Simone Gbagbo à la CPI ? Cette femme fait tout pour que cela n'arrive pas

Par IvoireBusiness - Simone Gbagbo à la CPI ? Cette femme fait tout pour que cela n'arrive pas.

[Photo : Sylvia Geraghty lors de l'audience du 27 mai 2015 à la Cour pénale internationale. Crédit : CPI]

L'avocate de Simone Gbagbo a répondu à nos questions

Sylvia Geraghty est l'avocate de Simone Gbagbo devant la Cour pénale internationale (CPI). Cette juriste irlandaise, qui se fait si discrète dans les médias, a accepté de répondre par courriel à quelques questions d'Ivoire Justice.

Propos recueillis par Clara Sanchiz

Ivoire Justice : Comment va Simone Gbagbo ?

Sylvia Geraghty : Je ne l'ai pas rencontrée depuis janvier/février de cette année. J'ai bien sûr eu des échanges avec elle. Si je devais attribuer des qualités à Mme. Gbagbo, ce seraient le courage et la ferme conviction que la vérité se manifestera et que justice sera faite - pas nécessairement pour elle mais pour le bien du peuple de Côte d'Ivoire. C'est cette aspiration qui la maintient.

IJ : Que pensez-vous du résultat du procès en assises d'Abidjan et de la condamnation à 20 ans de prison de Simone Gbagbo ?

SG : Mme Gbagbo a une autre équipe d'avocats ivoiriens expérimentés (...). Je citerai, en particulier, les excellents avocats, Maître Rodrigue Dadjé et Maître Habiba Touré. Je ne suis en aucune manière impliquée dans cette juridiction. Je me garde, donc, de me prononcer sur la question.

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IJ : Est-elle déjà en prison ?

SG : Vous voulez savoir si elle a été privée de sa liberté ? Oui. Elle a, non seulement, été privée de sa liberté, mais elle a également été maintenue en isolement depuis le 11 avril 2011, - déjà plus de 4 ans maintenant - d'abord à Odienné, et maintenant à Abidjan.

IJ : Quel est votre avis sur la décision rendue en mai par la Chambre d'appel de la CPI, qui confirme la recevabilité de l'affaire Simone Gbagbo devant la Cour ? (plus d'info sur cette décision)

SG : Cette décision a été très décevante pour ma cliente, sa famille et les populations éprises de justice en Côte d'Ivoire. En effet, cela doit être décevant pour tous les États souverains, en particulier ceux qui ne jouissent d’aucun pouvoir ou d'aucune influence géopolitique.

(...) Mme Gbagbo et moi-même, et (indépendamment de nous) la Côte d'Ivoire avons soutenu que l'enquête ou les poursuites judiciaires contre Mme Gbagbo étaient actives, par le fait que plusieurs entrevues avec Mme Gbagbo avaient eu lieu ; des recherches intenses de preuves avaient été effectuées ; l’affaire avait déjà été au Tribunal d’Abidjan pour une question de procédure ; des présumées victimes s'étaient présentées ; des juges nationaux étaient engagés et avaient statué sur certaines questions de procédure.

En fait, nous soutenions que tous les éléments de l'enquête ou des poursuites avaient été, ou étaient actifs.

(...) Nous avons par conséquent estimé que, étant donné que les enquêtes ou des poursuites étaient déjà en cours, le principal point pouvant être discuté par la Chambre préliminaire était la question de la complémentarité [le principe de complémentarité dit que la CPI n’agit que quand un État ne veut ou ne peut pas conduire des procédures pour des crimes qui sont de la compétence de la Cour, NDLR].

IJ : [Sylvia Geraghty a dit aux juges en janvier 2015 qu’à un certain moment, elle n'a pas eu la permission des autorités locales pour rencontrer sa cliente en Côte d'Ivoire. Nous l’avons interrogée sur le sujet et elle affirme qu'elle a finalement été autorisée à rencontrer Simone Gbagbo.]

SG : Oui, [j'ai été autorisée à rencontrer Simone Gbagbo]. Je suis déjà allée la rencontrer en Côte d'Ivoire, à trois reprises. Au début, il y avait des problèmes disons « de démarrage ». Mais, avec l'aide efficace et diplomatique du greffier de la CPI, des services logistiques des Nations unies et, il faut le dire, avec la bonne volonté manifestée par les autorités de la Côte d'Ivoire sur le terrain, tout s'est très bien déroulé par la suite.

Vous ne le savez peut-être pas, mais, comme Aung San Suu Kyi, ma cliente a été isolée et placée en résidence surveillée à Odienné pendant environ 4 ans. Odienné est une localité très éloignée, dans le nord-ouest de la Côte d'Ivoire, à près de 1 000 km d'Abidjan. L'accès y est difficile. D'où la nécessité des services d'hélicoptère et d'avion des Nations unies, juste pour la rejoindre. Je suis allée deux fois à Odienné et plus récemment à Abidjan.

IJ : Pensez-vous que des poursuites judiciaires à l'encontre des proches du camp Ouattara soient dans l'intérêt de la justice ?

SG : Je crois que, dans de telles situations, la justice ne doit pas seulement être faite, mais elle doit être vue en train d'être faite. Par ailleurs, il est une vieille maxime juridique qui peut avoir une certaine résonance dans ce cas: « Justice différée est justice refusée. »

IJ : Avez-vous suivi la phase préliminaire des affaires Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ?

SG : Oui, bien sûr - je la suis avec assiduité. Je dois le suivre parce que, pour parler simplement, le cas de ma cliente est un « couper-coller » de l'affaire Laurent Gbagbo.

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NB : Ce texte est une traduction en français d'un entretien que nous avons eu en anglais [PDF].

Source: Ivoire Justice

[Article mis à jour. Sur demande de Sylvia Geraghty, la dernière réponse a été modifiée.]