Scandale/ Côte d'Ivoire: "126 professeurs privés de salaires depuis 4 mois pour avoir gagné un procès contre la tutelle", Par Dr. Phil. Okou Zéphyrin Dagou

Par IvoireBusiness - 126 professeurs privés de salaires depuis 4 mois pour avoir gagné un procès contre la tutelle, Par Dr. Phil. Okou Zéphyrin Dagou

Kandia Camara, ministre de l'Éducation nationale et de l'Enseignement technique.

Vraiment surréaliste le calvaire que vivent actuellement les 126 professeurs admis au concours des Adjoints Aux Chefs d’établissement (ACE ) de la session 2011 du Ministère de l’éducation nationale et de la l’enseignement technique. Voilà maintenant depuis quatre mois que leurs salaires ont été suspendus pour une raison qui ne dépend absolument pas d’eux : Absence de notation. Pour comprendre cette hallucinante affaire qui met à mal l’État de droit prôné par le Président de la République, il faut remonter à ses origines en 2011.
À cette époque, ces enseignants sont admis au concours des Adjoints Aux Chefs d’établissement communément appelés censeurs. Mais trois mois après la proclamation des résultats, la tutelle, prétextant que la partie écrite dudit concours a été organisée par l’ancien régime, alors qu’elle a elle même poursuivi le concours en organisant la partie orale et en proclamant les résultats définitifs, annule ceux-ci. Toutes les médiations sollicitées par ces enseignants pour amener leur tutelle à revenir sur sa décision ayant échouées, c’est donc à leur corps défendant qu’ils portent l’affaire devant la Chambre administrative de la Cour Suprême. Celle-ci dans son audience publique du 27 février 2013, casse l’arrêté du Ministère de l’éducation nationale et de l’enseignement technique portant annulation dudit concours. En termes clairs, les résultats annulés du concours sont bel et bien valables, les admis sont désormais des Adjoints Aux Chefs d’établissement et doivent être affectés en tant que tels.
Mais depuis deux ans que la Cour Suprême a rendu ce jugement pourtant in susceptible d’aucun recours, celui-ci n’a jamais été appliqué par la tutelle de ces enseignants. Cela fait donc deux longues années qu’ils n’ont pas de poste et vu les événements décrits plus haut, cela n’est absolument pas dû à leur fait. Par plusieurs courriers, ils informent le Ministère de la Fonction Publique de cette situation afin qu’ils ne soient pas considérés comme des fonctionnaires fictifs ou ayant abandonné leurs postes. La – bas, plusieurs assurances leurs sont données qu’on ne toucherait pas à leurs salaires vu que l’absence de notation résultant de l’absence de poste ne dépend pas d’eux.

Puis vint fin mai 2015, le moment de suspendre le salaire des fonctionnaires n’ayant pas été notés. Quelle ne fût la surprise de ces enseignants à qui on avait pourtant donné toutes les assurances qu’ils ne seraient pas touchés (engagements pris en présence de l’inspection générale de l’état et des responsables de la solde ), de constater qu’ils furent eux aussi frappés par cette mesure. S’étant aperçue de sa bévue, la fonction publique veut rattraper les choses et demande à ces enseignants de déposer un dossier de reprise en solde. Ce qu’ils firent début juillet. Mais depuis cette période jusqu’aujourd’hui, rien ne bouge. À la Fonction Publique, on les balade d’un service à un autre sans que personne ait le courage de leur dire où se trouve le blocage.
Aux dernières nouvelles on leur parle d’un logiciel défectueux qui empêcherait la validation de leur reprise en solde comme si la fonction publique ne disposait pas d’informaticiens chevronnés pour régler ce détail.
À la vérité, des mains occultes agissent en sous mains pour empêcher la répartition de cette injustice. Et depuis leur dossier est bloqué au Cabinet du Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative. Mais pourquoi la fonction publique s’est – elle rétractée? Mystère puisqu’elle ne communique pas sur le dossier et les tentatives de ces enseignants pour avoir une audience auprès du Cabinet ont échoué. Pendant ce temps c’est l’agonie pour ces enseignants: impossibilité de faire face aux problèmes de nourriture de santé, des factures , expulsion des loyers, et même visées suicidaires pour certains. Et tout ça pourquoi? Pour avoir gagné un procès contre un Ministère. Et pourtant la Grosse de la Cour Suprême qui leur vaut tout ce malheur a été rendue au Nom du Président de la République.
Lisez – vous mêmes la conclusion de la grosse de la Cour Suprême :« En conséquence, le Président de la République de Côte d’Ivoire mande et ordonne au Ministère de l’éducation nationale, au Secrétaire Général de la Présidence de la République et au Secrétaire Général du Gouvernement, en ce qui les concerne, et à tous les huissiers de justice, à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt, au Procureur Général et aux Procureurs de la République près les Tribunaux de Première Instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la Force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis ».
Comment et pourquoi avoir un tel droit avec soi et être malmené de la sorte? Face à cette situation où le non droit a pris le pas sur le droit, plusieurs questions se posent : Que reproche concrètement la Fonction Publique à ces enseignants et qu’est-ce qu’elle attend d’eux pour rétablir leurs salaires? Serait-il devenu un délit que de gagner un procès contre un Ministère? Un arrêté ministériel peut-il continuer à produire des effets alors qu’il a été cassé par un arrêt de la Cour Suprême? Dans les actes juridictionnels, l’arrêté ministériel serait-il désormais situé au dessus d’un arrêt de la Cour Suprême? Bien malin qui pourra répondre à ces interrogations.

Par Dr. Phil. Okou Zéphyrin Dagou