Tribune: Du « cimetière » d’Amadou Soumahoro au « cimetière des vaincus » d’Hamed Bakayoko. L’obsession du sang humain et du culte de l’impunité

Par correspondance particulière - Du « cimetière » d’Amadou Soumahoro au « cimetière des vaincus » d’Hamed Bakayoko. L’obsession du sang humain et du culte de l’impunité.

« Sur la question de la « justice des vainqueurs », le premier flic de Côte d’Ivoire (Hamed Bakayoko) a rétorqué ceci : « Je préfère la justice des vainqueurs au cimetière des vaincus » (Le Patriote, 28 juin 2013). Ces propos très graves tenus par Hamed Bakayoko, le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité d’Alassane Dramane Ouattara, sont extraits d’un compte-rendu du dernier one-man-show - une version ivoirienne du « Dadis show » guinéen - auquel il s’est encore livré, le jeudi 27 juin 2013, à la Radio télévision ivoirienne (Rti) qui n’est plus qu’un clone ivre de Télévision de Côte d’Ivoire (Tci), la télévision pirate du Rassemblement des républicains (Rdr).
Hamed Bakayoko n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour meubler son sempiternel monologue : un énième « coup d’Etat » hallucinant filmé dans une officine, un oukase adressé à Jean-Louis Billon pour qu’il quitte illico le gouvernement, menaces de mort à l’image de ce furieux et haineux « Nous serons intraitables… » (Le Patriote, 28 juin 2013), etc.
Dans le registre macabre du « cimetière », Amadou Soumahoro, secrétaire général du Rdr, a pris une bonne longueur d’avance sur le ministre de l’Intérieur. En effet, bien avant Hamed Bakayoko et son « cimetière des vaincus », l’homme a déclaré que tous les Ivoiriens qui s’opposeront à Alassane Dramamne Ouattara seront conduits au « cimetière », c’est-à-dire qu’ils seront tués. Dans un pays où les normes fondamentales de la démocratie sont en vigueur et s’imposent à tous, des déclarations d’une telle gravité auraient conduit leurs auteurs, ministre et chef du parti au pouvoir de surcroît, devant la justice. Mais il est établi, il y a belle lurette, qu’en Côte d’Ivoire, le régime de Ouattara piétine les principes élémentaires de la démocratie.
Dans le dessein manifeste d’abuser, Hamed Bakayoko affirme qu’entre la « justice des vainqueurs » et le « cimetière des vaincus », sa préférence va la première. Cette préférence se justifierait par sa supposition selon laquelle il aurait connu le « cimetière des vaincus » si le président Laurent Gbagbo était resté au pouvoir. On ne peut accorder le moindre crédit à de telles élucubrations venant d’un homme qui a été ministre, pendant plusieurs années, sous le chef de l’Etat qu’il voue aujourd’hui aux gémonies. Et puis, quelle curieuse alternative que celle d’Hamed Bakayoko où le morbide le dispute à la logique de croque-mort !
En réalité, le régime de Ouattara a choisi les deux termes de l’alternative formulée par Bakayoko, c’est-à-dire la « justice des vainqueurs » et le « cimetière des vaincus » pour mener à la mort, tous les Ivoiriens qui ne le soutiennent pas. Le ministre de l’Intérieur de Ouattara n’a donc fait que révéler un autre concept mortifère fabriqué dans les laboratoires du Rdr.
Chaque jour apporte la preuve que la préférence du régime de Ouattara va à la « justice des vainqueurs », comme Hamed Bakayoko en a, enfin, publiquement fait l’aveu. Les résultats de cette justice à double détente sont accablants : plus de sept-cents prisonniers politiques croupissent sans jugement à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), dans des prisons secrètes et dans les goulags de Bouna, Séguéla, Odienné, Korhogo, Man, etc. Pendant ce temps, les criminels notoires qui ont porté Ouattara au pouvoir dans le sang sont protégés par le culte de l’impunité et mènent une vie de seigneurs de guerre repus.
Hamed Bakayoko, Amadou Soumahoro et tous les chefs de file du régime de Ouattara ont également jeté leur dévolu sur le « cimetière des vaincus » comme seul destin réservé aux Ivoiriens qu’ils appellent dédaigneusement les « pro-Gbagbo ». Cela ne fait l’ombre d’aucun doute car les faits parlent d’eux-mêmes. Depuis 2011 – sans donc remonter à 2002 – les fosses communes, les puits, etc., formes plus ignobles encore du « cimetière des vaincus » à Abidjan, Duékoué, Nahibly, Adébem, etc., sont remplis de centaines de femmes et d’hommes dont le seul crime est de n’avoir pas fait la génuflexion devant les nouveaux maîtres de la Côte d’Ivoire. Et il ne se passe presque pas de jour sans que dans les villes et dans les campagnes, les Forces républicaines de Côte d’ivoire (Frci), les dozos et autres milices à la solde du régime n’ôtent la vie d’honnêtes gens. En toute impunité, en vertu de la « justice des vainqueurs » qui représente un blanc seing donné à ces tueurs.
Le choix et la récurrence des éléments de langage « cimetière », « justice des vainqueurs », « cimetière des vaincus » ne sont donc pas fortuits. Ils font partie d’une thématique fasciste consciemment élaborée et traduisent le choix de la terreur et de la violence sanglante comme méthodes de gouvernement par le régime d’Alassane Dramane Ouattara installé au pouvoir par la force des armes de l’impérialisme international, le 11 avril 2011. Seul l’observateur peu averti des mœurs idéologiques et politiques dominantes au sein du Rdr peut être surpris par la récurrence de cette thématique qui révèle une répugnante obsession de faire couler du sang humain chaque jour davantage.
Faut-il rappeler à Hamed Bakayoko et consorts que les cimetières ne sont pas faits que pour les autres ? C’est la lutte des peuples qui est immortelle et invincible. Leur expérience incomparable fondée sur la connaissance des lois du développement de la société finit par accélérer le processus social et par vaincre inexorablement, même les régimes néofascistes comme celui d’Alassane Dramane Ouattara. La résistance intérieure et extérieure de la Côte d’Ivoire doit en avoir une claire conscience.
Les vaincus ne sont pas ceux que croit Hamed Bakayoko. Gloria victis ! Gloire aux vaincus !

Une contribution Par Deuxer Céi Angela. L’œil du juste