Gabon : Pourquoi la France a lâché Ping ?

Par Diasporanews - Gabon, Pourquoi la France a lâché Ping ?

Ali Bongo Ondimba et Jean Ping. Photomontage utilisé à titre d'illustration.

Après la prestation de serment de Bongo II au Palais du bord de mer le 27 septembre dernier en présence des ambassadeurs américain, français et de l’Union européenne en poste à Libreville, on peut dire, sans risque de se tromper, que le pouvoir a définitivement échappé à Jean Ping qui s’était autoproclamé vainqueur au lendemain de la présidentielle du 27 août. Aux premières heures de la vague de contestations des résultats par l’opposition, la France, l’Union Européenne et les Etats Unis avaient été les premiers à émettre des doutes sur la réélection d’Ali Bongo et formulé une demande expresse de recomptage des voix. Une position qui a évidemment apporté de l’eau au moulin du camp Ping qui dénonçait le « hold-up électoral ».

On entendait même dire dans certaines chancelleries occidentales que le sort d’Ali Bongo et de ses thuriféraires était scellé. Une situation qui, évidemment, a provoqué une vague de panique dans le microcosme de la majorité présidentielle. Ce qui a eu pour effet immédiat la démission impromptue et tonitruante du ministre de la Justice, Séraphin Moudounga et bien d’autres figures du Parti démocratique gabonais (PDG), au pouvoir.

Un mois après le scrutin présidentiel, on peut dire que beaucoup d’eau a coulé sous le pont de Libreville où l’on assiste à une certaine accalmie. La vie reprend, peu à peu, son cours normal. Du côté de la communauté internationale, les positions se sont assouplies également. La France, les Etats Unis et l’UE ont même pris acte de la décision de la Cour Constitutionnelle qui a confirmé la victoire d’Ali Bongo en dépit des contestations.

Pourquoi ce virage à 180° ? Il ne faut pas aller chercher très loin la réponse. Il n’y a rien de surprenant, les positions ont évolué au gré des intérêts des uns et des autres. Après la politique, l’heure est venue de faire des affaires. Ne dit-on pas que l’intérêt des Etats passe avant celui des hommes ? Ce n’est pas à Jean Ping que l’on apprendra cela. Rappelons-le, « La France n'a pas d'amis, elle n'a que des intérêts » avait déclaré le général De Gaule en 1958. Cette maxime n’a jamais été aussi vraie que de nos jours.

Bongo ou pas Bongo, la France veille sur ses intérêts au Gabon comme le coq veillerait sur sa basse-cour. Elle n’a donc pas intérêt à perdre ce petit pays au sous-sol riche en pétrole. Et surtout pas au moment où elle entend redessiner sa cartographie géopolitique en Afrique et redevenir le premier acteur économique sur le continent et notamment dans ses ex-colonies. On convient que devant un tel enjeu, la France a plus à perdre si elle laisse la situation de crise perdurer au Gabon. Même au plus fort des contestations, elle n’a songé évacuer ses ressortissants. Paris s’est contentée de lancer des appels à la vigilance aux 10 969 Français vivant dans ce pays.

Ce qui intéresse les partenaires économiques comme la France, c’est tirer profit de la croissance (5%) de ce pays dont l’économie repose essentiellement sur l’exploitation pétrolière (39% du PIB et 84% des recettes d’exportation) et l’industrie forestière. Selon le FMI, « le Gabon dispose de bons fondamentaux – faible inflation et dette soutenable, en dépit d’une progression de 21% à 28% en 2014 – et de perspectives favorables pour les prochaines années. »

Bien évidemment, l’ambition de l’ancienne puissance coloniale, principale fournisseur du Gabon (21%) devant la Belgique (16%), la Chine (8%) et les Etats-Unis (8%), est d’augmenter ses exportations vers le Gabon pour dépasser la barre de 679 millions d’euros réalisés en 2014. Les investisseurs français veulent être au rendez-vous des futurs appels d’offres du « Gabon industriel » et du « Gabon vert » sous Bongo II.

De nombreuses opportunités sont à saisir par exemple dans le domaine de la transformation des matières premières destinées à l’exportation, la construction d’infrastructures (routes, barrages, écoles, hôpitaux…)
La réélection d’Ali Bongo peut être un nouveau départ pour la France de reprendre la main au Gabon où plusieurs pays d’Asie lui disputent désormais les juteux marchés. La Corée du Sud a par exemple signé plusieurs accords dans le domaine de la coopération culturelle, des mines et des hydrocarbures. Le Japon a également entrepris des investissements importants dans les secteurs de la pêche et de la forêt. Quant à la Chine, elle figure parmi les partenaires privilégiés. La première puissance économique mondiale est présente dans le domaine portuaire, des mines (exploitation du gisement de Belinga), de l’urbanisation (…)

Plus que jamais, Paris devra dissiper très vite les malentendus et les déclarations malencontreuses de ces derniers temps vis-à-vis de Libreville pour espérer revenir par la grande porte à Libreville.

Clément Yao
Paru dans le Diasporas-News n°78 d'Octobre 2016

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