DIALOGUE POLITIQUE DE GRAND- BASSAM : L'IMPOSTURE DE OUATTARA MISE EN ÉCHEC

A l'annonce d'un Dialogue républicain entre le pouvoir et l'opposition après la longue et douloureuse crise que la Côte D'Ivoire peine encore à surmonter, ils étaient nombreux les démocrates ivoiriens et africains à

A l'annonce d'un Dialogue républicain entre le pouvoir et l'opposition après la longue et douloureuse crise que la Côte D'Ivoire peine encore à surmonter, ils étaient nombreux les démocrates ivoiriens et africains à

penser que la raison avait pour une fois visité Alassane Dramane Ouattara dans l'intransigeance et l'arrogance débordantes qu'il affichait depuis son installation au palais présidentiel par l'armée française en avril 2011. Pour le FPI qui a toujours souhaité ce dialogue, cette rencontre pouvait évidemment lui permettre de remettre sur la table ses principales préoccupations.
Cet espoir qui était ainsi né pour une rapide et véritable normalisation de la situation socio-politique en Côte D'Ivoire, vient peut-être de se dissiper avec l'échec du Conclave de Bassam. D'une certaine manière, un tel échec était assez prévisible depuis un certain temps avec le refus du pouvoir de reporter le Conclave pour permettre au FPI d'y participer pleinement après sa 3ème Convention ordinaire qui se tenait presqu’aux mêmes dates.
Il est vrai que des contacts avaient déjà eu lieu il y a quelques mois avec les divers partis membres du CNRD dont le FPI. Ces contacts, bien qu'ayant été un important pas , étaient cependant restés assez timides et véritablement inconsistants. Il avait donc alors été très étonnant de voir le régime Ouattara aller à ce Conclave de Grand-Bassam sans avoir pris le soin d'organiser auparavant une réunion préparatoire entres les différentes parties qui aurait eu le mérite d'asseoir des bases claires et concertées pour les discussions.
L'on comprend également mal pourquoi, alors que tout le monde s'attendait à une rencontre de vérité entre le pouvoir et le Front populaire ivoirien pour aborder les problèmes essentiels qui minent la coexistence pacifique et la stabilité en Côte D'Ivoire, le régime Ouattara a préféré élargir de manière unilatérale ce Conclave à des groupements politiques n'ayant visiblement aucun problème notable avec les nouvelles Autorités du pays.
Ainsi, ce Dialogue républicain éveillait déjà un grand scepticisme chez la plupart des observateurs et des analystes sur la volonté réelle du pouvoir en place à Abidjan d'aller à une normalisation réelle de la situation socio-politique en Côte D'Ivoire. Il a en effet été constaté que contrairement aux formations politiques membres de la nouvelle LMP de Gervais Coulibaly et au RPCI de Bamba Moriféré qui y voyaient une occasion rêvée pour tenter de jouer un rôle et pour se positionner tant bien que mal sur l'échiquier politique national, le FPI est resté beaucoup réservé et visiblement très peu enthousiaste jusqu'au bout.
Il ne pouvait d'ailleurs en être autrement quand l'on sait qu'un dialogue avec Alassane Dramane Ouattara a toujours fait l'objet ,à raison, de méfiances et de réticences très vives au sein de ce parti.
De triste mémoire, les Frontistes se souviennent encore des négociations à huis-clos qui avaient eu lieu du 15 au 26 janvier 2003 en France et avaient abouti à la signature des fameux accords de Linas-Marcoussis au Centre des Conférences internationales de l'avenue Klébert de Paris. Sur invitation du président français d’alors Jacques Chirac, les protagonistes de la crise ivoirienne qui avait éclaté le 19 septembre 2002 suite à l'échec d'un coup d'État contre le régime du président Laurent Gbagbo, avaient tenté de s'entendre sur les conditions d'un retour à la paix.
A l'époque, ces négociations avaient, on s'en souvient, enregistré la présence des rebelles de Soro Guillaume baptisés "Forces nouvelles" et des différents partis politiques ivoiriens. Présidés par le juge Pierre Mazeaud, assisté du juge Keba Mbaye et de l’ancien Premier ministre ivoirien Seydou Élimane Diarra ainsi que des représentants d'institutions internationales, ONU, Union africaine et CEDEAO, les travaux avaient savamment et cyniquement planifié l'affaiblissement et le renversement du Président Laurent Gbagbo.
L'Histoire est en effet sans équivoque aujourd'hui : Les accords de Marcoussis n'avaient pour objectif réel que d'installer Alassane Dramane Ouattara au pouvoir en Côte D'Ivoire. C'est par exemple sur la base de ces accords que le camp rebelle s'était directement vu octroyer 85 % des postes au Gouvernement et que le RHDP avait pris possession à 95% de la Commission électorale indépendante (CEI) avec les conséquences des graves dysfonctionnements que l'on connaît. Au pouvoir aujourd'hui grâce à ce sombre complot international et profondément englué depuis de longs mois dans sa gestion chaotique du pays, Dramane Ouattara a donc voulu rééditer le coup de Marcoussis pour atteindre les nouveaux objectifs qu'il s'est fixés.
En refusant ainsi de discuter directement et exclusivement avec le FPI et en voulant diluer sa participation dans celle des partis conduits par des leaders qui ont depuis longtemps changé de veste et de verbe, en brûlant les étapes dans l'organisation du Conclave de Grand-Bassam, Alassane Dramane Ouattara a planifié l'échec du Conclave et montré son mépris pour la paix et la réconciliation nationale en Côte D'Ivoire.
Pour certains observateurs, l'organisation de ces assises avait été imposée à Ouattara qui cédait ainsi aux fortes pressions internationales lui exigeant d'engager au plus vite un dialogue politique franc et direct avec le FPI, de mettre définitivement fin à la crise post-électorale et de s'attaquer aux nombreux défis de la reconstruction. L'indice de risque pays est en effet très élevé actuellement en Côte D'Ivoire et continue d'effrayer tous les investisseurs, même les plus téméraires. Il faut donc instaurer rapidement un climat apaisé qui soit propice aux investissements.
De l'avis des tenants de cette thèse, une telle démarche devrait aboutir à court terme à la libération des détenus politiques FPI/LMP, au retour des exilés et au dégel des avoirs. Selon des sources proches du dossier, Dramane Ouattara devrait également réfléchir à la formation dans un court délai d'un nouveau Gouvernement comprenant des représentants de tous les partis y compris le FPI lui-même. Dans l'esprit de ces recommandations, cela pourrait favoriser la participation effective des uns et des autres aux prochaines élections, notamment les municipales et les départementales qui, aux yeux des principaux bailleurs de fonds, seront un véritable test des avancées sur le chemin de la paix.
Beaucoup d'analystes restent cependant convaincus que Dramane Ouatttara n'a renoncé à rien dans sa volonté de semer les graines de la division et de l'explosion sociale, de souffler chaque jour le chaud et le froid tout en tenant l'opposition en laisse jusqu'en 2015, date du nouveau rendez-vous électoral. Dans son agenda secret figureraient ainsi en bonne place une révision de la Constitution, concernant notamment les critères d'éligibilité du président de la république ainsi qu'une révision des critères d'admission à la citoyenneté.
Pour lui, de nombreuses dispositions actuellement en vigueur écarteraient trop d'Ivoiriens dans leur formulation. Ouattara préparerait donc l'adoption de diverses lois qui pourraient lui permettre de naturaliser des millions d'étrangers, de mettre en place un arsenal juridique dans le domaine du foncier urbain et rural pour légaliser la vaste expropriation des Ivoiriens qui bat actuellement son plein, assuré qu'il est de faire passer toutes ces lois iniques au niveau d'une Assemblée nationale taillée sur mesure.
Le Conclave de Grand-Bassam aurait alors été transformé en une vaste stratégie d'enfumage élaborée pour envoyer à la communauté internationale un faux message de normalisation et tenter de desserrer l'étau de l'isolement qui menace le régime. Un refroidissement est en effet en train de s'installer progressivement aujourd'hui dans les relations avec les États-Unis de Barack Obama tandis qu'avec la probable victoire du socialiste François Hollande en France, les choses pourraient davantage se compliquer du côté de l'Hexagone.
A travers ces négociations piégées, Dramane Ouattara a surtout voulu faire croire que le FPI est revenu dans le jeu politique en Côte D'Ivoire malgré le transfèrement de Laurent Gbagbo à la CPI, la détention massive de ses partisans dans les prisons au nord du pays et le nombre sans cesse croissant de ceux qui continuent de fuir du pays. L'autre imposture était aussi de présenter Alassane et ses rebelles comme les victimes des pros-Gbagbo. Cette grosse imposture est dévoilée quand le Communiqué final du Conclave proclame cyniquement que « l’opposition a reconnu la nécessité d’une démarche de pardon », sans préciser de quelle opposition il est question !
Le parti de Laurent Gbagbo qui vient de tenir sa Convention dans une grande ferveur et se montre désormais de plus en plus conscient de tenir le bon bout, semble bien décidé à ne plus se laisser surprendre. Les compromis et les compromissions qu'agite quotidiennement Ouattara pourraient ainsi avoir peu de chance d'emmener ce parti à hypothéquer son combat pour la reconquête des droits et des libertés démocratiques. La survie de la Côte D'Ivoire reste avant tout à ce prix.

Océane YACÉ
Politologue à Monaco
oyace84@yahoo.fr