TRIBUNE: AU MALI DEUX IDÉOLOGIES S'AFFRONTENT

Le 28 janvier 2013 par Correspondance particulière - AU MALI DEUX IDÉOLOGIES S'AFFRONTENT.

Le président Hollande, selon de nombreux observateurs, aurait envoyé au Mali l'armée française pour défendre les intérêts de son pays, c'est une vérité de Lapalisse, dans la mesure où toute œuvre humaine recherche un avantage, même les religions révélées (l'hébraïsme, le christianisme, l'islam) attachées à la pauvreté spirituelle, au détachement du fidèle de tout bien matériel, nous exhortent, avant tout, à avoir nos yeux rivés sur les biens célestes parce qu'ils sont éternels. La question n'est donc pas de savoir si la présence française au Mali est liée à des intérêts quelconques, il s'agit plutôt d'apprécier la noblesse des objectifs que s'assigne la France de Hollande qui, durant sa campagne électorale, a choisi de restaurer la dignité de cette grande nation dans le monde, en rétablissant les droits des peuples, des hommes, en mettant fin à la Françafrique. Lorsque l'ex-ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé affirme sur France 24 que le gouvernement de Sarkozya déjà résolu la question de la Françafrique, on tombe des nues, puisqu'il nous suffit d'observer les tortures subies par les membres de l'opposition ivoirienne arrêtés et lapolitique d'endettement menée par Alassane Ouattara, président ivoirien installé de force par Sarkozyopposé à une solution politique, pacifique au contentieux électoral qui opposait son candidat au président Laurent Gbagbo, pour se rendre compte qu'une telle allégation n'est que pure démagogie politique. Le témoignage du président burkinabé Thomas Sankara qui n'avait pas la langue de bois nous permet aussi bien d'infirmer les propos d'Alain Juppé que de cerner les objectifs de la France de Hollande au Mali. Le 29 juillet 1987 à Addis-Abeba, Sankara tint ce discours: «Ceux qui nous ont prêté de l'argent, ce sont ceux-là qui nous ont colonisés. Ce sont les mêmes qui géraient les États et les économies. Ce sont les colonisateurs qui endettaient l'Afrique auprès des bailleurs de fonds, leurs frères et cousins». Ces révélations mettent en évidence la double politique étrangère de la France en Afrique menée par deux acteurs différents: le premier est, dans le contexte du Mali, le gouvernement de Hollande, le second acteur est représenté par ces familles, ces amis, ces grandes entreprises, ces actionnaires, ces clubs qui influencent la politique de tout gouvernement français, en leur dictant la ligne politique à suivre dans les ex-colonies. L'endettement des nations africaines qui conduit, par exemple, à des déficits insoutenables, permet à ces amis, à ces clubs d'avoir une mainmise sur les richesses du sous-sol africain. La politique d'endettement que nous pouvons observer en Côte d'Ivoire avec Alassane Ouattara, le candidat de Sarkozy, est l'une des colonnes de la Françafrique: endettement, cherté de la vie, diminution du pouvoir d'achat font des Africains leurs éternels esclaves. Ces clubs d'amis, ces actionnaires qui, derrière les gouvernements français, mènent une politique étrangère africaine souterraine sont les patrons du marché autorégulateur de notre continent, ce sont eux qui décident de la rémunération de nos matières premières, de leur exploitation, de leur redistribution. Après la Côte d'Ivoire, ces acteurs de la politique étrangère française souterraine, spécialistes des crises africaines, se retrouvent au Mali. Avant de se lancer à la conquête du Nord de ce pays, une zone riche à exploiter, ces derniers se devaient d'agir de manière méthodique, en éliminant, en suffoquant au Mali et dans les pays voisins, comme la Côte d'Ivoire et la Lybie, toute aspiration de ces peuples africains à leur souveraineté. La Lybie, sur le plan stratégique, était la voie royale qui devait leur permettre d'avoir accès au Norddu Mali, d'où l'élimination systématique de leur ancien allié, et ami Kadhafi, ce qui leur permit d'introduire dans cette zone de l'Afrique de l'Ouest des pseudos-terroristes chargés d'exploiter à leur profit la crise interne malienne. La question de l'Azawad et l'Islam ont servi de support à l'invasion de cette zone riche. Avant la crise malienne, on assista, en effet, à un flux d'argent sur le marché français en provenance du Moyen Orient, à tel point que des personnalités politiques comme Marine Lepen en étaient offusqués. Étrangement on dénombre, aujourd'hui, parmi ces terroristes aussi bien des arabes que des français. Après la chute de leur ami Kadhafi, il leur fallait prendre le territoire malien dans un étau en occupant au Burkina Faso et en Côte d'Ivoire, le terrain politico-militaire. Le FPI est justement en train d'être décapité puisque le président Laurent Gbagbo, à l'instar du défunt président malien Modibo Keïtaaspire à la souveraineté des peuples africains. Avec la guerre en Côte d'Ivoire l'armée malienne fut affaiblie parce que bon nombre de ses soldats combattirent sur le sol ivoirien pour asseoir un régime acquis à la cause du marché autorégulateur français installé en Afrique. Ce puissant monde de la Finance française, au moyen de faux rapports produits par des institutions internationales, a progressivement rendu infréquentable le président Laurent Gbagbo, et a rassemblé autour de leur cause les pays européens. Avec l'élection imprévisible de Hollande, la réalisation finale de ce plan d'invasion, de conquête de l'Afrique de l'Ouest élaboré depuis des années par les acteurs de ce marché autorégulateur africain bat de l'aile; l'armée française, dit-on, avait repéré les sites de ces terroristes, mais n'était pas intervenue, comme dans l'affaire Merrah, pour éviter toute effusion de sang au Mali et en Algérie, parce qu'elle se devait, simplement, comme en Côte d'Ivoire, de servir de bouclier aux rebelles jusqu'à la prise de Bamako. Une fois écrasé le pouvoir politique proche du capitaine Sanogo, et des nationalistes maliens, elle serait venue débarrasser Bamako de ces envahisseurs pour apparaître aux yeux de tous comme des sauveurs de la nation malienne. On aurait alors assisté à l'installation d'un gouvernement malien à la merci du monde dela Finance française, favorable à une exploitation abusive des richesses de leur pays. Face à l'attitude de ces clubs du monde de la Finance prêts à exterminer les peuples africains, qui représentent pour eux des sous-hommes; l'anneau manquant (une espèceentre les singes et les hommes) selon la théorie de l'évolution de Darwin, il est bon d'attirer l'attention de tous sur cette réflexion du président burkinabé Thomas Sankara: «Nous avons le devoir aujourd'hui de créer le front uni du Club d'Addis-Abeba contre la dette. Ce n'est que de cette façon que nous pourrons dire aux autres, qu'en refusant de payer, nous ne venons pas dans une démarche belliqueuse mais au contraire dans une démarche fraternelle pour dire ce qui est. Du reste les masses populaires en Europe ne sont pas opposées aux masses populaires en Afrique. Mais ceux qui veulent exploiter l'Afrique sont les mêmes qui exploitent l'Europe. Nous avons un ennemi commun». Cet ennemi commun, Carl Polanyi, dans son livre intitulé: «La grande transformation» le dénonce et l'accuse d'avoir été déjà la cause de la ruine du monde avec la crise de 1929 puisque nous ne pouvons confier les destinées du monde à un marché autorégulateur, à des hommes insatiables, assoiffés de pouvoir, prêts à sacrifier la paix mondiale qui repose sur le respect des autres, sur la fraternité, sur l'égalité, et la liberté des peuples africains de décider de leur futur, de discuter d'égal à égal avec les nations développées en vue d'une rémunération correcte de leurs richesses naturelles. Les Africains se doivent de comprendre qu'après avoir combattu aux côtés de la France le nazisme, le fascisme, des idéologies qui les ravalaient au rang des animaux, des singes, ils se doivent aujourd'hui de combattre aux côtés du gouvernement de Hollande cet ennemi commun: les dérives du monde de la Finance qui fait du Français, de l'Américain, des Occidentaux, en général, des ennemis de l'Africain, de l'Arabe. Hollande combat certes au Mali pour les intérêts de la France, mais dans le respect de certaines valeurs. C'est la thèse défendue par le président Laurent Gbagbo et de ses partisans pour une paix durable entre les masses populaires françaises et ivoiriennes, voire africaines. Il nous appartient de choisir entre deux idéologies; celle du Club du monde de la Finance et celle des hommes politiques comme Hollande prêts à imposer au marché autorégulateur des limites, en volant, par exemple, au secours du pouvoir politique de Bamako.

Une contribution par Isaac Pierre BANGORET
(Écrivain)