conditions de vie meilleures.

D'aucuns vous soupçonnent de tirer aussi les ficelles de cette crise. Vous sentez-vous concerné?

C’est me faire trop d’honneur que de penser que je puisse manipuler tous ces cadres du FPI qui ont retiré leur confiance à l’ex président de ce parti. Ni moi, ni mon parti n'avons d'intérêt à tirer les ficelles ou à tirer profit ou à enflammer la crise qui touche le FPI, parti frère. J’estime que le seul interlocuteur face à M. Ouattara est et demeure le président Laurent Gbagbo. Cela est notre conviction. Ce sont les idées et la ligne politique du président Laurent Gbagbo qui ont achevé de nous convaincre de le soutenir et d'adhérer à la LMP.
Je n’ai aucun pouvoir, ni aucun droit encore moins de marge de manœuvre pour m'ingérer et mettre mon grain dans les affaires intérieures d'un autre parti politique, de surcroît un parti politique frère. Lorsque le FPI se déchire, c'est toute notre coalition qui s'affaiblit et qui est affectée donc je ne me sens aucunement concerné par ces accusations fallacieuses.
Si vous voulez savoir ceux qui tirent les ficelles de cette crise, regardez ceux dont les avoirs sont dégelés, ceux dont les sanctions sont levés, ceux que la justice de M. Ouattara caresse dans le sens des poils, ceux qui sont donc friands du jeu des marionnettes, regardez et observez bien ceux à qui profite cette crise!

Vous installez des missions de l'UNG à travers l'Afrique et l'Europe. A quoi répondent ces actions?

Force est de constater que les militants de l'UNG ne se trouvent pas seulement en Côte d'Ivoire. Il est donc intéressant pour nous que notre parti soit implanté dans d'autres pays en Afrique, en Europe partout dans le monde afin de porter une attention particulière à tous nos militants pour que leur formation soit effective pour les défis à venir.
Mais sachez aussi qu’un représentant à l’étranger est l’ambassadeur de nos idées dans son pays de résidence alors il abat un grand travail diplomatique et nous fait profiter des réussites de ce pays dont nous pouvons nous inspirer pour perfectionner notre projet de société qui permettra à notre pays d’être une locomotive de développement pour l’avènement de la Côte d’Ivoire des nouvelles générations.

Vous êtes l'un des privilégiés du président Laurent Gbagbo à avoir accès à lui dans son lieu de détention à La Haye. Comment va-t-il ? Que pense-t-il de la situation au FPI ?

Le président Gbagbo se porte bien moralement et idéologiquement. Comme il nous l’a déjà dit, tant que son peuple tient, il tient. Il sait qu’un jour la vérité éclatera sur les évènements qui se sont déroulés dans notre pays ces dernières années. En ce qui concerne la situation au FPI, président à été élu alors il ne m’appartient pas de dire maintenant ce qu’il pense de ce qui s’y déroule.

Le procès de Laurent Gbagbo s’ouvre bientôt. Vous qui le voyez régulièrement, quel est son état d’esprit ?

Le président Gbagbo est dans le même état d’esprit que lorsqu’il subissait les bombes françaises dans sa résidence le 11 avril. Sa foi en l’avenir et en l’éclatement de la vérité n’a pas varié d’un iota. Le président Gbagbo est un combattant de la liberté et de la souveraineté africaine mais aussi et surtout un combattant de la dignité. Il sortira de cette prison coloniale totalement réhabilité.

Lors de son 3ème congrès extraordinaire à Mama, le FPI a décidé de ne pas aller aux élections de 2015 tant que la réconciliation nationale n’est pas une réalité dans le pays. Partagez-vous cet avis ?

Je partage complètement cet avis et le défend d’ailleurs depuis plusieurs mois bien avant le congrès du FPI. Comme je vous le disais tantôt, dans les conditions actuelles, nous ne nous sentons pas concernés par les élections de 2015.
La réconciliation nationale n'est pas effective dans notre pays ni la liberté d'expression, ni le désarmement des forces armées et des milices de Ouattara, ni la libération de tous les prisonniers politiques qui croupissent en prison en violation de leurs droits les plus élémentaires ni le retour des exilés faute de garanties effectives de sécurité! Dans un tel climat, comment peut-il y avoir des élections libres et transparentes en Côte d'Ivoire avec une Commission Electorale Indépendante et une Conseil Constitutionnel totalement sous le contrôle de M. Ouattara ? De grâce, ne nous leurrons pas!

Le pouvoir d’Abidjan a procédé à une vague d’arrestation des cadres du FPI dont Dano Djédjé, Hubert Oulaye et Koua Justin. Avant eux il y a eu Lida Kouassi, Assoa Adou et Raphaël Dogo. Que pensez-vous des agissements du pouvoir et pensez-vous que les cadres du FPI n’ont rien à se reprocher ?

Le pouvoir d'Abidjan est dans sa logique de régime totalitaire. Cela ne m'étonne même pas! Des arrestations arbitraires sans preuve, sans enquête, sous le fameux vocable de « troubles à l'ordre public »... Quoique pour innover cette fois, à l'endroit du ministre Hubert Oulaye dont l'on apprend que la cellule de sa prison n'est guère ventilée alors qu'il souffre d'hypertension artérielle, de diabète et qu'il est privé de médicaments, l'on l'accuse de "complicité d'assassinats des soldats de l'Onuci en 2012"! Sans enquête, sans preuve, sans savoir qui est l'auteur de ces crimes pour que l'on l'accuse d'en être le complice! Comprenez que les agissements du pouvoir d'Abidjan sont les agissements d'un régime totalitaire, d'un régime dictatorial... Au vu de ces accusations qui dépassent l'entendement, pourquoi les cadres du FPI auraient quelque chose à se reprocher puisque nous savons tous que le pouvoir a toujours eu la volonté d’accuser dans le but de faire taire ceux qui refusent de se renier face à cette dictature.

Quel regard portez-vous sur la gestion de Ouattara, au terme de son mandat ?

Quel regard voulez vous que je porte sur la gestion de Ouattara quand on sait qu’il a promis 5 universités en 5 ans, l'accouchement gratuit, 1 million d'emplois en 5 ans mais que constatons nous plus de 4 ans plus tard? Aucune de ses promesses phares n'a été respectée si ce n’est un pays surendetté à plus de 7000 milliards de FCFA malgré l’annulation d’une bonne partie de la dette extérieure il de cela 4ans dans le cadre du PPTE. Les conseils régionaux, instruments supposés de développement n’ont jamais pu fonctionner et pendant ce temps, nous assistons à la vente et au rachat par les mêmes de tout ce qui est société et patrimoine de l’Etat. Un peu comme lors du premier passage de Ouattara en côte d’Ivoire en tant que premier ministre. Ceci n’est pas seulement mon regard personnel mais celle du peuple de Côte d’Ivoire et qui l'affirme par tous ces mouvements sociaux. En conclusion Sur la gestion de Ouattara, je porte un regard attristé! Je suis profondément affecté parce que ce monsieur n'est pas la solution de la Côte d'Ivoire mais plutôt le nœud du problème de notre chère patrie.

L'UNG et les élections en 2015, que dit son président?

Je vous ai déjà donné mon avis personnel dans les questions précédentes mais le parti se réunira en convention pour se prononcer officiellement. Retenez simplement que nous n’accepterons jamais d’escorter Ouattara à une élection en sachant que toutes les conditions sont remplies afin qu’il fraude en toute impunité. Nous allons nous battre pour obtenir des conditions libres et transparentes pour tous sans omettre les conditions liées à la précédente crise post-electorale.

Avez-vous un avis sur l'appel de Daoukro lancé par le président Bédié et les réactions que cela suscite au Pdci-Rda?

C’est aux militants du PDCI qu’il faut demander ce qu’il pense du fait que Ouattara se sachant minoritaire exige que ce parti ne présente pas de candidat pour le soutenir dès le premier tour. Je pense que plusieurs voix se sont déjà élevées au sein du PDCI pour contester cet appel. Quant à moi, cela me laisse de marbre car en 2010, le président Gbagbo a battu la même coalition avec les mêmes acteurs lors du second tour de la présidentielle.

Que pensez-vous des candidatures déclarées au Pdci-Rda, notamment celle de Banny, Essy Amara et KKB, aux élections présidentielles de 2015?

C’est leur droit le plus absolu de sa déclarer candidat s’ils estiment avoir un projet pour les ivoiriens. Maintenant, il est temps de se battre pour obtenir des élections libres et transparentes.

Le procès en Assises des personnalités proches du président Laurent Gbagbo rendu son verdict récemment en condamnant Simone Gbagbo et des collaborateurs civils et militaires de l’ancien régime à de lourdes peines d’emprisonnement. Croyez-vous que ce verdict est l’émanation de la vérité sur la crise ivoirienne ?

Ce procès en assises fut une parodie de procès! Une pure comédie!... Ce verdict inique n'est évidemment pas l'émanation de la vérité sur la crise ivoirienne...

Le chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara a décidé de ne pas livrer les chefs de guerre de l’ex-rébellion armée à la CPI. Quel commentaire vous inspire cette décision d’Alassane Ouattara ?

Les autorités ivoiriennes ont refusé de livrer la première dame Simone Gbagbo, exprimant ainsi leur volonté de la juger en Côte d'Ivoire. Elle a effectivement été jugée au pays!
M. Ouattara a décidé de ne pas livrer les chefs de guerre de sa rébellion armée à la CPI, quand est-ce qu'aura lieu donc leur procès en Côte d'Ivoire? Hormis, cela la CPI n'est faite que pour les pro-Gbagbo?... Quand nous parlons de justice partiale, de verdict inique, de justice des vainqueurs, nous savons de quoi nous parlons!

Il est de plus en plus question d’une coalition de l’opposition qui réunit le FPI, Lider de Koulibaly Mamadou et certains candidats déclarés aux élections de 2015 dont Banny, Essy Amara et KKB afin de revendiquer les conditions d’élections justes, transparentes et ouvertes à tous. L’UNG partage-t-elle cette vision de l’opposition ?

Sur le principe, l’UNG partage toutes les initiatives qui vont dans le sens d’arracher plus de liberté et de démocratie au régime Ouattara. Nous avons reçu la charte, nous l’étudions et le parti se prononcera officiellement.

En résumé, il faut des assises nationales qui règlent tous les problèmes liés à la crise post-electorale de 2010 avant de s’engager dans de nouvelles élections afin de nous éviter tous les morts que nous avons connus.

La question de l’éligibilité de l’actuel chef de l’Etat refait surface. Au RHDP on parle même de modification de l’article 35 de la constitution parce que porteur de germes de division. Quel est l’avis du président de l’UNG sur cette question ?
M. Alassane Dramane Ouattara n'est pas éligible. Et cela n'est seulement mon avis en tant que président de l'UNG mais c'est tout simplement une réalité.
Si comme vous le dites, l'on parle de modification de l'article 35 de la constitution au sein du rhdp, c'est que explicitement, ils reconnaissent que celui qui porte leurs aspirations n'est pas éligible! Sinon lorsque l'on se sait éligible, lorsque l'on est en droit de briguer un mandat pour accéder à la magistrature suprême, l'on est serein, l'on envisage pas de modification de la constitution à l'approche des élections, l'on n'enferme pas ses opposants politiques qui assurément vous balanceront au visage votre inéligibilité, l'on ne bâillonne pas le peuple car c'est lui qui décide, c'est qui fait son choix en toute liberté, en toute indépendance.
C’est parce que Ouattara n’est pas éligible, qu’il le sait et nous aussi que nous proposons depuis de nous asseoir pour discuter à propos des élections à venir.

Source: Communication UNG