Tribune : M. Alassane Ouattara et la communauté internationale. Du récit mirifique à la déception

Par Correspondance particulière - Alassane Ouattara a considérablement étalé son incompétence à la face de la Communauté internationale.

« Les campagnes électorales sont une excellente occasion de dire n’importe quoi, que ne surpassent peut-être que les lendemains d’élections »
Jean Dion

Il est dit que les promesses font vivre mais les mauvaises promesses nuisent. Certes, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, mais la déception est encore grande pour ceux qui les soutiennent. C’est ainsi qu’il est possible de résumer les relations entre M. Ouattara et les ivoiriens d’une part et entre M. Ouattara et la communauté internationale. Nous verrons dans les lignes qui suivent, qu’en l’espace de deux années, la mauvaise gouvernance de M. Ouattara a fini par décevoir les soutiens les plus irréductibles de l’homme fort d’Abidjan.
M. Ouattara et ses pluies de promesses
Les campagnes électorales sont l’occasion pour certains politiciens de vendre des rêves aux électeurs. Lors de la campagne présidentielle dernière, le candidat Alassane Ouattara, actuel président de la république a fait des promesses mirobolantes aux ivoiriens. Parmi ses nombreuses promesses, il a dit aux ivoiriens qu’il allait gérer le pays avec rigueur et transparence. Ses ministres, ses collaborateurs et lui-même, seraient des exemples en matière de gestion des affaires publiques. Le moins qu’on puisse dire c’est que M. Ouattara affectionne les promesses même aux affaires. Au retour de chacun de ses voyages, comme à l’accoutumée, il annonce toujours des promesses intenables.
Les errements de la gouvernance de M. Ouattara
Il est généralement admis que ceux qui en disent le plus sont ceux qui en font le moins. Il a fallu seulement quelques mois au pouvoir actuel en Côte d’Ivoire, pour montrer ses nombreux défauts. Les scandales de ses ministres ou des amis du président sont légions. Adama Bictogo était soupçonné d’avoir détourné une partie des indemnités qui auraient dû être payées aux victimes de la pollution causée par le déversement de déchets toxiques à Abidjan, en août 2006. Cette somme serait de 4,65 milliards de franc CFA. Il y a eu l’affaire SATAREN-GREENSOL, concernant le ramassage des ordures ménagères où Anne OULOTO était citée. Il y a eu également, l’affaire CELPAID où Kandia Camara a octroyé de gré à gré le marché des inscriptions en ligne à CELPAID, une entreprise de Mamadou Sanogo, ministre de la construction.
Quant aux évasions dans les prisons, les ivoiriens n’ont pas compris pourquoi ce sont deux régisseurs qui ont subi la petite foudre du Président de la république, laissant les hauts responsables en liberté. Dans le partage du gâteau, la première dame, Dominique Nouvian Ouattara n’a pas été oubliée car elle est nommée présidente du conseil de surveillance du comité national de lutte contre la traite, l`exploitation et le travail des enfants.
Le ministre ivoirien de l’énergie et du Pétrole, Adama Toungara a plongé volontairement dans le fleuve tumultueux des scandales des années Ouattara. Dans sa publication n° 648 05/12/2012, la «Lettre du Continent» révélait que le ministre a occupé pendant seize mois au 7e étage de l’hôtel Pullman d’Abidjan, pour un loyer mensuel de 90 millions de FCFA (135 000 €). C’est également au nom de la pratique de la corruption que sa fille Bintou Toungara-Kamara s’est lancée dans les affaires certainement parce qu’elle espère avoir les faveurs d’un régime corrompu. D’ailleurs, son entreprise, Stylus Sarl, a raflé plusieurs contrats avec des sociétés d’Etat placées sous la tutelle du ministère que dirige son père. Les ivoiriens découvrent médusés un président qui travaille uniquement pour son clan.
En 2011, l’attribution du marché de la rénovation des universités alimentait déjà les premiers soupçons quant à la survivance de mauvaises pratiques. Désigné vainqueur sans mise en concurrence, Sidi Kagnassi, était complètement étranger au secteur du bâtiment. L’enveloppe budgétaire a explosé, passant de 72 millions d’euros initialement à 162 millions d’euros.

L’épouse de M. Ouattara est également mêlée à cette corruption. Au lieu de donner les moyens au ministère de l’économie pour le financement des microprojets, c’est plutôt à madame Ouattara Dominique qu’on donne un milliard de FCFA pour la mise sur pied d’un Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire (FAFCI).
Tout récemment, dans sa parution numéro 663 " La Lettre du Continent " révélait que le DG de la poste de Côte d’Ivoire, Mamadou Konaté, avait attribué début juillet à des membres de sa famille, des marchés publics et ce, sans appel d’offre. Réagissant à cette information, Mamadou Konaté a cru bon d’adresser un droit de réponse à " La lettre du Continent " dans laquelle il dément l’accusation et affirme que La Poste de Côte d’Ivoire n’a nullement l’intention de contourner le code des marchés publics. Comme pour apporter des preuves, le journal publie dans son dernier numéro les preuves de ces marchés passés au gré à gré. Pour rappel, les contrats en question concernent la réhabilitation de sept agences de La Poste. L’heureux bénéficiaire de ces contrats n’est autre que Youssouf Nabi Touré (N-Micro service bureautique), neveu du DG. Dans la foulée, Mamadou Konaté a attribué à sa belle-sœur, Coulibaly Adjara-Sery, DG de la Société ivoirienne de travaux, d’études, de réalisation et de maintenance (Siterm), la rénovation de quatre autres bureaux de poste des villes de M’Bengué, Niellé, Dikodougou et Sinématiali (nord).
Sous M. Ouattara, la justice, la gendarmerie et la police fonctionnent mal. Magistrats, policiers, gendarmes etc. traînent comme un boulet aux pieds, des maux bien connus qui sont, entre autres, abus d’autorité, arrestations arbitraires, intimidations, corruption etc. Certaines personnes sont arrêtées et mises au violon pour diffamation, alors que ce n’est pas un délit pénal, selon la loi. Ce genre d’acte est un abus d’autorité de la part des magistrats. La reconnaissance d’un prêt qui est un accord entre deux individus par exemple, est un acte civil. Et pourtant, en Côte d’Ivoire, vous pouvez faire la prison alors que c’est un recouvrement de créance qui est du ressort des agents des affaires judiciaires ou des huissiers de justice.
La déception de la communauté internationale
Pendant que les Ivoiriens s’interrogent sur leur avenir, les occidentaux ne cachent plus leur déception vis-à-vis de M. Ouattara. Il a été incapable d’appliquer la «charte d’éthique du gouvernement», par laquelle les membres du gouvernement ont déclaré souscrire aux dix valeurs cardinales édictées. En effet, le point 3 visant «la Primauté de l’Intérêt général» dispose : «toute décision, toute action ou toute tâche doit s’inscrire et être menée dans l’optique de l’intérêt général, selon les exigences et normes de rigueur et de qualité que justifient les ressources disponibles…».
En Côte d’Ivoire, le président OUATTARA a tourné le dos à la bonne gouvernance. On comprend bien pourquoi, la fondation Mo Ibrahim a classé la Côte d’Ivoire dernière en Afrique de l’Ouest dans son classement de l’année 2012, concernant la bonne gouvernance.
Depuis un moment, on entendait des murmures de la part des chancelleries et les ambassades. Comme le disait Voltaire, « la bouche obéit mal lorsque le cœur murmure ». Et pour cause, la France et les Etats-Unis montrent publiquement leur agacement vis-à-vis de la gouvernance actuelle en Côte d’Ivoire. La révélation a été faite par l’hebdomadaire international indépendant, « Jeune Afrique ». En effet, dans sa parution n°2742 du 28 juillet au 3 août 2013, à la page 56, un titre troublant à propos de la Côte d’Ivoire : « Gouvernance, une priorité ivoirienne, vraiment ? ». L’hebdomadaire nous apprend que la mission diplomatique américaine en Côte d’Ivoire, a organisé pour une vingtaine d’ « éveilleurs de consciences » un séminaire consacré au journalisme d’investigation. L’objectif, nous dit « Jeune Afrique », est de renforcer la mécanique démocratique en poussant quelques enquêteurs à fouiner pour révéler les informations qui dérangent. Le journal révèle qu’après avoir soutenu sans réserve le nouveau pouvoir ivoirien, les partenaires d’Abidjan ne cachent plus leurs inquiétudes face à la persistance de la corruption et de la mauvaise gouvernance. Le président Hollande serait informé par un lourd rapport. Même les multinationales haussent également le ton comme le groupe pétrolier Chevron qui met à nu la corruption du pouvoir actuel. D’après le Secrétariat national à la gouvernance et au renforcement des capacités (SNGRC), 85% des Ivoiriens sont confrontés quotidiennement à la corruption, au népotisme et au favoritisme. Dénoncée par tous les observateurs, de la Banque mondiale à l’Union européenne, l’inflation des marchés octroyés de gré à gré est devenue phénoménale. En 2012, ils représentaient 40% du montant des contrats publics et ont même atteint 60% au premier trimestre 2013. Dans une économie saine, cela ne dépasse pas 10% à 15%, selon un expert du FMI. Les grandes puissances sont simplement déçues de M. Ouattara. Le revirement est spectaculaire et à la hauteur de leur déception.
Les grandes puissances doivent arrêter de soutenir le régime corrompu de M. Ouattara
Alors que le gouvernement dépense plusieurs milliards pour une campagne d’affichage contre la corruption, les cadres de l’administration eux, s’y adonnent allègrement sans qu’aucun compte ne leur soit demandé. La corruption sous M. Ouattara est devenue une pandémie.
Nous avons dit plus haut qu’il y a un coup de froid dans les relations entre les soutiens occidentaux de M. Ouattara et lui. Ils n’ont pas tort car M. Ouattara a bénéficié des largesses des grandes puissances. Les conditions d’aides extérieures accordées à M. Ouattara sont nettement favorables à celles des présidents Félix Houphouët Boigny, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo.
Dans les années 90, on se souvient que la conférence de la Baule avait lié l’aide extérieure à la démocratie. Le président François Mitterrand établissait à juste titre, une distinction entre " une aide tiède " destinée aux régimes autoritaires refusant toute évolution démocratique et " une aide enthousiaste " réservée à " ceux qui franchiront le pas avec courage ". Le président Houphouët Boigny n’a donc pas bénéficié des largesses des institutions financières internationales.
Il en va de même du président Henri Konan Bédié. Pour rappel, le président Bédié avait dilapidé tout le capital confiance que la communauté internationale avait vis-à-vis de la Côte d’Ivoire, à cause de sa gestion des affaires durant la période allant de 1994 à 1998.
Malgré le soutien massif des grandes puissances à l’égard de M. Ouattara, le peuple ivoirien est tombé dans une déshérence. Le résultat des efforts de ces puissances n’excède point l’épaisseur d’une feuille de cigarette. Une minorité prend en otage la république. Finalement, l’étendu des errements de sa gouvernance renseigne sur les valeurs intrinsèques de M. Ouattara. La vérité est maintenant apparue, il faut donc agir. A moins que la démocratie ne soit devenue le cheval de Troie du néocolonialisme en Afrique, les grandes puissances doivent simplement arrêter de soutenir le régime corrompu de M. Ouattara. Non seulement les aides accordées à M. Ouattara sont détournées mais les efforts des grandes puissances ne donnent point de résultats probants. La vérité, c’est que soutenir le régime actuel en Côte d’Ivoire, est semblable à une activité de remplissage d’une citerne crevassée.

Texte proposé par Dr PRAO Yao Séraphin, délégué national au système monétaire et financier à LIDER