EXCLUSIF - CPI: VOICI LES CHARGES FARFELUES RETENUES CONTRE GBAGBO. SUITE ET FIN (2)

Voici les accusations Farfelues de la CPI contre Laurent Gbagbo ( Document exclusif)(2)

SUITE ET FIN.

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patriotes pour la libération totale de la Côte‐dʹIvoire (UPLTCI), le Mouvement
des jeunes patriotes, la Fédération estudiantine et scolaire de Côte dʹIvoire
(FESCI), le Front national pour la libération totale de la Côte d’Ivoire (FNLTCI),
et le mouvement des jeunes du FPI, le parti de GBAGBO, et le Groupe
Patriotique pour la Paix (GPP) (considérés ensemble pour les fins de ce
document comme les « Jeunes Miliciens »). La Galaxie patriotique et les groupes
individuels qui la composaient – en particulier les Jeunes Patriotes, un groupe
dont les violentes actions politiques étaient notoires – possédaient une structure
hiérarchisée et performante et bénéficiaient d’une représentation dans chaque
quartier d’Abidjan et dans l’ensemble du pays. BLÉ GOUDÉ était le véritable
chef de la Galaxie patriotique, à laquelle étaient affiliés les Jeunes Patriotes.
65. Avant et pendant la crise postélectorale, GBAGBO et son entourage immédiat
ont systématiquement recruté des milliers de volontaires de la Galaxie
patriotique pour contribuer à l’exécution du Plan commun. Nombre de ces
jeunes suivaient des formations militaires dans des centres officiels des FDS et
recevaient des armes issues, entre autres, de leur armurerie. Les Jeunes Miliciens
menaient des opérations conjointement avec les membres des FDS, sous la
direction d’officiers de ces forces. Ils étaient de fait intégrés dans la chaîne de
commandement des FDS. Ils utilisaient également les bases de celles‐ci, dont le
quartier général de l’armée au camp Gallieni, le quartier général de la
gendarmerie au camp Agban et les postes de police.
c) Les mercenaires
66. Avant et pendant la crise postélectorale, GBAGBO et son entourage immédiat
ont systématiquement recruté, financé et armé des mercenaires venus du Liberia
pour la plupart afin de participer à la mise en oeuvre du Plan commun. Les
mercenaires étaient intégrés dans les rangs des FDS et placés sous leur
commandement. GBAGBO et ses proches collaborateurs leur ont fourni des
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armes, dont certaines provenaient de l’armurerie des FDS, et des uniformes dans
certains cas. Le nombre de mercenaires était compris entre 2 000 et 4 500. La
majorité d’entre eux étaient déployés à Abidjan, San‐Pédro, Yamoussoukro et
Bloléquin.
67. Les mercenaires qui étaient intégrés dans les rangs des FDS et qui étaient placés
sous leur commandement prenaient part aux opérations aux côtés de ces forces et
des Jeunes Miliciens pro‐GBAGBO et utilisaient les bases des FDS, telles que le
quartier général de la gendarmerie au camp Agban, la base de la BAE ou le camp
commando dʹAbobo. Ils étaient commandés par des officiers supérieurs des FDS
ou d’autres personnes fidèles aux membres de l’entourage immédiat de
GBAGBO, qui leur donnaient des instructions.
3. Contrôle exercé conjointement par GBAGBO et son entourage immédiat sur
les forces pro‐GBAGBO
a) Contrôle exercé sur les FDS
68. GBAGBO et son entourage immédiat exerçaient conjointement un contrôle sur
les FDS. GBAGBO exerçait tout d’abord une autorité de jure sur les forces armées.
Conformément à la Constitution ivoirienne, le Président est le chef suprême des
armées. Il préside le Conseil supérieur de défense et nomme des personnes aux
postes civils et militaires clés. GBAGBO exerçait également une autorité de jure
sur d’autres sections des FDS, dans la mesure où leurs chefs respectifs lui
rendaient compte soit directement soit par l’intermédiaire du Ministre de la
défense, du Ministre de l’intérieur ou du chef de l’état‐major des armées.
69. GBAGBO exerçait par ailleurs un contrôle de facto sur les FDS. Avant et pendant
la crise postélectorale, il a consolidé ce contrôle en nommant des proches à des
postes‐clés. Ces personnes, dont certaines appartenaient à son entourage
immédiat, se sont vues confier le contrôle des diverses sections des FDS. Le
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7 décembre 2010, GBAGBO a nommé son « Gouvernement » dont Alain DOGOU
qui occupa le poste de Ministre de la défense. Le 3 août 2010, GBABGO a promu
MANGOU au rang de général des forces armées (chef de l’Etat‐major).
MANGOU consultait toujours GBAGBO avant de prendre la moindre décision.
Le même jour, ce dernier a promu les personnes suivantes au rang de général de
division : KASSARATÉ (gendarmerie), FAUSSIGNAUX (marine), AKA KADJO
(armée de l’air) et BI POIN (CeCOS). En outre, il a promu DETHO (forces
terrestres) et DOGBO BLÉ (garde républicaine), entre autres, au rang de général
de brigade.
70. Après la prestation de serment de GBAGBO en tant que Président le
3 décembre 2010, tous les responsables des FDS lui ont fait voeu d’allégeance.
MANGOU, en présence de KASSARATÉ, FAUSSIGNAUX, BI POIN, DOGBO
BLÉ, DETHO et BREDOU M’BIA, a déclaré : « Suite à la réélection de Monsieur
le Président […] Nous sommes venus présenter notre admiration à Monsieur le
Président de la République, lui réitérer notre disponibilité, notre fidélité et lui
dire que nous sommes prêts à accomplir toutes les missions qu’il voudrait bien
nous confier ». Le contrôle exercé par Gbagbo sur les institutions étatiques, dont
les FDS, est corroboré par ses propos durant le Conseil des ministres du 3 mars
2011, aux termes desquels il s’engage à rester debout dans l’exercice de ses
fonctions et à continuer de défendre la souveraineté de l’État.
71. Le contrôle exercé par GBAGBO et son entourage immédiat sur les FDS est
également étayé par les faits suivants : a) au cours de la crise postélectorale,
GBAGBO et les hauts commandants des FDS et de ses unités se sont réunis à
plusieurs reprises afin de discuter du Plan commun et d’en coordonner la mise
en oeuvre ; b) les unités des FDS rendaient compte à GBAGBO et le tenaient
informé des événements sur le terrain ; c) ce dernier et son entourage immédiat
ont financé et armé les FDS; d) ils donnaient des ordres à leurs subordonnés au
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sein des diverses unités des FDS ; et e) leurs ordres étaient exécutés de façon
coordonnée.
b) Contrôle exercé sur les Jeunes Miliciens
72. GBAGBO et son entourage immédiat exerçaient conjointement un contrôle sur
les Jeunes Miliciens. Ils étaient restés fidèles à GBAGBO qui les utilisait depuis
son accession au pouvoir en 2000. Le 7 décembre 2010, GBAGBO a nommé BLÉ
GOUDÉ au poste de Ministre de la jeunesse, de la formation professionnelle et de
l’emploi. Ce dernier était l’intermédiaire entre GBAGBO et les Jeunes Miliciens.
BLÉ GOUDÉ était entièrement dévoué à GBAGBO et se trouvait très souvent en
sa compagnie, et celui‐ci lui donnait ses instructions et lui demandait conseil sur
des questions politiques importantes. Avant et pendant la crise postélectorale,
GBAGBO et les membres de son entourage immédiat restaient en contact
régulier avec les chefs des Jeunes Miliciens et donnaient dans le cadre de
l’exécution du Plan commun des instructions spécifiques à ces jeunes, qu’ils
contrôlaient également à travers la chaîne de commandement des FDS, au sein de
laquelle ils ont été intégrés. GBAGBO payait mensuellement BLÉ GOUDÉ et les
autres leaders des jeunes miliciens.
c) Contrôle exercé sur les mercenaires
73. GBAGBO et son entourage immédiat ont exercé conjointement un contrôle sur
les mercenaires. Les mercenaires à la solde de GBAGBO étaient principalement
recrutés au sein du groupe ethnique kranh au Liberia, car la fidélité de ces
derniers lui était assurée. Les Kranh ont pour parents ethniques les Guéré de
Côte d’Ivoire, un groupe ethnique dont les membres ont apporté un soutien
massif à GBAGBO. En outre, ils ont été recrutés parmi les Forces spéciales LIMA,
si bien qu’ils étaient armés, avaient reçu une instruction militaire adéquate et
jouissaient d’une expérience militaire suffisante. GBAGBO et son cercle immédiat
exerçaient également un contrôle sur les mercenaires qu’ils avaient recrutés et
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rémunéraient, et, notamment, au travers de la chaîne de commandement des FDS
dont ils recevaient les ordres.
4. Contribution coordonnée par GBAGBO et son entourage immédiat ayant
abouti à la commission des crimes
a) Définition et adoption du Plan commun et comportement
destiné à encourager la commission des crimes
74. GBAGBO a défini et adopté le Plan commun. Compte tenu de la position centrale
occupée par GBAGBO dans la hiérarchie et de l’élaboration du Plan commun au
sein de son entourage, les membres de ce dernier et les forces pro‐GBAGBO
n’auraient pas commis les crimes reprochés si ce dernier n’avait pas adopté ce
plan. GBAGBO a dit de façon répétée aux membres de son entourage immédiat :
« Si je tombe, vous tombez aussi ». Il a aussi incité les forces pro‐GBAGBO à
commettre les crimes poursuivis en leur ordonnant de ne pas remettre en
question la légalité des ordres qu’elles recevraient, en leur laissant entendre
qu’elles ne seraient pas punies pour les crimes qu’elles commettraient et en ne
prenant pas les mesures qui étaient en son pouvoir pour empêcher, réprimer et
punir la commission de ces crimes par les forces pro‐GBAGBO pendant la crise
postélectorale .
b) Création d’une structure chargée de mettre en oeuvre le Plan
commun
75. Avant la crise postélectorale, GBAGBO a créé une structure au sein du
Gouvernement ivoirien et des FDS, ce qui lui a assuré un contrôle absolu sur ces
dernières et lui a permis de mettre en oeuvre le Plan commun. Il a placé ou
promu à des postes‐clés du Gouvernement et des FDS des personnes qui lui
étaient loyales. Il a également nommé BLÉ GOUDÉ, chef des Jeunes Miliciens,
Ministre de la jeunesse, de la formation professionnelle et de l’emploi, lui
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conférant ainsi une autorité et une légitimité au sein du Gouvernement et
s’assurant le contrôle de ces derniers. Bien plus, GBAGBO s’assurait de la loyauté
de BLÉ GOUDÉ et des autres leaders des jeunes miliciens, y compris Serge
KOFFI (FESCI), Youssouf FOFANA (La Voix du Nord), Moussa Zégen TOURE
(Groupement Patriotes pour la Paix) et Eugène DJUE (Union des Patriotes pour
la Libération Totale de la Côte d’Ivoire), en les payant mensuellement et en
finançant leurs groupes respectifs.
76. Juste avant les élections, GBAGBO a ordonné en outre au Ministre de la défense
de procéder au recrutement de 2 000 soldats au sein des FDS. Cet ordre a été
exécuté et les nouvelles recrues ont suivi une instruction. Avant et lors de la crise
postélectorale, GBAGBO a enjoint les membres de son entourage immédiat de
continuer à enrôler des Jeunes Miliciens au sein des FDS. Il a également été
donné suite à cet ordre. GBAGBO a également surveillé le déroulement du
recrutement de ces jeunes et de mercenaires avant et pendant les violences
postélectorales.
c) Armement des forces pro‐GBAGBO
77. GBAGBO a contribué à l’armement des forces qui lui étaient loyales. Il contrôlait
l’accès à une énorme cache d’armes et de munitions entreposées au sous‐sol du
palais présidentiel. Avant la crise postélectorale, GBAGBO a chargé ses
subordonnés d’acheter d’autres armes à l’étranger et leur a octroyé les fonds
nécessaires pour ce faire. Au cours de cette période et de celle qui a
immédiatement suivi l’élection, des membres de l’entourage immédiat de
GBAGBO ont acheté de grandes quantités d’armes et de munitions. Le
23 février 2011, GBAGBO a demandé au Gouvernement de la République
démocratique du Congo de lui fournir du matériel pour l’armée et la police. Au
cours de la crise, GBAGBO a veillé à ce que les forces qui lui étaient fidèles
reçoivent des armes et des munitions.
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d) Coordination de la mise en oeuvre du Plan commun
78. GBAGBO a mobilisé les éléments de la structure qu’il avait créée et a coordonné
la mise en oeuvre du Plan commun. Tout au long de la crise postélectorale, il a
souvent tenu des réunions et s’est régulièrement entretenu avec des membres de
son entourage immédiat, dont Simone GBAGBO, BLÉ GOUDÉ et le haut
commandement des FDS. Lors de ces réunions et entretiens, GBAGBO et son
entourage immédiat ont discuté du Plan commun et en ont coordonné la mise en
oeuvre. GBAGBO, qui était informé de la situation sur le terrain par les
commandants qui lui étaient subordonnés, donnait ses instructions dans le cadre
des opérations. Il rencontrait également les dirigeants de la Galaxie patriotique
et, en particulier, BLÉ GOUDÉ à qui il adressait ses instructions.
79. Lors de la crise postélectorale, à l’état‐major général se tenaient presque
quotidiennement des réunions entre des membres de l’entourage immédiat de
GBAGBO, dont les généraux du haut commandement des FDS, dans le but de
coordonner la mise en oeuvre de la Politique. GBAGBO était informé de la teneur
de ces réunions et s’entretenait en tête‐à‐tête avec les membres du haut
commandement des FDS pour faire le point à ce sujet. Le haut commandement
informait les commandants sur le terrain, qui transmettaient à leur tour les
ordres à leurs soldats. Lors des opérations, chaque soldat rendait compte de la
situation à son chef sur le terrain. À compter du second tour de l’élection, Simone
GBAGBO tenait également quotidiennement des « réunions de crise » à la
résidence présidentielle avec certains ministres du Gouvernement et des
représentants du FPI afin de coordonner la mise en oeuvre du Plan commun.
GBAGBO a assisté à certaines de ces réunions. Celles du CNRD que convoquait
Simone GBAGBO avaient le même objet. Cette dernière consultait son mari, qui
savait et approuvait ce qu’elle faisait.
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e) GBAGBO a donné pour instruction à ses subordonnés de
mettre en oeuvre le Plan commun ou les a de toute autre
manière incités à le faire
80. GBAGBO a donné pour instruction à ses subordonnés de mettre en oeuvre le
Plan commun ou les a de toute autre manière incités à le faire. Dès l’annonce du
résultat des élections, il a donné pour instruction aux forces qui lui étaient fidèles
de faire le siège du Golf Hôtel avec ses résidents. Cette instruction a été exécutée
et le siège de cet hôtel a été maintenu par des attaques violentes dirigées contre
les personnes qui tentaient de s’y rendre ou d’en partir.
81. Début décembre 2010, GBAGBO a ordonné par décret présidentiel aux forces
armées d’appuyer les FDS, dont la gendarmerie et la police, afin de contenir les
manifestations des partisans de OUATTARA. Le déploiement des forces armées
dans de telles circonstances était inhabituel. GBAGBO a insisté pour que celles‐ci
interviennent à l’arme lourde afin de régler cette question, faisant fi des
observations de ses commandants militaires qui considéraient que la situation
sur le terrain ne justifiait pas une intervention des forces armées. Sous l’autorité
de MANGOU, les forces armées ont coordonné les opérations des FDS visant à
réprimer les manifestations à caractère politique. À partir de ce moment, les
forces pro‐GBAGBO, qui avaient jusqu’alors eu recours aux moyens
habituellement destinés à assurer le maintien de l’ordre, ont utilisé des armes
lourdes plus sophistiquées, dont des fusils‐mitrailleurs, des grenades à tube, des
mortiers, des lance‐roquettes multiples, des chars d’assaut, des véhicules de
reconnaissance et d’appui dotés de mitrailleuses lourdes et des canons
antiaériens.
82. À la mi‐décembre 2010, GBAGBO a chargé MANGOU de coordonner les
opérations des FDS dans le but d’empêcher les manifestants acquis à la cause de
OUATTARA de pénétrer dans le siège de la Radiodiffusion‐Télévision Ivoirienne
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(RTI) situé dans le quartier de Cocody et de « libérer » cette institution.
MANGOU a fait déployer des troupes lourdement armées autour du bâtiment de
la RTI et dans d’autres secteurs d’Abidjan afin de disperser les manifestants. Du
coup, les forces pro‐GBAGBO ont attaqué ces derniers sans aucune retenue, ce
qui s’est traduit par la commission des crimes énumérés aux paragraphes 43 à 51.
83. Lors d’une réunion avec le haut commandement des FDS fin février ou début
mars 2011, GBAGBO a enjoint à ses troupes de « tenir [et de ne] pas perdre
Abobo ». Il a également publiquement déclaré qu’il voulait « nettoyer » ce
quartier et en faire un cimetière. Il s’agissait d’un bastion de OUATTARA et du
secteur où les crimes évoqués aux paragraphes 52 à 55 avaient été commis en
mars 2011. Le 9 avril 2011, GBAGBO a appelé les forces qui lui étaient fidèles de
poursuivre le combat contre « OUATTARA et ses terroristes ». Il a également
rencontré des Jeunes Miliciens à Yopougon et les a incités, directement ou par
l’intermédiaire de BLÉ GOUDÉ, à combattre pour protéger la nation et ne pas
laisser le pays aux mains de l’ennemi. Le 12 avril 2011, les forces pro‐GBAGBO,
dont les Jeunes Miliciens, ont commis à Yopougon les crimes visés au
paragraphe 56.
84. Simone GBAGBO et d’autres membres de l’entourage immédiat de Laurent
GBAGBO ont également donné des instructions quant à la mise en oeuvre du
Plan commun. Celles‐ci étaient toujours transmises en présence de GBAGBO ou
celui‐ci en était informé et les avait approuvées, et les commandants des FDS les
communiquaient à leur tour à leurs subordonnés. Par exemple, aux alentours de
fin février ou début mars 2011, Simone GBAGBO a chargé les principaux
généraux des FDS de faire tout leur possible pour prendre le contrôle d’Abobo et
le chef de l’état‐major a confirmé qu’ils s’exécuteraient. En outre, lors d’une
réunion avec ces mêmes généraux en février ou mars 2011, MANGOU leur a
ordonné de mettre fin aux « manifestations des rues » et aux « grandes
manifestations qui [étaient] du niveau de l’ordre public ». En conséquence, les
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forces pro‐GBAGBO ont eu recours à des « armes de guerre » et au « répertoire
complet de ce que les militaires [avaient] » pour disperser les manifestants lors
de ces troubles.
f) Contributions coordonnées par d’autres intervenants
85. D’autres membres de l’entourage immédiat de GBAGBO, tels que Simone
GBAGBO et BLÉ GOUDÉ, ont apporté une contribution à la mise en oeuvre du
Plan commun notamment : a) en participant à des réunions destinées à
coordonner la mise en oeuvre du Plan commun ; b) en informant GBAGBO de la
situation sur le terrain et en lui demandant ses instructions ; c) en chargeant les
forces pro‐GBAGBO qui leur étaient subordonnées de prendre des mesures dans
le cadre de l’exécution du Plan commun ; d) en contribuant au recrutement, à
l’armement et au financement des Jeunes Miliciens et des mercenaires ; e) en
incorporant les Jeunes Miliciens et les mercenaires dans la chaîne de
commandement des FDS ; et f) en menant des opérations dans le cadre de la mise
en oeuvre du Plan commun.
5. Exécution des crimes rendue possible grâce à l’obéissance quasi aveugle aux
ordres de GBAGBO et de son entourage immédiat par les forces acquises à
leur cause
86. Les forces pro‐GBAGBO étaient composées de milliers de soldats des FDS,
auxquels s’ajoutaient les Jeunes Miliciens et des mercenaires. Compte tenu de la
structure et de la taille de ces forces, GBAGBO et son entourage immédiat étaient
convaincus que leurs subordonnés, y compris les auteurs directs des crimes en
question, disposaient de suffisamment de moyens et obéiraient à leurs
instructions, ce qui se confirme dans la mesure où lesdits auteurs a) à défaut
d’agir seul, ont attaqué en groupes composés de plusieurs dizaines de
personnes ; b) étaient bien armés et disposaient même d’armes lourdes ; et
c) faisaient partie des forces armées et des forces de sécurité ou avaient reçu une
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instruction militaire, notamment en matière de discipline. Qui plus est, certains
d’entre eux connaissaient les objectifs du Plan commun et y souscrivaient.
6. Constitution des éléments subjectifs des crimes reprochés
87. GBAGBO entendait adopter le comportement en cause. GBAGBO souhaitait que
les éléments objectifs des crimes se réalisent ou savait qu’ils se réaliseraient dans
le cours normal des événements. GBAGBO a adopté la Politique et le Plan
commun. Compte tenu de la nature de ce dernier, il voulait que ces attaques
soient dirigées contre des civils pris pour cibles pour des motifs d’ordre
politique, ethnique, religieux et national. En tant que figure centrale du Plan
commun et compte tenu du contrôle qu’il exerçait sur les forces acquises à sa
cause, il avait pleinement conscience du fait que l’adoption de ce plan et les
autres contributions qu’il y a apportées ainsi que celles d’autres membres de son
entourage immédiat et des forces pro‐GBAGBO sous son contrôle, permettraient
que les éléments objectifs des crimes reprochés se réalisent. GBAGBO savait en
outre que son comportement s’inscrivait dans le cadre d’une attaque généralisée
et systématique dirigée contre la population civile, en application ou dans la
poursuite du Plan commun qu’il partageait avec d’autres membres de son
entourage immédiat, ou avait l’intention que son comportement s’inscrive dans
ce cadre.
7. GBAGBO et son entourage immédiat ont mutuellement accepté en
connaissance de cause que les éléments objectifs des crimes puissent se
réaliser dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan commun
88. GBAGBO et des membres de son entourage immédiat savaient que le Plan
commun comportait un élément de criminalité et ont accepté en connaissance de
cause que, dans le cours normal des événements, les forces pro‐GBAGBO
attaquent des civils à Abidjan et dans d’autres bastions acquis à la cause de
OUATTARA dans l’ouest de la Côte d’Ivoire et que les crimes reprochés en
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l’espèce soient commis dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan commun. Ce
dernier était intrinsèquement criminel. Il n’était pas question d’user de moyens
pacifiques et ce plan n’aurait pas pu être mis à exécution sans recourir à la force.
GBAGBO et d’autres personnes avaient prévu de maintenir GBAGBO au pouvoir
par la force et s’y étaient préparés.
89. GBAGBO était au courant et conscient de ce qu’il se passait car : a) GBAGBO, qui
exerçait l’autorité et le contrôle décrits plus haut, a adopté le Plan commun ; b) il
savait que des membres de son entourage immédiat, qui exerçaient
conjointement une autorité et un contrôle sur les forces acquises à sa cause,
adhéraient à ce plan ; c) il connaissait les rôles que d’autres coauteurs s’étaient
vus confier dans le cadre du Plan commun et les moyens dont ils disposaient
pour sa mise en oeuvre ; d) il tenait des réunions avec des membres de son
entourage immédiat pour discuter de la mise en oeuvre de ce plan et en
coordonner l’exécution ; e) les commandants placés sous ses ordres lui rendaient
compte de la situation sur le terrain et des réunions qu’ils tenaient
quotidiennement au sujet de la coordination des opérations ; f) il était informé
des crimes commis par les forces acquises à sa cause ; g) il donnait ses
instructions aux membres de son entourage immédiat dans le cadre de la mise en
oeuvre du Plan commun ; h) il a fourni des armes et des fonds aux FDS et
contribué au recrutement, à l’armement et au financement des Jeunes Miliciens et
des mercenaires ; i) il est resté directement en contact avec les Jeunes Miliciens et
les mercenaires ; j) il avait conscience de la contribution que les autres
protagonistes ont apporté pour la mise en oeuvre du Plan commun; et il savait
par exemple que, dès 2004, les forces acquises à sa cause avaient commis des
crimes lorsqu’elles avaient violemment réprimé des manifestations d’opposants
politiques.
90. Les autres coauteurs des crimes étaient au courant et conscients de ce qu’il se
passait car : a) ils ont adopté le Plan commun ; b) ils savaient que GBAGBO
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l’avait adopté ; c) ils ont assisté à des réunions avec GBAGBO ou d’autres
membres de son entourage immédiat pour discuter de ce plan et en coordonner
l’exécution ; d) ils étaient conscients des moyens et de l’autorité dont ils
disposaient pour la mise en oeuvre du Plan commun ; et e) ils ont respectivement
contribué à la mise en oeuvre de ce plan, notamment au recrutement, à
l’armement, au financement et à l’instruction des auteurs directs des crimes
reprochés.
8. GBAGBO connaissait les circonstances de fait qui lui ont permis, ainsi qu’à
d’autres membres de son entourage immédiat, d’exercer conjointement un
contrôle sur les crimes
91. GBAGBO connaissait les particularités fondamentales des forces pro‐GBAGBO et
connaissait les circonstances de fait qui lui ont permis d’exercer conjointement
avec d’autres membres de son entourage immédiat un contrôle sur les crimes en
question car : a) il a sciemment exercé son autorité de jure et de facto sur les FDS,
ainsi que sur les Jeunes Miliciens et les mercenaires qui, à sa connaissance, y
avaient été incorporées ; b) le commandement au grand complet des FDS, dont il
avait nommé les membres, lui avait juré fidélité peu après le second tour de
l’élection présidentielle ; c) il a nommé à des postes‐clés d’autres personnes qui
lui étaient loyales, notamment BLÉ GOUDÉ au sein de son gouvernement ; d) il
savait que d’autres membres de son entourage immédiat adhéraient au Plan
commun et étaient disposés à le mettre en oeuvre ; e) il savait que d’autres
protagonistes de ce plan exerçaient une autorité et un contrôle sur une partie des
FDS, des Jeunes Miliciens et des mercenaires ; f) il savait que les forces acquises à
sa cause disposaient d’une véritable structure et d’une véritable hiérarchie ; et
g) il était conscient de l’importance de ces forces, majoritairement constituées de
jeunes soldats subalternes interchangeables à merci.
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H. EXPOSÉ DES ACCUSATIONS
Faits et circonstances en cause
92. Laurent GBAGBO est né le 31 mai 1945 et il est devenu Président de la Côte
d’Ivoire en octobre 2000. Avant et pendant la crise postélectorale de 2010‐2011,
GBAGBO, conjointement avec des membres de son entourage immédiat, exerçait
un contrôle sur les Forces de défense et de sécurité ivoiriennes (FDS), ainsi que
sur les Jeunes Miliciens et les mercenaires qui prêtaient main‐forte aux FDS
(considérés ensemble, les « forces pro‐GBAGBO »). Les forces pro‐GBAGBO
constituaient un appareil de pouvoir organisé et structuré dont le mode de
fonctionnement permettait à GBAGBO et aux membres de son entourage
immédiat de leur faire commettre des crimes.
93. Entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011, les forces pro‐GBAGBO ont tué au
moins 166 personnes lors des quatre événements ci‐après :
i) Entre le 16 et le 19 décembre 2010, les forces pro‐GBAGBO ont tué au moins
54 personnes à Abidjan pendant et après la manifestation des partisans de
OUATTARA qui se rendaient au siège de la RTI.
ii) Le 3 mars 2011, les forces pro‐GBAGBO ont tué sept femmes qui avaient pris
part à une manifestation de partisanes de OUATTARA à Abobo.
iii) Le 17 mars 2011, les forces pro‐GBAGBO ont tué au moins 25 personnes au
marché d’Abobo ou dans les environs en bombardant au mortier un secteur
densément peuplé.
iv) Le 12 avril 2011, les forces pro‐GBAGBO ont tué à Yopougon 80 personnes
au moins, originaires pour la plupart du nord de la Côte d’Ivoire et de pays
voisins de l’Afrique de l’Ouest.
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ICC‐02/11‐01/11 46/57 25 janvier 2013
94. Entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011, les forces pro‐GBAGBO ont violé au
moins 34 femmes et filles lors des deux événements ci‐après :
i) Entre le 16 et le 19 décembre 2010, les forces pro‐GBAGBO ont violé au
moins 17 femmes et filles à Abidjan pendant et après la manifestation des
partisans de OUATTARA qui se rendaient au siège de la RTI.
ii) Le 12 avril 2011, les forces pro‐GBAGBO ont violé au moins dix‐sept femmes
à Yopougon.
95. Entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011, les forces pro‐GBAGBO ont infligé à
94 personnes au moins de grandes souffrances et des atteintes graves à l’intégrité
physique lors des quatre événements ci‐après :
i) Entre le 16 et le 19 décembre 2010, les forces pro‐GBAGBO ont blessé au
moins 50 personnes à Abidjan pendant et après la manifestation des
partisans de OUATTARA qui se rendaient au siège de la RTI.
ii) Le 3 mars 2011, les forces pro‐GBAGBO ont blessé deux personnes au moins
qui avaient pris part à une manifestation de partisanes de OUATTARA à
Abobo.
iii) Le 17 mars 2011, les forces pro‐GBAGBO ont blessé au moins 40 personnes
au marché d’Abobo ou dans les environs en bombardant au mortier un
secteur densément peuplé.
iv) Le 12 avril 2011, les forces pro‐GBAGBO ont blessé au moins deux personnes
à Yopougon.
96. Les crimes énoncés dans les paragraphes 93 à 95 ci‐dessus ont été commis pour
des motifs d’ordre politique, national, ethnique et religieux. Les victimes de ces
crimes ont été visées parce qu’elles étaient assimilées à des partisans des groupes
politiques de OUATTARA ou parce qu’elles vivaient dans des quartiers
ICC-02/11-01/11-357-Anx1-Red 28-01-2013 47/58 CB PT
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d’Abidjan perçus comme des bastions de celui‐ci. Par ailleurs, les cibles étaient
souvent choisies pour des motifs ethniques (Baoulé, Dioula, Mossi, Malinké,
Sénofou), religieux (musulmans) ou nationaux (des citoyens d’États ouestafricains
tels que le Mali, le Burkina Faso ou le Nigéria ainsi que des Ivoiriens
d’ascendance ouest‐africaine), car les membres de ces groupes étaient considérés
comme des partisans de OUATTARA.
97. Les crimes énumérés dans les paragraphes 93 à 95 ci‐dessus ont été commis dans
le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée par les forces pro‐
GBAGBO contre des civils considérés comme des sympathisants de
OUATTARA, en exécution de la Politique et du Plan commun adoptés par
GBAGBO et les membres de son entourage immédiat en vue de lancer des
attaques violentes contre son opposant politique, OUATTARA, des membres du
groupe politique de ce dernier et des civils considérés comme des partisans de
celui‐ci, afin de maintenir GBAGBO coûte que coûte au pouvoir, y compris par
l’emploi de la force meurtrière.
98. GBAGBO et ses coauteurs ont contribué à la commission des crimes énumérés
aux paragraphes 93 à 95 de la manière suivante :
i) GBAGBO a défini et adopté le Plan commun, ce qui s’est traduit par la
commission des crimes.
ii) GBAGBO a créé une structure lui permettant de mettre en oeuvre le Plan
commun, ce qui s’est traduit par la commission des crimes, notamment en
nommant ou promouvant des personnes qui lui étaient loyales à des postesclés
du Gouvernement et des FDS, en chargeant ses subordonnés de recruter
des éléments supplémentaires, y compris de Jeunes Miliciens, dans les FDS, et
en supervisant le recrutement de ces jeunes et de mercenaires.
ICC-02/11-01/11-357-Anx1-Red 28-01-2013 48/58 CB PT
ICC‐02/11‐01/11 48/57 25 janvier 2013
iii) GBAGBO a armé les forces pro‐GBAGBO qui ont commis les crimes en cause,
notamment, en mettant les armes qu’il contrôlait à leur disposition, en
chargeant ses subordonnés d’en acheter d’autres, en octroyant les fonds
nécessaires pour ce faire et en s’assurant que des armes et des munitions
étaient fournies aux forces pro‐GBAGBO.
iv) GBAGBO a coordonné la mise en oeuvre du Plan commun, qui s’est traduite
par la commission des crimes, notamment en tenant souvent des réunions et
en s’entretenant régulièrement avec des membres de son entourage immédiat
à ce sujet, pour être informé de la situation sur le terrain par les commandants
qui lui étaient subordonnés et leur donner des instructions dans le cadre des
opérations.
v) GBAGBO, que ce soit directement ou par l’intermédiaire des membres de son
entourage immédiat, a chargé ou incité ses subordonnés à mettre en oeuvre le
Plan commun, qui s’est traduit par la commission de crimes, et a notamment
a) ordonné le déploiement des forces armées contre des manifestants opposés
à sa politique ; b) donné pour instruction aux forces pro‐GBAGBO de stopper
la manifestation des partisans de OUATTARA qui se rendaient au siège de la
RTI le 16 décembre 2010 ; c) donné pour instruction aux forces pro‐GBAGBO
de faire le siège du Golf Hôtel et de ses résidents ; d) donné pour instruction
aux forces pro‐GBAGBO de tenir bon et de ne pas perdre Abobo et déclaré
publiquement qu’il enverrait ses forces « nettoyer Abobo » et transformerait ce
quartier en cimetière ; et e) incité les Jeunes Miliciens de Yopougon,
directement ou par l’intermédiaire de BLÉ GOUDÉ, à se battre pour protéger
la nation et ne pas laisser le pays aux mains des ennemis et appelé ses
partisans à continuer à résister et à combattre OUATTARA et ses terroristes.
vi) GBAGBO a incité les forces pro‐GBAGBO à commettre des crimes en leur
ordonnant de ne pas remettre en question la légalité des ordres qu’elles
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ICC‐02/11‐01/11 49/57 25 janvier 2013
avaient reçus, en leur faisant clairement savoir qu’elles ne seraient pas punies
pour les crimes commis et en ne prenant pas les mesures qui étaient en son
pouvoir pour empêcher ou réprimer la commission de ces crimes pendant la
crise postélectorale, ou en punir les auteurs.
99. GBAGBO était animé de l’intention requise. Il entendait adopter le
comportement en cause. Il souhaitait en outre que les crimes énumérés aux
paragraphes 93 à 95 soient perpétrés ou savait que ces crimes seraient commis
dans le cours normal des événements, du fait de la mise en oeuvre du Plan
commun.
100.GBAGBO a également agi avec la connaissance requise. Il savait que le Plan
commun comportait un élément de criminalité. Il avait connaissance des
caractéristiques principales des forces pro‐GBAGBO et des circonstances qui lui
permettaient d’exercer conjointement avec d’autres membres de son entourage
immédiat un contrôle sur les crimes en question. GBAGBO savait en outre que
son comportement s’inscrivait dans le cadre d’une attaque généralisée ou
systématique dirigée contre une population civile, en application ou dans la
poursuite de la Politique ou du Plan commun, ou en avait l’intention.
Qualification juridique des faits
Chef 1 – Meurtre constituant un crime contre l’humanité
Au vu des faits et des circonstances énoncés aux paragraphes 92 à 93 et 96 à 100,
GBAGBO a, en tant que coauteur indirect, commis le crime contre l’humanité de
meurtre d’au moins 166 personnes, en violation des articles 7‐1‐a et 25‐3‐a du Statut.
ICC-02/11-01/11-357-Anx1-Red 28-01-2013 50/58 CB PT
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Chef 2 – Viol constituant un crime contre l’humanité
Au vu des faits et des circonstances énoncés aux paragraphes 92, 94 et 96 à 100,
GBAGBO a, en tant que coauteur indirect, commis le crime contre l’humanité de viol
d’au moins 34 personnes, en violation des articles 7‐1‐g et 25‐3‐a du Statut.
Chef 3 – Actes inhumains ou tentative de meurtre constituant un crime contre
l’humanité
Au vu des faits et des circonstances énoncés aux paragraphes 92 et 95 à 100,
GBAGBO a, en tant que coauteur indirect, commis le crime contre l’humanité d’actes
inhumains, à savoir des actes causant des atteintes graves à l’intégrité physique et de
grandes souffrances, contre au moins 94 personnes, en violation des articles 7‐1‐k et
25‐3‐a du Statut, ou, à titre subsidiaire, de tentative de meurtre, en violation des
articles 7‐1‐a et 25‐3‐f du Statut.
Chef 4 – Persécution constituant un crime contre l’humanité
Au vu des faits et des circonstances énoncés aux paragraphes 92 à 100, GBAGBO a,
en tant que coauteur indirect, commis le crime contre l’humanité de persécution,
pour des motifs d’ordre politique, national, ethnique et religieux, contre au moins
294 personnes, en violation des articles 7‐1‐h et 25‐3‐a du Statut.
I. AUTRE QUALIFICATION JURIDIQUE POSSIBLE DES FAITS –
ARTICLE 25‐3‐d DU STATUT
Faits et circonstances en cause
Aux fins de cette autre qualification juridique possible des faits, l’Accusation
s’appuie sur les mêmes faits et circonstances énoncés plus haut. Les paragraphes
suivants montrent comment ces faits permettent d’établir les éléments constitutifs de
la responsabilité de GBAGBO dans les crimes en cause au regard de l’article 25‐3‐d
du Statut.
ICC-02/11-01/11-357-Anx1-Red 28-01-2013 51/58 CB PT
ICC‐02/11‐01/11 51/57 25 janvier 2013
Il y a eu tentative de commission ou commission d’un crime relevant de la compétence de la
Cour :
101.Entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011, les forces que contrôlaient Laurent
Gbagbo et des membres de son entourage immédiat, composées des Forces de
défense et de sécurité ivoiriennes (FDS) ainsi que des Jeunes Miliciens et des
mercenaires qui leur prêtaient main forte (considérées ensemble, les « forces pro‐
GBAGBO »), ont tué au moins 166 personnes lors des quatre événements ciaprès
:
i) Entre le 16 et le 19 décembre 2010, les forces pro‐GBAGBO ont tué au moins
54 personnes à Abidjan pendant et après la manifestation des partisans de
OUATTARA qui se rendaient au siège de la RTI.
ii) Le 3 mars 2011, les forces pro‐GBAGBO ont tué sept femmes qui avaient pris
part à une manifestation de partisanes de OUATTARA à Abobo.
iii) Le 17 mars 2011, les forces pro‐GBAGBO ont tué au moins 25 personnes au
marché d’Abobo ou dans les environs en bombardant au mortier un secteur
densément peuplé.
iv) Le 12 avril 2011, les forces pro‐GBAGBO ont tué à Yopougon 80 personnes au
moins, originaires pour la plupart du nord de la Côte d’Ivoire et de pays
voisins de l’Afrique de l’Ouest.
102.Entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011, les forces pro‐GBAGBO ont violé au
moins 34 femmes et filles lors des deux événements ci‐après :
i) Entre le 16 et le 19 décembre 2010, les forces pro‐GBAGBO ont violé au moins
17 femmes et filles à Abidjan pendant et après la manifestation des partisans
de OUATTARA qui se rendaient au siège de la RTI.
ICC-02/11-01/11-357-Anx1-Red 28-01-2013 52/58 CB PT
ICC‐02/11‐01/11 52/57 25 janvier 2013
ii) Le 12 avril 2011, les forces pro‐GBAGBO ont violé au moins dix‐sept femmes à
Yopougon. Les maris de certaines de ces victimes ont été exécutés à cette
occasion.
103.Entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011, les forces pro‐GBAGBO ont infligé
à 94 personnes au moins de grandes souffrances et des atteintes graves à
l’intégrité physique lors des quatre événements ci‐après :
i) Entre le 16 et le 19 décembre 2010, les forces pro‐GBAGBO ont blessé au moins
50 personnes à Abidjan pendant et après la manifestation des partisans de
OUATTARA qui se rendaient au siège de la RTI.
ii) Le 3 mars 2011, les forces pro‐GBAGBO ont blessé deux personnes au moins
qui avaient pris part à une manifestation de partisanes de OUATTARA à
Abobo.
iii) Le 17 mars 2011, les forces pro‐GBAGBO ont blessé au moins 40 personnes au
marché d’Abobo ou dans les environs en bombardant au mortier un secteur
densément peuplé.
iv) Le 12 avril 2011, les forces pro‐GBAGBO ont blessé au moins deux personnes à
Yopougon.
104.Les crimes énoncés dans les paragraphes 101 à 103 ci‐dessus ont été commis pour
des motifs d’ordre politique, national, ethnique et religieux. Les victimes de ces
crimes ont été visées parce qu’elles étaient assimilées à des partisans des groupes
politiques de OUATTARA ou parce qu’elles vivaient dans des quartiers
d’Abidjan perçus comme des bastions de celui‐ci. Par ailleurs, les cibles étaient
souvent choisies pour des motifs ethniques (Baoulé, Dioula, Mossi, Malinké,
Sénofou), religieux (musulmans) ou nationaux (des citoyens d’États ouestafricains
tels que le Mali, le Burkina Faso ou le Nigéria ainsi que des Ivoiriens
ICC-02/11-01/11-357-Anx1-Red 28-01-2013 53/58 CB PT
ICC‐02/11‐01/11 53/57 25 janvier 2013
d’ascendance ouest‐africaine), car les membres de ces groupes étaient considérés
comme des partisans de OUATTARA.
105.Les crimes énumérés dans les paragraphes 101 à 103 ci‐dessus ont été commis
dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée par les forces
pro‐GBAGBO contre des civils considérés comme des sympathisants de
OUATTARA, en exécution de la Politique adoptée par GBAGBO, des membres
de son entourage immédiat, ainsi que des commandants et des membres des
forces pro‐GBAGBO, en vue de lancer des attaques violentes contre son opposant
politique, OUATTARA, des membres du groupe politique de ce dernier et des
civils considérés comme des partisans de celui‐ci, afin de maintenir GBAGBO
coûte que coûte au pouvoir, y compris par l’emploi de la force meurtrière.
Un groupe de personnes agissant de concert a commis ou tenté de commettre ce crime
106.Des commandants et des membres des forces pro‐GBAGBO, dont ce dernier et
des membres de son entourage immédiat, qui ont commis les crimes énumérés
aux paragraphes 101 à 103, ont agi de concert en vue de lancer des attaques
violentes contre son opposant politique, OUATTARA, des membres du groupe
politique de ce dernier et des civils considérés comme des partisans de celui‐ci,
afin de maintenir GBAGBO coûte que coûte au pouvoir, y compris par l’emploi
de la force meurtrière (le « Dessein commun »).
L’accusé a contribué à la commission du crime de toute autre manière que celles exposées aux
alinéas a) à c) de l’article 25‐3 du Statut
107. GBAGBO a contribué à la commission des crimes énumérés aux
paragraphes 101 à 103 de la manière suivante :
i) GBAGO a défini et adopté le Dessein commun, ce qui s’est traduit par la
commission des crimes.
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ICC‐02/11‐01/11 54/57 25 janvier 2013
ii) GBAGBO a créé une structure lui permettant de mettre en oeuvre le Dessein
commun, ce qui s’est traduit par la commission des crimes, notamment en
nommant ou promouvant des personnes qui lui étaient loyales à des postesclés
du Gouvernement et des FDS, en chargeant ses subordonnés de recruter
des éléments supplémentaires, y compris de Jeunes Miliciens, dans les FDS, et
en supervisant le recrutement de ces jeunes et de mercenaires.
iii) GBAGBO a armé les forces pro‐GBAGBO qui ont commis les crimes en cause,
notamment, en mettant les armes qu’il contrôlait à leur disposition, en
chargeant ses subordonnés d’en acheter d’autres, en octroyant les fonds
nécessaires pour ce faire et en s’assurant que des armes et des munitions
étaient fournies aux forces pro‐GBAGBO.
iv) GBAGBO a coordonné la mise en oeuvre du Dessein commun, qui s’est
traduite par la commission des crimes, notamment en tenant souvent des
réunions et en s’entretenant régulièrement avec des membres de son
entourage immédiat à ce sujet, pour être informé de la situation sur le terrain
par les commandants qui lui étaient subordonnés et leur donner des
instructions dans le cadre des opérations.
v) GBAGBO, que ce soit directement ou par l’intermédiaire des membres de son
entourage immédiat, a chargé ou incité ses subordonnés à mettre en oeuvre le
Dessein commun, qui s’est traduit par la commission de crimes, et a
notamment a) ordonné le déploiement des forces armées contre des
manifestants opposés à sa politique ; b) donné pour instruction aux forces pro‐
GBAGBO de stopper la manifestation des partisans de OUATTARA qui se
rendaient au siège de la RTI le 16 décembre 2010 ; c) donné pour instruction
aux forces pro‐GBAGBO de faire le siège du Golf Hôtel et de ses résidents ;
d) donné pour instruction aux forces pro‐GBAGBO de tenir bon et de ne pas
perdre Abobo et déclaré publiquement qu’il enverrait ses forces « nettoyer
ICC-02/11-01/11-357-Anx1-Red 28-01-2013 55/58 CB PT
ICC‐02/11‐01/11 55/57 25 janvier 2013
Abobo » et transformerait ce quartier en cimetière ; et e) incité les Jeunes
Miliciens de Yopougon, directement ou par l’intermédiaire de BLÉ GOUDÉ, à
se battre pour protéger la nation et ne pas laisser le pays aux mains des
ennemis et appelé ses partisans à continuer à résister et à combattre
OUATTARA et ses terroristes.
vi) GBAGBO a incité les forces pro‐GBAGBO à commettre des crimes en leur
ordonnant de ne pas remettre en question la légalité des ordres qu’elles
avaient reçus, en leur faisant clairement savoir qu’elles ne seraient pas punies
pour les crimes commis et en ne prenant pas les mesures qui étaient en son
pouvoir pour empêcher ou réprimer la commission de ces crimes pendant la
crise postélectorale, ou en punir les auteurs.
L’accusé était animé de l’intention requise et avait la connaissance requise.
108. La contribution de GBAGBO à la commission des crimes était intentionnelle et
visait à faciliter l’activité criminelle ou le dessein criminel, en pleine connaissance
de l’intention des forces pro‐GBAGBO de commettre ces crimes. GBAGBO savait
en outre que son comportement s’inscrivait dans le cadre d’une attaque
généralisée ou systématique dirigée contre une population civile, en application
ou dans la poursuite de la Politique ou du Dessein commun, ou en avait
l’intention.
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ICC‐02/11‐01/11 56/57 25 janvier 2013
Qualification juridique des faits
Chef 5 – Meurtre constituant un crime contre l’humanité
Au vu des faits et des circonstances énoncés aux paragraphes 101 et 104 à 108,
GBAGBO est responsable, au titre des articles 7‐1‐a et 25‐3‐d du Statut, du crime
contre l’humanité de meurtre d’au moins 166 personnes commis par les forces pro‐
GBAGBO.
Chef 6 – Viol constituant un crime contre l’humanité
Au vu des faits et des circonstances énoncés aux paragraphes 102 et 104 à 108,
GBAGBO est responsable, au titre des articles 7‐1‐g et 25‐3‐d du Statut, du crime
contre l’humanité de viol d’au moins 34 personnes commis par les forces pro‐
GBAGBO.
Chef 7 – Actes inhumains ou tentative de meurtre constituant un crime contre
l’humanité
Au vu des faits et des circonstances énoncés aux paragraphes 103 à 108, GBAGBO est
responsable, au titre des articles 7‐1‐k et 25‐3‐d du Statut, du crime contre l’humanité
d’actes inhumains, à savoir des actes causant des atteintes graves à l’intégrité
physique et de grandes souffrances, commis contre au moins 94 personnes par les
forces pro‐GBAGBO. À titre subsidiaire, au vu des mêmes faits et circonstances, il est
responsable, au titre des articles 7‐1‐a et 25‐3‐f du Statut, du crime de tentative de
meurtre d’au moins 94 personnes commis par les forces pro‐GBAGBO.
ICC-02/11-01/11-357-Anx1-Red 28-01-2013 57/58 CB PT
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