TRIBUNE: GBAGBO ACCUSÉ PAR LA FRANCE DE SARKOSY

Le 01 février 2013 par Correspondance particulière - GBAGBO ACCUSÉ PAR LA FRANCE DE SARKOSY.

La Cour pénale internationale a pour rôle de juger les personnes accusées de
génocide, de crime contre l'humanité et de crime de guerre. Elle n'exerce cette
compétence que lorsque les juridictions nationales n'ont pas la volonté ou sont dans
l'impossibilité de juger de tels crimes. L'initiative en matière d'enquête et de jugement
de ces crimes est donc laissée, en général, aux États. Tout procureur est un simple
représentant du ministère public, c'est le rôle assigné à Fatou Bensouda appelée à
exposer les résultats des "enquêtes" diligentées avec la collaboration de la Côte
d'Ivoire d'Alassane Ouattara qui ne regroupe pas autour de sa personne les Ivoiriens,
dans leur majorité, à cause de son refus d'adopter une solution pacifique au
contentieux électoral qui l'opposait au président Laurent Gbagbo. Alassane Ouattara,
candidat aux élections présidentielles, bénéficiait déjà du soutien d'une armée rebelle,
de Sarkosy et de l'armée française, avant et après les élections présidentielles. Ces
derniers combattirent une armée ivoirienne, partisane de la légalité constitutionnelle,
protectrice des institutions de la "République de Côte d'Ivoire", soumise, à l'instar de
toutes les armées du monde, à la Cour constitutionnelle de notre pays, et non à
l'opinion publique internationale. Il est cependant bon de souligner d'emblée le statut
de notre pays pour mieux comprendre l'ingérence de la France de Sarkosy dans une
crise ivoiro-ivoirienne. La Côte d'Ivoire n'est pas encore une nation souveraine,
conformément à l'article 55 de la Constitution française du 4 octobre 1958, qui stipule
que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur
publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord
ou traité, de son application par l'autre partie. Le général De Gaulle, en participant
personnellement à la rédaction de cette Constitution, veilla à accorder l'indépendance
aux ex-colonies françaises au sein de la Communauté franco-africaine, dans le but de
protéger, de manière subtile, les intérêts de la France. Le préambule de la
Constitution de l'Union française du 27 octobre 1946 repris dans celui de la
Constitution du 4 octobre 1958 énonce : « L'Union française est composée de nations
et de peuples qui mettent en commun, ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts
pour développer leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être et assurer
leur sécurité ». L'article 78 de la Communauté franco-africaine concéda à la France
tout pouvoir sur ses colonies puisqu'il stipule que le domaine de la compétence de la
Communauté comprend la politique étrangère, la monnaie, la politique économique
et financière commune ainsi que la politique des matières premières stratégiques. Il
comprend en outre, sauf accord particulier, le contrôle de l'enseignement supérieur,
de l'organisation générale des transports extérieurs et communs, les
télécommunications, et surtout la justice. L'article 55 de la Constitution française de
1958 qui vient couronner tout les efforts politico-juridiques de la métropole visant à
endiguer l'aspiration légitime des ex-colonies à l'autonomie précise justement que
les traités ou les accords ratifiés ont une autorité supérieure à celle des lois, sous
réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. Toute
nation africaine dont le Chef de l'État refuserait de reconduire ces accords secrets qui
pénalisent les Africains jouïraient pleinement de sa souveraineté, ce fut le désir
exprimé par le président Laurent Gbagbo sous les bombardements de l'armée
française, quand il affirmait que la Côte d'Ivoire ne devait plus rien à la France.
Sarkosy soutint donc une rébellion armée afin d'installer de force à la tête de la Côte
d'Ivoire Alassane Ouattara favorable aux traités, à tous les mécanismes de la
Françafrique qui concèdent au marché autorégulateur français le contrôle total de nos
matières premières, de nos institutions, de nos juridictions nationales. Étant en réalité
face à un procès politique, le procureur de la CPI Fatou Bensouda n'est que la
représentante de la France de Sarkosy, et non de la Côte d'Ivoire qui n'est pas
souveraine et refuse, de manière délibérée, de l'être sous Alassane Ouattara. Les
accusations de Bensouda ont pour but de faire du président Gbagbo l'ennemi de
l'opinion publique internationale, et de présenter Ouattara et ses soldats accusés aussi
de crimes contre l'humanité sous des traits angéliques. Fabriquer l'ennemi est l'oeuvre
de tout régime totalitaire, la françafrique qui nie aux africains toute aspiration à
l'autonomie en est un. Lorsque sont en jeu les intérêts d'une grande puissance comme
la France, le Droit, dans nos pays africains, devient aussi une autre colonne de la
Françafrique. Si la France entretenait une politique étrangère africaine fondée sur
l'égalité des droits et des devoirs, l'on aurait déjà assisté à la CPI aux procès des
assassins de Patrice Lumumba, de Thomas Sankara, des partisans du président
Laurent Gbagbo massacrés en 2002. Lumumba, Sankara luttaient pour l'autonomie
des africains, leur mort n'émeut donc pas la classe politique française à la solde de la
Finance. Se battre pour la souveraineté de son pays comme le président Gbagbo est
un crime contre l'humanité, il faut donc l'accuser de rage (de tous les crimes du
monde) afin de pouvoir le supprimer de l'arène politique ivoirienne afin que sous la
houlette exclusive de Ouattara, selon Lagarde, "le miracle économique ivoirien" se
réalise. Face au droit des palestiniens et aux inquiétudes de l'État Hébreu, l'admission
de la Palestine à l'UNESCO incita les USA d'Obama à ne plus financer
l'Organisation. Ce fait politique démontre l'impact des autorités du monde sur les
décisions des organisations internationales ou des institutions comme la CPI. Chaque
nation, à une époque précise de notre Histoire, n'est que le reflet d'une idéologie
prônée par les hommes politiques qui la gouvernent, ainsi l'Allemagne s'identifia au
nazisme quand Hitler arriva au pouvoir, et la France s'identifia au marché
autorégulateur avec Sarkosy qui utilisa la guerre dite légale, le droit, ou le mensonge
légitime pour protéger les intérêts des grandes entreprises et non des PME françaises
à travers le monde. Avec Hollande et sa guerre au Mali, nous voyons émerger un
nouvel empire francophone fondé sur l'égalité, sur le droit des peuples, sur la vérité et
la justice. En 1950, René Pleven nomma François Mitterand ministre de l'Outre-mer,
ce ministre socialiste, partisan de l'instauration d'une union franco-africaine où les
territoires jouïraient d'une autonomie négociée et librement consentie, s'efforça
d'améliorer le sort des Africains soumis à un régime pénible et fut traité par la droite
française, les compagnons de De Gaulle de « bradeur d'empire ». Aujourd'hui se
répètent les mêmes faits politiques ; Sarkosy fils spirituel de De Gaulle est opposé à
Hollande, fils spirituel de Mitterand, soucieux de concéder aux Africains leur
souveraineté, en favorisant, par exemple, au Mali l'organisation d'élections libres et
transparentes afin que les intérêts qu'ils tireront de leurs ressources soient librement
négociés avec la métropole. Concéder le Droit de vote aux Maliens exprime la
volonté politique de Hollande de mettre réellement fin à la Françafrique dont les
fondements sont une politique d'endettement, le refus du Droit de vote aux citoyens
des ex-colonies, comme nous le constatons en Côte d'Ivoire, l'usage démesuré de la
force, les tortures, les emprisonnements, les procès politiques qui se muent en procès
de délits de droit commun. La solution politique pacifique proposée par le président
Laurent Gbagbo, le recomptage des voix nous aurait permis d'éviter les 3000 morts. Il
appartient désormais au juge de la CPI de décider de l'avenir de la Françafrique, de
l'orientation des relations entre les masses populaires françaises et africaines parce
que tout sentiment extrémiste naît en général d'un sentiment d'injustice, de
frustration. Si le terrorisme signifie gouverner par la terreur, ou encore l'emploi
systématique de la violence pour atteindre un but politique que dire de la françafrique
à l'origine de l'assassinat de nos leaders politiques africains et de l'emprisonnement
du président Laurent Gbagbo?

Une contribution par Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)