TRIBUNE: Le ponce-pilatisme des évêques de Côte d’Ivoire

Le 30 janvier 2013 par Correspondance particulière - Le ponce-pilatisme des évêques de Côte d’Ivoire

Habitués au silence de cloître qu’elle nous a toujours proposé comme solution aux problèmes de la Cité, nous avons été surpris d’apprendre que la conférence épiscopale, au terme de sa dernière assemblée à Korhogo , a produit une déclaration relative à la situation politique de notre pays. Si nous sommes d’accord avec nos évêques que notre pays n’est pas encore sorti de la crise, nous pensons en revanche qu’ils ne proposent aucune solution nouvelle ; nous estimons donc qu’ils auraient pu continuer à garder ce silence que certaines personnes considèrent à juste titre comme une complicité avec un régime dictatorial et franc-maçonnique. Pourquoi ont-ils parlé alors qu’ils auraient mieux fait de la boucler ? Pour avoir un document administratif dans leurs archives et pouvoir dire demain : «on l’avait dit ici.»

Nos évêques soulèvent des questions surprenantes qui montrent bien qu’ils sont déconnectés de ce qui se passe dans notre pays depuis le 11 avril 2011. Les Ivoiriens savent comment sont et seront gérées les questions qui ont trait à la réconciliation et au foncier. Chers évêques, il ne s’agit pas de venir demander aux Ivoiriens, en vous appuyant sur une Bible dont il n’est pas sûr que vous la lisiez bien, de se laisser réconcilier avec Dieu au nom du Christ. Messieurs les évêques, il ne s’agit pas non plus de faire acte de contrition devant nous (nous vous laissons avec votre conscience si vous en avez encore une) ou de nous demander d’accepter l’inacceptable. La manœuvre est certes belle, mais elle est peu convaincante et elle ne vous honore pas.

S’agissant justement de la réconciliation des Ivoiriens, au lieu de louvoyer, posez-vous courageusement les questions que les autres Ivoiriens se posent : qui a remporté l’élection présidentielle de 2010? Pourquoi toutes les précédentes n’ont pas eu pour résultat le bombardement du palais présidentiel par la France et une société aussi divisée ? La réponse à ces questions est essentielle si nous voulons parvenir à ce que le professeur Dedy Sery a appelé « la Vérité Historique », c'est-à-dire à cette vérité qui console tout le monde, qui s’impose avec douceur et force. Cette vérité, loin de relever d’une gageure, existe. Elle existe et c’est en son nom que l’Eglise catholique établit, aujourd’hui et sans difficulté, sa liste de papes et d’antipapes.
Tous les Ivoiriens savent que la réconciliation menée actuellement par Charles Konan Banny et sa clique est un leurre, tout comme ils savent que la réconciliation prônée par le régime n’est rien d’autre qu’une réconciliation-capitulation. Messieurs les évêques, sachez que, jusqu’en 2013, des Ivoiriens ne sont toujours pas entrés en possession de leurs maisons à Bouaké, que le président Gbagbo est captif de ses bourreaux à la Haye depuis une année et que ses compagnons sont depuis 2011 soit en exil, soit en prison. Par conséquent, venir faire une déclaration fade et plate deux ans après comme si c’est maintenant que vous l’appreniez est franchement méchant, lâche et irresponsable de votre part. De plus, en faisant allusion au « rattrapage ethnique » de Ouattara une année après que de nombreux Ivoiriens ont subi les conséquences de cette politique insensée et raciste confirme votre éloignement du peuple. Enfin, vous citez comme des perroquets Africae Munus du pape Benoît XVI. Messieurs les évêques, votre Benoît XVI est mal placé pour parler de réconciliation. Nous ne comptons ni sur lui ni sur vous pour réconcilier les Ivoiriens. Ce que dit Benoit VXI sur la réconciliation ne nous intéresse pas pour la simple raison qu’il a pris fait et cause pour le candidat de l’étranger par le biais du cardinal Peter Turkson pour qui le président Gbagbo devait quitter le pouvoir. C’était aussi la position d’Ambrose Madtha mais, comme Dieu déteste le faux et l’injustice, on sait ce qui lui est arrivé, le 8 décembre 2012. Et il n’est pas impossible que soient frappés d’autres prétendus serviteurs de Dieu ayant vendu leur âme au diable pour un plat de lentilles. Quant à vous, nos évêques, vous avez agi ici comme une Cinquième Colonne au profit de l’Etat du Vatican qui, au dire de Mgr Pedro Casaldáliga (Catalan et ancien évêque de Sao Felix de Araguaïa au Bresil), devrait être supprimé si on veut une Eglise marchant dans les traces de Jésus qui refusa que la foule le fasse roi apres la multiplication des pains (Jn 6, 15) . Dommage que vous n’ayez pas eu le même courage que Mgr Raymond-Marie Tchidimbo (Guinée), Mgr Desmond Tutu (Afrique du Sud), les cardinaux Joseph Malula (RDC) ou Christian Tumi (Cameroun) ! Dommage que vous ayez trahi les Ivoiriens pour quelques deniers diaboliques mais soyez assurés que cette trahison vous hantera comme celle de Judas !
En ce qui concerne la manière dont vous abordez la question du foncier rural, notre surprise est encore plus grande. Maîtrisant l’art de la circonlocution, vous n’osez pas mettre les pieds dans le plat, mais nous les mettrons pour vous. Les étrangers, principalement les Burkinabè et les Nordistes selon le mensuel français Le Monde diplomatique , ont envahi et continuent d’envahir l’Ouest et le Centre-Ouest de notre pays. Cela signifie que la loi de 1998, portant sur le foncier rural et votée à l’unanimité à cette époque, n’a jamais rencontré l’assentiment du candidat de l’étranger. La preuve est que, pour lui, « Il faut avoir le courage de s’attaquer au foncier rural, ce que personne n’a fait jusqu’alors. Je vais le régler, d’autant que je dispose d’une majorité solide à l’Assemblée. Les ministres de la Justice et de l’Agriculture auront pour mission de définir le cadre de la réforme. Nous devons inventer quelque chose de nouveau sur le droit de propriété » . L’Assemblée dont il parle est celle qui a pour chef Soro Guillaume, c'est-à-dire celui qui devant les Wè de Belgique indignés de voir leur terre illégalement occupée par les Burkinabè, eut cette réponse : «Les Burkinabè sont des êtres humains. Vous, vous êtes assis ici, vous n’êtes pas Belges. Les Burkinabè sont des êtres humains. Mais d’où vient cette fierté injustifiée, condescendante de traiter des êtres humains comme des bêtes ? C’est inacceptable ! Laissons les ressentiments (…) Vous pensez que c’est en étant haut dans le verbe que le problème sera réglé en Côte d’Ivoire ? On se trompe. C’est en adoptant le profil bas, en contribuant à l’apaisement qu’on y trouve son compte.» Avant Soro, un des vôtres, l’évêque d’Odienné, tenait un jour les propos suivants: « Non, ce n'est pas la Côte d'Ivoire qui a fait les autres pays; mais ce sont les ressortissants des autres pays qui ont investi sur cette terre généreuse de la Côte d'Ivoire, faisant de notre pays un pays essentiel dans la sous région. Nous le savons tous; et nous devons nous le dire pour nous convertir à l'intégration africaine qui demande que chacun se lève pour rencontrer l'autre. » Les étrangers auraient-ils le droit de nous déposséder de notre pays parce qu’ils y ont travaillé à un moment donné ? Les Italiens ou Portuguais, qui ont travaillé en France, ont-ils un jour exigé que la France leur revienne ? Et puis, Burkinabè, Maliens et Guinéens ont-ils travaillé chez nous gratuitement ? Et qui les empêche de développer leurs pays respectifs ? De qui Antoine Koné se moque-t-il ? Messieurs les évêques de Côte d’Ivoire, pourquoi vous est-il difficile de dire ces vérités ? Vous préférez jouer le rôle de médecin après la mort mais ce rôle ne vous réussira pas. Après avoir moralement accompagné tous les actes de ce régime, vous croyez venir nous prévenir d’un danger. Les Ivoiriens ont toujours compris que leur pays courait un grand danger avec ce pion de la France. Le mal est fait mais nous nous débrouillerons sans vous et sans vos prières pour sauver ce qui peut encore l’être dans notre pays, puisque vous au moins vous appartenez à l’Etat du Vatican. Sachez, messieurs les évêques, que votre inaction que vous cachez derrière la prière est et restera improductive, tout comme la prière de Saint François d’Assise que certains ont substituée sans raison valable à la prière des évêques pour la paix. D’ailleurs, l’un des fils de ce dernier a-t-il jamais été artisan de paix ?
Vous constaterez par vous-mêmes les conséquences de l’admirable et courageuse sortie du cardinal André-Vingt Trois (archevêque de Paris) sur le projet du ‟mariage pour tousˮ en France. Voici quelqu’un qui connaît son rôle dans la société française. Certains diront que ce n’est pas la même chose, d’accord. Mais qu’est-ce que nos évêques ont dit quand leur poulain faisait disparaître les termes sexués de « mari » et de « femme » au profit de celui asexués d’« époux » dans le code civil ivoirien ? Le débat sur la notion de chef de famille n’était qu’un écran de fumée subtil pour imposer ce terme asexué. Pour ceux qui ne le sauraient pas, ces termes servent de base pour la légalisation des mariages homosexuels. Pour preuve, le Québec à remplacé les termes de Père et Mère de son code civil par ceux de « pourvoyeur de forces génétiques » tandis que l’Espagne pour les mêmes objectifs les remplaçait par les termes « progéniteur 1 et progéniteur 2 ». Avons-nous entendu nos évêques se prononcer sur la modification de notre code civil ? Ont-ils condamné le sacrilège de Songon (des FRCI ont déféqué dans le ciboire de l’église paroissiale après avoir répandu les hosties consacrées par terre) ?
Chers évêques, nous avons été heureux de vous lire et d’apprendre que ce n’est pas le Christ mais Ponce Pilate qui est votre modèle. Il est vrai que nous sommes tous pécheurs mais faisons l’effort de comprendre avec André Lanson que, « si la « libération d’Israël avait été une chose spirituelle, qui affecte seulement les relations intimes et religieuses de l’homme avec Dieu, dans le secret de l’âme, Jésus n’aurait eu aucune difficulté» .

Djaban
Un chrétien catholique