Côte d'Ivoire: La nation ivoirienne à l’épreuve de la confusion des allégeances politiques, Par Jacques –André Gueyaud, Ph. D

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - La nation ivoirienne à l’épreuve de la confusion des allégeances politiques, Par Jacques –André Gueyaud, Ph. D.

Abidjan le 22 juillet 2019. Le président du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et le Paix (RHDP), Alassane Ouattara a présidé ce lundi une grande réunion des instances du parti. Image d'llustration.

Quels souvenirs les hommes et les femmes de la nation ivoirienne qui viendront après nousconserveront-ils de la Côte- d’Ivoire (CIV) de nos jours? Nul ne peut répondre à cette question, car cette mémoire s’inscrira à la suite de préoccupations aujourd’hui imprévisibles. Il est possible, toutefois,de s’interroger sur l’aspect de la société ivoirienne dans son état actuel que ces histoires de l’avenir devraient relever en premier lieu.

Nul doute que la CIVa derrière elle une histoire relativement récente, ce qui permet de dire qu’elle n’est ni l’unique ni peut-être même, la meilleure forme de communauté politique au monde. Par contre, elle conserve une utilité remarquable par la diversité de sa population, quand bien même l’on peut envisager sa disparition dans un avenir plus éloigné avec l’avènement de la mondialisation et la fusion des nations.

C’est cette utilité présente, contre tous ceux qui la nient et qui mettent en danger la cohésion sociale par une gouvernance basée sur l’ethnie, et la confusion de leurs allégeances politiques qu’il faut mettre en lumière.
Les hommes et les femmes qui viendront après nous seront sans doute tentés de caractériser notre nation par le triomphe de différentes phases idéologiques de gouvernance, depuis la Francafrique du Président Houphouët-Boigny, premier Président du pays, caractérisée par l’étroite collaboration avec l’ancienne métropole,
en passant successivement, par l’Ivoirité du président Bédié, le nationalisme du Président Gbagbo inspiré par le socialisme jusqu’au Rattrapage ethnique du Président Ouattara.

Peut-être préfèreront-ils le développement fulgurant de la technologie, surtout du cellulaire et son immense influence sur la vie quotidienne même dans les campagnes les plus reculées en CIV?

D’autres encore insisteront sur le fait de la mondialisation des échanges économiques (par exemple, le tout récentlancement de la zone de libre-échange continentale africaine-ZLEC) et culturels qui forme déjà la base d’une nouvelle société civile sans frontière.

Tous ces éléments sont cruciaux.Mais s’il m’était permis toutefois de leur faire une suggestion, je serais tenté d’attirer leur attention sur ce que l’on peut appeler faute de mieux, la confusion créée par des allégeances politiques qui émaillent la vie politique ivoirienne en ce moment et en raison desquelles les hommes et les femmes ivoiriennes en politique changent un parti pour un autre ou adhèrent à une coalition politique.

Ces confusions sont plus frappantes quand on les examine sous l’angle duRHDP fusion de plusieurs partis politiques avec pour chef, le Président de la CIV,dont les visées politiques sont réductionnistes etcréent, à mon avis, des confusions qui mettent à rude épreuve le concept de la nation que devrait constituer la CIV.

La confusion est due, surtout au fait que les objectifs de telles allégeances sont inconnus ou flous, et ne sont motivés par ailleurs, de volonté visant le bien-être commun. Il est à espérer que les autres coalitions et allégeances politiques , dontl’EDS, le PDCI et le FPI-GBAGBO etle FPI–AFI ou encore, Bédié-Gbagbo pour ne citer que celles-là, travaillent à l’unisson pour le développement du concept de nation en CIV.

Car si l’on considère le développement du pays auquel nous assistons actuellement, certains signes (achat des adhésions) sous lesquels se font les allégeances laissent croire qu’une confusion se déploie parmi nous.Les futurs historiens auraient, à cet égard, à faire beaucoup de discernement. Il ne faut pas se le cacher, la CIV fait partie de ces pays où il est encore bien difficile de faire prévaloir les droits de l’homme sur les aspirations nées de l’appartenance à une nation ou à une autre forme de communauté.

Ce n’est pas que cette époque soit unique sous ce rapport; bien au contraire, les filles et les hommes de la CIV ont vécu sous des fidélités diverses d’innombrables fois. Qu’il suffise d’évoquer le PDCI-RDA ou encore le Syndicat Agricole Africain (SAA) de Félix Houphouët, la SFIO (Section française de l’Internationale Ouvrière) la branche du Parti socialiste français en CIV dont l’un des membres ivoiriens influentsfut Adrien Dignan Bailly, un journaliste publiciste originaire de Gagnoa.

Mais il s’agirait de porter à l’attention des générations futures le fait incontournable que nous sommes désormais soumis à une multitude d’obligations politiques et morales divergentes, ce qui explique probablement l’intérêt porté aujourd’hui à la question de l’identité. Nous vivons en somme dans la divergence, nous accoutumant à un état de dispersion générale. C’est pourquoi il est parfois si difficile de savoir à quelle exigence il faut soumettre notre liberté.

Sommes-nous tenus d’être fidèles à nous-mêmes ou à l’humanité, nous faut-il accepter les obligations de notre appartenance à une région, à une tribu, voire à un certain style de vie (ce que les ivoiriens désignent avec raison par l’expression mangercratie , expression popularisée Par Tiken Jah Facoly dans une de ses chansons), ou bien devons-nous donner préséance à ces devoirs qu’entraine la citoyenneté? Plusieurs jugent que cette diversité est saine et qu’elle témoigne du pluralisme des nations modernes.

D’autres, au contraire, estiment qu’elle manifeste une perte de sens et d’unité, c’est-à-dire un manque de cohésion sociale conduisant à un affaiblissementgénéral du lien social. Pour ma part, je pense qu’une telle pluralité d’allégeances n’est pas dommageable tant et aussi longtemps que la confusion à laquelle elle peut donner naissance ne met pas les individus en contradiction avec eux-mêmes au point qu’ils ne puissent se déterminer à agir sur le plan socio-politique derrière une cohésion sociale.

En d’autres mots,les allégeances devraient permettre aux ivoiriens et ivoiriennes de travailler ensemble à l’édification d’une plateforme non idéologique et inclusive incarnée par la reconnaissance explicite à l’appartenance à une nation pour tous. Mais ce n’estmalheureusement pasce qui se passe. En CIV, la divergence dont il est question ne porte pas simplement sur diverses obligations morales concurrentes, mais touche au rapport du politique à la morale.

Au cœur de cette confusion des allégeances transparaît la difficulté rencontrée par plusieurs ivoiriennes et ivoiriens à lier de façon cohérente certaines aspirations morales ainsi que certaines nécessités politiques auxquelles ils font face sans qu’ils ne soient interpellés soit par les autorités gouvernementales avec l’aval du judiciaire, soit par la police. Il faut par conséquent juger de la légitimité d’une politique qui se réclame de la nation et cette légitimité ne peut être que circonstancielle puisqu’elle dépend du contexte moral et politique de la nation.

La nation représente la forme d’association politique la plus répandue à notre époque. Aussi, est-on en droit de s’étonner du peu d’attention que lui accordent les gouvernants actuels en CIV. Cela d’autant plus que si les gouvernants actuels jouissent de moments de discours et de publicités dans les médias consacrés au culte de leur personne par les membres de leur association politique, il y a bien peu de discours sur la nation.

Pour répondre aux exigences créées par leur parti politique, dont en particulier le rattrapage ethnique, les discours des allégeances au RHDP par exemple, ont été parfois tournés à limiter l’exercice de certains droits fondamentaux. Ils sont surtout faits dans les langues des communautés sensibles au RHDP afin d’assurer la réélection des membres de ce parti.Ce faisant et sous l’influence du rattrapage ethnique, la nation en CIV, est devenue synonyme d’ethnie et la culture de l’ethnie s’est vu assigner une mission historique.

L’idée de nation, par conséquent souffre en CIVd’aujourd’hui d’assimilations circonstancielles et malheureuses. Sous le poids de cette expérience de gouvernance du RHDP, s’est formé le soupçon persistant que la nation, en raison même de sa nature présumée, comporte les prémisses d’un retour à la barbarie. Combien de fois n’a-t-on pas fait allusion au génocide rwandaisquand l’on pense au devenir de la CIV sous ou après l’ère Ouattara, l’actuel Président de la Côte d’Ivoire, et père du rattrapage ethnique et du RHDP!

Le divorce entre la liberté et les idées de la nation comprise comme une communauté d’histoire et de culture s’accomplit dans ce contexte général de mémoire et de sensibilité. Ce qui explique que nombre d’intellectuels ivoiriens aient jugé qu’il n’y avait plus à réfléchir sur la nation ivoirienne, si ce n’est comme une monstruosité politique engendrée par l’ethnicisation de la société. On comprend dès lors que la nation, en tant que réalité sociale, si elle conserve dans les faits une influence considérable, ne représente plus, aux yeux de plusieurs, un idéal politique.

Le contraste est remarquable entre d’une part, la puissance effective de la nation à notre époque moderne et, d’autre part, l’effort de pensée dont elle fait l’objet. Pour moi, l’appartenance à la nation du fait qu’elle se constitue par mémoire, représente désormais une limite arbitraire à la liberté de chacun. La nation, cette communauté imagée, impose à tous, sous la forme d’un devoir de mémoire, une loi qui, loin de représenter une voie privilégiée d’accès à soi-même, se révèle une entreprise d’homogénéisation, conduite au nom de l’histoire.

Donc l’idée de nation doit être comprise comme une communauté d’histoire et de culture sur un territoire et non pas le fait d’une seule ethnie parmi plusieurs. Autrement dit dans une société comme la CIV caractérisée par la pluralité culturelle et la diversité de la conception du bien, la tâche politique la plus importante doit consister à préserver les droits des individus et s’assurer qu’ils soient traités également. Les communautés nationales, à l’image des individus dans la société civile, ont à prendre place au sein d’un libre marché des cultures, sans qu’une allégeance politique incarnant le pouvoir étatique, et n’ayant aucune conviction militant en faveur du bien-être de toutes, puisse intervenir en faveur de l’une d’entre elles.

La CIV est constituée d’une diversité d’ethnies et les allégeances politiques qui se nouent quelle que soit leur idéologie d’appartenance, doivent permettre de dévoiler l’espace de sens commun où se déploient les discours divergents, puisque chacun peut se réclamer d’une même modernité et témoigner d’une même ambivalence initiale. Il n’est nullement question de chercher à nier l’existence d’une pluralité d’allégeances en CIV, voire de réduire celle-ci à une imaginaire unité, tout au plus s’agit-il d’ordonner cette diversité incontournable de manière à éviter la contradiction.

Ce dont il est question, c’est bien davantage d’une définition de l’espace public qui, tout en laissant libre cours à la diversité des conceptions morales, permette à l’individu de cultiver un bien partagé avec ses semblables, sans que cela contrevienne à son désir d’authenticité et au devoir qui le lie à autrui en CIV. Or l’examen du devenir présent de la nation ivoirienne, même davantage de l’idée que nous nous en faisons, ne permet pas un tel dévoilement de sens.

C’est la raison pour laquelle la question nationale permet, mieux que toute autre, de faire ressortir ce caractère spécifique de la CIV et de saisir ce que nous pourrions appeler sa vérité propre. En même temps qu’il importe de reconnaître la diversité des allégeances au sein de laquelle nous nous mouvons, de manière non pas à réduire celle-ci à quelque unité transcendante, il faut aussi modestement, arriver à circonscrire un équilibre entre ces sens divergents qui permette d’éviter de tomber dans une contradiction telle que les nécessités de la politique ne puissent être conciliées avec l’idéal d’humanité qui prédomine aujourd’hui.

L’ambivalence engendrée par la confusion des allégeances au RHDP apparaît clairement lorsqu’on aborde la question nationale, c’est-à-dire l’ensemble des problèmes, en CIV, qui émanent de la cohabitation, souvent contre leur gré, de populations se réclamant de nations différentes (pêcheurs Dozo maliens, planteurs burkinabé, commerçants libanais et syriens, autochtones ivoiriens, etc.) au sein de ce même pays.Ces problèmes incluent souvent des enjeux tels que la souveraineté ou l’autonomie nationale, le contrôle des richesses et du territoire, etc.

En vérité, le problème posé par des revendications nationalessur la préservation des espaces d’appartenance, que ce soit à l’ouest, à l’est ou au sud du pays, loin de masquer la difficulté, permet d’en mesurer l’étendue. Par exemple, les allégeances de la plupart des membres au RHDPsont mues non pas par conviction politique, mais par la «mangercratie», le RHDP offrantdes rétributions en espèces ou en produits vivriers (riz, huile, etc.) afind’attirer adhérents d’une part et, d’autre part, par l’idéede résoudre la question nationale par la primauté exclusive de la modernité sur la nation que prône le parti.

Pour cette coalition qui incarne principalement la droite ivoirienne et qui se réclame de l’idéologie politique(centre droit et conservatisme) de Félix Houphouët, la difficulté ne serait qu’apparente puisqu’en définitive il nous suffirait de reconnaître en matière de politique, que l’universel doit prévaloir sans partage sur le singulier. Le référent, le maître à penser ici,est sans équivoque l’ancienne et l’actuelle colonie, la France qui a besoin sur place, d’un préfet lui permettant de réguler la conduite de ses politiques d’extraversion des richesses du pays.

Ces principes, normatifs soient-ils,ne sauraient cependant être acceptables qu’à la condition, que je juge incontournable, de préserver ces espaces d’appartenance qui font la vie réelle des ivoiriens et des ivoiriennes. Une réflexion attentive à la signification profonde des revendications nationales révèle des tensions qui façonnent la CIV depuis 2011, année qui correspond à la prise du pouvoir par le RDR qui deviendra plus tard le RHDP. À l’encontre des conceptions simplificatrices du RHDP de la nation qui visent toutes à établir la primauté sans partage de ses exigences, au risque de dérapages imprévisibles, un examen attentif des rapports qui lient la nationalité à l’ethnie permet de croire qu’il est infiniment plus raisonnable de se contenter d’équilibres même passagers, compte tenu de la complexité de la nation.

Pour saisir tout ce que met en jeu la question nationale, il faut la situer dans un horizonplus vaste, car le problème que soulève le devenir de la nation à notre époque moderne, déborde largement celui soulevé par la courte vue d’une éventuelle comptabilité entre l’ethnicisation, le libéralisme d’un côté et le nationalisme de l’autre. La nation est d’abord un fait historique, quelles que soient les difficultés que l’on puisse rencontrer en tentant de la définir. Toute communauté dont les membres reconnaissent appartenir à une nation et manifestent à cet égard une volonté politique commune, quel que soit l’objet de cette reconnaissance-une langue, une histoire-, etc. constitue de facto une nation historique.

Qu’un tel désir d’appartenance soit ou non couronné de succès politique importe peu. Ce qu’il importe de considérer en premier lieu c’est la part de justice qui s’attache aux projets politiques fondés sur un tel acte de reconnaissance. Autrement dit, quelle est la légitimité politique de la nation? Il n’appartient pas, à mon avis, aux politiciens, pas plus qu’aux sociologues d’ailleurs, de procéder à l’examen d’une telle question, c’est là une tâche qui revient en propre à la population faute d’une philosophie politique.

Du reste si cet examen de la populationpeut permettre d’évaluer la pertinence des critiques, particulièrement de la critique politique du RHDP dont la nation est sans conteste la victime, tel ne devrait pas être son principal objectif. Au-delà de toute considération pratique, ce qui est en jeu, c’est davantage la place à accorder à la différence au sein de la nation.

Doit-on considérer la nation en CIV comme l’une des expressions les plus caractéristiques d’un peuple vivant sur le même territoire, ou bien doit-on envisager la possibilité que la nation y ait été engendrée au passage par la politique sans appartenir à sa logique propre? Quelle que soit la réponse, il paraît impossible de juger de la pertinence politique de la nation sans situer celle-ci dans l’horizon de sens défini par et pour le territoire.

Il se peut ainsi que la question de la légitimité politique permette d’entrevoir les aspects négligés de la réalité de la population comme référent de la nation, car une discussion centrée sur ce problème, révèlerait l’irréductible complexité du phénomène de la population et le caractère partisan des tentatives ethnicistes visant à une simplification excessive. S’il est vrai qu’on ne saurait penser le devenir de la nation sans situer celle-ci au sein d’un territoire et d’une population, en revanche les questions que soulève le développement de la nation éclairent le sens et la portée de son projet.

C’est en réfléchissant à cette tension première entre nation et politique que l’on se rend compte que les allégeances politiques, surtout celles initiées au RHDP créent de la confusion et mettent à mal l’idée de nation en CIV.

La réconciliation des exigences nées de la modernité, au moyen de la défense modérée de la nation, représente à long terme, une nécessité qui conduira la CIV à la démocratie. Les nations démocratiques, plus que toute autre, requièrent la participation des citoyens à la vie publique, mais cette participation ne saurait prendre forme sans que l’individu soit amené à s’identifier à la cité. Sans doute, la défense de certains droits fondamentaux et des institutions qui en permettent l’exercice représente-t-elle un bien susceptible de soutenir l’identification politique.

Tout l’objet du débat est de savoir jusqu’à quel point. Quel est, en CIV, le type d’identification politique qui permet l’établissement d’un lien politique stable et consistant? Il y a aujourd’hui des motifs raisonnables de s’interroger sur la viabilité d’un espace politique qui n’aurait pour source d’identification que les principes de la nation de justice, d’égalité et de démocratie. Il se pourrait ainsi que les institutions de la CIV, en particulier, l’administratif, le judiciaire et le parlementaire, visent une démocratisation nécessitant une identification autrement plus substantielle afin que soit assurée la participation plus active du citoyen.

À ce jour, l’idée de nation a incarné la recherche d’un tel bien particulier. C’est, finalement, la raison pour laquelle le destin de la liberté parait lié à celui de la nation. Loin d’être opposée à l’idéal moderne, la nation représente l’une des conditions de son accomplissement. Dans le contexte actuel de la vie politique en CIV, un sain exercice du jugement politique doit conduire à la reconnaissance de la diversité des exigences politiques engendrées par la réalisation de l’idéal de l’histoire d’une nation.

C’est seulement sur cette base d’une telle reconnaissance que la prudence redevient possible. Aussi conviendrait-il de juger tout autrement de la question de la nation dans un contexte différent, s’il existait, par exemple, une haine séculaire entre des ethnies qui ne se reconnaissent aucun devoir universel. Or, tel n’est pas le cas en CIV. C’est pourquoi il convient de soutenir l’attachement à la nation de manière à s’assurer que le lien social et politique conserve une consistance minimale.

Même si la nation n’est qu’une communauté imaginaire, il convient aux gouvernants, dans l’établissement de leurs politiques, de tenir compte aussi de l’imagination des hommes et femmes du pays, de ce qui transparaît de leurs désirs à travers un tel imaginaire. Pourquoi imposer à la CIV, une CEI (Commission Électorale Indépendante) qui ne convient pas aux hommes et aux femmes de ce pays?

Il serait bien périlleux de vouloir construire la cité des ivoiriennes et des ivoiriens à l’écart des aspirations qui les font être dans l’histoire, d’établir uniquement la loi sur leur faculté de compréhension sans prendre en compte leur désir d’être compris. C’est la raison pour laquelle la question du sens, inséparable au désir d’être compris, n’est pas étrangère à celle de la justice. Le désir d’être compris, quelle qu’en soit la particularité ou l’universalité participe à la mise en commun initiale qui constitue le fondement de toute politique.

On ne saurait donc construire un monde qui soit à la mesure des hommes et femmes qui forment la CIV sur la base d’allégeances politiquesen refusant d’inscrire dans la sphère politique ces exigences singulières qui découlent d’une certaine compréhension de soi.

Une contribution de Jacques –André Gueyaud, Ph. D.