Présence de Ouattara sur le sol canadien: Jean Hilaire Yapi, président du Congrès ivoirien du Canada, s'indigne de la présence de Ouattara en sol canadien et écrit au Premier ministre Trudeau

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - JEAN-HILAIRE YAPI, PRÉSIDENT DU CONGRÈS IVOIRIEN DU CANADA S’INDIGNE DE LA PRÉSENCE DE OUATTARA EN SOL CANADIEN ET ÉCRIT AU PREMIER MINISTRE.

JEAN-HILAIRE YAPI, PRÉSIDENT DU CONGRÈS IVOIRIEN DU CANADA.

Lettre ouverte au Très Honorable Justin Trudeau Premier Ministre du Canada

Monsieur le Premier ministre,

Votre élection en tant que Premier Ministre du Canada a suscité un réel espoir au sein de la population. Les canadiens, en vous élisant ont montré clairement qu’ils voulaient du changement. Changement dans la politique intérieure pour une meilleure prise en compte des réalités du quotidien des canadiens et les énormes défis liés à l’économie, la santé et la sécurité. Changement dans la politique extérieure appelant à une rupture avec l’attitude belliqueuse des conservateurs qui ont oublié que le Canada doit son rayonnement sur le plan international à son engagement humanitaire pour défendre partout les droits de l’homme, quelque soit sa race, sa religion, son sexe. Comme beaucoup de canadiens, j’ai pensé qu’étant jeune, vous ne vous laisseriez pas tenter par cette politique conservatrice des anciens, qui n’ont pas su s’adapter à l’évolution de l’humanité qui est nécessairement UNE aujourd’hui. Je ne suis pas un fou. Je suis Canadien fier de l’être. Je vis au Canada depuis 20 ans. Je n’ai pas voté pour vous mais j’avoue que j’aime beaucoup votre approche et vos actions notamment à l’endroit des autochtones et de la diversité dans notre beau pays. Laissez moi donc vous raconter une histoire, celle de mon pays d’origine la Côte d’Ivoire, dont vous vous apprêtez à accueillir le président criminel imposé par la France pour défendre ses intérêts au détriment de celle des population du pays qu’il prétend gouverner. Vous me trouverez peut-être dur, mais c’es ma manière à moi d’exprimer ce que je ressens. Sachez que pour ce genres de propos je ne puis aller rendre visite à ma famille car j’ai peur d’y être arrêté ou d’y être la victime d’un crime commandité qui sera mis sur le compte de petits voyous. En tout cas, mes parents, amis et connaissances ici et là-bas me déconseillent de le faire.

En 2000, la Côte d’ivoire a élu pour la première fois un homme, Laurent Gbagbo, qui a passé toute sa vie à combattre, par des voies non violentes, le régime de parti unique pour aboutir au multipartisme. A peine deux ans après son élection, le pays est attaqué par des rebelles qui déclareront par la suite avoir été financés par Alassane Ouattara. le 19 septembre 2002, il y aura plus de 300 victimes au nombre des quels le ministre de l’intérieur de la Côte d’Ivoire et des officiers de haut rang de l’armée nationale ivoirienne. Puis ils se replieront à Bouaké dans le centre du pays où ils massacreront les gendarmes en fonction ainsi que leurs femmes et enfants. Ayant pris, avec laide de la France, possession de la partie nord de la Côte d’Ivoire, Allassane Ouattara et ses rebelles mèneront une guerre aux relents ethnique et religieux au reste de la Côte d’Ivoire pendant presqu’une décennie. Lorsqu’en novembre 2004, l’armée ivoirienne tentera de reprendre possession du nord de la Côte d’Ivoire, la France organisera l’attaque de sa propre base militaire en zone rebelle et l’utilisera comme prétexte pour empêcher la reconquête du nord en détruisant toute l’aviation militaire de la Côte d’Ivoire.

Aux manifestations de la populations qui vont suivre pour demander le départ des troupes françaises, ces dernières vont répondre par un massacre pur et simple de dizaines de civils ivoiriens, et cela en toute impunité et dans le silence total et complice de toutes les chancelleries occidentales y compris celle du Canada.

C’est donc dans un pays dont une partie est contrôlée par des rebelles en armes que vont se dérouler les élections dites de sortie de crise en 2010, cela en violation de la constitution ivoirienne qui stipule que pour que des élections puissent se tenir, aucune partie du territoire national ne doit être sous la menace des armes. De fait, ces élections n’ont pu se tenir en 2005, du fait de cette disposition de la constitution. Mais en ce temps, la France, à la tête de la “communauté internationale”, avait fustigé le Président Laurent Gbagbo, l’accusant de s’accrocher au pouvoir.

Les élections organisées dans ces conditions étaient en fait vouées à l’échec puisque les rebelles ont effectivement usé de leurs armes pour intimider les populations des zones qu’ils occupaient de façon à influencer leur vote. Et quand cela n’a pas suffit, ils ont simplement chassé les représentants de Laurent Gbagbo et rempli les procès verbaux avec des résultats aussi fantaisistes qu’incohérents. Aussi, était-il nécessaire à la France de faire le passage en force auquel elle s’est habituée dans ses colonies (devrais-je dire ex?) d’Afrique. Le président de la Commission électorale se voyant dans l’incapacité de proclamer un résultat dans les délais prescrits par la loi en raison de l’absence du nécessaire consensus en son sein, les ambassadeurs de France et des États Unis l’ont conduit, en cachette, dans le quartier général de campagne d’Allassane Ouattara pour le déclarer vainqueur devant les chaînes de télévision françaises. Suite aux réclamations dûment faites par le candidat Laurent Gbagbo sur les fraudes et les violences dans les zones contrôlées par les rebelles, le Conseil Constitutionnel à qui il revient de proclamer les résultats définitifs des élections, déclarera Laurent Gbagbo vainqueur au cours de son audience solennelle, en présence de tous les membres de cette institution de la république et en vertu des ses lois. Mais voila, Laurent Gbagbo n’est pas le choix de la France. Pas assez docile et surtout pas corruptible. Encouragés par ses soutiens occidentaux en tête desquels la France, Ouattara et ses rebelles vont être mis sous la protection de l’ONU. Leurs appels à la désobéissance civile n’ayant aucun écho auprès de la population, ils vont réclamer la guerre et être armés pour cela tandis que Laurent Gbagbo appellera à recompter les votes devant une juridiction internationale en laquelle les deux parties font confiance. Ban Kimou, le secrétaire général de l’ONU, déclarera que recompter les votes serait une injustice, suivi en cela par Jean Ping, alors président de la commission de l’Union Africaine. Dans cette même période, c’est pourtant le recomptage des votes qui permettra de désigner le vainqueur des élections en Haïti. Aujourd’hui, ironie de l’histoire, ce sont Jean-Ping, Ban Kimou, la France, ainsi d’ailleurs que toute la communauté internationale qui réclament une recomptage des votes au Gabon. Laurent Gbagbo avait donc raison?

Les rebelles, appuyés par les forces française et de l’ONU (était-ce une première?), feront la guerre à l’armée ivoirienne. Pris sous les bombardements français, Laurent Gbagbo va demander un arrêt des hostilités. Le ministre Désiré Tagro, chargé de sortir avec un drapeau blanc de la résidence du président va recevoir un tir dans la bouche (il n’y survivra pas) malgré les assurances de l’ambassadeur de France aux premières loges de ce énième coup de force français en Afrique. Ensuite, les rebelles vont déferler sur l’étendue du territoire et massacrer et piller. Tous les jeunes ayant soutenu Laurent Gbagbo sont considérés comme des miliciens. Ils seront arrêtés dans leurs domiciles, dénudés et abattus comme des chiens en pleine rue (voir photos en annexe). Le sommet de l’horreur sera le massacre de Duekoué où, en l’espace d’une journée, les hommes de Ouattara feront plus de mille victimes parmi les Wê, accusés d’avoir voté pour Gbagbo.

Ouattara a instauré ce qu’il a lui même qualifié de “rattrapage ethnique” et terminé, en régnant par la terreur, un premier mandat de 5 ans. En 2015, il a organisé une élection verrouillée d’avance pour luimême et, bien sur, l’a gagnée. L’opposition est muselée et mise en prison. Les chefs de guerre de la rébellion ont eu des promotions et règnent en maîtres absolus sur les populations qu’ils n’hésitent pas à punir par la mort en cas d’opposition. Ouattara et sa cour se la coulent douce. Leurs enfants vont à l’école en Europe ou en Amérique du Nord. Ils se soignent également en occident. Pendant ce temps, les Ivoiriens ont du mal à se nourrir, à scolariser leurs enfants et à se soigner tant les écoles et les hôpitaux laissent à désirer et le chômage est endémique. Quand Gbagbo “le dictateur” était au pouvoir, il n’y avait aucun ivoirien dans un camp de réfugié. Aujourd’hui, près de 6 ans après la prise de pouvoir sanglante d’Allassane Ouattara “le démocrate”, il y a des milliers d’ivoiriens qui survivent dans des camps de réfugiés au Libéria, au Ghana, au Togo. Nombre d’entre eux ne peuvent retourner chez eux car leurs maisons, leur plantations sont occupées, comme butin de guerre principalement par des burkinabés en armes que Ouattara a recrutés dans son pays d’origine pour faire la guerre à la Côte d’Ivoire.

Des centaines de prisonniers politiques croupissent dans des lieux de détention inconnus depuis plus de 6 ans, sans avoir rencontré de juges, ni leurs parents. Certains meurent des tortures qu’ils subissent. Les personnes arrêtées et disparues depuis 2011 sont des milliers. La réconciliation est en panne car les témoignages recueillis pendant l’audition des victimes accable principalement les hommes de Ouattara. Après sa chute, l’ex dictateur Blaise Compaoré du Burkina Faso a été exfiltré par la France en Côte d’Ivoire. En 2015, ses fidèles restés au Burkina Faso ont tenté, à l’aide de complicités du pouvoir ivoirien, un putsch qui a fort heureusement échoué. Récemment, Allassane Ouattara a fait de Blaise Compaoré un ivoirien pour lui permettre d’échapper à la justice de son pays, qui le réclame. Un conseiller occulte de Ouattara est également cité dans l’organisation d’une fraude dans l’élection au Gabon, au profit de Jean Ping.

Laurent Gbagbo, le président que les ivoiriens ont véritablement élu est actuellement devant la CPI pour répondre des crimes des hommes de Ouattara. Faites un petit sondage auprès des ivoiriens vivant au Canada et vous verrez vous mêmes combien Laurent Gbagbo est populaire. Malgré l’absence de preuves, Laurent Gbagbo est maintenu en prison et le procès se déroule effectivement. Fait insolite, les témoins à charge du procureur viennent souvent témoigner à décharge pour Laurent Gbagbo, au point où la CPI a décidé de faire une grande partie du procès à huis clos, ce qui est une honte.

J’ai appris qu’un ex soldat de Ouattara qui s’était réfugié au Canada va être déporté en Côte d’Ivoire à cause des crimes contre l’humanité qu’il aurait commis au temps de la rébellion. A quoi rime de déporter le soldat, donc l’exécutant et de recevoir en grande pompes les donneurs d’ordre Allassane Ouattara et Soro Guillaume? Après vous avoir raconté cette petite histoire, je me permets de vous interpeller sur l’image que vous donnez au canada en déroulant le tapis rouge à de tels criminels. Les intérêts économiques du canada vous obligent-ils à “serrer la main du diable”? Pour notre part, nous pensons que le canada n’a pas besoin de soutenir des rebellions armées ni de s’aligner sur les positions néo-colonialistes de la France pour prospérer en Afrique. Au contraire, l’Afrique ne veut plus de la France qui y a suffisamment montré sa capacité de nuisance. L’Afrique se cherche de nouveaux partenaires dignes de confiance pour travailler dans l’intérêt mutuel pour la construction d’un monde meilleur pour tous.

Une doléance: Aidez à la libération du Président Laurent Gbagbo et de son ministre Charles Blé Goudé incarcérés et jugés à La Haye. Aidez à la libération des prisonniers politiques de la Côte d’Ivoire, au retour sécurisé des exilés. Cela permettra aux ivoiriens de commencer à se réconcilier et ramènera surement la paix. Et vous serez un véritable héros pour des millions d’Africains pour qui, à juste titre, Laurent Gbagbo n’est autre qu’un symbole de la résistance à la domination française, un symbole de la lutte pour une vraie indépendance, un authentique démocrate.

Recevez, Monsieur le Premier ministre, mes salutations distinguées.

Fait à Longueuil le 15 Septembre 2016.

Jean-Hilaire Yapi,

Président Fondateur du Congrès des Ivoiriens du Canada

Source: successmag.ca