C’EST QUOI LE DÉVELOPPEMENT (5ème partie) ?: LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE ET DÉMOGRAPHIQUE EN AFRIQUE, Par Dr. Ben ZAHOUI-DÉGBOU

Par Ivoirebusiness/Débats et Opinions - C’EST QUOI LE DÉVELOPPEMENT (5ème partie) ? LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE ET
DÉMOGRAPHIQUE EN AFRIQUE. Par Dr. Ben ZAHOUI-DÉGBOU.

25 millions de jeunes arriveront sur le marché du travail en Afrique Subsaharienne (ASS) en 2025.
L’Afrique est le continent le moins développé de la planète1
. Sa situation économique progresse mais pose la question, dans un contexte de forte croissance, de sa démographie, de sa capacité à faire
face à la progression du chômage de masse et du sous-emploi. Actuellement, les jeunes âgés de 15 à
17 ans représentent 20 % de la population africaine. 17 millions de jeunes subsahariens entrent
chaque année sur le marché du travail. Les prévisions les plus fiables estiment que ce nombre
atteindra 25 millions en 2025. Dans les 15 prochaines années, 330 millions de jeunes arriveront sur le
marché du travail en Afrique Subsaharienne2
. Cet afflux peut être porteur de Développement sous réserve d’une croissance créatrice d’emploi. Sinon, des risques politiques sont à craindre pour
l’Afrique. Cependant, pour le moment, l’Afrique du Sud et les pays du Maghreb sont plus prospères
que le reste de l'Afrique. Le Nigeria est le pays le plus peuplé du continent avec 223 millions
d'habitants (ONU, 2023) et le premier marché du continent (CNUCED, 2022). Les disparités
régionales très importantes font que l'Afrique Subsaharienne et le Maghreb sont souvent analysés
séparément dans divers domaines.
Cependant, dans l’ensemble, le continent africain est riche en ressources naturelles, mais celles-ci
sont exportées le plus souvent non transformées via des contrats mal négociés et peu profitables
aux populations africaines, d'où un faible apport bénéfique sur la situation économique de ces pays.
Bien que les terres n’aient pas encore déployer tout leur potentiel, c’est probablement le sous-sol
africain qui regorge de plus de richesses dans le monde (PNUD, 2022).
L’Afrique possède à elle seule plus de 60 types de minerais différents, totalisant ainsi un tiers des
réserves minérales mondiales, tous minerais confondus : A titre d’exemple, elle est dotée de 90 %
des réserves de platinoïdes ; 80 % de coltan ; 60 % de cobalt ; 70 % du tantale, 46 % des réserves de
diamant ; 40 % des réserves d’or et 12 % des réserves pétrolières3
. Il faut ajouter que le continent
Africain regorge de sources énergétiques très variées, réparties dans des zones distinctes :
abondance d’énergies fossiles (gaz en Afrique du nord, pétrole dans le Golfe de Guinée et charbon en
Afrique australe), bassins hydrauliques en Afrique Centrale, gisement uranium ; rayonnement solaire
dans les pays sahéliens ; et capacités géothermiques en Afrique de l’est.

Carte des ressources naturelles de l’Afrique. Source : Observatoire de la Complexité Économique –
OEC - (STATISTA4
, 2020).
L'exploitation en bonne et due forme de toutes ces ressources, une bonne gouvernance économique
des pays africains ainsi et qu’une redistribution équitable des richesses, permettraient de faire
reculer la pauvreté des populations. Cependant, le cadre institutionnel reste instable dans la plupart
des pays et présente un obstacle à leur Développement économique et social (Tansparency
International, 2019). Le PIB de l’Afrique s’est redressé en 2021 à 3,4 % après une contraction de 2,1
% en 2020. Cette année justement, la pandémie du COVID-19 a fait subir à ce continent, sa pire
récession enregistrée en plus de 50 ans selon le FMI. Il faut noté qu’en 2020, le PIB par habitant a
diminué de 10 % en valeur nominale5
. L’impact de la pandémie sur l’Afrique ayant été plus modéré
que prévu, la récession de 2020 n’a toutefois pas été aussi grave que ne le projetait l’institution
financière internationale.

L’Afrique a subi moins de pertes économiques dues à la pandémie que d’autres régions du monde.
De même, les taux de mortalité par million de personnes ont été relativement modestes comparés à
ceux d’autres régions6
. L’économie mondiale s’est contracté de 4,4 % en 2020, une récession
moins grave que la contraction de 4,9 % prévue par le Fonds monétaire international (FMI)
au début de la pandémie. La publication des Perspectives économiques en Afrique 2023 par
la Banque Africaine de Développement (BAD) vient confirmer ces données. Justement les
pays africains sont confrontés à de multiples chocs, tels que les effets de la pandémie de
Covid-19, les perturbations des chaînes d’approvisionnement exacerbées par la guerre en la
Russie et l’Ukraine et le resserrement des conditions financières mondiales.
Ces chocs ont entraîné une réduction du taux de croissance réel du produit intérieur brut
(PIB) du continent de 4,8 % en 2021 à 3,8 % en 2022. Cependant, les économies africaines
restent résilientes avec une croissance moyenne qui devrait se stabiliser à 4,1 % en 2023-
2024. Après avoir connu sa première récession depuis plus de 25 ans, consécutive donc au Covid-19,
l’Afrique Subsaharienne a renoué avec la croissance. Ce rebond tient, selon la dernière édition du
rapport « Africa’s Pulse7 », au prix élevé des matières premières, à l’assouplissement des mesures
mises en place pour lutter contre la pandémie et la reprise du Commerce International.
En 2021, plus d’une centaine d’investisseurs publics et privés internationaux ont été interrogés
justement par le baromètre Havas Horizon8 et ont livrés leur perception sur le financement de la
croissance économique africaine à horizon 2030, comme sur les dynamiques économiques et les
tendances d’avenir du continent. Complétant les résultats des précédentes éditions, la cinquième
édition du baromètre Havas Horizons 2021, révèle que la perception des investisseurs a fortement
évolué, et ce, dans de nombreux domaines, confirmant ainsi les mutations continues d’un continent en
plein essor économique. Pour Vera Songwe, Secrétaire Générale adjointe des Nations Unies et
Secrétaire Exécutive de la Commission Économique pour l’Afrique (CEA), les investisseurs internationaux
consacrent la constitution de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf)9
, d’un marché
africain plus large, mieux intégré et dont les barrières au commerce sont appelées à disparaitre. Celle-ci
donnera naturellement un coup de pouce aux échanges intra-africains10 et pourrait servir de tremplin à
l’industrialisation du continent ainsi qu’à la diversification tant souhaitée de son économie.

La ZLECAf sera un élément déterminant pour l’industrialisation du continent africain.
La nouvelle principale raison d’investir en Afrique à horizon 2030 est donc le Développement de la
Zone de libre-échange continentale africaine (46,5 %), souligne cette cinquième étude de Havas
horizon menée avec la Commission Économique pour l’Afrique des Nations Unies, basée à Addis-
Abeba. Cet espace économique déjà sur les rails doit, à terme, réunir l’ensemble des pays africains au
sein d’un marché unique de 1,2 milliard de personnes pour un produit intérieur brut de
2 500 Milliards de $ US (Union Africaine, 2017). En attendant, les résultats probants de la ZLECAf,
l’émergence d’une classe moyenne, la volonté de se positionner sur des marchés d’avenir restent,
comme en 2015 et 2018, des éléments importants dans la prise de décision des investisseurs.
Toujours selon le baromètre Havas Horizons 2021, ces derniers perçoivent le Rwanda, le Nigeria et
l’Éthiopie comme les économies les plus prometteuses du continent à horizon 2030. À en croire les
sondés de l’étude, une grande part de ces atouts se concentrent dans une région en particulier :
l’Afrique de l’Est. Suivie de l’Afrique de l’Ouest (79,2 %) et de l’Afrique du Nord (77,8 %). L’Afrique
Centrale demeure comme dans les précédentes éditions la région la moins attractive (58,3 %). Mais
le principal changement notable avec l’étude 2018, c’est le recul de l’Afrique de l’Ouest qui passe à la
deuxième position.
L’étude du baromètre Havas Horizon pour 2021 note que les investisseurs internationaux (84,9 %)
réaffirment leur optimisme et renouvellent leur confiance quant aux perspectives économiques du
continent à horizon 2030. Selon cette même étude, l’Afrique est toujours perçue comme une région
particulièrement attractive. Il faut toutefois noter que cet optimisme est en légère baisse (il était de
100 % en 2015 et de 92 % en 2018) marquant ainsi le passage de l’ère de l’afro-pessimisme à celle de
l’afro-optimisme. En effet, la jeunesse africaine est confiante en l’avenir de son continent. C’est ce
que révèle une autre étude réalisée en 2020. Celle-ci souligne une montée de l’afro-optimisme sur le
continent, malgré des difficultés sociopolitiques persistantes. Commanditée par la fondation
Ichikowitz11, l’enquête a été faite dans 14 pays africains, dans lesquels ont été interrogés 4 200
jeunes âgés de 18 à 24 ans. L‘âge moyen en Afrique est inférieur à 20 ans, selon l’ONU, soit un
continent de 10 ans plus jeune que tous les autres continents.
L’étude de la fondation Ichikowitz, a relevé que la plupart des personnes interrogées étaient certes
insatisfaits de l‘état de leur pays, mais près de la moitié ont estimé que le continent, dans son
ensemble, se porte mieux que des décennies passées. Deux tiers des interviewées jugent même
qu’elles assistent à une « transformation du siècle africain ». Pour la majorité des jeunes interrogés,
que les nouvelles technologies, notamment Internet, ont été pour beaucoup dans la transformation
du continent, ouvrant des opportunités au-delà des frontières nationales et connectant les jeunes à
travers l’Afrique et le reste du monde. Signalons qu’après de longues années de stagnation
économique, l’Afrique revient dans le radar des milieux financiers internationaux, qui y voient le
dernier réservoir de croissance mondiale, à contre-courant des images de pauvreté et d’insécurité
souvent véhiculées sur le continent par une certaine presse. Ce changement de regard est qualifié
d’afro-optimisme par opposition au concept d’afro-pessimisme, né dans les années 90, qui consistait
à regarder uniquement le continent par le prisme des catastrophes et à remettre en cause sa
capacité à se développer. « Le 20ème siècle a été perdu pour nous. Mais aujourd’hui, tout le monde
est unanime : c’est le temps de l’Afrique, qui a renoué avec la croissance depuis les années 2000 »,
assure Tchétché N’Guessan12.
Pour Paul-Harry Aithnard13, répondant du panel constitué de près d’une centaine des plus grandes
institutions financières et bancaires opérant en Afrique, l’afro-optimisme trouve plusieurs sources
« notamment structurelles avec la croissance démographique et la jeunesse de la population. Mais
aussi conjoncturels, avec un nouveau cycle enclenché au niveau des matières premières et de la
technologie ». Son analyse résume assez bien l’état d’esprit des dirigeants des plus grandes
institutions financières du continent africain, qui estiment pour beaucoup que les perspectives
africaines sont riches en promesses pour la décennie à venir.

Ben ZAHOUI-DÉGBOU

Géographe – Journaliste spécialiste de Géopolitique.

Docteur en Commerce International (Investissements Directs Étrangers -IDE- et Développement).

1 Le développement économique en Afrique, rapport 2019, New York, Conférence des Nations unies sur le
2 Bruno Losch, (2012), « Prévention des crises en Afrique subsaharienne. Relever le défi de l’emploi :
l’agriculture au centre. Perspective », (19), 1-4. https://doi.org/10.18167/agritrop/00008
3 Isabelle Ramdoo, « L’Afrique des ressources naturelles » novembre 2019 pour l’IISD : Traduit de l'anglais-
Institut international du développement durable. C’est un groupe de réflexion indépendant fondé en 1990.
L'institut a des bureaux à Winnipeg, Ottawa, Toronto et Genève. Elle compte plus de 100 Chercheurs et
associés travaillant dans plus de 30 pays.
4 STATISTA est un portail en ligne allemand offrant des statistiques issues de données d’instituts, d'études de
marché et d'opinion ainsi que de données provenant du secteur économique. La plateforme comprend plus
d’un million de statistiques sur plus de 80 000 sujets de plus de 22 500 sources, en anglais, français, allemand
et espagnol, dans 170 secteurs différents. Cette plateforme a plus d'un million et demi d'utilisateurs chaque
année.

5 En sciences économiques, les notions de valeur nominale et de valeur réelle sont utilisées pour étudier des
variations temporelles de quantités. On parle également de mesure à prix courants et de mesure à prix
constants. Lorsqu’on étudie les variations d’une quantité entre deux dates, cette quantité étant mesurée au
moyen de sa valeur monétaire, ces variations sont perturbées par l’inflation qui a eu lieu entre ces deux dates,
c’est-à-dire la diminution de la valeur de la monnaie.
6 John Nkengasong, virologue camerounais. Dans le Journal « Monde Afrique » du le 11 mars 2020. Il dirigeait
les Centres de prévention et de contrôle des maladies de l’Union africaine à Addis-Abeba en Ethiopie. Inconnu
du grand public, il y a encore deux ans, John Nkengasong s'est rapidement imposé comme l'un des piliers de la
lutte anti Covid-19 en Afrique. A tel point que Joe Biden l’a nommé comme patron du programme américain de
lutte contre le VIH.
7 Africa's Pulse, est une analyse semestrielle des perspectives macroéconomiques à court terme pour l’Afrique
subsaharienne, publiée dans le cadre des réunions de printemps et annuelles de la Banque mondiale/FMI
chaque avril et octobre. Elle édité par la Banque Mondiale.
8 Le baromètre Havas Horizons 2021, réalisé conjointement par la Commission Économique pour l’Afrique des
Nations Unies et le Groupe Havas, a interrogé un panel d’une centaine de représentants des principales institutions
financières et bancaires africaines, ou exerçant une activité en Afrique, et des acteurs contribuant activement à son
développement économique.
9 ZLECAf : La Zone de libre-échange continentale africaine représente une véritable occasion de stimuler la
croissance, de réduire la pauvreté et d'élargir l'inclusion économique en Afrique, et cela malgré la crise
engendrée par le coronavirus, souligne la Banque mondiale.
10 Actuellement, le commerce intra-africain est faible et ne représente que 14,4 % du total des exportations
africaines. Même si les exportations africaines de biens et services ont enregistré une croissance
particulièrement rapide au cours des dix dernières années, leur volume reste faible et représente à peine 3 %
du commerce mondial.
11 La fondation Ichikowitz été créé en 2010 par Ivor Ichikowitz, un industriel et philanthrope sud-africain
passionné par l'Afrique et ses habitants. Dans sa fondation, il perpétue une longue tradition familiale
d'innovation, d'entrepreneuriat et d'engagement communautaire. C'est ce bagage qui motive son engagement
pour le développement des jeunes à travers des initiatives éducatives, environnementales et culturelles.
12 Tchétché N’Guessan est Professeur titulaire d’économie. Il est le directeur honoraire du Centre ivoirien de
recherches économiques et sociales (Cires). Ancien administrateur de la Côte d’Ivoire, de la Guinée et de la
Guinée Equatoriale à la BAD, s’exprimait à la « Conférence internationale sur l'émergence de l'Afrique », le 18
avril 2015 à Abidjan en Côte d’Ivoire.
13 Né en 1974, Paul-Harry Aithnard de nationalité togolaise est le Directeur Général de Ecobank Côte d’Ivoire
et le Directeur Régional exécutif pour la zone UEMOA. Il est Docteur en Administration des affaires.