INTERVENTION MILITAIRE AU MALI : 41 étrangers, dont un français, pris en otage par les Islamistes sur un site gazier en Algerie

Le 17 janvier 2013 par IVOIREBUSINESS - . Au moins deux morts lors de l'attaque par les islamistes.

Le procédé est spectaculaire : mercredi 16 janvier, un groupe réclamant l'arrêt de l'offensive française au Mali a attaqué un site gazier et pris en otage plusieurs centaines de personnes qui y travaillent. Au moins 41 étrangers sont retenus, selon les autorités algériennes. Parmi eux, un français selon la chaîne France24. En effet, la chaîne de télévision française France 24 a affirmé mercredi avoir eu une conversation téléphonique avec un otage français détenu sur un site gazier en Algérie par des islamistes, qui a assuré que des Malaisiens et des Philippins figuraient également parmi les otages.
La chaîne, qui n'a diffusé qu'un court extrait de l'enregistrement de la conversation avec l'otage français, a indiqué que ce dernier avait dit qu'il était détenu en avec des ressortissants de Grande-Bretagne, du Japon, des Philippines et de Malaisie.
France 24 a souligné qu'il était impossible de savoir si l'otage français s'exprimait sous la contrainte. Le Français a aussi déclaré que les otages étaient détenus dans un immeuble piégé sur le site gazier d'In Amenas, près de la frontière libyenne, à 1300 km d'Alger, et qu'ils portaient sur eux des ceintures d'explosifs pour dissuader une éventuelle intervention des forces de sécurité.

Plusieurs dizaines d'Algériens sont également retenus prisonniers sur le site, même s'ils semblent laissés libres de leurs mouvements.

Selon Alger, deux personnes – un Britannique et un Algérien – ont été tuées dans l'opération. Le ministère des affaires étrangères algérien évoque aussi six blessés – deux étrangers, deux gendarmes et deux agents de sécurité. Le ministre britannique des affaires étrangères, William Hague, a confirmé jeudi la mort d'un Britannique, qu'il a qualifié de "meurtre de sang-froid".

SITUATION CONFUSE
La situation sur place et le déroulé des évènements sont particulièrement confus : les informations qui filtrent dans la presse algérienne sont contradictoires, et la situation géographique, à plus d'un millier de kilomètres d'Alger, complique la collecte d'informations fiables. Selon plusieurs sources algériennes, les assaillants sont toujours à l'intérieur du site, encerclés par l'armée algérienne. Selon le site Maghreb émergent, un porte-parole du groupe a menacé de faire exploser le site "si les forces armés algériennes ne se retirent pas".
Le ministère de l'intérieur algérien explique que le groupe armé a d'abord tenté d'attaquer un bus qui transportait des habitants de la base de Tigantourine à l'aéroport d'In Amenas. "Le groupe terroriste, après cette tentative avortée, s'est dirigé vers la base-vie dont il a investi une partie et y a pris en otage un nombre indéterminé de travailleurs", précise-t-on également au ministère.

UN GROUPE ARMÉ ISSU D'AQMI
Le groupe armé qui a revendiqué cette action a réclamé dans un communiqué "l'arrêt de l'agression" au Mali. "Nous annonçons avoir réussi une attaque de taille en réaction à (...) la croisade menée par les forces françaises au Mali", indique le communiqué rédigé par un groupe intitulé les Signataires par le sang ("La brigade Al-Mouthalimin"). C'est le nom que l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, récemment parti d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), a donné à sa katiba (unité combattante).
"Nous affirmons que les otages sont plus de 40 croisés, dont 7 Américains et 2 Britanniques, parmi d'autres nationalités", poursuit l'organisation. "L'Algérie a été choisie comme scène de cette opération pour faire apprendre au [président algérien Abdelaziz] Bouteflika que nous n'accepterons jamais l'humiliation de l'honneur du peuple algérien (...) en ouvrant le ciel algérien à l'aviation française", précise le communiqué. "Cette opération s'inscrit aussi dans une campagne mondiale de lutte contre les juifs et les croisés", selon le texte.
Le ministre de l'intérieur algérien, Dahou Ould Kablia, a déclaré que les ravisseurs ne venaient pas du Mali ni de Libye, et précisé qu'il s'agissait d'un groupe d'"une vingtaine d'hommes issus de la région". Ils auraient demandé à quitter le pays avec les otages. Un employé du site, qui a requis l'anonymat, a aussi indiqué qu'ils réclamaient la libération de cent islamistes détenus en Algérie avant de relâcher leurs otages. Mais Alger refuse toute négociation sur ces points.
La chaîne France 24 a affirmé mercredi soir avoir parlé avec un otage français, qui aurait assuré que des Malaisiens et des Philippins figuraient également parmi les otages. Le correspondant du quotidien algérien El Watan a, lui, évoqué deux Français parmi les otages. Mercredi soir, François Hollande avait de son côté déclaré n'avoir pas de certitude sur la présence éventuelle de ressortissants français. Le Quai d'Orsay a activé sa cellule de crise pour procéder à des "vérifications".
Les assaillants avaient affirmé avoir capturé sept Américains ; Washington a confirmé que des Américains figuraient parmi les otages, sans plus de précisions.
Du côté de l'Irlande, le chef de la diplomatie a confirmé la présence d'un otage originaire de la province britannique d'Irlande du Nord, et a demandé sa libération immédiate. Le gouvernement japonais a quant à lui confirmé la présence d'otages nippons, et ajouté qu'il tentait de régler la situation "par voie diplomatique", comme le montre cette vidéo sous-titrée en anglais. Le premier ministre norvégien a, lui, assuré que treize Norvégiens étaient retenus en otage.
Selon l'agence de presse algérienne APS, des travailleurs algériens retenus sur le site ont été libérés par petits groupes. Mais, à l'inverse, le PDG de CIS Catering, entreprise française qui assure des prestations de restauration, d'hôtellerie et de logistique, a expliqué mercredi soir au JDD.fr que 150 de ses employés algériens étaient encore retenus. "Selon mes informations, un groupe d'une soixantaine de terroristes venus de pays voisins, surarmés et très bien équipés, a attaqué la base cette nuit. Ils auraient alors pris en otage tous les expatriés, quelle que soit leur nationalité, les auraient regroupés et attachés", ajoute-t-il. Selon le PDG, cité par l'AFP, alors que les étrangers sont "bloqués dans un coin et ne peuvent pas bouger", les employés algériens sont, eux, laissés en liberté sur la base, mais ne peuvent pas la quitter.

LA FRONTIÈRE ENTRE L'ALGÉRIE ET LE MALI FERMÉE
Longtemps réticentes à voir la France intervenir à leur porte, les autorités algériennes ont annoncé la fermeture de leur frontière avec le Mali lundi, afin d'éviter un repli des islamistes hors de portée des forces françaises. Elles ont également autorisé le survol de leur territoire par les chasseurs français.
C'est dans cette région algérienne proche de la frontière libyenne qu'une touriste italienne avait été enlevée en février 2011 par des membres d'AQMI, avant d'être libérée en avril 2012. Huit otages français sont par ailleurs déjà détenus au Sahel. Les menaces proférées par les groupes islamistes qui contrôlent le nord du Mali ont plongé leurs familles dans l'angoisse depuis le début de l'intervention militaire française, vendredi 11 janvier. François Hollande a déclaré mardi qu'il était "encore temps" pour les ravisseurs de "rendre à leurs familles" les otages.
Enfin, "en raison de la forte dégradation de la situation sécuritaire au Mali", le ministère des affaires étrangères déconseille fortement de se rendre dans la zone rouge de la carte ci-dessous : "les ressortissants français qui se trouveraient dans cette zone doivent savoir que leur liberté et leur vie sont explicitement et directement menacées. Aucune personne, aucun groupe, aucune organisation ne peut prétendre garantir leur sécurité."

Catherine Balineau
Source : Le Monde avec AFP
NB: Le titre et les ajouts sont de la rédaction.