Débats et Opinions: Bachar et Sassou, deux hommes d’exception française, Par Calixte Baniafouna

Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - Bachar et Sassou, deux hommes d’exception française, Par Calixte Baniafouna.

Calixte Baniafouna.

L’un massacre son peuple et « doit » partir – l’autre massacre son peuple et il est adulé du « droit » de rester au pouvoir !

La fin de l’année est le moment où chacun fait le bilan des événements publics et privés qui ont marqué sa vie pour pouvoir partir du bon pied l’année qui commence. Mais, « les affaires privées se traitent en privé dans une intimité respectueuse de chacun », déclarait le président François Hollande, le 14 janvier 2014, refusant ainsi de répondre à une question sur la situation de son couple après les révélations du magazine « Closer ». Je m’en tiendrai donc à l’événement public – entre autres - qui a le plus heurté ma sensibilité vis-à-vis des décideurs, parfois aux airs de donneurs de leçons, qui prônent la « paix » et la « justice » dans le monde.
Vendredi 18 décembre 2015 à New York. Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU vient d’adopter à l’unanimité un plan de paix en Syrie, après qu’une résolution a été prise appelant à un cessez-le-feu et à des négociations entre le régime Bachar et les opposants, et que l’ONU a pris soin de ne pas trancher le sort de Bachar Al-Assad, c’est le moment que le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a choisi pour chambouler la démarche diplomatique : « Comment un homme pourrait-il rassembler un peuple qu’il a en grande partie contribué à massacrer ? », déclara-t-il, au grand étonnement des participants dans la salle. La déclaration aurait pu être suivie des huées assourdissantes si elle était faite à La Courneuve, par exemple, en région parisienne. Mais les filles et garçons qui siègent à l’ONU sont de grandes filles et de grands garçons qui savent bien garder leur tête sur les deux épaules. S’il est vrai qu’ils n’ont pas hurlé d’ahurissement de voir la diplomatie française ainsi toucher le fonds, il est d’autant vrai qu’ils ont quitté la salle en ayant perdu toute illusion d’une France qui, sous des cieux lointains, leur a fait écouter un discours historique les ayant contraints aux applaudissements debout, nourris et prolongés. Mais ça c’était avant !
Le même étonnement s’était abattu sur le peuple congolais après avoir écouté la réponse du président François Hollande à la question d’un journaliste concernant le référendum que M. Sassou se préparait à organiser pour lui permettre de s’éterniser au pouvoir, dans une ambiance de contestations généralisées au Congo : « Le président Sassou peut consulter son peuple, ça fait partie de son droit et le peuple doit répondre […] Ensuite, une fois que le peuple aura été consulté, cela vaut d’ailleurs pour tous les chefs d’Etat de la planète, il faut toujours veiller à rassembler, et à respecter et à apaiser », déclara-t-il. La surprise était d’autant forte que les Congolais ont cru aux promesses du même président François Hollande qui, de Dakar à Kinshasa en passant par Cotonou ou Bamako, fustigeait les tripatouilleurs des constitutions pour se maintenir au pouvoir.
De Bachar à Sassou, l’un peut donc massacrer son peuple et doit partir car plus possible de rassembler, l’autre peut massacrer son peuple et doit rester au pouvoir pourvu qu’il puisse rassembler. L’ignorance pourrait tenir lieu d’excuse pour celui qui ne connaît que les massacres commis par l’un sans connaître ceux commis par l’autre. D’où l’intérêt ici de porter à la connaissance des « faiseurs d’ordre » des charges (voir Annexe) que pourrait oublier d’inscrire l’Élysée de M. François Hollande sur le blanc-seing donné à son ami à propos d’un peuple qu’il n’est malheureusement pas parvenu à consulter comme il le lui avait demandé, ni à rassembler, ni à respecter et encore moins à apaiser. Guerres civiles, assassinats, massacres de la population… le Saint Denis Sassou Nguesso comptabilise à lui tout seul près de 200 000 morts parmi ses concitoyens, soit 7% de sa population qui s’élève à 3 millions d’habitants, contre 250 000 morts, soit 1% de sa population qui s’élève à 22,850 millions d’habitants pour le Diable Bachar Al-Assad. Ah ! chanceux Congolais et pauvres Syriens !
Quant aux massacres économiques, ils sont tellement nombreux que certains ont pris le petit nom de Biens mal acquis… pour faire simple ! Châteaux et autres Biens recensés en France font même l’objet de poursuites judiciaires dans les tribunaux français. Mais, la garantie est quasi-nulle de voir aboutir ces dossiers aussi longtemps que la France aura besoin des services de l’ami Sassou Nguesso. Les dossiers apparaissent et disparaissent par moments au gré des intérêts en jeu.
Serait-il au nom de la seule démocratie que M. François Hollande l’a encouragé à organiser le référendum, et donc à modifier la constitution pour se maintenir au pouvoir, et donc à continuer de massacrer impunément son peuple ?
Eh ben ! la « démocratie », selon M. Sassou Nguesso, se résume en parodie de démocratie : répressions policières et militaires, contrôle des réseaux de télécommunications, dictature, tyrannie, etc. Et, l’élection signifie, selon lui, parodie électorale : recensement truqué, falsification des listes électorales, bourrage des urnes, vote gagné à l’avance même si les bureaux de vote sont à peu près aussi vides que le garde-manger de la plupart des Congolais. Mais, à l’annonce des résultats, la participation est, sans surprise, massive - de 97% à 72% - et la victoire, de 99% à 86% des voix, modestie de l’âge oblige, ou selon qu’il passe du monopartisme au « multi »-monopartisme. Les élus congolais sont nommés, et non votés, sur la base d’une liste préalablement établie par le seul Sassou Nguesso. L’Assemblée nationale est une assemblée de parodie. Au final, jamais en 32 ans de règne, M. Sassou Nguesso n’a été élu à la régulière. Jamais il n’a installé des institutions républicaines. Il tient son règne des coups d’État, des mascarades et du soutien indéfectible de la France. Dès qu’il a reçu le « OK » de son ami Hollande, le référendum mascarade dont les résultats étaient connus d’avance affichait un « oui » massif, le projet de la nouvelle constitution était adopté, la date des élections présidentielles gagnées d’office était ramenée d’août à mars 2016. L’ami Sassou a décidé de parer au plus pressé, n’importe où, n’importe quoi, n’importe comment pour conclure le fait accompli et laisser l’ami Hollande terminer son mandat… loin du « vacarme » des anti-sassou. M. François Hollande, qui connaît parfaitement ces pratiques, se contente de prendre note. Sa note à lui, c’est, de droit, la position de la France officielle et, par conséquent, celle de l’Union européenne et de la communauté internationale. Le Congo étant contrôlé par l’unique radar de l’Élysée, les médias français oublient leur devoir d’informer pour s’aligner systématiquement sur la position de l’Élysée.
On pourrait toujours en rajouter si l’on voulait savoir pourquoi la France de M. François Hollande rejette-t-elle M. Bachar Al-Assad et soutient-elle M. Sassou Nguesso.
La raison tient lieu de l’« ami » protégé ou de l’« ennemi » harcelé, selon les intérêts en présence. Tout dépend du bon ou du mauvais côté où l’on se situe sur la balance de l’Élysée. Accusé de crimes contre l’humanité pour avoir massacré 3000 Ivoiriens, Laurent Gbagbo, en attente de jugement dans les prisons de la CPI, en sait quelque chose ! La Russie de M. Vladimir Poutine soutient M. Bachar en lui apportant de l’aide militaire. M. Bachar est non seulement le maître de son pays. Il est également le maître des richesses de son sol et sous-sol, ou du moins ce qu’il en reste. En soutenant le Syrien Bachar, la Russie quoique de nature non donneur de leçons comme le serait une certaine puissance, ne s’acharne pas contre le Congolais Sassou Nguesso, protégé, lui, par la France de M. François Hollande. La France quant à elle soutient M. Sassou Nguesso. Leurs relations sont paternalistes conformément au système de la Françafrique, en marche depuis 1960 et plus que jamais en vigueur aujourd’hui, sous M. François Hollande. Ce système est devenu en effet la marque déposée des relations que la France entretient avec ses anciennes colonies d’Afrique noire. Ainsi, M. Sassou Nguesso s’investit-il à fonds, liant l’utile à l’agréable, pour le maintien du système dont il est conscient d’être l’unique levier de la pérennité de son règne. Ses calculs tombent souvent à point nommé.
Dans le cas d’espèce, d’abord, M. François Hollande a pris goût à la guerre depuis sa déclaration au Mali du « jour le plus beau de sa vie politique ». Or, pour faire la guerre, il faut disposer de l’argent, de beaucoup d’argent. M. Sassou Nguesso, à la tête de l’une des populations les plus pauvres de la planète Terre, au milieu d’immenses ressources naturelles et pour se maintenir au pouvoir, reçoit les ordres de son patron Hollande pour distribuer l’argent du Congo en faveur de telle ou telle autre cause : tripatouilleurs des constitutions avec qui il cherche à former le réseau, effort de guerre (Centrafrique) pour soulager son maître François Hollande qui y a envoyé des combattants pour défendre les intérêts français, aide au développement (Côte d’Ivoire) pour éviter de mettre en difficulté la France souteneuse qui n’a plus les moyens de prêter… Toutes ces actions le sont au détriment du peuple congolais.
Ensuite, M. Sassou Nguesso a fait ses preuves de bon gardien des champs pétroliers français installés au Congo. La France est le premier partenaire commercial du Congo, premier fournisseur, premier investisseur, premier créancier. S’il y a une chose que M. Sassou Nguesso a le mieux comprise des relations internationales, ce sont les termes de l’échange : « pétrole contre maintien au pouvoir ». La multinationale Total a la mainmise sur le pétrole congolais dans des conditions d’opacité : l’américain Oxxy en sait quelque chose !
Toutes ses contributions font de M. Sassou Nguesso un bon contribuable en France. Pourquoi, bon sang, chercher à se débarrasser de quelqu’un qui paie bien ses impôts ? M. Sassou Nguesso qui, de surcroît, a obtenus l’aval de l’ami Hollande, peut donc écraser à volonté vermines et moutons qui rôderaient autour des champs pétroliers sans craindre de rien tant que ces derniers, matés, maltraités, affamés, cloués au silence et massacrés, ne troublent pas le sommeil du peuple français. Pourquoi alors se préoccuper de leur sort si leur malheur ne traverse pas les frontières pour attirer l’attention du monde ? C’est là, au personnage identique, toute la différence entre les victimes de M. Bachar et celles de M. Sassou ! C’est là, toute la différence entre les deux hommes… tout simplement !

Une contribution de Calixte Baniafouna.