Présidentielle2017: La menace Le Pen oubliée, Mélenchon devient l’homme à abattre

Par Marianne - La menace Le Pen oubliée, Mélenchon devient l’homme à abattre.

Alors qu’on le croyait à jamais endormi, François Hollande s’est réveillé à quelques jours du premier tour de la présidentielle pour mettre en garde contre le danger qui pointe à l’horizon. La menace Marine Le Pen ? Pas du tout. La disparition programmée d’un parti qu’il a conduit dans le mur et dont il ne regarde même plus les débris ramassés par un Benoît Hamon abandonné parmi les récifs ? Pas davantage. Non, la hantise de François Hollande, c’est Jean-Luc Mélenchon, l’homme qui défie toutes les prévisions et qui se joue de tous les pronostics.

Oubliant qu’il n’aurait jamais été élu en 2012 sans l’appel de ce dernier en sa faveur, le président a dénoncé sa vision « simpliste », pour en conclure que le candidat de la France Insoumise ne représentait pas « La gauche qui permet de gouverner », celle qui est incarnée par son clone, l’ancien ministre Emmanuel Macron.

Et voilà comment on oublie l’extrême droite pour concentrer le tir sur le candidat de la révolution citoyenne, soudain devenu l’ennemi public numéro 1. Jean-Luc Mélenchon a beau expliquer qu’il ne confond pas la Russie et son président, on le transforme en petit agent de Poutine. Propose-t-il de s’inspirer du général de Gaulle en quittant l’OTAN, on l’assimile à un agent de Moscou la rouge, pourtant morte en 1991. Se dit-il partisan d’en finir avec l’Europe de l’austérité, on le transforme Europhobe partisan d’une alliance fantasmatique avec des pays d’Amérique Latine, comme s’il était acceptable de vendre des armes à l’Arabie Saoudite et interdit de commercer avec le Venezuela et Cuba, comme le fait l’actuel gouvernement. Un intellectuel médiatique, connu pour être l’époux d’Arielle Domsbale, est même allé jusqu’à suggérer que Mélenchon était un antisémite à peine caché. Est-on sûr qu’il ne mange pas de petits enfants en même temps qu’il déguste du quinoa ?

En comparaison, Marine Le Pen a presque disparu des radars

En comparaison, Marine Le Pen a presque disparu des radars. Ceux-là même qui voyaient dans la candidate du FN l’avant-garde des nazis, sans se demander pourquoi tant de gens se tournent vers elle, sans s’interroger le moins du monde sur le bilan du quinquennat Hollande, ont décidé de déclencher un tir nourri contre Mélenchon en le décrivant comme un candidat aussi dangereux que le FN, voire plus si affinités.

Ainsi Le Point n’hésite-t-il pas à faire de Le Pen et Mélenchon « les jumeaux du repli et de la ruine ». Toute honte bue, l’éditorialiste Pierre-Antoine Delhommais écrit : « Il aurait été en vérité bien plus logique et cohérent que Jean-Luc Mélenchon s’alliât avec Marine Le Pen ». Dans Les Echos, sous le titre « Tant de façons d’être fascistes », le philosophe Roger-Pol Droit assène : « En matière de possible dérive autoritaire, le patron du Front de gauche n’a rien à envier à la patronne du Front National ». Dans ce même journal, Dominique Seux, éditorialiste de la matinale de France Inter, temple de la pensée unique, assène : « Il est temps, vraiment temps, que les yeux se dessillent. Jean-Luc Mélenchon défend un projet insensé que peu de gens ont apparemment lu ». Et s’ils l’avaient simplement mieux lu que Dominique Seux, militant de l’extrême finance ?

Digne représentant de la gauche Challenge, Bruno-Roger Petit y est allé lui aussi de sa mise en garde : « La réalité du projet constitutionnel de Mélenchon va apparaitre pour ce qu'elle est : une potentielle porte ouverte à la mise en place d'un coup de force, si ce n'est un coup d'Etat, contre la constitution de la Ve République ». Quant à l’inévitable Laurent Joffrin, directeur du Libération de Patrick Drahi, il ne peut parler de Mélenchon sans l’assimiler à Fidel Castro, à Chavez, à Poutine ou à Bachar Al-Assad, voire aux quatre à la fois. Qui dit mieux ?

Mais le procès permanent en fascisation est insupportable

Bref, entre la représentante de la droite extrême, adepte d’une vision ethnique de la nation, alliée de tous les groupuscules du repli nationaliste en Europe, reçue par Poutine, admiratrice de Trump, et un candidat qui prône une révolution citoyenne contre l’oligarchie, qui se veut le porte-voix des sans voix, et qui prétend rendre sa dignité au peuple de France, certains ne font pas la différence. Pire : ils préfèrent encore la première au second, assurés qu’ils sont de la voir rentrer dans le rang le moment venu, alors qu’avec le second, on ne sait jamais, tout est possible.

Entendons-nous bien. Il ne s’agit pas ici de statufier vivant le leader des Insoumis. Je laisse ce genre d’exercice à d’autres. Je comprends très bien que l’on critique son programme, qu’on le juge caricatural sur certaines questions, que l’on soit en total désaccord avec lui sur d’autres. C’est le jeu normal de la démocratie et du débat.

Mais le procès permanent en fascisation est insupportable. J’en dirais autant si l’on portait de telles accusations contre Emmanuel Macron, qui a dans son staff de campagne un homme ayant fait la campagne de Nicolas Maduro au Venezuela, ou contre Benoît Hamon, qui a lui-même signé bien des contrats commerciaux avec le Venezuela lorsqu’il était ministre.

Certes, au vu de l’évolution des sondages et du succès de ses initiatives, on pourrait se dire que le grand vainqueur de ces attaques est Jean-Luc Mélenchon. Etre détesté par le clergé médiatique que rejettent les Français est souvent l’assurance d’une gloire plus ou moins durable. Mais on ne peut se limiter à ce simple constat. On ne peut s’habituer à jouer avec ceux que certains appellent les « extrêmes » pour les mettre sur un pied d’égalité, ce qui revient à blanchir une Marine Le Pen qui, même dans ses rêves les plus fous, n’avait jamais espéré pareil cadeau.

Jack Dion

Directeur adjoint de la rédaction

Auteur du livre Le mépris du peuple (LLL).

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