Détenu à la DST durant plusieurs mois: Blé Goudé dévoile comment il a été torturé

Par Le Temps - Détenu à la DST durant plusieurs mois. Blé Goudé dévoile comment il a été torturé.

Blé Goudé.

L’homme qui est spécialisé dans les actes de torture au sous-sol et à la cuisine de la Direction de la surveillance du territoire (Dst) est
maintenant démasqué. Selon Charles Blé Goudé qui a saisi son
Avocat à cet effet, il s’agit d’un certain Tito dont le nom de code
est Chao. C’est un loubard d’environ 1,80 m avec de nombreuses
chaînes au coup. Il serait l’homme de main du ministre Hamed
Bakayoko. Sa mission ? Il est chargé de torturer tous les prisonniers,
notamment les pro-Gbagbo.
Ainsi donc, Charles Blé Goudé, Jean-Noël Abéhi, Jean-Yves
Dibopieu, Séka Séka et bien d’autres partisans du Président
Laurent Gbagbo qui sont passés dans ce mouroir ont été ses victimes.
Membre du Comité de vigilance, d’éveil de sécurité et de dissuasion
(Covesd) composé de loubards recrutés dans les quartiers
d’Abidjan en particulier à Abobo, Marcory et Adjamé, Chao et ses
camarades ont la particularité d’être tous des ressortissants d’un
même pays de la sous-région.
Selon des informations livrées par Charles Blé Goudé à son
Avocat, «ce sont ces mêmes éléments qui gèrent les boîtes de
nuit du ministre Hamed Bakayoko à Abidjan et à Paris et
certains domiciles privés occupés à Abidjan». Chao est-il un élément
de la police nationale ? «Il n’est ni policier, ni gendarme, ni
militaire. Cependant, le directeur de la Dst lui voue un grand respect.
Il est le véritable maître de la Dst, car derrière chaque policier
chargé de la surveillance des détenus de la Dst, Tito affecte au
moins 2 de ses éléments armés alors que les policiers, eux sont
sans arme…», révèle le président du Cojep à son conseil. «Tito est
le maitre d’orchestre des opérations nocturnes du ministre
Hamed Bakayoko. C’est lui qui procède aux arrestations la nuit et
serait à la tête des escadrons de la mort. Il bandait chaque fois, les
yeux de Blé Goudé pour le faire tourner dans la ville d’Abidjan
jusqu’à tard dans la nuit, pour ne pas qu’il sache où il se trouve.
C’est lui qui le réveillait souvent entre 2 et 3 heures du matin pour
l’amener au sous-sol…», précisent les mêmes sources. «Du 9 au 21
janvier 2014, il a menotté mes 2 bras par derrière, sous prétexte
que je ne me conformais pas aux règles. Comment se brosser ?
Faire sa toilette ? Il dit qu’il s’en fou…», fait savoir la saisine du
président des jeunes patriotes.
«Pour ses toilettes, Charles Blé Goudé était contraint d’utiliser un
Wc dont le bidet est cassé au 3/4.
Ce moignon de Wc a blessé Blé Goudé une nuit car il n’y avait pas
d’ampoule dans la douche ; il a abondamment saigné ce jour-là.
C’est encore Chao qui a fait la mise en scène des photos où Blé
Goudé était en train de lire un livre, pour faire croire qu’il est
bien traité. Après la publication des photos, il a envoyé Blé Goudé
dans un sous-sol où il y avait des traces de sang partout. Pendant 3
jours, à des heures tardives, il l’a
soumis à un interrogatoire serré les yeux bandés…», ajoute les
mêmes sources. Mais Chico n’agissait pas seul. Il se faisait
aider, révèle-t-on, par un certain N’Gadi Binkoin Firmin Alias
Adjoumani. Qui serait «le bourreau des étudiants dans les
années 90…». «Il est chargé d’arracher
les aveux forcés et autres interrogatoires aux pensionnaires
de la Dst, sans la présence des avocats, alors que les Procès verbaux
(Pv) mentionnent que l’audition a eu lieu en leur présence…
», mentionne la même saisine.
Quand on sait que la convention de Genève estime que les tortures
humaines sont des crimes indescriptibles, on ne peut que
s’interroger sur le silence des organisations des droits humains.

F. Bailly