Ahoua Don Mello, ex-ministre de Laurent Gbagbo, depuis la Guinée : "Le défi de la restauration de la démocratie justifie le rapprochement FPI-PDCI"

Par Aujourd'hui - Ahoua Don Mello "Ci-dessous quelques morceaux choisis de mon échange avec le quotidien aujourd’hui ce lundi 16 à Conakry".

Le Ministre Ahoua Don Mello.

LE DÉFI DE LA RESTAURATION DE LA DÉMOCRATIE JUSTIFIE LE RAPPROCHEMENT FPI-PDCI

Aujourd’hui : Vous revenez d’une visite de chantiers
qui sont l’expression des projets d’énergie,
de route, de chemin de fer, de port,
d’exploitation de bauxite et de
construction de technopole universitaire
que vous avez conçus ou négociés
avec les institutions financières internationales.
Pour le développeur que
vous êtes, comment va la Guinée ?

Ahoua Don Mello : la Guinée a payé le
prix fort pour l’indépendance des etats
de l’afrique francophone depuis le mémorable
« non » du peuple de Guinée
de seKou toure au Général de
Gaulle lors du référendum de 1958.
le financement de la résistance à plus
de neuf tentatives de coup d’etat du réseau
Foccart contre le régime de
seKou toure, ont privé ce pays de
moyens financiers nécessaires pour son
décollage économique au profit de la
construction de la souveraineté politique,
monétaire et sécuritaire de l’etat Guinéen.
sur les fondations de cet acquis inestimable
et irréversible, la Guinée est en pleine construction de la démocratie et du
développement avec ses effets secondaires
de turbulence politique et de demande sociale croissante.
On y reviendra…

ADM : sur le plan du développement,
en moins de 10 ans, la Guinée a multiplié
par 5 sa production de bauxite,
par deux sa production d’énergie
électrique, construit plus de 4 000
km de fibre optique et restauré 80%
de son réseau routier pour améliorer
la connectivité et la mobilité des citoyens,
sans compter la construction
de centres de santé suite à la crise
ebola, des lycées et collèges, l’accès à
l’eau potable et à l’électricité ainsi
que le développement de son parc
hôtelier et immobilier.

Aujourd’hui :En quoi consiste le projet de
technopole universitaire ?

ADM : le programme de technopoles
universitaires vise à donner
une réponse originale alliant savoir,
recherche et entreprise en liant formation,
recherche et développement.
c’est un moyen efficace de
briser la dichotomie entre formation
et emploi et relever le défi du chômage

Aujourd’hui :des diplômés.
Le fait que ce soit la Guinée, at-
il, d’un point de vue historique,
justifié votre choix parmi les nombreux
pays qui souhaitaient bénéficier
de vos compétences de
développeur ?

ADM : la côte d’Ivoire, comme tous
les autres pays de l’afrique francophone,
a privilégié le développement
en sacrifiant la souveraineté. elle a
atteint la limite du développement
sans souveraineté. elle cherche aujourd’hui
sa souveraineté militaire et monétaire, condition nécessaire
pour le développement d’une démocratie
sans interférence externe et du
développement monétaire, industriel
et social. a l’inverse, la Guinée, à
la différence des autres pays francophones,
a choisi de bâtir sa souveraineté
sécuritaire et monétaire et
cherche actuellement la voie de la
démocratie et du développement.
l’expérience Guinéenne m’intéresse
dans la mesure où, en échange de
mon expertise de développeur, j’apprends
les leçons et le prix à payer
pour la conquête et la sécurisation
de la démocratie sans interférence,
de la souveraineté militaire et monétaire.

Aujourd’hui :Est-il vrai qu’Alpha Condé veut
faire un troisième mandat ?

ADM : J’ai un devoir de réserve sur le
plan politique. ce que je peux dire,
c’est que, ce qui est à l’ordre du jour
ce sont les élections législatives et un
débat sur la constitution qui a gagné
en ampleur ces jours-ci et qui couve
depuis la période de la transition de
2010 parce qu’elle souffre de deux
handicaps congénitaux. ses rédacteurs
n’avaient pas de mandat du
peuple et le projet de constitution n’a
pas été adopté par référendum mais
par la commission nationale de
transition. certains réclament donc
une constitution ayant l’onction du
peuple souverain de Guinée lequel
possède une solide culture du référendum
et d’autres souhaitent le
maintien de la constitution de 2010
malgré ses handicaps. l’issue de ce
débat est le défi à relever pour bâtir
la démocratie Guinéenne sur le socle
de sa souveraineté afin de rélever le
défi du développement.
depuis les élections imparfaites de
2010 et 2015, la crise ebola a
contrecarré la construction de la démocratie
entre 2010 et 2015, la
classe politique Guinéenne a ainsi
consacré le deuxième mandat du
président alpha condé à rechercher
un consensus sur la commission
électorale, le découpage électoral, la
liste électorale avant de redémarrer
les élections par les élections municipales
en 2018 et cette classe politique
s’apprête à réaliser les
élections législatives début 2020.
pour le moment le professeur alpha
condé ne s’est pas encore prononcé
sur un quelconque troisième mandat. cela alimente évidemment la polémique
sur un éventuel troisième
mandat.
en tout état de cause, le peuple souverain
de Guinée saura choisir son
destin démocratique.

Aujourd’hui : Est-ce que ça vous étonne que
les Africains pensent que la souveraineté
est une rengaine éculée ?

ADM : l’esclavage et la colonisation
des africains ont eu des défenseurs
africains. l’occupation monétaire et
militaire de l’afrique a aussi eu ses
défenseurs, mais la quête de la souveraineté
est une aspiration légitime
des peuples. les etats européens ont
conquis leur souveraineté sous les
lourdes balles de l’empire romain et
contre les canons du nazisme hitlérien.
les etats-unis d’amérique se
sont débarrassés de la tutelle anglaise,
la chine a écarté de son chemin
l’occupation anglaise, française
et Japonaise. les pays anglophones,
lusophones, hispanophones et arabophones
d’afrique ont refusé la tutelle de leurs anciennes puissances
coloniales. les pays d’afrique francophone
à l’exception de la Guinée et
du rwanda, restent les seuls dans le
monde à s’accommoder de l’occupation
militaire, monétaire et économiques
qui les privent de leurs
réserves monétaires, de leur économie
et du libre choix de leur président.
seuls quelques complexés intellectuels
d’afrique francophone peuvent
s’accommoder d’une privation de
souveraineté et donc considérer la
question comme une rengaine éculée.
la conquête de la souveraineté est
donc un processus irréversible et les
derniers seront certainement les
premiers à donner une grande valeur
et un contenu ambitieux à la
souveraineté en s’inspirant des réussites
et des échecs des prédécesseurs.

Aujourd’hui : Le Président Français convoque
les Chefs d’Etat du G5 Sahel pour se
prononcer sur la présence militaire
française dans le sahel dans
la lutte contre les terroristes.

Qu’est-ce que vous en pensez ?

ADM : au-delà de la lutte contre le
terrorisme, les canons de l’armée
française en afrique sont principalement
orientés contre les chefs
d’etats qui aspirent à la souveraineté
donc, au risque d’être la prochaine
cible après l’expérience ivoirienne
avec laurent GbaGbo, les conclusions
de ce sommet peuvent être rédigées
par anticipation. ce n’est donc
pas les chefs d’etats qu’il faut convoquer
mais les peuples qu’il faut
convoquer à un référendum sur les
accords de coopération militaires et
monétaires qui lient la France et ses
ex-colonies.

Aujourd’hui :Mais ces pays ont objectivement
besoin du soutien extérieur
pour lutter contre le terrorisme ?

ADM : la souveraineté n’exclut pas
la solidarité entre des etats libres et
souverains. la France a eu besoin de
l’afrique et des etats-unis pour se débarrasser
du nazisme sans pour autant
que l’afrique ou les etats-unis
occupent la France. les soldats africains
ont été priés de ne pas se montrer
sur les champs elysées, certains
ont même été fusillés à thiaroye pour
avoir revendiqué leurs primes et l’armée
américaine a été priée de débarrasser
le plancher français sans pour
autant priver la France de la coopération
américaine pour se doter de
l’arme nucléaire.
pour la France, l’afrique est son avenir
selon la belle formule d’Hubert védrine
(ancien ministre des affaires
étrangères de François Mitterand,
ndlr) mais pour les africains la
France est son passé. un passé fait de
violations graves des droits de
l’homme et des pires crimes contre
l’humanité et de la spoliation des richesses
de l’afrique à travers l’esclavage
et la colonisation. l’avenir des
relations franco-africaines et donc de
la souveraineté des etats africains, se
joue sur cette contradiction fondamentale.
seule une classe politique
française et africaine, débarrassées
de tout complexe, peuvent résoudre
cette contradiction.

Aujourd’hui : Le FPI, votre parti, avait annoncé
vouloir réunir la Gauche
ivoirienne. Le voilà plutôt dans les
bras du PDCI. Ya t’il une logique
politique à cela ?

ADM : Face à l’intrusion de l’armée
française sous chirac et nicolas sarkozy
dans le processus démocratique
en côte d’Ivoire, nous assistons à un
fort recul de la démocratie qui a atteint
le creux de la vague avec la division
des Ivoiriens en deux statuts
distincts sur des bases purement politiques
: ceux qui ont tous les droits,
y compris le droit à toute forme de
crimes et ceux qui n’ont aucun droit,
y compris le droit au travail, au marché
public, à l’exercice d’une activité
économique ou même souvent le
droit à la liberté, à la citoyenneté ou à
la vie. ce statut qui s’apparente au
statut de l’indigénat sous la colonisation
exprime bien la volonté de recolonisation
de la côte d’Ivoire.
le FpI a donc un double défi à relever
: la restauration du processus démocratique
pour l’égalité des droits et la
conquête de la souveraineté. le défi
de la restauration de la démocratie
pour l’égalité des droits justifie le rapprochement
entre le FpI et le pdcI et
le défi de la conquête de la souveraineté
exige l’union de la Gauche. c’est
donc deux processus qui ne sont pas
contradictoires mais complémentaires.
s’il a fallu six ans à laurent GbaGbo
de 1982 à 1988 pour construire la
Gauche ivoirienne en rassemblant
dans un front tous les militants de
gauche qui s’épuisaient dans des
luttes fratricides, il en faut certainement
moins de temps pour réussir ce
deuxième challenge. l’union de la
gauche sera donc au rendez-vous tôt
ou tard.

Aujourd’hui :Qu’avez-vous pensé de la polémique
Simone GBAGBO dont le discours
a récemment enflammé les
réseaux sociaux ?

ADM : le FpI possède une solide culture
congénitale du droit à la différence
et du débat démocratique. C’est
un parti qui a été et qui doit rester le
laboratoire de la démocratie et l’instrument
de conquête de la souveraineté.
simone GbaGbo ne fait donc
que jouir de sa liberté d’expression
chèrement conquise par le FpI. le
congrès est l’organe suprême du FpI
et ses décisions prises à l’issue d’un
débat démocratique s’imposent à
tous.

Aujourd’hui : A quelle date va se tenir le prochain
congrès du FPI et y serez vous
à titre personnel ?

ADM : la direction du parti n’a pas
fixé de date pour le prochain congrès.
Ma présence ou mon absence dépendra
de la date et du contexte.

In AUJOURD'HUI le 16 décembre 2019