4e Emprunt obligataire en deux ans du gouvernement Ouattara - Dr Nash Kpokou (RPCI-AC): « L’affectation de ces fonds pose problème car elle se fait sans le contrôle du parlement »

Par IvoireBusiness - « L’affectation des fonds de l'Emprunt pose problème car il se fait sans le contrôle du parlement ».

M. Adama Koné, Directeur Général du Trésor et de la Comptabilité Publique a lancé le 30 Mai 2013, le quatrième emprunt obligatoire sur le marché financier de l UEMOA, un emprunt obligataire par appel public à l’épargne dénommé .
D’un montant indicatif de 93 milliards de franc CFA, cet emprunt est rémunéré à un taux d’intérêt de 6,00 % net d’impôt.

Il a de son point de vue, présenté tout l'intérêt de cette cotation en déclarant : «la Côte d’Ivoire est en pleine croissance, en témoignent les chantiers et les programmes majeurs de développement et de restructuration en cours. L’heure est donc à la dynamisation et la stabilisation de cette croissance amorcée ». Les journaux de la place ont repris ses propos sans nuance et les analystes économiques sont restés silencieux. Pourtant, il y aurait à en dire.

Les obligations sont une modalité courante de financement des investissements. Ses avantages, présentés par le directeur du trésor et repris par la presse, sont recevables. Mais ils ne peuvent être pertinents que si au même moment, quelques-unes des réserves que cette option était présentées. J'en propose quatre ici, sans y mettre toute la rigueur analytique que demanderait un article scientifique.

1) La destination des fonds

L'Etat de Côte d’ivoire emprunte pour un objet précis. Les fonds collectés doivent donc avoir une destination que le système devrait garantir. Dans un cadre plus exigeant, lorsque qu'une ligne de crédit est ouverte, les fonds sont débloqués au fur et à mesure que les projets prévus sont exécutés et validés. Dans le cas présent, la seule autorité qui pourrait contrôler l'affectation de ces fonds est le parlement. Or en Côte d’Ivoire, le parlement est une caisse de résonnance du pouvoir exécutif. Le pouvoir du parlement comme contrôleur de l'exécution du budget reste encore à démontrer pour rester poli!

2) La conditionnalité

Par cet appel direct à l'épargne public, les autorités ivoiriennes échappent aux conditions imposées par les bailleurs lorsqu'ils accordent leurs concours. Il s'agit notamment de la transparence, la bonne gestion, la rigueur, etc. Or ces contraintes participent à l'instauration des règles de la bonne gouvernance, de la démocratie et au bout de la prospérité économique. L'appel aux bailleurs est une sorte de manifeste de bonne foi quant à l'adoption de bonnes pratiques. Leur contournement suscite de la suspicion.

3) L'effet d'éviction

Les fonds prélevés par les autorités publiques ivoiriennes sont assez élevés et ne peuvent que faire défaut aux opérateurs privés dont la vocation principale est d'animer le jeu économique. La fonction principale des agents privés est de créer les richesses et celles de l'Etat, d'assurer le bon fonctionnement du système. L'épargne locale, principalement dans un pays comme la Cote d’Ivoire , a donc vocation à servir financer le secteur privé du simple fait que l'Etat dispose d'autres moyens pour collecter des fonds pour financer ses projets de développement.

4) Les taux d'intérêt

Les obligations d'Etat sont des titres sans risque (ou à risque négligeable). Par conséquent, ils servent de base pour évaluer la prime de risque. Pour attirer les capitaux, l'Etat propose des taux de rémunération relativement élevé. Par conséquent, sur des opérations risquées, si on prend en compte la prime de risque, l'exigence des opérateurs en termes de retour sur investissement ne peut être qu'élevée. Si un titre rapporte 7% ou même 5% sans risque, en Côte d’Ivoire, combien devrait rapporter, pour être intéressant, une prise de participation dans une entreprise de la place, par exemple?

Conclusion

La culture du débat doit s'installer en Côte d’ivoire. Le débat doit être ouvert et démocratique surtout lorsqu’il s’agit de s’endetter. Les conséquences sur toute l'économie ne sont pas négligeables. Il reste vrai aussi que l'appel à l'épargne public est une sorte de référendum en la croyance que l'Etat qui la sollicite, est et restera solvable. Les quatre emprunts obligataires ont eu un succès parce que 95 % des obligations ont été achetées par les grandes multinationales européennes, par les institutions financières européennes, et aussi par les investisseurs européens et américains qui ont soutenu Alassane Dramane Ouattara pour faire un coup d’état en Côte d’Ivoire.
La réussite des emprunts obligataires ivoiriens sur les marchés internationaux ne tient principalement pas au renforcement de sa crédibilité macroéconomique, mais de la hausse des prix et de la forte demande des matières premières. Les obligations ivoiriennes sont également attrayantes en tant que classe d’actifs, avec des taux de rendement se situant en moyenne entre 6 et 8%, contre 2 à 3% pour les marchés occidentaux. A cela s’ajoute la capacité d’emprunt de la Côte d’Ivoire, favorisée entre autre par l’effacement des dettes dans le cadre de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) réalisée par les économistes de la refondation.

Une contribution de Dr Nash Kpokou, Ph.D.

Économiste et Représentant Permanent du R P C I aux USA