Interview / Georges Tai Benson, ex-animateur à la Télévision ivoirienne :"On m’a trainé dans la boue. Je veux être lavé par la vérité avant de mourir"

Par L'Intelligent d'Abidjan - Interview de Georges Tai Benson, ex-animateur à la Télévision ivoirienne.

Georges Tai Benson.

Cinquante ans de télévision. Le journaliste Georges Taï Benson (GTB) fêtera le 19 décembre 2014 son jubilé. Une célébration qu’il place sous le sceau de la Réconciliation, de la paix – pas pour faire du suivisme, et de la formation. Dans cette interview qu’il nous a accordée, GTB, le producteur prolixe revient sur les années qui ont marqué son parcours depuis 1964. Ses souvenirs sont marqués de joies et d’amertumes et il veut être lavé de certaines contre vérités avant de disparaître car confie-t-il en larmes, «j’ai été traîné dans la boue». Employé à l’époque du Pdci, selon ses termes, sans avoir appartenu à un quelconque bureau de ce parti, il raconte Félix Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié, feu Guéi Robert, Laurent Gbagbo, son ami d’enfance qui a fait de lui, pendant qu’il était «dans l’errance», son conseiller chargé de la culture à la présidence de la République. «Tous m’ont utilisé pour mes qualités parce que j’étais le meilleur. J’ai fait mon travail et j’en suis ressorti sans avoir pris une carte de parti», soutient-il. Après avoir baigné dans le mirage de la télévision et avoir connu le succès, il vit «dans des conditions exécrables, dans une cour commune» à Yopougon. Mais, il ne se considère pas au garage et continue de proposer ses services.

Interview / Georges Tai Benson, ex-animateur à la Télévision ivoirienne :"On m’a trainé dans la boue. Je veux être lavé par la vérité avant de mourir"

A l’occasion du lancement le 6 juin dernier à l’Istc des festivités marquant 50 ans de télévision le 19 décembre 2014, vous avez choisi de placer cette célébration sous le sceau de la réconciliation, de la paix et de la formation. La formation manque-t-elle aujourd’hui selon vous ?

Je pense que la bonne formation, idoine et adéquate pour bien exercer ce métier manque beaucoup. Je ne dis pas qu’il n’y en a pas ! Il y a des établissements coffre- fort qui attirent beaucoup de jeunes gens et dont le contenu de la formation – je pense – n’est pas à la hauteur qu’il faut. Modestement, je veux encourager les jeunes à accepter, d’abord, d’être formé et choisir la bonne formation. C’est pour cette raison que j’ai choisi comme lieu de ce lancement l’Institut des sciences et technologies de la communication (Istc) au lieu d’un hôtel huppé de la place. L’Istc est l’un des meilleurs instituts de la place. J’ai choisi la formation parce que je veux susciter des vocations. J’ai toujours dis que je souhaiterais être célébré de mon vivant. Donc, je manque de modestie lorsque je parle de moi mais j’en suis fier. Je voudrais que les jeunes aient en face d’eux un exemple dans leur métier, comme moi j’ai voulu ressembler à Joseph Diomandé.

Cette cérémonie de lancement de votre jubilé s’est-elle déroulée comme vous le vouliez? En êtes-vous satisfait ?

Le petit couac que j’ai noté ce sont les journalistes. Si j’avais dit que je faisais une déclaration politique, j’en aurais eu 800 à cette cérémonie. Des invitations ont été envoyées, ils ne sont pas venus parce qu’il ne s’agissait pas de politique et de prise de position pour insulter un tel ou telle personnalité. Il n’y a pas que la politique. Hélas ! La politique existe et elle détruit beaucoup de choses. Je veux parler du futur, des valeurs, de formation, de culture, de production, d’animation, de réalisation, de documentaire – Je veux parler télévision. C’est pour cette raison que j’ai choisi l’Istc et j’ai été très heureux de la réaction du directeur de l’Istc M. Alfred Dan Moussa et de sa direction qui ont pris cette affaire comme la leur.

Avez-vous eu mal de n’avoir pas vu à vos côtés les responsables de la radio télévision ivoirienne ?

Non. Je n’ai pas eu mal parce que je suis habitué à être considéré comme un paria. Mais je dois à la vérité dire que j’ai contacté le directeur général de la RTI, M.Ahmadou Bakayoko qui m’a reçu. Il m’a dit : «Cher aîné, je serai malheureusement absent car j’ai des obligations familiales qui m’empêchent d’y être. Deuxièmement, le jour que vous avez choisi pour le cross de la réconciliation, le samedi 7 juin et dont vous m’avez demandé de donner le départ, il y a la levée de corps de l’un de nos collègues ». Les autres ne sont pas venus mais leur présence m’importait peu. La présence des étudiants m’importait davantage.

Dans la matinée de ce vendredi 6 juin, avant la cérémonie de lancement qui était prévue dans l’après midi, vous êtes reçu par Mme Affoussiata Bamba-Lamine, la ministre de la Communication. Quelques heures après, vous faites ce témoignage : «Je me croyais banni, je suis béni». Pourquoi ?

Voyez-vous dans la situation où je suis aujourd’hui, certaines personnes que j’ai rencontrées m’ont jeté l’anathème et des amis m’ont dit il y a moins de trois ans des choses qui m’ont fait peur. Je voudrais par exemple parler de cet ami général d’armée qui m’a dit : «Toi Benson, tu n’es pas venu au à l’Hôtel du Golf mais tu as préféré resté avec ton sanguinaire d’ami (Laurent Gbagbo). Tu n’auras rien tant que nous serons au pouvoir. Et nous y serons pour longtemps malgré ce que tu dis». Je me suis dit que je suis banni ! Et voilà que je tente, sans y croire, d’être reçu par madame le ministre de la Communication qui est mon ministre de tutelle. Mon intention était d’être reçu plutôt pour pouvoir lui dire : «Madame, je fais le lancement de mon jubilé, je souhaiterais que vous en soyez la co-présidente – parce que j’ai tenté de la demander au ministre Hamed Bakayoko». Malheureusement, ses occupations l’ont empêché de me recevoir plus tôt. Elle a mis un point d’honneur à me recevoir avant la cérémonie. J’ai beaucoup d’admiration pour cette dame. J’ai été heureux d’avoir été reçu deux heures de temps avant. C’est pour quoi je dis : «Je me croyais banni mais par cette réception je me sens béni»

Madame le ministre a pris le soin de se faire représenter à la cérémonie par son conseiller technique, M. Koné Seydou qui a soutenu que vous êtes une mémoire de la télévision. Mme Yolande Kouadio, animatrice à la télévision, ajoutera que vous êtes aussi une mémoire de la Côte d’Ivoire. Pensez-vous que cette mémoire est bien préservée ?

Ma mémoire est préservée. Malheureusement, nombre de mes documents iconographiques ont été détruits pendant les événements. C’est vraiment dommage parce que je voulais en faire un très bon usage public. En 1964, lors de ma formation à Paris, j’ai été honoré de faire une photo avec le Général de Gaulle qui me saluait et avec qui je parlais parce qu’il était venu à Saint Germain où nous étions une équipe de reportage – des Africains, en stage. C’est moi qui lui posais la question pour la caméra. A la fin, il m’a salué. Je considérais cela comme extraordinaire. J’en avais la photo, de même que des manuscrits du président Houphouët-Boigny, des manuscrits de M. Philippe Yacé, du Cardinal Yago. Tous ceux-là ne reviendront plus pour que je refasse des photos avec eux. Hélas ! Toutes mes valises ont été emportées. C’est en cela que je parle de mémoire. J’ai vu la colonisation. J’ai vu la Côte d’Ivoire émerger de la colonisation pour devenir émergente. J’ai connu beaucoup de personnes. J’ai vécu beaucoup d’aventures. J’ai organisé beaucoup de choses pour ce pays. Donc je suis modestement une mémoire de ce pays à côté d’autres plus célèbres et plus riches. Et, cette jeune femme qui l’a dit, Yolande Kouadio, n’a pas tort. La mémoire est préservée de façon orale (entièrement), de manière picturale (beaucoup moins). Mais, les deux mis ensemble font le livre que je vais sortir à l’occasion de ce jubilé, le 19 décembre 2014, et qui s’intitule «Georges Taï Benson, un enfant de la télévision ».

Vous bénéficiez d’une bourse de formation en France. Quelle vision aviez-vous pendant cette formation à l’Ortf où vous aviez pour condisciple, entre autres, Michel Drucker qui faisait également ses débuts ?

J’ai fait mon stage d’enseignement général et théorique à l’Office de coopération radiophonique (Ocora) et la formation pratique je l’ai faite à l’Ortf (Office de radiodiffusion télévision française). Ma vision, de par ma formation technique et professionnelle, était de palier ce manque d’éducation scolaire et universitaire. Figurez-vous que je n’ai fait que la classe de 5è. Je n’ai jamais mis les pieds dans une classe de quatrième. J’avais donc beaucoup de carences que j’ai colmatées par la culture personnelle. Ma vision, était de servir d’exemple en travaillant dans ce medium qu’on appelle la télévision et qui multiplie à l’envie ce que vous avez et que vous présentez au public. Lorsque je parle à la télévision, je parle en même temps pour l’agrégé de philosophie, de l’université et pour le garagiste de mon quartier. C’est une lourde tâche. Mais un travail impressionnant et extraordinaire. J’ai été projeté au devant de la nation ivoirienne par la télévision alors que je ne suis rien. Je ne suis que le fils d’un émigré ghanéen, bijoutier illettré et je me retrouve ingénieur à la télévision, agrégé en télévision car je le suis. C’est moi qui ai fait du tort à ma famille parce que j’ai anobli notre nom qui était si modeste et le gens pensent que je suis riche en millions de francs. La télévision c’est du mensonge.

Certains disent pourtant que la télévision c’est le rêve ...

C’est en effet un rêve. Je vais être méchant en disant ceci : regardez des filles que je rencontre par hasard au cours d’un bal, je les amène à la télévision et on en fait des vedettes. A voir ces vedettes, les gens rêvent. Ce ne sont pourtant que des filles modestes. Là où j’ai été formé, on m’a dit : «Ce qui est important, ce n’est pas votre personne. C’est la lucarne, la machine que vous servez et qui véhicule le message que vous délivrez». Nombre de mes collègues ont eu des dépressions parce que du jour au lendemain, quand ils ont quitté l’antenne, ils n’ont plus été adulés, salués au Plateau et applaudis à Cocody. Les lumières s’étaient éteintes. Ils n’ont pas compris que ce n’était pas eux qui étaient importants mais la machine, le message.

Comment cette machine vous a-telle transformé ?

Qui suis-je ? Un pauvre élève de 5è. Un pauvre fils d’un pauvre bijoutier du “quartier Chicago d’Abidjan’’ devenu “quartier Biafra’’ de Treichville. Ce n’était pas un quartier huppé. Cette machine a fait de moi une personnalité en Côte d’Ivoire. Cette machine vous projette au devant du public, elle vous encense mais vous n’avez pas les moyens de cette personnalité que la télévision fait de vous. Elle vous rend célèbre et public mais vous n’avez pas, en retour, les moyens d’être cette personnalité si tant est qu’en Côte d’Ivoire et en Afrique, la personnalité ou la célébrité a de l’argent.

Contrairement à certains de vos collègues qui ont déprimé, vous avez gardé la tête froide. Comment vous y êtes vous pris ?

Si je n’avais pas gardé la tête froide, si je n’avais pas continué de manger au quartier Apollo à Treichville, «chez Emilienne», si je n’avais pas continué d’aller au super marché moi-même, si je n’avais pas continué de fréquenter les endroits où j’allais avant, aujourd’hui j’aurais été très mal à l’aise. On aurait dit : «Il est tombé, voici pourquoi il vient ici». Quand j’ai été le conseiller, chargé de missions à la présidence de la République, j’allais dans ces quartiers. Je n’ai jamais habité une maison avec jardin. Jamais je n’ai roulé carrosse en Côte d’Ivoire. Les gens font de moi ce qu’ils pensent que je dois être. Je dirai en espagnol Soy como soy. Y no como quieras (Je suis comme je suis et non ce que tu aurais voulu que je fusse). Les gens nous regardent et font de nous ce qu’ils auraient voulu que nous fussions. C’est en cela que je dis que la télévision, c’est du mirage. On nous voit interviewer le président de la République, Félix Houphouët-Boigny. On nous voit animer une soirée avec quatre présidents du Conseil de l’Entente, on nous voit en veste et cravate, mais on ne voit pas ce qu’il y a derrière, c'est-à-dire notre misère. On ne voit pas nos préoccupations. Aujourd’hui, il y a en a qui disent : «Ceux-là, ils étaient avec Houphouët, qu’est-ce qu’ils ont fait pour nous ?». Ces jeunes ne savent pas notre détresse. Je dis à qui veut l’entendre, j’ai fait toute ma carrière à la télévision où j’ai fini comme conseiller spécial du directeur général. Je n’ai jamais touché 400.000 francs Cfa de ma vie, sauf quand je suis arrivé à la présidence où je percevais 800.000 francs Cfa. Le peu d’aisance que j’ai pu avoir, ce sont les manifestations que j’organisais. J’animais des semaines commerciales dans les super marchés, des semaines africaines, des semaines belges. Les gens oublient mais, je me suis fait. On ne m’a pas fait. C’est pour quoi ça me fait mal que le peu que j’ai pu faire a été détruit.

Le Français Léon Zitrone, un de vos formateurs, voyait en vous «beaucoup d’avenir» pendant votre stage en France. Aujourd’hui, vous célébrez 50 ans de télévision et vous avez connu le succès. Ce grand journaliste avait-il vu juste ?

Je crois qu’il a eu raison. Il a vu juste. C’est ce qui me fait parler de la formation par des gens exceptionnels. Nous avons eu la chance d’avoir été formé très tôt, quatre ans après l’indépendance obtenue en 1960. Ces gens là étaient des sommités que nous ne connaissions pas ici parce qu’il n’y avait pas le satellite. Gaston Bounour, André Clavé, Pierre Sabbague, Léon Zitrone, Robert Chapatte, Roger Coudaire sont de grands noms du journalisme en France. Avoir travaillé sous ces personnes vous forge un mental professionnel extraordinaire prêt à relever toutes les épreuves. Ils m’ont tous formé en étant des exemples vivants. Quand vous êtes dans le car avec monsieur Sabbag, réalisateur, quand vous êtes sur la table avec monsieur Robert Chapatte qui commente le tour de France ; quand vous êtes au stade Pierre De Coubertin et que monsieur Roger Coudaire commente le tournoi des cinq nations devenus six nations aujourd’hui, c’est extraordinaire et saisissant. La formation est vraiment fondamentale. Si votre objectif c’est simplement de passer à l’antenne, c’est raté parce que vous n’avez pas de formation. La formation de base commence par les rudiments du métier. Vous êtes un apprenti. On vous envoie chercher la tenaille, la bille, la fille. On vous envoie commander la bière…

Ce n’est pas fortuit que, face aux étudiants, vous citiez l’exemple de Léon Zitrone car vous le comparez à notre Joseph Diomandé national…

J’ai pris l’exemple de Léon Zitrone parce que nous en avons eu un ici qui était Joseph Diomandé. Les reportages de ce dernier étaient très longs, car il montrait chaque personne qui voulait saluer Houphouët mais, en même temps, il faisait de la préparation. «Les improvisations les mieux réussies sont celles qu’on passe le plus de temps à préparer », disait-il et Joseph Diomandé était la translation vivante de cette phrase. Quand il avait le congrès du Pdci (Parti démocratique de Côte d’Ivoire) à présenter, il passait un mois à préparer les photos, les biographies de toutes ces personnalités. Il préparait ses émissions et ses interventions. Joseph Diomandé n’était en quelque sorte qu’un employé du Pdci, il n’en était pas membre. Comme moi et comme les autres, il n’a jamais signé une carte de ce parti. Joseph Dimoandé était un grand. C’est la même chose pour monsieur Zitrone ! C’est pour quoi je mets les deux en parallèle pour ma formation. Quand nous allions à Londres pour les obsèques de Winston Churchill il y a une cinquantaine d’années, je portais les documents, je n’étais que le porteur d’eau. Mais, quel honneur en même temps d’avoir été de cette équipe ! J’en suis fier, je le revendique, je le rappelle et je ne m’en prive pas.

A la RTI, vous retrouviez Joseph Diomandé et d’autres noms célèbres comme ceux de Serges Pacôme Ahoulou, Adjoua Lopez… vous les défiez presque, comme l’a rappelé l’ex-agent de la RTI Georges Kobena Adou, en présentant le journal télévisé «sans papiers, juste avec quelques notes». Il fallait oser le faire !

(Il en rit) J’ai tout fait. J’ai fait la télévision ivoirienne. Si les gens étaient un temps soit peu reconnaissants, le Studio B de la télévision nationale ivoirienne porterait mon nom. J’attendrai cela jusqu’à Ivosep (Ivoire sépulture).

N’est-ce donc pas qu’en dehors de vos capacités physiques, la mémoire que vous représentez n’est pas suffisamment préservée ?

Ma mémoire est préservée. Aux autres de faire preuve de reconnaissance. Ce Studio B que j’ai fait vibrer, que j’ai fait vivre, où je me suis sacrifié, où j’ai sacrifié ma vie de famille ! (Il contient ses larmes) Et dire que ma femme faisait à manger pour venir en donner aux décorateurs, aux artistes, aux réalisateurs, à l’équipe de production. Je pense modestement que ce studio pouvait porter mon nom sans que quelqu’un trouvé à redire. Mais que voulez-vous ? Je ne réussirai pas ça, mais je l’aurai dans la gorge jusqu’à Ivosep. Je ne vois pas (dit-il d’une voix calme cette fois) ce que la personne dont le studio porte aujourd’hui le nom a eu à faire en six ans qu’elle a passé ici. Elle avait des relations haut placées. J’ai trimé (Il lève alors le ton) dans ce studio, j’y ai bavé dans ce studio, j’y ai dépensé mon argent parce qu’il n’y avait pas de budget de production. Vous avez entendu à la cérémonie du 6 juin ce jeune décorateur (Méité Momi Bebson) dire que pendant un an j’ai payé quarante mille francs pour son salaire. Je payais de ma poche le repas de tous ces gens, le salaire de certains et ma femme y allait de sa force. Les gens l’oublient. Et mes enfants qui ne me voyaient pas ! C’est beaucoup plus tard que j’ai commis des fautes. Quand je dois faire l’émission «Le nouveau dimanche», je suis obligé d’attendre jusqu’à 23 heures que le présentateur, Levy Niamkey par exemple, finisse son journal télévisé de dernière heure pour démonter son décor, nettoyer le studio, monter mon propre décor, faire la peinture, faire le son, etc. jusqu’à quatre heures, cinq heures du matin… J’ai très mal au coeur aujourd’hui. Je veux faire ce jubilé parce que personne n’y pensera. Des gens me connaissent mais ne savent pas ce que j’ai fait dans ce pays.

Au titre de ce que vous avez fait, retenons l’histoire de Roger Gouria, premier handicapé visuel titulaire d’un baccalauréat, sans issue, que vous recevez sans hésiter à votre émission. Quarante huit heures après, il bénéficie d’une bourse et poursuit ses études en France où il exerce aujourd’hui en qualité de médecin kinésithérapeute. Cet homme a dit de vous que vous êtes son ‘’sauveur’’ ?

J’ai plus que les larmes aux yeux. J’ai la satisfaction d’avoir fait ce que ce medium, la télévision, me permet de faire. Ce jeune homme est reçu au Bac. Il est le premier ivoirien aveugle bachelier. L’université qui n’est pas préparée à cela ne dispose pas de structure pour l’accueillir parce que les handicapés sont des laissés pour compte. Le ministère de l’éducation nationale, à l’époque, ne fait rien. Ce jeune, un cerveau est sur le carreau, sans yeux. Je l’apprends par le biais d’une association de jeunes filles du collège Sainte-Marie. Je le convoqué alors que je ne le connais ni d’Adan ni d’Eve. Ce n’est pas un parent bien que m’appelant Taï, je ne suis pas de l’ouest de la Côte d’Ivoire comme lui. Aujourd’hui, ces différences existent chez nous. A l’époque, nous ne les connaissions pas. Quand il est venu à l’émission, ensemble nous racontions sa vie et j’ai lancé l’appel pour que les gens pensent à faire quelque chose pour lui. A cette occasion, il n’y avait pas le satellite. Tout le monde ne voyait que nous. Quarante huit heures après, il a deux bourses, une pour le Canada, une pour la France et il choisit la France. Ce que l’éducation nationale n’a pas pensé à faire. Il y va, il devient médecin kinésiste et s’y installe. Quand arrive la guerre, il décide de revenir dans son pays. Il fait le tour des hôpitaux et rentre avec deux containers de médicaments et d’appareils orthopédiques. Aujourd’hui, il parcourt le monde pour faire passer la bonne parole en faveur des handicapés.

Vous ne vous êtes pas arrêté à cette seule action sociale car vous avez aussi enfilé le manteau de l’humanitaire en portant assistance, par le biais de votre émission, le village «Poundjou» ?

Ce village Poundjou est situé au nord de la Côte d’Ivoire où je n’ai aucun parent. Je n’ai que des amis et frères. J’étais à l’époque chef du service programme à la RTI. J’ai lu dans le quotidien Fraternité Matin : «Un village entièrement détruit par les flammes». Je suis saisi de compassion et j’appelle mes deux lieutenants qui sont Koffi Abdoul Karim et Blé Gahé Raphaël, des réalisateurs. Je leur demande si nous pouvons faire quelque chose pour que les gens aident ce village. J’avais des idées dans la tête, je voulais toucher la Côte d’Ivoire profonde à travers son premier dirigeant et toutes les personnalités. A mon insu, j’étais en train de faire un téléthon. Je vais donc d’abord au ministère des affaires sociales pour avoir l’aval de ce ministère. Auparavant je préviens la direction de la télévision qui me donne son accord. Nous en parlons au ministère de l’Information, à l’époque. Monsieur le ministre Laurent Dona Fologo est d’accord. Nous voyons la Sotra pour qu’elle mette à notre disposition des bus dans la cour de la RTI, à Adjamé, à Treichville, au marché, etc. afin que les gens viennent déposer des dons. Et nous faisons une grande émission. Le ministre des Affaires Sociales, M. Alphonse Kouman Yao qui est l’oncle de mon ami Georges Adou, prend fait et cause pour cette émission et délègue son directeur de cabinet en studio. Il est accompagné de quatre assistants sociaux dont deux femmes et deux hommes. Ce directeur de cabinet qui s’appelle Georges Djeny Kobenan est en studio avec ses quatre assesseurs qui sont au téléphone et notent les dons qui sont faits. Ceux-ci m’envoient les papiers pour que je les annonce au micro. Toute la Côte d’Ivoire du président Félix Houphouët-Boigny jusqu’au petit mécanicien, a donné quelque chose pour Poundjou à travers Georges Benson. Le ministre Dona Fologo a qualifié cela de «première action sociale de grande envergure». Les bus de la Sotra étaient bondés de dons. Mais ce sont les assesseurs du directeur de cabinet du ministère des Affaires Sociales et les Affaires Sociales du ministère qui ont réceptionné tous ces lots que je n’ai pas vu de mes propres yeux. Ils ont tout pris. Ils ont contacté les Libanais qui avaient donné leur adresse. Ils sont allés voir Houphouët- Boigny et sa soeur Mami Faitai et tout a été donné au ministère des Affaires Sociales. Il parait qu’ils avaient un entrepôt vers la pâtisserie abidjanaise à Marcory Zone 4 où tout était entreposé et les assistantes sociales devaient trier, faire des ballots de chaussures, de robes, etc. On m’a rapporté que ces femmes gardaient pour elles des chaussures hauts talons qui, selon elles, ne convenaient pas aux femmes dioulas. Le président a convoqué des cadres de cette région pour leur confier les affaires et leur dire d’aller reconstruire le village Poundjou. Je nomme Saliou Touré, Koné Lessongui, Koné Ibrahim (paix à son âme) qui a été ministre du tourisme. Toutes ces personnalités ont pris les dons des Ivoiriens. Certains dons ont été détournés dans leur propre village comme l’électrification que le chef de l’Etat a promise et qui a été faite dans le village d’un de ces cadres. Ils ont pris ces colis et sont allés construire, parait-il des cagibis avec tôles pour ces paysans qui avaient leurs maisons en pailles, où il faisait bon vivre. Jusqu’à aujourd’hui, pas un seul ressortissants de Poundjou ni un cadre qui m’ait téléphoné pour dire «espèce d’imbécile pourquoi astu aidé mes parents ?». Cela s’est passé, je crois, en 1976. Pis, je ne connais pas ce village. Personne ne m’y a invité. Je ne sais pas où se trouve ce village. Un jour j’ai rencontré deux jeunes gens qui se sont présentés à moi et m’ont dit que grâce à moi une école a été construite dans ce village et ils en sont les premiers élèves. C’est la seule chose que j’ai vu. Encore une fois, j’ai cela dans la gorge et beaucoup dans la gorge. Je veux dire aux cadres survivants, parmi lesquels ceux qui ont été là-bas avec les affaires d’Houphouët-Boigny et des Ivoiriens, pour se faire applaudir à ma place, pour construire des cagibis contraires au voeu du président Houphouët. Et à ceux qui m’accusent d’avoir détourné ces biens. Aucun d’eux ne s’est levé pour démentir qu’ils ont été détournés par d’autres. Ils m’ont laissé traîner dans la boue par les journaux de l’époque qui étaient truffés d’opposants à Houphouët, les journalistes comme Diégou Bailly et compagnie. Ils ont écrit des insanités sur moi et aucun cadre de la région de Poundjou n’a pris ma défense et ne m’a consolé. Par le biais de «L’Intelligent d’Abidjan », je leur lance un appel de la dernière chance : «Avant que je ne meurs, je veux connaître Poundjou». A messieurs Saliou Touré, Koné Lessongui et autres, je dis que je veux être lavé par la vérité avant de mourir. Je les attends (Ndlr ; les larmes aux yeux). J’ai été traité de tous les noms à cause de Pondjou que je ne connais pas. Je ne connais personne de Poundjou. Je n’ai eu en charge aucune aiguille pour aller donner aux populations de Poundjou. Rien ne m’a été donné. Quand mon émission s’est terminée, c’était fini. Les affaires sociales s’en sont occupées. Les politiciens et cadres de la région s’en sont occupés. Je n’ai même pas été appelé pour accompagner les bagages. Ils ont pris l’avion d’Houphouët, ils y ont mis tous les bagages et sont allés se faire applaudir.

En dehors des actions sociales que vous avez menées, vous avez fait connaître de nombreux artistes chanteurs et musiciens. Le manque de reconnaissance s’étend il à leur niveau ?

Le manque de reconnaissance est humain. Les gens ont dû me rendre service et je n’ai par la suite, pas bien retourné. C’est possible. Je ne leur en veux pas. Ce que je refuse, c’est que l’on m’accuse de choses que je n’ai pas faites et que des gens qui savent n’ouvrent pas la bouche pour dire que c’est faux. Par exemple, cette histoire de Chantal Taïba. Il existe un monsieur, un rouquin qui était au volant de la voiture avec elle. C’était son copain. Il travaillait pour une organisation internationale. Ils habitaient aux «60 logements» derrière la RTI. Pourquoi ni lui, ni Chantal n’ouvrent la bouche pour parler ? A moins que cela n’arrange Chantal qu’on dise qu’elle est sortie avec Georges Benson ? C’est ma fille ! Comment puis-je sortir avec elle ? C’est ce qui me fait mal. Le manque de courage pour témoigner et clarifier les choses. C’est méchant, c’est malhonnête. Quand j’ai fait vraiment des bêtises et qu’on le dit, cela ne me dit rien. Il existe une chose qu’on appelle la conscience, elle est notre vraie maîtresse. Des gens vieillissent prématurément car leur conscience les gronde. J’ai 69 ans, bientôt 70 aujourd’hui. Je ne fais pas cet âge car il y a des secrets. Je n’ai jamais bu une goutte d’alcool de ma vie, je ne connais ni le goût du Whisky, ni celui du vin, du Gin, du Koutoukou, encore moins celui du champagne. Je n’ai jamais fumé un gramme de tabac et un joint. En même temps, je n’ai jamais fait quelque chose que ma conscience puisse me reprocher pendant la nuit. Je vieillis ces derniers temps à cause de ce que j’ai fait à ma famille et dont je ne voudrais pas qu’on parle. Que j’aie trahi mon épouse ou mes enfants, c’est humain. Je le regrette souvent. Jamais je n’ai passé de temps à concocter un plan pour que quelqu’un trébuche et se fasse mal ou rate sa profession. Des gens passent leur temps à échafauder des pièges pour que leur condisciple ou leur collègue tombe dedans.

Certains de vos collègues ont-ils mis des peaux de bananes sur votre chemin ?

J’ai vécu cela plusieurs fois dans ma carrière. Quand les gens racontent n’importe quoi sur moi, je suis comme le canard. Ses plumes sont imperméables. L’eau coule sur le canard qui est toujours sec. Vous pouvez dire ce que voulez sur moi, cela ne va pas me préoccuper outre mesure. Les gens disent : «on lui a tout donné à la télévision et il veut encore y retourner. Ce pouvoir ne lui donnera rien». Ce n’est pas retourner à la RTI qui m’intéresse. C’est permettre au producteur prolixe que je suis de produire des émissions pour la télévision parce que j’ai toutes mes qualités et toutes mes facultés. Michel Druker continue de produire pour la télévision française et mieux la chaîne sur laquelle il travaille en France. La Deux, lui a consacré toute une «Journée Michel Drucker». Si je demande cela en Côte d’Ivoire, on me dira : «Il se prend pour qui celui-là ?». Je ne suis pas plus important qu’un médecin qui a passé cinquante années de sa vie à sauver des gens. Je ne suis pas plus important qu’un industriel qui a passé cinquante années de sa vie à créer des emplois. Je ne suis pas plus important qu’un enseignant qui a passé cinquante années de sa vie à former des gens. Mais, je suis très important à mes yeux. J’en parle pour le travail que j’ai abattu, pour la bonne humeur que j’ai pu apporter dans des foyers, pour le soulagement que j’ai pu apporter à certaines personnes, pour l’assistance que j’ai pu apporter à d’autres.

Par votre métier, vous avez eu la chance de côtoyer les anciens présidents Félix Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. Vous dites d’eux : «Ils m’ont utilisé pour mes qualités, mais je n’ai pris pendant cette période aucune carte de ces partis, j’ai fait mon travail et j’en suis ressorti»...

Absolument. A l’époque, qu’on l’ait voulu ou non, nos cotisations du Pdci étaient prises à la source, c'est-à-dire au trésor pour les fonctionnaires. Avant qu’on ne reçoive nos salaires, les cotisations Pdci étaient déjà prélevées au trésor. Qu’on soit mentor du Fpi, Rdr ou autre, on cotisait au Pdci à l’époque. J’étais un agent de la télévision, donc agent de l’Etat. Or à l’époque l’Etat se confondait avec le parti. Si vous êtes fonctionnaire, vous travaillez pour le parti. Quand on me dit que j’étais «Pdci», je dis que cela est faux. Je travaillais pour le Pdci.

Quelle est la différence ?

On me cooptait pour animer les soirées de fin de congrès car j’étais le meilleur animateur. C’est tout. J’étais coopté pour animer des soirées à Yamoussoukro pour les Présidents qui y arrivaient pour être l’animateur de la Confeges, à Yamoussoukro. On ne me cooptait pas parce que j’étais membre du Pdci. Le Pdci me l’a bien rendu d’ailleurs, parce qu’on ne m’a jamais nommé dans un des organes du Pdci. Que ce soit au bureau politique, au comité directeur, au comité central, ou je ne sais où. On ne m’a jamais mis dans un bureau. Une fois, ils ont publié une liste de 200 mille personnes environ. J’arrive à la maison, ma fille me dit : ‘’Papa tu n’es même pas dans ça là aussi’’. Cela m’a tellement interpellé que j’ai appelé monsieur Fologo qui m’a répondu qu’il a une liste additive qui devait être publiée. Je lui ai dit : ‘’Laurent, pour tout ce que j’ai fait pour le Pdci, si vous mettez mon nom dans une liste additive, vous saurez ce que je vais faire’’. J’ai aussitôt appelé le ministre Ehui Bernard (actuel ambassadeur au Ghana) pour le lui répéter. J’ai organisé des meetings, je n’ai été ni dans une sous section de quartier, ni dans une section de village. Mais j’ai travaillé pour le Pdci en tant qu’employé. Ils ne m’ont jamais mis dans un bureau parce que, je n’ai jamais été membre d’un parti. J’ai travaillé pour Monsieur Bédié. A un moment donné la campagne s’essoufflait et monsieur Bédié s’en est plaint au Secrétaire général Fologo parce que j’avais fait un projet de caravane qui avait été mis de côté. On m’a rappelé pour organiser la caravane. Mais je n’ai jamais fait partie de son cabinet ni de son parti. Puis, monsieur Guéi Robert est arrivé. Un jour, on m’appelle pour me dire qu’il veut me voir à l’Indénié. J’y vais et là il me demande de rejoindre l’équipe pour travailler ensemble. Comme Issa Sangaré et Diomandé, je n’ai pas pensé à ma famille ni à ma vie. Je lui ai dit : «Grand frère, excuse moi, je n’aime pas les histoires de coup d’Etat militaire parce que j’ai peur. Mais moi, je suis un artiste. Un jour en jeans, un jour en culotte kaki, un jour en smoking. Vous allez me mettre en prison, je ne peux pas». Il a dit d’accord. C’était un mercredi. Le vendredi suivant, je n’étais plus rien. A cette époque, je n’étais plus à la télé. J’avais mon agence de la Régie 12 qui était situé derrière la télé. Le lendemain, le lieutenant Boka Yapi et ses hommes sont passés par là ; on m’a tout cassé et tout pris. Mes assistants et assistantes ont été molestés. C’est dans cette situation d’errance que j’étais lorsqu’est arrivé monsieur Gbagbo, comme chef d’Etat. C’est un ami d’enfance. Nous avons eu le Cepe et l’entrée en 6ème ensemble et, depuis, nous sommes restés des frères. Le PDCI m’a amené à le combattre quand il était dans l’opposition. Je suis allé le voir pour lui dire que cela me gênait. Il m’a dit de faire ce que les gens me demandent, de dire ce qu’ils me demandent de dire contre lui. Mais de prendre leur argent pour qu’on mange des bananes brulées ensemble. C’est un démocrate, parce qu’après son élection, quand il a appris que j’étais dans la rue, il m’a appelé sans se poser de questions. Quand il m’a appelé, je n’ai fait que mon travail d’acteur culturel. Je n’ai tenu aucun propos politique. Je n’ai animé aucun meeting de Gbagbo. Un jour je lui ai di qu’on ne travaillait pas. Il m’a dit de prendre mon argent, quand il aura fini ses micmacs politiques, nous allons travailler. Donc, je n’ai jamais fait de politique. Je ne fais que la culture : concours de sculpture pour la réconciliation, organisation de déjeuner pour des personnalités, animation de cinquantenaire de la Cote d’Ivoire. J’ai été qualifié de Gbagbomôgô (partisan de Gbagbo). Après ils sont venus casser mon hôtel à Ahoué, fruit de tant d’efforts. Je n’ai jamais reçu de pactole pour le construire, j’ai économisé sou après sou et c’est ce que je voulais laisser à me enfants.

Aujourd’hui, comment vivez-vous ?

Je vis dans des conditions exécrables, dans une cour commune parce que je l’ai voulu. Mais je ne le regrette pas. C’est cela qu’on me reproche, mais moi je m’en moque parce que je n’ai jamais vécu au dépend de quelqu’un. C’est maintenant que je tends la main, sinon pendant que je travaillais, je ne me suis jamais rendu chez quelqu’un pour quoi que ce soit. Il y des gens qui vont chez les grand types pour la scolarisation de leurs enfants. J’ai toujours sué avec mon épouse pour la scolarité de nos enfants qui n’ont jamais été à l’école publique. Ils ont tous fait l’école privée sans prise en charge ni subvention. Les gens pensent que j’ai bénéficié de mains tendues, c’est faux. Je rends hommage à mon épouse jusqu’à la fin de ma vie.

Malgré toutes les difficultés que vous évoquez, vous occupez actuellement une villa qui vous sert de bureau aux II Plateaux ...

Je me débrouille ici dans ce bureau grâce à un jeune que j’ai formé à la télévision. Quand il a appris ma déconvenue, il m’a appelé pour me dire qu’il a un bureau dans sa structure qu’il voulait mettre à ma disposition pour que je ne puisse pas rester à la maison. Donc, je suis ici pour créer des émissions et des événementiels. On me traite de ‘’Gbagbomôgô’’, mais il y a une éclaircie notable et notoire. Le directeur général de la RTI a donné des instructions. Nous sommes en train de préparer deux émissions qui, je l’espère aboutiront. Je ne sais pas jouer de la musique, je ne sais pas faire l’agriculture encore moins de la politique. Je sais créer des émissions, des concepts, des événements et sur ce point je ne vois pas un deuxième comme moi en Côte d’Ivoire.

Est-ce que ces deux émissions seront les dernières de Georges Benson pour marquer son jubilé ?

On ne peut disposer de la vie ou de la mort, mais j’ai des personnes qui m’empêchent de mourir pour que je puisse créer. Je ne veux pas citer de noms de peur d’oublier quelqu’un. Mais, je veux prendre la liberté de dire merci aux ministres Hamed Bakayoko, Kouassi Adoumani, monsieur Roger Abinader parce qu’il y a certains qui reconnaissent que j’ai fait quelque chose pour la Côte d’Ivoire. Me voir dans ces conditions n’honore pas le pays.

En plaçant votre jubilé sous le sceau de la réconciliation et de la paix qui est sur toutes les lèvres aujourd’hui, n’est-ce pas faire preuve de suivisme ?

Nous avons chanté la paix pendant des décennies sans savoir ce qu’était l’absence de paix. Je vis aujourd’hui les conséquences de l’absence de paix. Je vois les gens qui s’amusent avec les termes comme réconciliation et paix pourtant leurs agissements et leurs actes vont contre ces concepts. Je le dis haut et fort. Si par miracle, je me retrouvais devant une autorité et même devant le Président de la République, je lui dirai : “vous et vos amis avez des comportements anti-réconciliation et même revanchard”. Où est-ce que cela va nous emmener ? Je vis les affres de la guerre et le regard de chien de faïence tous les jours. Je ne demande pas de l’argent à quelqu’un pour faire une tournée de réconciliation. Je me dis que je suis un homme public. Ce que je peux apporter, modestement je l’apporterai parce que les gens gardent encore l’image de ce que j’ai pu faire. Je suis un vecteur et je me dis que chacun devra apporter sa pierre. Ne vous trompez pas, je n’ai pas dit que je vais prendre des artistes pour organiser des tournées. Qu’est-ce que cela apporte ? On a dépensé des millions pour organiser des caravanes. Je veux qu’on me dise : «Viens, nous allons travailler parce que je n’ai jamais rien demandé et je veux que ce soit comme cela jusqu’à ma mort. Quand on me décore tour telle ou telle chose, je ne fais pas de lobbysme. Quand monsieur Miremont Auguste voulait me nommer conseiller de Monsieur Ousmane Sy Savané, je lui ai dit dans une lettre que si je peux conseiller Monsieur Sy Savané, c’est dire que je peux être à sa place. Je ne l’ai jamais vu ni à la télé ni à la radio, mais j’ai été vu à la radio et à la télé. Donc je préfère être à sa place que d’être son conseiller parce que je sais que les nègres n’aiment pas être conseillés par d’autres nègres. Nous avons été nommés conseillers, mais le nègre pour lequel nous le sommes n’acceptera jamais nos conseils. Il acceptera les conseils du blanc venu de l’extérieur. Ça toujours été comme cela et je le sais.

Cela ne vous a pas empêché d’accepter l’offre de Laurent Gbagbo ?

Qu’est-ce que j’y faisais ?

Quelles sont les activités qui vont meubler votre jubilé ?

Beaucoup de choses mais je ne veux pas les dévoiler. Il y aura des choses originales comme j’ai toujours su le faire. Mes amis m’ont dit de les dévoiler plus tard. Ce sont des choses qui réconcilient le pays. Ce ne sont pas des choses du genre chanter la paix en Centrafrique parce qu’une fois la chanson finie, on cherche à avoir une idée des ventes. Là il n’y pas de vérités et réconciliation vraie. Ce n’est pas comme m’a dit ce Général «tant que nous serons au pouvoir actuellement, tu n’auras rien» et qui le lendemain parle de la réconciliation. Ce n’est pas rien que je veuille voir Poundjou. Je suis originaire de Bassam, au sud de la Côte d’Ivoire et Poundjou est situé au nord. Cela doit vous interpeller. La réconciliation vraie, ce ne sont pas des paroles. Ce sont des actes, c’est un comportement. La réconciliation, ce n’est pas un mot, c’est un comportement. Je me donne la liberté d’organiser mon jubilé avant ma mort parce que je sais si on le fera. Les footballeurs organisent eux-mêmes leur jubilé donc je me donne la liberté d’organiser le mien. Je chercherai les moyens pour le faire et les Ivoiriens seront heureux de vivre des manifestations de ce jubilé aux alentours du 19 décembre prochain. Je ferai appel à tout le monde même à ce Général qui reste mon ami. Je lui parlerai à cause de notre fraternité. Je ferai appel à ceux qu’ont dit être des ennemis. L’événement ne sera pas grandiose par la dimension financière, économique ou politique, mais grandiose par l’originalité, par les actes, les événements que nous allons poser. Je laisse la parole aux actes. La paix n’est pas un vain mot, c’est un comportement. C’est parce qu’on n’a pas observé la paix qu’on est obligé de se réconcilier parce qu’on a fait la guerre. Houphouët qui est devenu un fonds de commerce pour tout le monde a dit : «Il est plus difficile de faire la paix que de faire la guerre’’. A un moment donné, il a même déclaré la paix à la guerre. Ce jubilé sera grandiose en terme de symbole.

Réalisée par Koné Saydoo,
Coll : Raph-O.