Crise en Côte d’Ivoire : Un Ambassadeur Italien rétablit la vérité sur Gbagbo

Par Le Temps - Crise en Côte d’Ivoire. Un Ambassadeur Italien rétablit la vérité sur Gbagbo.

Paul Sannella, Ex-Ambassadeur d’Italie en Côte d’Ivoire. Image d'archives.

Paul Sannella ex-Ambassadeur Italien en Côte d’Ivoire qui suit toujours l’actualité de ce pays dirigé depuis 2011 par Alassane Ouattara et les anciens rebelles du nord, a donné un droit de réponse à la revue de géopolitique Italien ‘’ilcaffegeopolitico’’ suite à un article que le diplomate juge diffamatoire sur l’ancien chef d’Etat ivoirien Laurent Gbagbo. Droit de réponse que le confrère a publié intégralement que nous reproduisons avec une traduction sommaire pour laquelle nous nous excusons d’avance.

Redaction IlCaffeGéopolitico,

Rappelant mon interview avec Nicoletta Fagiolo d’il y a quelque temps sur l’affaire du Président Gbagbo, je ne peux pas intervenir dans cette confrontation de vues à propos d’une page douloureuse de l’histoire africaine que j’ai suivie en première personne et de très près. Permettez-moi d’ajouter que je connais et je suis avec admiration la courageuse et désintéressée bataille que Nicoletta mène depuis plusieurs années pour la vérité et la justice dans le cas de la Côte d’Ivoire comme dans d’autres cas où l’Afrique apparaît victime non seulement de manœuvres obscures et criminelles mais aussi de la désinformation systématique de la presse mondiale. Sa bataille mérite le plus grand respect. Ses affirmations – toujours étayées par une connaissance documentée des faits selon cette méthode rigoureuse d’analyse apprise peut-être par la grande école paternelle – méritent d’être examinées avec la plus grande considération. Aucune honnête reconstruction ou interprétation de la crise vécue par la Côte d’Ivoire et la présidence de Laurent Gbagbo ne peut ignorer le fait que la situation politique difficile dans laquelle se trouvait le pays après deux ans de instabilité militaire et de manœuvres confuses de pouvoir se précipita brusquement et dramatiquement avec cette tentative de coup d’Etat de septembre 2002 alors que Gbagbo était en visite officielle à Rome. Quelques centaines de « rebelles », parfaitement organisés et armés et venant du voisin Burkina Faso, descendirent du nord en tuant des civils sans défense et des policiers sans défense qu’ils rencontraient dans les villages débarquant enfin sur Abidjan où ils furent arrêtés par la première résistance militaire. À partir de ce moment-là, le pays vivra divisé en deux, témoin de la fuite des régions du nord de milliers d’habitants terrifiés par les exactions et les violences des rebelles occupants apparemment protégés par l’indifférence avec laquelle la communauté internationale a décidé d’assister à ce drame. Il n’est pas possible de ne pas s’interroger sur les complicités dans la préparation et l’exécution de cette opération. On ne peut ignorer le fait que personne ne s’est jamais soucié de ces morts et de ces violences, ni du fait que le gouvernement français en ait rapidement réhabilité les responsables en déroulant le tapis rouge au pied de celui qui se annonçait comme leur chef en le recevant avec honneur à Kleber et humiliant dans ce même siège celui qui en avait été victime, c’est-à-dire le président Gbagbo. On ne peut surtout pas ignorer le fait qu’à partir de ce moment et pour les années suivantes, Gbagbo a tenté de gouverner en défendant autant que possible l’Etat de droit, la liberté de la presse et d’expression et les expressions fondamentales du pluralisme politique, en parvenant même à offrir dans un extrême geste de conciliation nationale et de respect des manifestations de volonté de la France elle-même – au chef des rebelles le poste de premier ministre. Il n’est pas possible d’ignorer tout cela en examinant le dernier acte de cette crise représentée par les élections et les violences qui en marquèrent la fin et qui continuent malheureusement à accompagner le chemin de ce pays. Sur ces faits, on commence à faire la lumière et on commence à démonter le château de mensonges sur lequel s’est construite l’image d’un Gbagbo dictateur renversé par une armée de courageux défenseurs de la liberté. La presse se déplace malgré les tentatives de la faire taire. Les témoins de ces faits se déplacent, même avec beaucoup de timidité et de difficulté, la même justice française se déplace. Rien de plus faux et si proche de la complicité criminelle de cette image. Tout honnête et correct organe d’information et d’analyse historique doit nécessairement partir de ces éléments pour accomplir dignement son métier. Les observations d’une journaliste sérieuse et avisée comme Nicoletta Fagiolo sont une contribution précieuse à la recherche de la vérité et en tant que telle, elles devraient être accueillies malgré son ton parfois écrasant.

Salutations distinguées

Paul Sannella

Ex-Ambassadeur d’Italie en Côte d’Ivoire