Don Mello, depuis L’Afrique du Sud, allume Alassane Ouattara: « sa croissance à 2 chiffres ne crée aucun emploi et est appauvrissante. Voici les raisons »

Par Ivoirebusiness - Don Mello, depuis L’Afrique du Sud « La croissance à 2 chiffres d’Alassane Ouattara ne crée aucun emploi et est appauvrissante. Voici les raisons ».

Dr Ahoua Don Mello, ancien ministre du Président Laurent Gbagbo et Conseiller du Président Alpha Condé.

EN AFRIQUE DU SUD, LE MINISTRE DON MELLO, ACTUEL CONSEILLER DU PRÉSIDENT ALPHA CONDÉ, ANALYSE LA SITUATION EN CÔTE D'IVOIRE, ET SE POSITIONNE.

SEMINAIRE DE FORMATION À LA REPRÉSENTATION FPI D’AFRIQUE DU SUD SUIVI DE QUESTIONS ET RÉPONSES
Thème : DU PARTI UNIQUE A LA DEMOCRATIE : CAS DE LA COTE D’IVOIRE

Date : Dimanche 02 Juin 2019
"De passage à Johannesburg, j’ai bien voulu échanger avec les militants d’Afrique du Sud. Ceci dans le cadre d’un séminaire de formation politique organisé par la représentation FPI.
Ci-dessous quelques morceaux choisis de cet échange.

Question n°1 : Comment expliquer que sous le Parti unique la Côte d’Ivoire avec un taux de croissance de 7% en moyenne a pu assurer le plein emploi, le développement des infrastructures de la santé, de l’éducation et qu’aujourd’hui sous le régime Ouattara avec un taux de croissance qui avoisine les 10% la pauvreté ne fait qu’augmenter avec pour conséquence l’émigration massive des ivoiriens vers l’Europe ?

Réponse : Une croissance même à deux chiffres, financée de l’extérieur, exécutée par l’extérieur et au profit de l’extérieur ne peut qu’exclure du fruit de la croissance les hommes d’affaires locaux, les demandeurs d’emploi et de services sociaux et donc engendrer une pauvreté à deux chiffres et une migration massive. Telle est la mission des régimes installés de l’extérieur par l’extérieur et au service exclusif de ses mandants.
C’est le cas de la Côte d’Ivoire avec le régime actuel.

Ne soyons pas nostalgique du parti unique car le régime du parti unique a ses faiblesses : pas de critique, pas de contre proposition ce qui a donc permis la signature des accords de coopérations entre la Côte d’Ivoire et la France conservatrice sans referendum. Ces accords ont constitué plus tard un obstacle à une croissance continue et partagée car ils ont entraîné un surendettement massif de l’Etat.

Mais la maîtrise de la commercialisation interne et externe du cacao et du café par l’intermédiaire de la caisse stab a permis de constituer une épargne nationale ayant financé une croissance continue de 7% en moyenne par an de 1960 à 1980 au profit de tous (infrastructures, éducation gratuite et santé pour tous).

Mais l’impôt de capitation post colonial conclu entre la Côte d’Ivoire et la France qui retenait 100% des ressources en devises de 1945 à 1973 puis 65% jusqu’en 2005 et aujourd’hui 50% au trésor français n’a pas permis d’optimiser nos devises à l’instar des pays du Moyen Orient et d’Asie et donc de maîtriser la dette extérieure, ce qui a engendré depuis 82 une crise profonde de surendettement, la disparition de la caisse stab et la mainmise des nostalgiques de la colonisation sur les secteurs clés de notre économie.
Dans le contexte du parti unique, proposer une alternative était impossible.

C’est pour lever ces obstacles sur le chemin de notre développement que le FPI, sous la direction de Laurent GBAGBO, fût crée clandestinement en 1988, obtint le multipartisme en 1990 et conquis le pouvoir en 2000 pour mettre fin à la dette extérieure, reprendre en main les secteurs clés de l’économie et réviser les accords de coopérations avec l’ancienne puissance coloniale pour mettre notre pays sur le chemin de la croissance partagée.

La longue guerre du cacao faite par la France conservatrice et ses alliés locaux à la Côte d’Ivoire de 2002 à 2011, a eu raison du régime Gbagbo et installé un régime de l’extérieur au service exclusif de l’extérieur ce qui entraîne un drainage des richesses par tous les moyens légaux et illégaux vers l’extérieur.

Un proverbe de chez nous dit : « si tu gardes l’argent des gens qui ont faim ne t’étonne pas de les retrouver devant ta porte » d’où la croissance à deux chiffres du mouvement migratoire vers l’Europe.
En 2011, nous avons perdu une bataille mais la lutte pour la démocratie et l’indépendance économique et financière continue.

Question n°2 : Le FPI a pris l’engagement de rassembler la gauche, de discuter avec BEDIE et Ouattara, nous sommes perdu, comment peut-on s’allier à la droite et discuter avec un régime qui trouve que le dialogue est une perte de temps et espérer mettre fin au régime Ouattara ?

Réponse : L’avènement du régime RDR a engendré deux types d’exclusion :

1. L’exclusion de la majorité du jeu démocratique
2. l’exclusion de la majorité de la croissance économique

Il faut savoir que le multipartisme n’est pas la démocratie mais l’étape fondamentale pour construire une démocratie. Le multipartisme peut prendre deux chemins différents dont l’un, porteur d’un projet de démocratisation et qui utilise toutes compétences sans distinction de parti politique, de race ou de religion et l’autre, nostalgique du parti unique qui gouverne l’Etat par le parti et pour le parti à l’exclusion de tout le reste quel que soit votre compétence.

Elle porte en son sein les germes de l’exclusion. Le cas le plus caricatural est le gouvernement actuel en Côte d’Ivoire qui est l’expression du gouvernement d’une tribu par la tribu et pour la tribu : Une administration tribalisée, un conseil constitutionnel tribalisé, une Commission Electorale Indépendante tribalisée, une liste électorale tribalisée qui a réussi le tour de magie de faire des ivoiriens des apatrides dans leur propre pays. A toute cette longue liste, il faut ajouter une armée et une milice tribalisées qui peuvent à tout moment remplacer la force des urnes par la force des armes.

Si nous voulons des élections justes et transparentes, il faut sortir l’Etat de la tribu et lui donner un caractère qui reflète la diversité à tous les niveaux afin de créer les conditions nécessaires pour accéder à la démocratie c’est-à-dire permettre d’installer le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple donc la démocratie. Un tel chantier concerne tous les citoyens pacifiques, politiciens ou non, gauche ou droite, tout le monde doit se donner la main pour parler d’une même voie et agir ensemble afin de trouver avec le régime RDR un cadre consensuel et inclusif pour détribaliser les institutions de la République, la liste électorale, désarmer les milices et les « microbes » et permettre à notre mère patrie d’accoucher d’une société démocratique.

Chaque patriote a le devoir d’œuvrer pour un tel cadre. La paix pré et postélectorale est à ce prix, d’où les discutions actuelles avec BEDIE pour parler d’une même voie et agir ensemble pour l’avènement de la démocratie.
Mettre fin à l’exclusion financière et économique est un combat idéologique qui se mène à deux niveau : interne et externe. Il s’agit de faire le choix d’un projet de société parmi d’autres. La nature du combat à mener requiert un projet de Gauche d’où la nécessité de l’union de la gauche pour parler d’une seule voie et convaincre la majorité de nos concitoyens.

Au niveau interne il s’agit de reprendre en mains les secteurs clés de l’économie et d’accroître l’épargne nationale pour financer le développement des opérateurs économiques locaux et des coopératives agroindustrielles , unique alternative pour la création d’un patronat dominé par les locaux, réinvestissant sur place dans une dynamique perpétuelle de création continue d’emplois à la hauteur du niveau de chômage et du flux de jeunes sortant des écoles.

Au niveau externe, à l’instar des pays d’Asie et du Moyen Orient, transformer le compte d’opération logé au trésor français en un compte d’investissement souverain au nom de la BCEAO dans une banque centrale ou commerciale à côté d’un compte à vue de la BCEAO doté du minimum nécessaire pour les opérations courantes.

Pour sécuriser ces investissements afin de servir d’assurance pour garantir la stabilité monétaire si chère aux opérateurs économiques tenants du compte d’opération du trésor français, une stratégie d’achat de bons de trésor et de prise de participation dans les entreprises et industries qui travaillent en aval des filières de nos matières premières (transport, transformation, commercialisation, assurance, banque) permettra de maîtriser la chaîne des valeurs de nos matières premières et de créer les conditions pour la délocalisation ou le clonage de ces entreprises sur le territoire africain afin de jeter les bases de l’industrialisation, seule solution pour mettre fin au mouvement migratoire des jeunes et d’autofinancer nos institutions communautaires, nos programmes communautaires avec la marge financière issue de ces investissements.

Un tel compte sera attractif pour les nombreux bailleurs de fonds et aussi attractif pour jeter les bases d’une monnaie commune au sein de la CEDEAO car les pays jaloux de leur indépendance comme le Ghana, la Guinée et le Nigéria accepteront difficilement une communauté monétaire ou leurs devises sont gérées par la France.

La conquête de l’indépendance financière est donc le préalable à la conquête de l’indépendance économique et l’intégration africaine. Une telle vision idéologique ne peut ni être portée par un françafricain, ni par un nationaliste, ni par une droite quelconque. Seule la Gauche peut donc ouvrir cette perspective. C’est pour cela que la question de l’union de la Gauche est une condition pour la conquête de l’indépendance financière, économique et la base du mouvement d’intégration panafricaine.

L’union de la Gauche n’est donc pas une option parmi d’autres mais l’unique chemin pour proposer une alternative à la françafrique en matière de projet de société et de programme de gouvernement

Question 3 : Pensez-vous que la France est prête à céder cette manne tombée du ciel qu’est le compte d’opération ?

Avec le déficit actuel de nos balances des paiements dû aux nombreux transferts légaux et illégaux sans contrepartie et au détournement de devises par certains opérateurs, la France est obligé de reformer le système même si le monopole sur nos économies et le libre transfert qu’autorise les accords de coopération lui procure encore un flux financier important. Il nous revient d’anticiper et de proposer une solution viable pour l’Afrique au risque de subir une solution qui nous enfonce d’avantage.
La France a le choix entre accueillir la misère du monde et réviser ses relations avec ses anciennes colonies.
« Si vous garder l’argent des pauvres qui ont faim, ne soyez pas étonnés de les trouver devant vos portes » dit un proverbe africain.

DON MELLO,
Ancien ministre et porte-parole du Gouvernement du Président Laurent Gbagbo
CONSEILLER DU PRÉSIDENT de Guinée, ALPHA CONDÉ