Transfèrement de Blé Goudé: Le jeu trouble de la CPI

Par Le Nouveau Courrier - Le jeu trouble de la CPI.

La CPI joue incontestablement à un jeu trouble en traquant les proches du président Laurent Gbagbo – lui-même en détention à La Haye - et en blanchissant les criminels de guerre notoirement admis ; narguant même les victimes ivoiriennes de 2002 à la crise postélectorale.
Le jeudi 20 mars 2013, le régime a donné son «accord» à l’issue d’un conseil des ministres spécialement convoqué à cet effet pour le transfèrement de Charles Blé
Goudé à la Cour pénale internationale (CPI). Et ce, après plusieurs mois d’hésitation et de sursis pour donner sa position officielle par rapport à la demande de cette institution judiciaire internationale. Les réactions n’ont pas tardé. Le responsable Afrique de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) faisait remarquer déjà le caractère fondamentalement orienté des mandats d’arrêt de la CPI qui visait uniquement le camp Gbagbo. Florent Geel indiquait ainsi qu’après la justice des vainqueurs qui prévaut au plan national - avec une justice totalement aux ordres de l’Exécutif dans la conduite des dossiers judiciaires liés à la crise postélectorale - on assiste au même scénario avec la justice internationale. Ainsi, après son transfèrement samedi 22 mars 2014 à la Haye, et alors que l’on s’attendait à une réponse claire à cette interpellation en révélant les personnalités du camp Ouattara visées (puisque des informations font état de mandats sous scellés à leur encontre ; comme si la CPI obéissait à un agenda secret), la procureure Fatou Bensouda s’est contentée d’une déclaration ambiguë. «Ceux qui ont recours à la violence et commettent des crimes à grande échelle contre des civils pour obtenir le pouvoir doivent rendre des comptes. Les victimes ivoiriennes qui ont énormément souffert méritent au moins cela», a déclaré Bensouda samedi. Mais à qui s’adresse la magistrate gambienne ? Sait-elle qu’en Côte d’Ivoire, ceux qui ont commis des crimes à grande échelle depuis le début de la rébellion en 2002 jusqu’à la crise postélectorale sont ceux-là mêmes qui sont aujourd’hui au sommet de l’Etat ? Pourquoi les mandats d’arrêt internationaux qui les viseraient ne sont-ils pas rendus publics à ce jour ? En tout cas, pour tenter de donner un peu de crédibilité à une institution qui perd chaque jour la face, vu sa partialité flagrante et sa posture profondément politique dans la situation en Côte d’Ivoire depuis l’Affaire Gbagbo et sous le feu roulant de critiques, la procureure joue la carte du dilatoire. «Je vais être très claire.
Ce n’est pas la fin de notre travail en Côte d'Ivoire : nos enquêtes vont se poursuivre.
Nous recueillerons d’autres éléments de preuve et, si la situation le justifie, nous présenterons d’autres affaires devant les juges de la CPI sans crainte ou sans traitement de faveur, et quel que soit le bord ou l’appartenance politique des auteurs des crimes». Difficile de convaincre avec le positionnement impartial du Bureau du procureur et ses méthodes controversées dans le dossier ivoirien.

Blé Goudé : des accusations fantaisistes comme dans la procédure contre Gbagbo

La Cour pénale internationale a, dans une déclaration, également assuré samedi que les autorités ivoiriennes ont effectivement remis le Héraut des jeunes patriotes à la Cour en exécution d’un mandat d’arrêt délivré
le 21 décembre 2011 et dont les scellés ont été levés le 30 septembre 2013. «La Chambre préliminaire I fixera la date de l’audience de première comparution du suspect en temps voulu. Au cours de l’audience de première comparution, les juges de la Chambre vérifieront l’identité du suspect et la langue dans laquelle il pourra suivre les procédures. Le suspect sera informé des charges portées à son encontre», affirme la CPI. Juste une audience formelle. Les charges portées contre l’ex-ministre de la jeunesse de Gbagbo, âgé de 42 ans, sont connues. La CPI lui reproche d’avoir «engagé sa responsabilité pénale individuelle, en tant que coauteur indirect» pour quatre chefs de crimes contre l’humanité (meurtres, viols et autres violences sexuelles, actes de persécution et autres actes inhumains) qui auraient été perpétrés pendant la crise postélectorale entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011.
Ces accusations sont identiques à celles portées contre le président Laurent Gbagbo.
Comme dans la procédure contre le fondateur du FPI, elles restent à démontrer par Bensouda et son Bureau, actuellement incapables de prouver les faits allégués contre Gbagbo. Seulement, à l’instar du président Gbagbo, cette audience permettra au «Général de la rue» de s’exprimer publiquement à la face du monde sur ses conditions de détention inhumaines et dégradantes
depuis son arrestation au Ghana le 17 janvier 2013 et son extradition manu militari à Abidjan où il a été torturé dans des lieux
secrets par le pouvoir, comme l’ont révélé les photos publiées début mars. Dans le cas du président Gbagbo, cette audience de comparution initiale a eu lieu le 5 décembre
2011, soit moins d’une semaine après son transfèrement à la Haye dans la nuit du 29
au 30 novembre.

Anderson Diédri