Débats et opinions : Razzia, pillage, et saccage dans le cyclone de Ouagadougou

Par Correspondance particulière - Razzia, pillage, et saccage dans le cyclone de Ouagadougou.

I – Nous disons ici aux militaires Burkinabès qui sont si Friands à se proclamer chefs de la transition, pourquoi n’ont-ils pas reversé Blaise Compaoré eux-mêmes ? quant-a l’opposition elle doit envoyer un message fort d’unité et de cohésion au monde entier car la nature à horreur du vide. Si elle s’enfonce dans des querelles de personne, le risque de sanctions, de fermeture de frontières et de blocage des avoirs bancaires avec des pays voisins auront raison des luttes d’hier.

Ils seront les premiers à constater le désastre, car ce n’est pas par le Mali ou par le Niger que ce pays enclavé s’approvisionnera. Il faut bien réfléchir maintenant et tout de suite avant de jouer aux matamores. Il s’agit ici d’un message clair de ce qui pourra arriver demain et les militaires ont bien intérêt à ce que le chaos s’installe durablement dans le pays. C’est le seul terreau sur lequel ils pourront justifier leur présence à la tête du pays.

Cela étant dit, Nous sommes au cœur du cyclone pour vous raconter dans les détailles les derniers jours de Ouagadougou sous le pouvoir finissant de Blaise Compaoré. Disons d’entré que Lorsque cette crise voulu par l’entêtement des Compaoré et compagnie s’achèvera, pour permettre au pays des hommes intègres de se relever de ses blessures après avoir enterré ses morts et pensé ses blessures, pour sortir du paradoxe d’un Etat qui méprisait son propre peuple, la première des choses à faire est de commencer par se respecter.

Il faudra absolument que dans la recomposition du pays, ceux qui exerceront le pouvoir politique et l’autorité de l’Etat, accordent une plus grande attention aux souffrances et aux doléances des populations burkinabés, car ici comme ailleurs les mêmes causes provoquent toujours les mêmes effets dans le comportement des hommes.

Compaoré croyait-il que les élections truquées qui lui donnait près de 75% des suffrages étaient vraiment du sérieux ? Si oui où étaient ceux qui le soutenaient au moment ou il avait le plus besoin ?

Le cynisme pour promouvoir le culte de la personnalité avec des statues à sa gloire, le clientélisme, le népotisme, le tribalisme, l’exclusion, la corruption effrénée qui conduisent à la privatisation de l’Etat expliquent en grande parti la rage de la population dans les pillages qui accompagnent la chute d’un régime ou le dépouillage de l’Etat déliquescent.

Le pillage comme une sorte de << redistribution >> forcée existe depuis que les hommes accumulent des biens privés, construisent des maisons, des villes, soit depuis l’homme des cavernes. La razzia était pratiquée dès avant l’antiquité et des cités comme Jérusalem, Babylone, Rome, Alexandrie, Constantinople, Carthage, Ninive, Samarkand, Ispahan, Bassora, Alep et chez nous en Afrique de l’Ouest : Koumbi-Saleh, Sikasso, Tombouctou, Hamdallaye, Gao, Djenné, Kong ou Bouaké, il va falloir désormais ajouté Ouagadougou à cette malheureuse liste des villes qui en ont durement fait les frais de la razzia des vainqueurs.

Quelques fois elles ont disparus ou ne se sont pas remise durablement de leur mise à sac. Kong en Côte d’Ivoire est resté figé dans le temps depuis le passage de Samory Touré. Car dans la plupart des cas, les pillards étaient des << hordes barbares >> des étrangers au lieu pillé. Mais à Ouagadougou, les pilleurs étaient des lieux et voulaient tous en finir avec un régime et ses courtisans. Ils ratissent puis démolissent carrément les biens qui sont les signes extérieurs d’opulence et du mépris de Compaoré et de ses suiveurs. Ils ont méprisé le peuple et le peuple se sert. Telle est aussi l’une des caractéristiques du pillage de Ouagadougou livré sans défense aux déboulonneurs en cette fin du mois d’octobre 2014.

II - La prise de l’assemblée nationale et de la primature

L’assemblée nationale est la représentation nationale, c’est le lieu et l’endroit ou converge l’aspiration légitime du peuple au bonheur économique et social. C’est le lieu de défense aussi des libertés démocratiques. Pourquoi l’assemblée du peuple avait-elle fait le choix stupide de suivre Compaoré dans le piétinement de la constitution qui est la loi fondamentale du pays ?

C’est l’une des grandes énigmes de cette crise politique et institutionnelles qui a couté la vie à de nombreuses personnes. Il y avait dans cette assemblée de grandes intelligences qui en s’exprimant librement auraient compris que la modification constitutionnelle que voulait Compaoré allait conduire le pays dans un bain de sang.

Le peuple se sentait trahit par ses élus et il déversa sa colère sur le siège de cette assemblée de traitres. Après avoir pillé et saccagé ce lieu qui fut sa première prise. La foule avait trouvé utile d’y mettre le feu comme dans une sorte d’exorcisme, pour en finir avec les députés corrompus dont les domiciles furent ensuite pillés et saccagés. Ensuite le peuple à moto ou à pied se dirige vers la primature, le lieu de travail du premier ministre Beyon Luc Adolphe Tiao,

La aussi on emporte tout, avant de saccager cet endroit qui au lieu d’être un point de rencontre et de dialogue avec la société civile fut un lieu d’arrogance et de suffisance, le premier ministre comme les autres est aussi en fuite et se cache en ce moment, muet comme une carpe.

Tous les premiers-ministres des pays africains sourds aux appels de leurs oppositions ont tiré pour eux même et pour l’avenir les leçons de Ouagadougou en colère. Maintenant regardons le face à face tendu entre les manifestants et le palais présidentiel de Kosyam, car c’est là que va se jouer le dernier acte de la tragédie des Compaoré et consorts.

III - Les motivations des pillards

Dans le cas de Ouagadougou ou Bobo Dioulasso, les pilleurs étaient tous des civils, les domiciles des dignitaires du régime Compaoré furent mis à sac par les pillards dans une sorte de kermesse populaire qui bannissait la propriété privé pour quelques heures. Ce n’est un secret pour personne Compaoré depuis le palais de Kosyam suivait les évènements et voyait d’heure en heures que la situation lui échappait. La télévision nationale mise à sac.

Dieu lui-même semble être descendu du ciel pour que Blaise Compaoré soit témoin comme le pharaon Ramsès II, le spectateur médusé de sa propre faillite. Extraordinaire moment ou l’histoire qu’on croyait en hibernation se réveille brusquement pour reprendre ses droits. Quel culot, quelle audace, quelle force et quelle puissance dans la reconquête des libertés confisquées. Extraordinaires moments de force et de conviction au pays des hommes intègres. La patrie ou la mort, nous vaincrons scande l’énorme foule massée à la place de la nation.

Ouagadougou en cette fin octobre 2014, est entrain de nous enseigner que le peuple comme un torrent peut balayer n’importe quel dictateur fut-il militaire et assassin putschiste. Extraordinaire moment de lucidité hors norme. Le peuple reprend brusquement ses droits pour signifier que c’est lui le socle de la démocratie. Oui le peuple devient son propre messie dans un moment fantasmagorique et inoubliable pour les sans voix.

Beaucoup de ouagalais expliquent ces pillages par un excès de colère populaire, qui s’attaquait aux symboles de richesse et d’opulence du régime, car disent-ils ce sont ces choses matérielles qui les rendaient insensibles au sort de la majorité de leur compatriotes.

Les pillards découvraient ainsi médusés aux domiciles des barons du régime, des réserves de champagnes, des bons vins, des liqueurs, des cartons de cigares, des congélateurs plein d’œufs, de poissons, de viande de poulet, de mouton de bœuf, des légumes frais, du yaourt, du lait, du fromage, des coffres de bijoux, des chambres de vêtements, de la literie en soie, des vaisselles en argent massif, des meubles de luxe, des ordinateurs, des fauteuils et autres canapés moelleux, des tableaux de maîtres, de l’argent en liquide sans parler de l’or ou de leur parking de véhicules rutilants.

Dans certaines maisons, les lavabos, les miroirs de salle de bain, les robinets et les toilettes furent démontés et emportés. Pendant que le feu ravageait certaines maisons la foule dansait et emportait ce qu’elle pouvait prendre. L’acharnement sur le domicile de François Compaoré, fut exceptionnelle, la foule y découvre une immense piscine, jamais la baignade ne fut aussi populaire et démocratique que ce jeudi 30 octobre chez le frère Compaoré. Les sous vêtements de son épouse sont brandis devant la foule en liesse. On y découvre des documents bancaires et des photos de sacrifices humains, dans un décor de fin du monde.

Nous parlons ici de faits avérés et non d’un roman de science fiction. Les barons du régime avaient tous fuit la queue entre les jambes comme des chiens apeurés avant l’arrivée des pillards. Certains d’entre eux furent tabassés et brutalisés sans ménagement dans un décor burlesque de fin de règne. D’autres ouagalais apeurés, attristés et atterrés étaient pour la plupart impuissants devant le déversement de colères. Ouagadougou est au bord du chaos. Ils veulent tous en finir avec ce pouvoir despotique et criminel, qui après 27 ans de règne veut modifier la constitution pour deux ou trois autres mandats futurs. Des canaris de gris-gris sont fracassés sur le trottoir.

Tables, chaises, climatiseurs, fenêtres, portes, les commerçants proches du régime ont eu droit au pillage et au saccage de leur commerce ainsi que de leur domicile. Ils réfléchiront dans l’avenir cinquante fois avant de s’acoquiner avec une dictature criminelle. Les forces de l’ordre n’interviennent pas. C’est un règlement de compte entre civils.

Le siège du parti au pouvoir est incendié, la statue de Compaoré à Bobo-Dioulasso est abattue, certains manifestants n’hésitent pas à uriner sur la statue du diable. Au domicile de Mme Mamou Doukouré une proche des Compaoré on retrouve plusieurs millions de francs CFA, en billets périmés venant du casse de la BCEAO, de Bouaké dont le Burkina avait toujours nié toute implication. Si Madame Doukouré n’était pas une banquière que faisait cet argent à son domicile ?

Le domicile de la présidente de la chambre de commerce Alizéta Ouedraogo, Belle-mère de François Compaoré, frère cadet de Blaise, est pillé et incendié. Tous les biens de la plupart des membres du gouvernement furent emportés par les pillards qui s’en donnaient à cœur joie, ils étaient dans un état euphorique et fantasmagorique proche de la découverte de la caverne d’Ali Baba, ou de la ruée vers l’or dans l’ouest américain en 1848. Jamais dans l’histoire les burkinabés ne pourront oublier ces jours douloureux de délivrance dans le sang les jeudi 30 et vendredi 31 octobre 2014.

IV - Comprendre sa propre violence pour ne pas provoquer celle du peuple

Comprendre la violence, c’est d’abord connaître sa propre violence jusque dans ses aspects les plus cachés et oubliés, en prendre conscience et ne jamais la considérer comme banale ou insignifiante. Dans ce sens les gouvernants qui ont encouragé la modification constitutionnelle, ont eu tort et ont fait montre de légèreté, d’inconscience et de mépris dans une violence qui s’est retournée conte eux. Ils sont coupables de forfaiture et de crimes contre la nation. Voilà pourquoi Compaoré doit-être jugé dans son pays.

La violence, comme une explosion de force et de puissance qui s’attaque au bien être des autres composantes de la société dans le but de les contraindre à la soumission, à la domination et à l’asservissement, dans une société qui se veut solidaire et égalitaire, conduit les autres à cultiver une vengeance, une barbarie aveugle et une violence sans nom dont les pillages et les razzias décrits plus haut en sont les manifestations les plus extrêmes.

Comme vous le constatez, nous n’épargnons pas les gouvernants qui ont agit en criminels et au mépris des lois de la république pour être aujourd’hui en fuite. Ils ont voulu prendre le peuple et les institutions en otages à travers la modification constitutionnelle. Ceux qui les ont soutenus doivent savoir que ce scénario peut se répéter demain ici ou ailleurs. Ceux qui s’y sont opposés doivent savoir qu’il faut être toujours vigilant pour que chez nous en Afrique, on accède plus au pouvoir pour construire son bonheur personnel et celui de son clan sur le ressentiment, la souffrance et l’amertume des autres composantes de la société.

C’est justement pourquoi ceux qui étaient au pouvoir hier, ceux qui le sont aujourd’hui et ceux qui veulent exercer le pouvoir politique demain, doivent commencer à voir loin en commençant pas voir ce qui est devant eux. Ne plus mettre ses frères et sœurs, ses neveux, ses nièces et cousins dans les affaires d’Etat, c’est exposer sa famille à des risques incalculables.

Tous ceux qui exposent leur famille ainsi que leur groupe ethnique et religieux au cœur du pouvoir doivent faire le choix en toutes circonstances d’éteindre tous les débuts de feux avant qu’ils ne se propagent pour cristalliser les mécontentements et transformer le pays en un immense brasier. Compaoré sur ce plan fut d’une grande médiocrité et a réussi la prouesse de rassembler tout le monde contre lui et son clan. Il doit méditer ici et maintenant ce qui est le résultat de sa propre forfaiture.

V - Les pillages, immuables dans l’histoire se renouvelleront demain

Le pillage est un acte de guerre que nous trouvons barbare, parce qu’il ouvre la porte à des vols massifs, à des destructions de biens, accompagnés de viols. Les plus célèbres pillards du haut moyen âge sont les vandales, les huns, durant leurs conquêtes les peuples germaniques mirent à sac Rome à trois reprises durant les grandes invasions. La chute de Constantinople provoqua trois jours de saccages, de pillages, de vols et de viols des populations vaincues par les ottomans.

Les français qui sont si friands à donner des leçons de civilité aux autres et qui par amnésie ont oubliés qu’ils ont favorisés et encouragés le génocide des tutsis du Rwanda, doivent se rappeler que pendant la révolution française, plusieurs monuments historiques et cathédrales ont été pillés par les insurgés causant des pertes de reliques ancestrales de l’église de France.

L’histoire se répète constamment pour ceux qui refusent de regarder le passé des peuples en face. Le pillage du palais impérial de Bokassa, à Berengo en Centre Afrique par l’armée française le samedi 22 septembre 1979. Le pillage en septembre 2003 de l’agence bancaire régionale de la BCEAO à Bouaké, avec 18 milliards de francs CFA emportés avec les complicités des soldats français sous mandat de l’ONU, le pillage du palais présidentiel d’Abidjan en avril 2011, avec les archives de la présidence ivoirienne emporté.

Tout cela nous indique que la bête immonde est cachée au fond de chacun de nous. Voilà aussi des faits qui forgent la conscience collective des africains en les invitant à mieux choisir leurs relations et leurs amitiés sur cette planète monde. Forger le destin commun avec le peuple et non contre lui. Tel doit être la nouvelle devise de ceux qui veulent être utile à la collectivité nationale.

VI - Postulat de Conclusion générale

Comment se sentira Blaise Compaoré, lui qui fut incapable hier de protéger la veuve et les orphelins, quand Mariam Sankara et ses deux fils Philippe et Auguste Sankara, arriveront à l’aéroport international de Ouagadougou et s’agenouilleront pour embraser le sol de la patrie qui porte la tombe de leur père ? Cette incapacité de protéger la famille de sankara et de la pousser en l’exil chez l’ancien colonisateur fait véritablement de Blaise Compaoré l’incarnation du diable sur terre.

Nous avons évoqués dans ces lignes une fine partie de la violence aveugle qui s’est abattu sur Ouagadougou et le Burkina-Faso depuis la matinée fatidique du 30 octobre 2014 à nos jours. Nous avons esquissé le profil des démolisseurs, évoqué l’échec patent de l’indépendance nationale, confisquée par une dictature criminelle et du long chapelet de meurtres impunis que les Burkinabès ont connus.

C’est une société burkinabè qui à travers l’exercice du pouvoir, n’accordait une existence digne de ce nom qu’à une minorité de profiteurs et d’exploiteurs sans vergogne, tan disque la grande masse croupissait dans le besoin, le dénuement, le chômage, l’angoisse et l’incertitude du lendemain.

Dans le Burkina-Faso d’aujourd’hui trouver un travail, se soigner, trouver un logement, mettre son enfant à l’école, passer un concours et manger simplement à sa faim sont des problèmes insolubles pour la plupart des citoyens du pays des hommes intègres.

Dans ces conditions le luxe tapageur, les belles voitures, les villas paradisiaques avec piscine et jardins fleuris, les frigos de viande et les caves de champagnes contrastaient avec les souffrances quotidiennes de la majorité des burkinabés. Tout Cela était de la violence gratuite qui a servi de marchepieds à tous ceux qui n’avaient plus rien à perdre dans un pays qui les ignorait.

Nous avons voulu que cette histoire réelle ressorte des tréfonds de notre âme afin de s’inscrire durablement dans la vie politique des Etats-nations en reconstruction chez nous en Afrique. Ainsi le Burkina-Faso s’est étouffé sous la gouvernance Compaoré en s’inscrivant dans le cercle infernale de la violence en plein cœur du sahel ce n’était qu’un mirage, pour ses gouvernants et pour tous ceux qui ont crus que gouverner par la force est toujours la meilleure. Non c’est gouverner avec la raison et le bon sens qui est toujours la meilleure voie pour les sociétés humaines.

Le grand penseur grec de l’école athénienne, Platon, dans Apologie de Socrate, résume mieux notre propos à l’endroit des partis politiques qui ont accompagné Blaise Compaoré dans son naufrage :

<< Si vous croyez qu’en tuant les gens vous empêcherez qu’on vous reproche de vivre mal, vous êtes dans l’erreur. Cette façon de se débarrasser des censeurs n’est ni très efficace, ni honorable. La plus belle et la plus facile, c’est au lieu de fermer la bouche aux autres, de travailler à se rendre aussi parfait que possible. >>

Tous ceux qui n’ont pas compris que les égoïsmes, la forfaiture et les violences inutiles conduisent les sociétés humaines à la barbarie, doivent quitter le champ politique. Car celui-ci doit être un service au profit du citoyen et non le contraire.

Merci de votre attention

Une contribution de Dr SERGE-NICOLAS NZI
Chercheur en Communication
Lugano (SUISSE)
Tel. 004179.246.53.53
E-Mail: nicolasnzi@bluewin.ch