Débats et opinions: Les forces républicaines sont-elles devenues des forces rebelles de Côte d'Ivoire?

Par Correspondance particulière - LES FORCES RÉPUBLICAINES SONT-ELLES DEVENUES DES FORCES REBELLES DE CÔTE D’IVOIRE ?

Les Forces Républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) sont un regroupement des Forces Nouvelles (FN) et des ralliés des Forces de Défense et de Sécurité de Côte d’Ivoire (FDS) créées le 17 mars 2011 par le Président Alassane Ouattara. Une armée aux divers périls : les périls de l'indiscipline, de l'impunité, de l'exclusion, du racket et de la corruption. D’ordinaire, les militaires sont disciplinés mais en Côte d’Ivoire, depuis la création des FRCI, les ivoiriens vivent dans la peur car cette armée n’inspire point confiance. Nous verrons à travers les lignes qui suivent que les FRCI se transforment petit à petit en Forces Rebelles de Côte d’Ivoire.
1. Le rôle de l’armée dans un pays
Dans un système démocratique, l’armée doit être fixée dans le cadre qui lui est tracé et éviter d’être fortement impliquée dans les questions politiques. Les forces de l’ordre sont réparties en trois différentes catégories à savoir la police, la gendarmerie et l’armée, pour le maintien de l’ordre. Les forces armées interviennent en cas de force majeure, c’est-à-dire, lorsque les premier et deuxième sont débordées. Pays pacifique et ouvert, la Côte d’Ivoire se doit d’assumer sa sécurité intérieure et extérieure alors que la situation internationale et le développement de la criminalité exigent une vigilance accrue et sans défaillance. Le nombre des vols qualifiés a augmenté, celui des agressions à main armée a également augmenté. Le trafic de drogue a pris des proportions inquiétantes. L’imagination et l’urbanisation croissantes, les facilités de circulation y sont certainement pour beaucoup. Une armée, rempart de la Nation doit inspirer confiance et respect.
2. Les FRCI sont-elles devenues des Forces Rebelles de Côte d’Ivoire ?
Les agents de la force armée ne doivent pas être considérés comme des bruts tous jours dans une dynamique de confrontation et de répression vis-à-vis des populations. Ils doivent plutôt être perçus comme les premiers partenaires des civils pour mieux garantir leur sécurité. Or c’est la triste réalité que nous constatons en Côte d’Ivoire. Les ivoiriens sont en insécurité avec les FRCI. Ils tuent, violent, rackettent les populations.
Dans un rapport intitulé « Bien loin de la réconciliation : Répression militaire abusive en réponse aux menaces sécuritaires en Côte d’Ivoire », Human Rights Watch accusait l’armée de Côte d’Ivoire d’atteintes aux droits humains généralisées en août et septembre 2012.
Selon ce rapport, au niveau sécuritaire, le déséquilibre politique a des effets dangereux. Les Forces de Défense et de Sécurité (FDS), anciennement liées à Gbagbo, et les Forces Nouvelles (FN) proches du Président Alassane Ouattara, cohabitent difficilement. Ces dernières jouissent d’un pouvoir démesuré au sein des Forces Républicaines de Côte d’Ivoire, l’armée officielle, même quand elles ont commis des crimes.
Deux ressortissants européens, un français et une allemande en ont payé les frais. Ils ont vu leurs passeports confisqués pendant plus d’une trentaine de minutes, début janvier 2013, au niveau du carrefour de Banco. Le 10 mars 2014, des coupeurs de route lourdement armés ont attaqué un car de voyageurs faisant des morts et des blessés sur l’axe vavoua-Séguela dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire. Le 23 mars 2014, Awa Fadiga est agressée à l’arme blanche par un chauffeur de taxi. Ce drame a ému les ivoiriens et le monde entier. Le gouvernement a vite pointé du doigt le laxisme des agents de santé. Dans cette affaire, non seulement les services de santé ont failli mais il ne faut pas occulter la recrudescence du grand banditisme qui s’explique par le non désarmement des anciens combattants. Le 21 avril, le jeune élève Tiemoko Joël a été lâchement tué par un élément FRCI. La liste des méfaits des FRCI est longue et affreuse.
En côte d’Ivoire, 90% des vols à main armée ont lieu à Abidjan et dans les villes environnantes. Les ex-combattants sont souvent cités comme les auteurs de ce grand banditisme. Selon le Réseau d’Action sur les Armes légères en Afrique de l’Ouest (RASALAO), plus de 100.000 armes circulent de manière illégale en Côte d’Ivoire. Selon lui, de nombreuses armes de guerre utilisées lors de la crise post-électorale n’ont pas encore été récupérées.
3. Le Président Ouattara est le seul responsable de cette situation
C’est le Président Ouattara qui a fait la promesse de trouver du travail et de l’argent à ses ex-combattants une fois au pouvoir. Les quelques 65.000 ex-combattants attendent leur argent en vain. Du coup, ils se payent en rackettant, rançonnant parfois nos parents paysans. En Côte d’Ivoire, sous le Président Ouattara, l’armée est engraissée pourtant elle tue les ivoiriens. A fin mars 2013 par exemple, sur un budget initial de 194,5 milliards de francs cfa, le ministère de la défense ne consacre que 9,7 milliards aux équipements collectifs des militaires, soit une proportion de 4,98%. Le reste est alloué aux traitements de cette armée pléthorique.
Le Président Ouattara a mis du temps pour s’attaquer aux problèmes des ex-combattants. Avant la création de l'Autorité pour le Désarmement, la Démobilisation et la Réintégration (ADDR) qui a remplacé les différentes agences qui étaient chargées de ces dossiers, la question du désarmement n’était pas abordée sérieusement.
Le Président Ouattara sait bien que les dozos n’ont rien à faire dans la sécurisation des biens et des personnes et dans la vie politique ivoirienne. C’est un devoir régalien de l’Etat de sécuriser les populations et leurs biens. Il ne revient pas aux chasseurs traditionnels de le faire. Et pourtant, lorsqu’il voyage à l’intérieur du pays, ces dozos assurent sa sécurité. On se demande si le non désarmement des ex-combattants ne profite pas au Président Ouattara ?
Conclusion
Les FRCI peuvent se transformer en Forces Rebelles de Côte d’Ivoire. Pour éviter une autre souffrance aux Ivoiriens, le Président Ouattara doit tout faire pour désarmer ses ex-combattants. Comme le boucher a peur de se blesser avec son propre couteau, il peut demander de l’aide pour désarmer et réinsérer ces jeunes qui polluent la vie des Ivoiriens. La Résolution 2062 du Conseil de sécurité de l'ONU, dans son paragraphe 2, stipule que la protection des civils doit rester la priorité de l'ONUCI et que la Mission doit se concentrer davantage sur l'appui à fournir au Gouvernement pour les activités de Désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) et la réforme du secteur de sécurité (RSS). Il peut également demander l’aide de la France car elle est en partie responsable du désordre actuel dans notre armée. Elle n’a pas pesé de tout son poids pour le désarmement avant les élections. Selon Le Canard Enchainé, Paris a livré des munitions aux desperados pro-Ouattara durant la crise post-électorale. Le Président Ouattara doit désarmer les ex-combattants car parfois lorsqu’on nourrit un aigle, il arrive qu’il vous crève les yeux.

Une contribution de Prao Yao Séraphin, Enseignant-Chercheur et analyste politique