Evénement de Néko/Depuis L'Angleterre, Geneviève Dally : « Où est passée la sécurité dans mon pays ? »

Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - Evénement de Néko/Depuis L'Angleterre, Geneviève Dally « Où est passée la sécurité dans mon pays ? ».

Geneviève Dally.

Le village de Néko, de feu Emile Boga Doudou, ex-ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, était à feu et à sang. Et cela, suite à un accident qui aurait pu être circonscrit dans un Etat de droit. Malheureusement, la Côte d’Ivoire assiste à un drame que vivent les populations de Néko. D’abord que s’est-il passé ?

I-Les faits

Selon l’information, le 08 novembre 2015, un jeune du village de Néko rentrant de Sassandra a emprunté un camion de transport de cacao. Tarif convenu : 1500 Fcfa. Mais arrivé à destination, le passager remet au convoyeur (apprenti chauffeur), un billet de 1000 Fcfa. Celui-ci manifeste son désaccord. Il s’en suit une rixe au cours de laquelle l’apprenti chauffeur poussé, perd son équilibre et tombe. Et comme la scène se déroule au bord de la route au corridor du village, un véhicule de passage percute le convoyeur qui meurt sur le coup. Les parents de la victime font rapidement appel aux chasseurs traditionnels Dozos et aux jeunes du quartier Dioulabougou. Ces « justiciers », une foule surexcitée, lancent ainsi sur l’un des quartiers de Nêko, Domaboué, dans la nuit dimanche 8 au lundi 9 novembre 2015, une expédition punitive. Ces gens déchaînés selon nos informations, étaient armés de gourdins, de machettes, de haches, et avançaient au rythme des chants de guerre. Malgré la présence des forces de l’ordre, le quartier est totalement saccagé, avec plusieurs habitations incendiées, plusieurs personnes blessées. Pourchassées, sans secours face à la furie meurtrière des Dozos, les populations se sont réfugiées en brousse, sous la pluie, le soleil et exposées à la morsure des serpents. C’est la désolation totale. Les rares parents que nous parvenons à joindre en brousse sont en pleurs. Nous ne savons pas où sont nos parents. Qui vit ? Qui ne vit plus ? Dans quelles conditions vivent-ils exactement ?

II- Mon analyse

Les autorités de mon pays revendiquent la promotion de l’Etat de droit et de sécurité des biens et des personnes vivant sur le territoire ivoirien. Je conviens qu’il peut y avoir dans un pays un accident comme celui qui a causé la mort du convoyeur. Je m’incline devant sa mémoire. Je conviens aussi qu’un jeune homme puisse manquer de sagesse parfois. Mais en pareille circonstance, devrait-on se faire justice dans un Etat de droit ? Selon l’information, les autorités locales, le sous-préfet et le Commandant de la Brigade, étaient informés. Pourquoi malgré la présence des forces de sécurité, les Dozos et leurs troupes continuaient-il à exercer la violence sur le village et les villageois ? Qui des Dozos et des forces de sécurité sont la puissance publique et ont la charge de la protection des populations et des biens en Côte d’Ivoire ? Le chef de l’Etat est le chef suprême des armées. Les armées de mon pays auraient-elles passé le flambeau aux Dozos, nouveaux maîtres des lieux, détenteurs du droit de vie ou de mort sur les populations ? A qui irions-nous donc, si notre armée, nos forces de sécurité ne peuvent pas mettre une population à l’abri d’une simple meute de Dozos ? Où est passée la sécurité dans mon pays ? Mon cœur brûle. Mon cœur saigne. Mes larmes coulent quand les miens, qui le peuvent, m’appellent en pleurs, dispersés dans la nature.

Conclusion

Je voudrais interpeller les autorités de mon pays. Elles ont la responsabilité de tous les Ivoiriens et de toutes les personnes vivant sur le territoire national. Il est incompréhensible que malgré les dérapages des Dozos et malgré les clameurs, elles s’obstinent à ne pas les désarmer au risque de mettre la population en danger permanent. Quelle est le rôle des Dozos aujourd’hui en Côte d’Ivoire que ne sauraient assumer notre armée, notre police ou notre gendarmerie ? Il faut qu’on se sente en sécurité en Côte d’Ivoire. Mais que la vie d’un citoyen ne soit pas liée à l’humeur des Dozos.

Une contribution de Geneviève Dally

Native de Néko à Angleterre

(Nétive de Gobéri, Lakota)