Londres - HOMMAGE À UN PLUS-QUE CAMARADE DE LUTTE: LUCIEN DJAH

Par Correspondance particulière - HOMMAGE À LUCIEN DJAH.

Photo: Lucien Djah à une réunion politique à Londres. Il affectionnait ces rendez-vous.

J’ose croire que ce qui va suivre aura un sens, car depuis le départ de celui que je continue d’appeler Lord Djah, ma propre vie est devenue fade, désorientée et meublée de questions me plaçant devant une sorte de tintouin irréversible. Mon cerveau, jadis prompt et producteur me refuse tout service à lui soumis ; il est endormi depuis ce jour où, en pleine nuit, mon téléphone me réveilla pour dire : « Lord Djah, ton frère, ton partenaire, est parti ».

S’il est des évènements qui bouleversent la vie dans son entièreté, le départ du combattant Lucien Djah en est un qui me conduit à me demander aussi si toute entreprise humaine vaut la peine d’être mise en place. Les chrétiens parlent « d’enlèvement ». Mais, moi, dans mon incrédulité, je parle de cruauté de cet être supérieur dormant dans sa tour dorée qui se contente de voir les gens se torturer les méninges pour répondre à des problèmes qui se posent à eux. Si cet être m’entends vraiment, je l’en veux.
Qu’on comprenne que je pleure mon frère Djah, qu’on m’évite les versets et autres litanies qui nous endorment la conscience à tel point que nous refusons de nous réveiller.
Je ne m’attarderai point sur son travail à la FESCI. Je dirai qu’il était bon. Au FPI, je ne parlerai pas beaucoup de son rôle, je dirai qu’il était un des jeunes et grands leaders qui dirigeront la Côte d’Ivoire de demain.
Ce sur quoi je voudrais m’attarder est son humanisme. C’est surtout cela qui m’a poussé, heureusement de son vivant, de rendre hommage au couple qu’il formait avec Rachelle Dibopieu Djah (ma complice et sœur) dans mon recueil de poèmes : « Cris d’exil » paru aux éditions « Mon petit éditeur », fouillez et vous verrez. Ma «lettre à la mort » qui figure dans « Le retour du sphinx » (à paraître) que vous avez sans doute lue déjà, est une partie des larmes que je verse toujours, dans mon lit, sous mon drap.
Lord Djah rime avec mesure et réconciliation. Même dans sa démarche, il faisait tellement attention qu’on croirait qu’il avait peur d’offenser le sol sur lequel il posait son pied. Lord Djah est synonyme de sourire. Il était un esprit très aiguisé et avancé ; un homme qui intervenait pour dire quelque chose et non pour bavarder. Sa maestria, sa maîtrise de soi et de la parole obligeaient même les bavards et les esprits diviseurs de l’écouter. En gros, son humanisme politico-sociétal lui a permis d’avoir des amis partout et même là où d’autres personnes ont du mal à pénétrer.
Ce sont ces qualités que je pense célébrer ici avec vous. Et, croyez-moi, je ne pense pas que j’arriverai à épuiser la liste des qualités qui font de lui un homme à part.
Champion, tu me sais très long dans mes sorties en certaines occasions, mais permets que je sois laconique. Car, tu connais la profondeur de la misère et le degré de coma intellectuel dans lesquels tu m’as laissé. Contente-toi donc du peu que je produis en ton honneur. Je sais que tu es allé dormir, mais ne reste pas inactif. A tous tes amis et à Rachelle « ton bébé », envoie le bonheur complet et la paix du cœur. Sache que Rachelle est entourée pour toujours et comme toujours.
Enfin, mon gars, que la terre te soit très légère. Les conditions auraient été autrement, je t’aurais accompagné à Bada, notre Bada. Que je m’arrête, tant mes yeux pleuvent !

SYLVAIN DE BOGOU