CPI: le document amendé de notification des charges (3e partie)

Par ICC/CPI - Document amendé de notification des charges (3e et dernière partie).

TROISIEME ET DERNIERE PARTIE

2. Les forces pro-Gbagbo : un appareil du pouvoir organisé et hiérarchisé
132.La mise en oeuvre du Plan commun a été exécutée par une structure organisée et
évolutive et, partant, complexe. Elle comprenait les FDS, des mercenaires, des
miliciens et des jeunes pro-GBAGBO. Cette structure a été renforcée avant et
pendant la crise post-électorale.
a) Les FDS
133.Les FDS étaient constituées de cinq composantes principales qui ont pris part,
dans leurs rôles respectifs, à la commission des crimes : les forces armées
terrestres, aériennes et la marine formant l’ensemble communément appelé les
Forces Armées Nationales de Côte d’Ivoire (« FANCI »), la gendarmerie, la
Garde Républicaine (« GR »), le Centre de Commandement des Opérations de
Sécurité (« CECOS ») et la police.
134.Le Général Philippe MANGOU occupait le poste de Chef d’État-Major
(« CEMA »). Le chef d’état-major répond du Ministre de la défenseet du
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Président de la République, Chef Suprême des armées. Il commande les FANCI
et, pour les missions militaires, la gendarmerie.Les commandants des forces
armées étaient le Général DETOH LETHO pour les forces terrestres
(couramment désigné par la contraction « COMTER »), le Général AKA KADJO
pour les forces aériennes (« COMAIR ») et l’Amiral VAGBA FAUSSIGNAUX
pour la marine (« COMAR »). Avec la crise de 2002, les FANCI comprenaient
également les forces du théatre des opérations. Depuis 2004, elles étaient sous les
ordres du commandant Boniface KONAN (le « COMTHEATRE »). La
Gendarmerie dépend directement du Ministre de la Défense et pour les missions
militaires, elle est sous le commandement du CEMA. Elle était dirigée par le
Général KASSARATE.
135.La Garde Républicaine (« GR ») avait pour mission première de défendre les
hautes autorités et les grandes institutions de la République ; elle faisait
notamment partie du dispositif de protection du Président de la République. La
GR partageait cette mission avec le Groupe de Sécurité du Président de la
République (« GSPR ») commandée par feu Colonel Brouha AHOUMAN et
d’autres unités. La GR était commandée par le général DOGBO BLÉ depuis 2000,
qui occupait également le poste de commandant du Palais présidentiel. Elle
dépendait formellement de l’état-major des armées. Au titre de commandant du
Palais présidentiel, DOGBO BLÉ était rattaché au cabinet du Président et pouvait
recevoir des ordres directement de GBAGBO. La GR disposait de véhicules
blindés.
136.La police était commandée par le Directeur Général de la Police Nationale, le
général M’bia BREDOU. BREDOU était placé sous l’autorité du Ministre de
l’intérieur, Émile GUIRIEOULOU. BREDOU et le Ministre de l’Intérieur
rendaient compte au Président. Le maintien de l’ordre et les opérations de police
étaient assurées par des unités territoriales et par des unités d’intervention.
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137.Outre leurs unités territoriales, les FDS étaient dotées de plusieurs unités
spécialisées. Les forces terrestres contenaient ainsi, en plus de leurs troupes
d’infanterie, l’unité d’artillerie Bataillon d’Artillerie Sol-Air (« BASA »)
commandée par Rigobert KONAN DADI TOHOURI, l’unité de blindés ou 1
Bataillon Blindé (« 1 BB ») commandé par Colonel ADJOUMANI ; l’unité
commando ou 1 Bataillon Commando Parachutistes (« 1 BCP») sous les ordres
du Commandant Brice Gérard MEL, qui a remplacé William TOALY à ce poste. .
Le BASA comprenait également les éléments de l’ancien Bataillon d’Artillerie
Sol-Sol (« BASS »). La Marine était pourvue d’une unité commando d’élite, les
Fusilliers Commando Marine (« FUMACO ») dont Boniface KONAN, le
COMTHEATRE, en était aussi le commandant.
138.La Gendarmerie était dotée principalement de l’Unité d’Intervention de la
Gendarmerie Nationale (« UIGN »), commandée par le Commandant Ali
BASSANTE et du Groupe d’Escadron Blindé (« GEB ») commandé par Jean-Noël
ABEHI.
139.La police était également dotée d’« unités d’intervention » chargé de soutenir des
missions de maintien de l’ordre et placées sous la responsabilité de Claude
YORO, chef de la Direction des Unités d’Intervention. Il s’agissait essentiellement
des Compagnies républicaines de sécurité (« CRS ») dont la CRS1 commandée
par Bertin DJEDJE GBAGRO, et la CRS2 commandée par Marius Ouoty TOURE,
de la Brigade anti-émeute (« BAE ») commandée par Emmanuel Patrice Loba
GNANGO ainsi que la « brigade de protection » et la Brigade de Surveillance des
Personnalités (« BSP »).
140.Le CECOS constituait une entité singulière chargée de « lutter contre le grand
banditisme » et de la sécurisation d’Abidjan. L’une de ses spécificités était d’être
composée d’effectifs mixtes, c’est-à-dire d’éléments provenant de divers corps et
unités des FDS, qui lui étaient détachés mais qui conservaient parfois d’autres
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fonctions. Le CECOS était commandé par le général Poin Georges GUIAI BI, qui
était également le Commandant de l’Ecole de la Gendarmerie. Le CECOS était, de
jure, placé sous l’autorité du Ministre de la défense et du chef d’état major. Au
sein même du CECOS figurait un groupe d’intervention et d’appui, sous les
ordres du capitaine Jean ZOH LOUA et formé exclusivement d’éléments de
l’Ecole de Gendarmerie. Cette entité chapeautait la Brigade de Maintien de
l’Ordre (« BMO ») et la force spéciale commandée par Aboubacar FOFANA.
141.Avant et pendant la crise post-électorale, GBAGBO et son entourage immédiat
ont mis en place d’autres ensembles mixtes (détachement ou sous-groupement)
constitués uniquement d’éléments d’élite. Le capitaine ZADI, un élément du 1
BCP, commandait ainsi un ensemble désigné par les termes « Sous-Groupement
Tactique », ou « Forces spéciales » et composé d’éléments d’élite appartenant à
diverses unités des forces terrestres. Boniface KONAN, le COMTHEATRE,
commandait, en plus de ses autres fonctions, le Détachement Mobile
d’Intervention Rapide (« DMIR »), regroupant les « meilleurs éléments » de deux
forces différentes des FDS, les FUMACO (de la marine) et la BAE et les CRS (de
la police) ; cette unité avait été créée dans le contexte de la crise de 2002.
142.D’autres détachements temporaires ont été mis en place pendant la crise postélectorale
et les opérations conjointes se sont multipliées, dirigées
alternativement par des officiers de diverses unités. En outre, plusieurs autres
commandants d’unités spéciales commandaient des zones d’Abidjan pour le
CECOS : outre Boniface KONAN et GUIAI BI, Patrice LOBAétait à la fois le chef
de secteur du CECOS pour Yopougon et le commandant de la BAE, Louis
KOUKOUGNON le Commandant de l’Escadron de Gendarmerie de Yopougon
était également Commandant du CECOS à Yopougon, et Jean-Noël ABEHI était
le commandant du GEB et le Commandant de secteur du CECOS à Cocody.
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143.La complexité de la structure des FDS était amplifiée par l’existence d’une chaîne
de commandement « parallèle », composée d’inconditionnels de GBAGBO. Cette
chaîne de commandement parallèle oeuvrait au sein même des forces régulières
des FDS et assurait un lien direct entre GBAGBO et les unités qui ont participé à
la commission des crimes reprochés (structure parallèle).
144.Depuis la crise de 2002, les FDS étaient marquées par des tensions interethniques
sous-jacentes, liées à une « fibre tribale » imposée par GBAGBO dans les FDS.
GBAGBO n’accordait une pleine confiance qu’à des originaires de sa région et il
entretenait à tout le moins une méfiance envers certaines autres populations.
GBAGBO et son entourage immédiat ont alors fondé les nominations, les
promotions, comme les dotations en matériel et armes sur des bases ethniques.
145.Avec son entourage immédiat, GBAGBO a d’abord créé certaines unités sur
lesquelles ils pourraient s’appuyer, soit le CECOS, le DMIR et les forces spéciales
de l’armée.
146.GBAGBO a placé des hommes de confiance à la tête de ces unités, et à celle
d’autres unités clés des FDS.GBAGBO s’est appuyé sur ces unités tout au long de
son régime (ci-après les unités de la structure parallèle); elles ont été impliquées
dans les crimes reprochées dans le présent Document.
147.Normalement chargées de mission de police, les CRS et la BAE, n’étaient pas
censées utiliser des armes à feu dans le cadre de ses missions ; elles l’ont pourtant
fait à de nombreuses reprises. Les unités de la structure parallèle étaient les plus
actives et violentes des FDS pendant la crise post-électorale.Notamment, elles
étaient majoritaires dans les opérations à Abobo et notamment au camp
Commando. Le CECOS dépassait souvent les limites de ses compétences légales,
tant matérielles que géographiques, surtout en empiètant sur les missions de
police et de gendarmerie. La GR et le GEB intervenaient à Abobo alors même
qu’il s’agissait seulement de disperser des manifestations pacifiques. Les
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miliciens, les jeunes pro-Gbagbo et les mercenaires opéraient aux côtés des unités
de la structure parallèle, ou bien ils leur étaient intégrés, en particulier au sein de
la GR, le DMIR, la BMO, les CRS et la BAE. Les éléments de ces unités ont aussi
reçu l’ordre de travailler avec les mercenaires. L’intégration des mercenaires et
des jeunes pro-Gbagbo avait un précédent : cela avait déjà été le cas en 2003, où
le phénomène donnant naissance au terme de “Contingent BLÉ GOUDÉ”,
“soldats BLÉ GOUDÉ” or “recrues BLÉ GOUDÉ” or “recrutés BLÉ GOUDÉ”.
Certaines des unités de la structure parallèle, en particulier le CECOS et la GR
ont également participé au recrutement, à la formation et à l’armement des
nouvelles recrues.
148.Ces unités étaient ainsi formées en grande partie d’éléments prêts à exécuter le
Plan commun et à se battre jusqu’au bout. En s’assurant le soutien des unités de
la structure parallèle,GBAGBO disposait d’unités composées d’inconditionnels et
ce, afin de se maintenir au pouvoir.
b) Les jeunes pro-Gbagbo et les miliciens
•Les jeunes pro-Gbagbo
149.Les groupes de soutien de GBABGO étaient regroupés au sein d’une grande
organisation appelée la Galaxie patriotique qui comprenait ainsi l’ensemble des
partis politiques et organisations de la société civile qui soutenaient GBAGBO.
Ces groupes étaient restés fidèles à GBAGBO qui les utilisait depuis son
accession au pouvoir en 2000. Ils étaient issus de toutes les catégories sociales et
étaient organisés en fédérations et en organisations politiques. La Galaxie
patriotique comprenait, entre autres, les groupes de jeunes ci-après, dont les
membres ont pris une part active dans la commission des crimes reprochés en
l’espèce : le COJEP et la Jeunesse du FPI (« JFPI ») qui appartenaient à l’AJSN,
ainsi que la FESCI, la Voix du Nord et le Cercle d’action concrète (« CRAC ») qui
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appartenaient quant à eux à la Coalition Nationale des Résistants de Côte
d’Ivoire (« CONARECI »).
150.La Galaxie patriotique et les groupes individuels qui la composaient – en
particulier les Jeunes Patriotes, un groupe dont les violentes actions politiques
étaient notoires – possédaient une structure hiérarchisée et performante et
bénéficiaient d’une représentation dans chaque quartier d’Abidjan et dans
l’ensemble du pays. Ils étaient financés par GBAGBO et son entourage immédiat.
151.BLÉ GOUDÉ était le véritable chef de la Galaxie patriotique, à laquelle étaient
affiliés des jeunes pro-Gbagbo qui, sans appartenir à une organisation spécifique,
se considéraient eux-mêmes des « jeunes patriotes », se mobilisaient notamment
lors des appels de BLÉ GOUDÉ et suivaient ses instructions. Les membres de la
Galaxie Patriotique et ces jeunes pro-Gbagbo seront considérés pour les fins de ce
Document comme « les jeunes pro-Gbagbo». Les jeunes pro-Gbagbo, qu’ils
appartiennent ou non à un groupe de la Galaxie Patriotique, se réunissaient
dans des « parlements » ou « agoras » où était diffusée la propagande virulente
pro-Gbagbo.
152.Avant et pendant la crise post-électorale, GBAGBO et son entourage immédiat
ont recruté des milliers de jeunes pro-Gbagbo et les ont intégrés dans les FDS
pour contribuer à l’exécution du Plan commun.
•Les miliciens
153.Les milices étaient en général des groupes qui existaient depuis 2002 en soutien
aux FDS. Leurs membres étaient armés et financés par GBAGBO et son
entourage immédiat. Certains ont été recrutés dans les FDS. A Abidjan, il y avait
notamment le Groupement des Patriotes pour la Paix (« GPP ») et les milices de
Yopougon, tandis qu’à l’Ouest de la Côte d’Ivoire, il y avait entre autres le FLGO.
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Certains miliciens de l’Ouest sont venus en renfort à Abidjan, surtout vers la fin
de la crise post-électorale.
•Rôle des jeunes pro-Gbago et les miliciens
154.Les jeunes pro-Gbagbo recrutés ainsi que les miliciens recrutés suivaient des
formations militaires dans des centres officiels des FDS et recevaient des armes
issues, entre autres, de leur armurerie. Ces jeunes pro-Gbagbo et les miliciens
menaient des opérations avec les membres des FDS, sous la direction d’officiers
de ces forces. Ils étaient de fait intégrés dans la chaîne de commandement des
FDS. Ils utilisaient également les bases de celles-ci, dont le quartier général de
l’armée au camp Gallieni, le quartier général de la gendarmerie au camp Agban
et les postes de police.
155.Les jeunes pro-Gbagbo ont également été utilisés par GBAGBO en appui ou en
parallèle aux actions des FDS. C’était notamment eux qui, armés d’armes
blanches, faisaient des barrages pour surveiller les quartiers et servir
d’informateurs aux FDS. Au cours de ces barrages, ils pouvaient demander les
pièces d’identité des gens, les fouiller et commettre des exactions. Vers fin février
– début mars 2011, nombre d’entre-eux ont reçu des armes à feu du
gouvernement GBAGBO. Enfin, les miliciens aussi menaient des opérations en
parallèle ou en appui aux actions des FDS.
c) Les mercenaires
156.Avant et pendant la crise post-électorale, GBAGBO et son entourage immédiat
ont recruté, financé et armé des mercenaires venus du Liberia pour la plupart
afin de participer à la mise en oeuvre du Plan commun. Beaucoup de ces
mercenaires étaient intégrés dans les rangs des FDS et placés sous leur
commandement. GBAGBO et ses proches collaborateurs leur ont fourni des
armes, dont certaines provenaient de l’armurerie des FDS, et des uniformes dans
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certains cas. Le nombre de mercenaires était compris entre 2 000 et 4 500. La
majorité d’entre eux étaient déployés à Abidjan, San Pedro, Yamoussoukro et
Bloléquin.
157.Les mercenaires qui étaient intégrés dans les rangs des FDS et qui étaient placés
sous leur commandement prenaient part aux opérations aux côtés de ces forces
et des jeunes pro-Gbagbo et miliciens. Les mercenaires étaient basés aux camps
des FDS, telles que la base de la marine de Locodjoro, le quartier général de la
gendarmerie au camp Agban ou la base de la BAE à Yopougon. Ils étaient
commandés par des officiers des FDS ou d’autres personnes fidèles aux membres
de l’entourage immédiat de GBAGBO, qui leur donnaient des instructions.
3. Contrôle exercé conjointement par GBAGBO et son entourage immédiat sur
les forces pro-Gbagbo
158.GBAGBO et son entourage immédiat exerçaient conjointement un contrôle sur
les forces pro-Gbagbo, contrôle qui leur a permis d’utiliser ces dernières pour
exécuter le Plan commun, y compris les crimes reprochés à GBAGBO.
a) Contrôle sur les FDS
Contrôle sur les FDS en tant que Président de la République de la Côte d’Ivoire
159.La Constitution de Côte d’Ivoire confère au Président de la République la qualité
de chef suprême des armées, de garant de l’indépendance nationale et de
l’intégrité du territoire et de président du Conseil supérieur de défense. Elle lui
attribue aussi l’exclusivité du pouvoir exécutif et le pouvoir de nommer les
titulaires des postes civils et militaires clés. Par conséquent, le Président détient
une autorité de jure sur les forces armées et sur les autres forces des FDS dont les
commandants respectifs qui lui rendent compte soit directement soit par
l’intermédiaire du Ministre de la défense, du Ministre de l’intérieur ou du Chef
d’État-Major des armées (le « CEMA »).
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160.GBAGBO s’est garanti la pérennité de son contrôle sur les FDS en nommant des
proches à des postes-clés ; il leur a accordé également des promotions à
l’approche des l’élection. Le 5 août 2010, GBABGO a promu MANGOU comme
KASSARATE au rang de général de corps d’armée. Le même jour, GBAGBO a
promu les personnes suivantes au rang de général de division : FAUSSIGNAUX
(marine), AKA KADJO (armée de l’air) et GUIAI BI (« CECOS »). En outre, il a
promu DETOH (forces terrestres) et DOGBO BLÉ (garde républicaine), ainsi que
Boniface KONAN.
161.Nonobstant le contentieux électoral, les membres de son gouvernement et les
FDS ont reconnu GBAGBO comme le véritable Président de la Côte d’Ivoire et le
Commandant en chef.
162.Déjà, avant le second tour de l’élection, plusieurs commandants des FDS, dont
MANGOU et DADI ont demandé aux FDS de voter GBAGBO. Le 3 décembre
2010, après la prestation de serment de GBAGBO en tant que Président, tous les
commandants des FDS lui ont fait voeu d’allégeance. MANGOU, en présence des
généraux des FDS, a déclaré : « Suite à la réélection de Monsieur le Président […]
Nous sommes venus présenter notre admiration à Monsieur le Président de la
République, lui réitérer notre disponibilité, notre fidélité et lui dire que nous sommes
prêts à accomplir toutes les missions qu’il voudrait bien nous confier ». Le 21 décembre
2010, BREDOU a expressément demandé aux éléments de la police de ne plus
être neutre et de soutenir GBAGBO et d’autres commandants ont manifesté leur
soutien à GBAGBO à plusieurs occasions.
163.Le 6 décembre 2010, GBAGBO a nommé son Gouvernement formé d’hommes et
femmes de confiance, dont Alain DOGOU au poste de Ministre de la défense. Le
haut commandement des FDS était formé par des proches de GBAGBO.
164.Les FDS formaient un ensemble d’unités organisées. La coordination se faisait à
travers plusieurs Centres Opérationnels (« CO »), Postes de Commandement («
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PC ») et comités de crise, opérationnels au CECOS, à la Présidence, à l’état-major
des armées, au sein de la Direction Générale de la Police Nationale (« PC MINOS
») et dans d’autres unités de FDS dont la Gendarmerie. Le Centre de Planification
et de Coordination des Opérations (« CPCO ») dirigé par le Colonel SAKO était
une entité de coordination permanente de l’ensemble des opérations chapeautées
par le CEMA. Abidjan était également divisée en cinq puis six zones
opérationnelles toutes dotées de tels postes opérationnels que des officiers issus
de diverses unités se relayaient pour les commander.
165.Cette coordination permettait l’échange d’information entre le terrain et la
hiérarchie et entre les unités. Les éléments des FDS rendaient compte des
opérations qu’ils effectuaient, de leurs besoins en armement et de la conduite des
FDS au cours de ces opérations. En outre à partir du 22 février 2011, le Centre
d’Opération de l’état-major des armées recevait des comptes-rendus
biquotidiens.
166.Les ordres étaient transmis aux éléments des FDS à travers ce commandement
hiérarchisé et coordonné. Les commandants donnaient des consignes et
instructions aux éléments avant les patrouilles et opérations. Ils communiquaient
avec leurs éléments et leur donnaient des ordres par radio ou autres moyens,
pendant les opérations.
167.Du 27 novembre 2010 au 10 janvier 2011, la coordination des opérations revenait
au Directeur Général de la Police Nationale. Ces opérations étaient
essentiellement considérées comme des missions de maintien de l’ordre,
normalement confié aux forces de la gendarmerie et de la police (soit les forces
de première et de deuxième catégorie). Du 11 janvier 2011 au 21 février 2011, la
nature des opérations a changé pour maintenant inclure non seulement des
opérations dite de « maintien de l’ordre » mais aussi des missions faisant
intervenir l’armée. A partir du 22 février 2011, le CEMA a confié le
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commandement des opérations au général DETOH LETHO, le COMTER.
Abidjan était divisée en cinq puis six zones opérationnelles toutes dotées de tels
postes opérationnels que des officiers issus de diverses forces se relayaient pour
les commander.
168.Les commandants contrôlaient leurs unités respectives. L’exécution des ordres
de la hiérarchie par les FDS était également assurée par un régime de sanction
notamment en cas de faute contre la discipline, insubordination, « manque de
moral ». De telles sanctions ont été décidées et exécutées pendant la crise
notamment au sein de la Préfecture de Police d’Abidjan, de la gendarmerie et des
FANCI.
Contrôle de la structure parallèle
169.GBAGBO et son entourage immédiat s’étaient assurés de contrôler les éléments
clés des FDS. D’abord ils avaient créé certaines unités, dont le CECOS, le DMIR
et les forces spéciales de l’armée, formées d’éléments d’élite. Ensuite, GBAGBO
avait choisi des hommes de confiance pour commander des unités clefs
(notamment le CECOS, le DMIR, la GR, le BASA et le GEB). La plupart de ces
commandants était d’ethnies proches de celle de GBAGBO, sinon du même
village.
170.Parmi les hommes de confiance de GBAGBO au sein des FDS figuraient DOGBO
BLE (GR), Boniface KONAN (DMIR), GUIAI BI et son adjoint ROBE GOGO ainsi
que ZOH LOUA (CECOS). Dans la Gendarmerie, GBAGBO pouvait compter sur
ABEHI et KOUKOUGNON (GEB). Dans la police, Claude YORO (DUI),
Emmanuel Patrice LOBA GNANGO (BAE), Bertin DJEDJE GBAGRO (CRS1) et
Marius Ouaty TOURE(CRS2) étaient des soutiens du régime. Dans les unités
spéciales des forces terrestres, il s’agissait surtout de Rigobert DADI TOUHOURI
(BASA), et le capitaine Clément Ouandé ZADI pour le « sous-groupement
tactique ». Certains de ces commandants avaient précédemment été impliqués
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dans des activités criminelles. En outre, ces unités étaient formées en grande
partie d’éléments prêts à exécuter le Plan commun et à se battre jusqu’au bout.
171.Les unités de la structure parallèle étaient dotées d’équipements et surtout
d’armes et de munitions plus abondants qu’ailleurs dans les rangs des FDS. Elles
ont été particulièrement renforcées au cours des mois précédant les élections et
même pendant la crise post-électorale en effectif, en préparation aux combats et
en équipements. En outre, GBAGBO et son entourage immédiat ont donné aux
commandants de ces unités des primes spéciales (« enveloppes »).
172.GBAGBO et son entourage immédiat contrôlaient ces unités à travers une chaîne
de commandement parallèle qui les liaient directement à celles-ci.Bien que les
FDS auraient dû être sous les ordres du CEMA, GBAGBO et son entourage
immédiat et en particulier DOGBO BLE, donnaient directement des ordres aux
commandants des unités de la structure parallèle, tels que DADI, YORO et
ZADI. Les communications se faisaient alors le plus souvent directement ou par
téléphone, et non par radio.
173.Les commandants des unités de la structure parallèle ignoraient certains des
ordres de leurs supérieurs hiérarchiques (au sein de la structure officielle) au
profit des ordres donnés par la Présidence ou l’entourage de GBAGBO. Même
s’ils participaient aux missions officielles des FDS, ils n’informaient pas ces
derniers de toutes les opérations qu’ils menaient ou leur cachaient des incidents
ayant conduit à la mort de civils. Les unités de la structure parallèle effectuaient
ainsi des missions « spéciales » hors des opérations officielles décidées par le
CEMA ou par les commandants en charge des opérations des FDS. Les
commandants de ces unités galvanisaient leurs troupes contre les « rebelles »,
leur ont ordonné de défendre GBAGBO par tous les moyens, y compris par des
attaques contre les civils.
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174.Afin de renforcer le contrôle sur ces unités, leurs commandants ont tenu à l’écart
certains de leurs éléments, en particulier ceux perçus comme pro-OUATTARA.
Les éléments exclus ignoraient ainsi souvent la nature des opérations menées par
leur propre unité, ou bien ils ne savaient même pas qu’elles avaient lieu. Peu
avant et pendant la bataille d’Abidjan du 31 mars 2011, certains officiers y
compris le chef même du CPCO et KASSARATE, ont été exclus de la Présidence
et des réunions de coordination des opérations des FDS.
Contrôle effectif de Gbagbo et de son entourage sur les FDS
175.GBAGBO recevait directement de ses hauts commandants des comptes-rendus
des activités des FDS.Le CEMA faisait fréquemment rapport à la fois à GBAGBO
et au Ministre de la Défense sur la situation sécuritaire et les incidents se
produisant sur le territoire, de même que sur des opérations conduites par les
FDS. GBAGBO était « constamment informé », il conservait même certains
rapports dans sa propre résidence. GBAGBO et son entourage immédiat, en
particulier DOGBO BLE, était également en contact direct avec les unités de la
structure parallèle.
176.Les ordres de GBAGBO ont été exécutés avant et pendant la crise post-électorale.
A titre d’exemple, alors que plusieurs généraux ne jugeaient pas cette mesure
utile, GBAGBO a requis l’armée par décret le 14 novembre 2010. Le 26
Novembre 2010 et à plusieurs reprises ensuite, GBAGBO a imposé des couvresfeu.
A partir du 14 novembre 2010, l’ensemble des FDS a été mis en alerte
maximum. Ses ordres ont été mis en oeuvre par les FDS.
177.Après l’élection, GBAGBO est resté aux commandes des opérations des FDS. Par
exemple, il a ordonné le blocus de l’Hôtel du Golf et ce dispositif a été mis en
place en prévision de la marche sur la RTI du 16 décembre 2010. De même, c’est
en application de l’ordre de GBAGBO d’empêcher tout accès à la RTI que les FDS
ont été déployées. Au même titre, l’ordre donné par Gbagbo le 24 février 2011, de
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« tenir [et de ne] pas perdre Abobo » a été suivi d’opérations des FDS dans cette
commune et ce, malgré l’avis des hauts commandants des FDS de déclarer
Abobo zone de guerre avant d’intervenir. Le 3 mars 2011, lors d’un Conseil des
ministres, GBAGBO s’engageait à rester debout dans l’exercice de ses fonctions et
à continuer de défendre la souveraineté de l’État ; les FDS ont continué le
combat. Le 9 avril 2011, GBAGBO a appelé les forces qui lui étaient fidèles à
poursuivre le combat contre « OUATTARA et ses terroristes » ; là encore, les FDS
ont continué le combat ; certains éléments l’ont poursuivi au-delà même de
l’arrestation de GBAGBO.
178.L’aggravation des tensions interethniques et du climat de suspicion au sein des
FDS, voire les accusations entre FDS de manque d’engagement dans les
opérations et de menace sur la sécurité des institutions du régime de
GBAGBOainsi que les défections ont progressivement émaillé la chaîne de
commandement et la structure des FDS.
179.Le 18 mars, les commandants de plusieurs unités ont été reçus par SAKO du
Centre de Planification et de Coordination des Opérations (« CPCO ») et l’option
de quitter Abobo a été discutée. Dix jours après, MANGOU ordonnait de son
propre chef aux FDS de se retirer du front. Le 30 mars 2011, le général MANGOU
quitte son poste pour se refugier à l’ambassade sud-africaine. Après cette date,
des commandants de la structure parallèle, DOGBO BLE au premier plan ont
continué à lutter, avec leurs unités et des nouvelles recrues, selon les ordres de
GBAGBO. GBAGBO passait alors exclusivement par la chaîne de
commandement parallèle, qu’il contrôlait toujours.
180.Le contrôle exercé par GBAGBO et son entourage immédiat sur les FDS, y
compris sa structure parallèle est, ainsi, étayée par les faits suivants : a) au cours
de la crise post-électorale, GBAGBO et les commandants des FDS se sont réunis
et se sont entretenus à plusieurs reprises afin de discuter du Plan commun et
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d’en coordonner la mise en oeuvre ; b) les unités des FDS rendaient compte à
GBAGBO et le tenaient informé des événements sur le terrain ; d) GBAGBO et
son entourage immédiat ont financé et armé les FDS, en particulier les unités de
la structure parallèle; e) GBAGBO et son entourage immédiat donnaient des
ordres à des commandants des unités des FDS, y compris directement aux
commandants d’opérations sur le terrain;et f) leurs ordres étaient exécutés de
façon coordonnée.
b) Contrôle exercé sur les jeunes pro-Gbagbo et les miliciens
181.GBAGBO et son entourage immédiat exerçaient conjointement un contrôle sur
les jeunes pro-Gbagbo et les miliciens. Ces derniers étaient restés fidèles à
GBAGBO qui les utilisait depuis 2000 pour les jeunes pro-Gbagbo et depuis
septembre 2002 pour les miliciens. Le 6 décembre 2010, GBAGBO a nommé BLÉ
GOUDÉ au poste de Ministre de la jeunesse, de la formation professionnelle et
de l’emploi. Ce dernier était l’intermédiaire entre GBAGBO et les jeunes pro-
Gbagbo, qui obéissaient massivement à BLÉ GOUDÉ. Les jeunes pro-Gbagbo,
ont suivi les instructions de BLÉ GOUDÉ lorsqu’il les a appelé à installer des
barrages et à « surveiller » leurs voisins, à s’enrôler dans l’armée et encore à
empêcher la circulation des véhicules de l’ONUCI. BLÉ GOUDÉ les félicitait
pour ces actions.
182.BLÉ GOUDÉ était entièrement dévoué à GBAGBO et se trouvait très souvent en
sa compagnie. Celui-ci lui donnait ses instructions et lui demandait conseil sur
des questions politiques importantes. Avant et pendant la crise post-électorale,
GBAGBO et les membres de son entourage immédiat restaient en contact
régulier avec les chefs des jeunes pro-Gbagbo et des miliciens. Dans le cadre de
l’exécution du Plan commun, ils donnaient des instructions à ces jeunes et ces
miliciens, qu’ils contrôlaient également à travers la chaîne de commandement
des FDS, au sein de laquelle plusieurs d’entre eux ont été intégrés. Lorsque
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certains éléments des FDS ont commencé à déserter, GBAGBO et son entourage
immédiat se sont de plus en plus appuyés sur les jeunes pro-Gbagbo et les
miliciens. GBAGBO payait mensuellement BLÉ GOUDÉ et d’autres leaders des
jeunes pro-Gbagbo et miliciens.
c) Contrôle exercé sur les mercenaires
183.GBAGBO et son entourage immédiat ont exercé conjointement un contrôle sur
les mercenaires. Les mercenaires à la solde de GBAGBO étaient principalement
recrutés au sein du groupe ethnique kranh au Liberia. Les Kranh ont pour
parents ethniques les Guéré de Côte d’Ivoire, un groupe ethnique dont les
membres ont apporté un soutien massif à GBAGBO.
184.En outre, GBAGBO et son entourage immédiat, tout comme en 2002-2004 ont eu
recours aux LIMA. Ces derniers étaient armés, et avaient reçu une formation
militaire et jouissaient d’une expérience militaire.
185.GBAGBO et son entourage immédiat exerçaient également un contrôle sur les
mercenaires qu’ils avaient recrutés et rémunéraient, et, notamment, à travers de
la chaîne de commandement des FDS dont certains mercenaires recevaient les
ordres.
4. Contribution coordonnée par GBAGBO et son entourage immédiat ayant
abouti à la commission des crimes
a) Conception et mise en oeuvre du Plan commun et comportement destiné à
encourager la commission des crimes
186.GBAGBO a conçu et mis en oeuvre le Plan commun. Compte tenu de la position
centrale occupée par GBAGBO, dans la hiérarchie et dans l’élaboration du Plan
commun, au sein de son entourage immédiat, les membres de ce dernier et les
forces pro-Gbagbo n’auraient pas commis les crimes reprochés si GBAGBO
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n’avait pas conçu et mis en oeuvre ce Plan. GBAGBO a dit de façon répétée aux
membres de son entourage immédiat : « Si je tombe, vous tombez aussi ». Il a
aussi incité les forces pro-Gbagbo à commettre les crimes poursuivis en leur
ordonnant de ne pas remettre en question la légalité des ordres qu’elles
recevraient, en leur laissant entendre qu’elles ne seraient pas punies pour les
crimes qu’elles commettraient et en ne prenant pas les mesures qui étaient en son
pouvoir pour empêcher, réprimer et punir la commission de ces crimes par les
forces pro-Gbagbo pendant la crise post-électorale.
b) Création d’une structure chargée de mettre en oeuvre le Plan commun
187.Avant la crise post-électorale, GBAGBO a créé une structure au sein du
Gouvernement ivoirien et des FDS, ce qui lui a assuré un contrôle absolu sur ces
dernières et lui a permis de mettre en oeuvre le Plan commun. Il a créé des unités
qui ont été rendues et maintenues opérationnelles et qui étaient dirigées par ses
hommes de confiance. Il a placé ou promu à des postes-clés du Gouvernement et
des FDS des personnes qui lui étaient loyales. Il a également nommé BLÉ
GOUDÉ Ministre de la jeunesse, de la formation professionnelle et de l’emploi,
lui conférant ainsi une autorité et une légitimité au sein du Gouvernement et
s’assurant ainsi le contrôle des jeunes pro-Gbagbo. Bien plus, GBAGBO s’assurait
de la loyauté de BLÉ GOUDÉ et des autres leaders des jeunes pro-Gbagbo et des
miliciens, y compris Serge KOFFI (comme ex-secrétaire général de la FESCI),
Youssouf FOFANA (La Voix du Nord), Moussa Zéguen TOURE (Groupement
des Patriotes pour la Paix) et Eugène DJUE (Union des Patriotes pour la
Libération Totale de la Côte d’Ivoire), en les payant mensuellement et en
finançant leurs groupes respectifs.
188.Juste avant les élections, GBAGBO a ordonné en outre au Ministre de la défense
de procéder au recrutement de 2 000 soldats au sein des FDS. Cet ordre a été
exécuté et les nouvelles recrues ont suivi une instruction. Avant et lors de la crise
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post-électorale, GBAGBO a enjoint les membres de son entourage immédiat de
continuer à enrôler des jeunes pro-Gbagbo et des miliciens au sein des FDS. Il a
également été donné suite à cet ordre. GBAGBO a également surveillé le
déroulement du recrutement de ces jeunes et de mercenaires avant et pendant les
violences post-électorales.
c) Armement des forces pro-Gbagbo avant et pendant la crise post-électorale
189.GBAGBO et son entourage immédiat ont contribué à l’armement des forces
loyales, en particulier les unités spéciales telles que le BASA, la BAE, les CRS, le
DMIR, le GEB et le CECOS. GBAGBO contrôlait l’accès à une énorme cache
d’armes et de munitions entreposées au sous-sol du palais présidentiel. Le 19
octobre 2010, Simone GBAGBO devait rencontrer un proche collaborateur d’un
vendeur d’armes. GBAGBO a chargé ses subordonnés d’acheter d’autres armes à
l’étranger et leur a octroyé les fonds nécessaires. Au cours de cette période, des
membres de l’entourage immédiat de GBAGBO ont acheté de grandes quantités
d’armes et de munitions et ce, malgré l’embargo. A titre d’exemple: entre janvier
et la fin mars 2011, des grenades, des obus pour vehicules blindés (les BMP
d’origine russe), et des munitions de calibre 9 millimètres ont été achetés. Le
23 février 2011, GBAGBO a demandé au Gouvernement de la République
démocratique du Congo de lui fournir du matériel pour l’armée et la police. En
mars 2011, l’aide-de-camp de Simone GBAGBO essayait d’acheter de l’armement
lourd. Au cours de la crise, GBAGBO et son entourage immédiat, a ainsi veillé à
ce que les forces qui lui étaient fidèles reçoivent des armes et des munitions.
d) Incitation à la haine et contrôle des médias
190.Le régime de GBAGBO a egalement adapté sa politique de communication pour
qu’elle s’inscrive dans le Plan commun. D’abord, il a employé dans le discours
politique des concepts liés à la pureté identitaire tel que le « concept d’Ivoirité »
réapparu en 1994 et réinjecté dans la vie politique par le président de l’époque
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Henri Konan BEDIÉ. Ensuite, il s’est assuré de contrôler les médias pour les
utiliser dans son intérêt.
191.L’emploi de discours liés à la pureté identitaire a recommencé pendant la
période électorale et a pris son ampleur dès l’éclatement de la crise, notamment à
travers des politiciens et des leaders de la Galaxie Patriotique, y compris
GBAGBO, Simone GBAGBO et Charles BLÉ GOUDÉ. « Les proches de GBAGBO
ont souvent utilisé les termes « terroristes », « bandits » et « rebelles » pour décrire les
civils considérés comme soutenant OUATTARA. »
192.Le contrôle des médias et notamment de la RTI était important pour GBAGBO et
son entourage immédiat en tant que moyen de transmission de ses messages
concemant les élections et les événements en cours et pour tenter de contrôler les
informations reçues par la population. Sur la RTI, GBAGBO et son entourage
immédiat continuaient à le présenter comme le président légitime du pays. En
outre, ils ont utilisé la RTI pour mobiliser les « partisans et les milices et pour
inciter à la violence contre le camp OUATTARA ».
193.La RTI et les journaux pro-Gbagbo dits « journaux bleus » se sont livrés à une
campagne d’incitation à la haine et à la violence à l’encontre de tous ceux perçus
comme des ennemis ou adversaires, c’est-à-dire : les sympathisants du RHDP, les
populations venues du Nord (« Nordistes »), les immigrés ouest-africains, les
musulmans, les ressortissants français, les Forces Nouvelles et les forces
présentées comme pro-OUATTARA, telles que l’ONUCI et la force Licorne.
194.Enfin, les FDS et les jeunes pro-Gbagbo ont essayé d’empêcher l’accès aux
médias internationaux et à la Télévision Côte d’Ivoire (« TCI »), créée par
OUATTARA depuis l’Hôtel du Golf pour contrer la désinformation des journaux
télévisés de la RTI. La TCI était considerée par le régime de GBAGBO comme
une « TV pirate » et des mesures ont été prises pour brouiller son signal.
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e) Coordination de la mise en oeuvre du Plan commun
195.GBAGBO a mobilisé les éléments de la structure qu’il avait créée et il a
coordonné la mise en oeuvre du Plan commun. Tout au long de la crise postélectorale,
il a souvent tenu des réunions et s’est régulièrement entretenu avec
des membres de son entourage immédiat, dont Simone GBAGBO, BLÉ GOUDÉ
et le haut commandement des FDS et les commandants de la structure parallèle.
Lors de ces réunions et entretiens, GBAGBO et son entourage immédiat ont
discuté du Plan commun et en ont coordonné la mise en oeuvre. GBAGBO, qui
était informé de la situation sur le terrain par les commandants qui lui étaient
subordonnés, donnait ses instructions dans le cadre des opérations. Il rencontrait
également les dirigeants de la Galaxie patriotique et, en particulier, BLÉ GOUDÉ
à qui il adressait ses instructions.
196.Lors de la crise post-électorale, des réunions entre des membres de l’entourage
immédiat de GBAGBO, dont les généraux du haut commandement des FDS, se
tenaient régulièrement à l’état-major général, dans le but de coordonner certains
aspects de la mise en oeuvre du Plan commun, en particulier les opérations de
l’ensemble des FDS. GBAGBO était informé de la teneur de ces réunions et
s’entretenait avec les membres du haut commandement des FDS pour faire le
point à ce sujet. Le haut commandement informait les commandants sur le
terrain, qui transmettaient à leur tour les ordres à leurs soldats. Pour d’autres
opérations cruciales pour la réalisation du Plan commun, la Présidence donnait
des instructions directement aux chefs des unités de la structure parallèle, parfois
à l’insu même des commandants des forces régulières des FDS. Lors d’une
opération, chaque élément déployé rendait compte de la situation au
commandant de ladite opération ou à son commandant d’unité. À compter du
second tour de l’élection, Simone GBAGBO tenait également quotidiennement
des « réunions de crise » à la résidence présidentielle avec certains ministres du
Gouvernement et des représentants du FPI afin de coordonner la mise en oeuvre
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du Plan commun. GBAGBO a assisté à certaines de ces réunions. Celles du
CNRD que convoquait Simone GBAGBO avaient le même objet. Cette dernière
consultait son mari, qui savait et approuvait ce qu’elle faisait.
f) GBAGBO a donné pour instruction à ses subordonnés de mettre en oeuvre le
Plan commun ou les a de toute autre manière incités à le faire
197.GBAGBO a donné pour instruction à ses subordonnés de mettre en oeuvre le
Plan commun ou les a de toute autre manière incités à le faire. À titre d’exemple,
il a donné pour instruction aux forces qui lui étaient fidèles de faire le siège de
l’Hôtel du Golf. Cette instruction a été exécutée et le siège de cet hôtel a été
maintenu par des attaques violentes dirigées contre les personnes qui tentaient
de s’y rendre ou d’en partir.
198.Le but de GBAGBO était de réprimer toute activité des partisans soutenant
OUATTARA. Le 14 novembre 2010, il a ordonné par décret présidentiel la
réquisition des forces armées. Le prétexte de ce décret était de sécuriser le
second tour de l’élection mais une telle mesure n’avait pas été prise dans le cadre
de la sécurisation du premier tour. Le 26 novembre GBAGBO a ordonné un
couvre-feu sur tout le territoire ivoirien, mis en place dès le 27 novembre, la
veille du jour du vote, suscitant ainsi des controverses. GBAGBO a prorogé ce
couvre-feu pendant les semaines suivantes. Le décret de réquisition de l’armée et
les couvre-feux suivants ont servi de prétexte aux forces armées, qui restaient
ainsi mobilisées en opérations à Abidjan. Pendant cette période, les forces armées
ont renforcé le dispositif de la gendarmerie et la police, visant à mettre fin
aux manifestations des partisans de OUATTARA :« Dans l'esprit du Président il
voulait que la manifestation prenne fin et qu'on n'ait pas à traîner là-dessus. Il a
voulu que l'Armée règle définitivement le problème. »Ce déploiement
exceptionnel des forces armées après la période électorale n’entrait pas dans le
cadre du décret du 14 novembre. GBAGBO a insisté sur l’intervention de l’armée
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avec tous ses moyens, faisant fi des observations de ses commandants militaires
qui considéraient que la situation sur le terrain ne justifiait pas une intervention
des forces armées. Sous l’autorité du CEMA, les forces armées ont coordonné les
opérations des FDS visant à réprimer les manifestations à caractère politique.
Durant la crise, les forces pro-GBAGBO, qui avaient jusqu’alors eu recours aux
moyens habituellement destinés à assurer le maintien de l’ordre, ont utilisé des
armes variées, tels que des fusils-mitrailleurs, des grenades à tube, des mortiers,
et des « chars ».
199.Le CEMA était chargé de coordonner les opérations des FDS dans le but
d’empêcher les manifestants acquis à la cause de OUATTARA de pénétrer dans
le siège de la RTI situé dans le quartier de Cocody et de « libérer » cette
institution. MANGOU a fait déployer des troupes lourdement armées autour du
bâtiment de la RTI, entre l’Hôtel du Golf et la RTI et dans tout Abidjan afin de
disperser les manifestants. Du coup, les forces pro-Gbagbo parmi celles
déployées ont attaqué ces derniers sans aucune retenue, ce qui s’est traduit par la
commission des crimes.
200.Depuis 2002, les opérations étaient placées sous la coordination du chef d’étatmajor
aidé par le CPCO. Pendant la période post-électorale et jusqu’au 31 mars
2011, le chef d’état-major MANGOU a supervisé la situation et il a
successivement confié la coordination des opérations à ABIDJAN à BREDOU
M’BIA puis à DETOH LETHO, avant que DOGBO BLÉ ne réorganise les forces
fin mars 2011 avec DADI et Boniface KONAN.
201. Lors d’une réunion avec le haut commandement des FDS le 24 février 2011,
GBAGBO a enjoint à ses troupes de « tenir [et de ne] pas perdre Abobo ».
Le 9 avril 2011, GBAGBO a appelé les forces qui lui étaient fidèles de poursuivre
le combat contre « OUATTARA et ses terroristes ». Il a également rencontré des
jeunes pro-Gbagbo à Yopougon et les a incités, directement ou par
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l’intermédiaire de BLÉ GOUDÉ, à combattre pour protéger la nation et ne pas
laisser le pays aux mains de l’ennemi. Le ou vers le 12 avril 2011, les forces pro-
Gbagbo, dont les jeunes pro-Gbagbo, les miliciens et les mercenaires, ont commis
à Yopougon les crimes visés aux paragraphes 126 à 128.
202.Simone GBAGBO et d’autres membres de l’entourage immédiat de Laurent
GBAGBO ont également donné des instructions quant à la mise en oeuvre du
Plan commun. Celles-ci étaient transmises en présence de GBAGBO ou celui-ci
en était informé et les avait approuvées, et les commandants des FDS les
communiquaient à leurs subordonnés. Par exemple, aux alentours de fin février
ou début mars 2011, Simone GBAGBO a chargé les principaux généraux des FDS
de faire tout leur possible pour prendre le contrôle d’Abobo et le chef d’étatmajor
a confirmé qu’ils s’exécuteraient. En outre, lors d’une réunion avec ces
mêmes généraux en février ou mars 2011, le CEMA leur a ordonné de mettre fin
aux « manifestations des rues » et aux « grandes manifestations qui [étaient] du
niveau de l’ordre public ». En conséquence, les forces pro-Gbagbo ont eu recours
à des « armes de guerre » et au « répertoire complet de ce que les militaires
[avaient] » pour disperser les manifestants lors de ces troubles.
g) Contributions coordonnées par d’autres intervenants
203.D’autres membres de l’entourage immédiat de GBAGBO, tels que Simone
GBAGBO, BLÉ GOUDÉ et DOGBO BLÉ, ont apporté une contribution à la mise
en oeuvre du Plan commun notamment : a) en participant à des réunions
destinées à coordonner la mise en oeuvre du Plan commun ; b) en informant
GBAGBO de la situation sur le terrain et en lui demandant ses instructions ; c) en
chargeant les forces pro-Gbagbo qui leur étaient subordonnées de prendre des
mesures dans le cadre de l’exécution du Plan commun ; d) en contribuant au
recrutement, à l’armement et au financement des jeunes pro-Gbagbo, des
miliciens et des mercenaires ; e) en incorporant les jeunes pro-Gbagbo, les
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miliciens et les mercenaires dans la chaîne de commandement des FDS ; et f) en
menant des opérations dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan commun.
5. Exécution des crimes rendue possible grâce à l’obéissance quasi aveugle aux
ordres de GBAGBO et de son entourage immédiat par les forces acquises à
leur cause
204.Les forces pro-Gbagbo étaient composées de milliers d’éléments des FDS,
auxquels s’ajoutaient les jeunes pro-Gbagbo, les miliciens et les mercenaires.
Compte tenu de la structure et de la taille de ces forces, GBAGBO et son
entourage immédiat avaient l’assurance que les subordonnés engagés dans les
manoeuvres clés pour exécuter le Plan, y compris les auteurs directs des crimes
en question, disposaient de suffisamment de moyens et obéiraient à leurs
instructions. Ceci est confirmé dans la mesure où lesdits auteurs a) à défaut
d’agir seuls, ont attaqué en groupes composés de plusieurs dizaines de
personnes ; b) étaient bien armés et disposaient même d’armes lourdes ;
c) faisaient partie des FDS ou avaient reçu une formation militaire, notamment
en matière de discipline, ou d) s’étaient précédemment illustrés par leur
obéissance inconditionnelle à GBAGBO et son entourage immédiat, tel que BLÉ
GOUDÉ.
6. Constitution des éléments subjectifs des crimes reprochés
a) Intention et connaissance de Gbagbo
205.GBAGBO entendait adopter le comportement en cause. GBAGBO entendait que
les éléments objectifs des crimes se réalisent ou il était conscient qu’ils se
réaliseraient dans le cours normal des événements. GBAGBO a conçu et mis en
oeuvre le Plan commun. Compte tenu de la nature de ce dernier, il voulait que
cette attaque soit dirigée contre des civils pris pour cibles pour des motifs d’ordre
politique, ethnique, religieux et national. En tant que figure centrale du Plan
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commun et compte tenu du contrôle qu’il exerçait sur les forces acquises à sa
cause, il avait pleinement conscience du fait que la conception de ce Plan et les
contributions qu’il y a apportées ainsi que celles d’autres membres de son
entourage immédiat et des forces pro-GBAGBO sous son contrôle, permettraient
que les éléments objectifs des crimes reprochés se réalisent. GBAGBO savait en
outre que son comportement s’inscrivait dans le cadre d’une attaque généralisée
et systématique dirigée contre la population civile, en application ou dans la
poursuite du Plan commun qu’il partageait avec d’autres membres de son
entourage immédiat, ou avait l’intention que son comportement s’inscrive dans
ce cadre.
206.GBAGBO et son entourage immédiat savaient que le Plan commun comportait
un élément de criminalité et ont accepté en connaissance de cause que, dans le
cours normal des événements, les forces pro-GBAGBO attaquent des civils
perçus comme soutenant OUATTARA et que les crimes reprochés en l’espèce
soient commis dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan commun. Le Plan
commun était intrinsèquement criminel et n’aurait pas pu être mis à exécution
sans recourir à la force. GBAGBO et son entourage immédiat avaient prévu de
maintenir GBAGBO au pouvoir par la force et s’y étaient préparés.
207.GBAGBO était au courant et conscient des événements car : a) GBAGBO exerçait
l’autorité et le contrôle décrits plus haut ; b) il a concu et mis en oeuvre le Plan
commun ; c) il savait que son entourage immédiat, qui exerçait avec lui une
autorité et un contrôle sur les forces acquises à sa cause, adhérait au Plan
commun; d) il connaissait les rôles que d’autres coauteurs s’étaient vus confier
dans le cadre du Plan commun et les moyens dont ils disposaient pour sa mise
en oeuvre ; e) il tenait des réunions avec son entourage immédiat pour discuter
de la mise en oeuvre de ce Plan et en coordonner l’exécution ; f) les commandants
placés sous ses ordres lui rendaient compte régulièrement de la situation sur le
terrain et des réunions qu’ils tenaient au sujet de la coordination des opérations ;
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g) il était informé des crimes commis par les forces acquises à sa cause lors de la
crise post-électorale ; h) il donnait ses instructions aux membres de son
entourage immédiat dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan commun ; i) il a
fourni des armes et des fonds aux FDS et contribué au recrutement, à l’armement
et au financement des jeunes pro-GBAGBO, des miliciens et des mercenaires ; j) il
est resté en contact avec les jeunes pro-GBAGBO, les miliciens et les mercenaires ;
k) il avait conscience de la contribution que ceux acquis à sa cause ont apportée
pour la mise en oeuvre du Plan commun; l) il savait que, dès 2002, les forces pro-
GBAGBO avaient commis des crimes dans le but de le maintenir au pouvoir.
208.Les autres coauteurs des crimes étaient au courant et conscients de ce qui se
passait car : a) ils ont adopté le Plan commun ; b) ils savaient que GBAGBO
l’avait conçu ; c) ils ont assisté à des réunions avec GBAGBO ou d’autres
membres de son entourage immédiat pour discuter de ce Plan et en coordonner
l’exécution ; d) ils étaient conscients des moyens et de l’autorité dont ils
disposaient pour la mise en oeuvre du Plan commun ; et e) ils ont respectivement
contribué à la mise en oeuvre de ce Plan, notamment au recrutement, à
l’armement, au financement et à l’instruction des auteurs directs des crimes
reprochés.
209.GBAGBO connaissait les particularités fondamentales des forces pro-GBAGBO et
connaissait les circonstances de fait qui lui ont permis d’exercer conjointement
avec son entourage immédiat un contrôle sur les crimes en question car : a) il a
sciemment exercé son autorité de jure et de facto sur les FDS, ainsi que son autorité
de facto sur les jeunes pro-GBAGBO, les miliciens et les mercenaires ; b) le
commandement au grand complet des FDS, dont il avait nommé les membres,
lui avait juré fidélité peu après le second tour de l’élection présidentielle ; c) il a
nommé à des postes-clés d’autres personnes qui lui étaient loyales, notamment
BLÉ GOUDÉ au sein de son gouvernement ; d) il savait que son entourage
immédiat adhérait au Plan commun et était disposé à le mettre en oeuvre ; e) il
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savait que son entourage immédiat et la chaine de commandement officielle et
parallèle exerçaient une autorité et un contrôle sur les FDS, les jeunes pro-
GBAGBO, les miliciens et les mercenaires ; f) il savait que les forces acquises à sa
cause disposaient d’une structure et d’une hiérarchie ; et g) il était conscient de
l’importance de ces forces qui étaient constituées d’éléments subalternes
interchangeables à volonté.
b) GBAGBO savait que ses forces commettaient ou allaient commettre les crimes
210.GBAGBO savait, ou en raison des circonstances à l’époque des faits, aurait dû
savoir que les forces qui lui étaient fidèles commettaient ou allaient commettre
les crimes en cause. De plus, GBAGBO a délibérément ignoré des informations
qui indiquaient clairement que ces forces commettaient ou allaient commettre ces
crimes. Cette connaissance s’est traduite, entre autres, par les faits suivants : a)
durant toute la période pertinente, GBAGBO était en possession d'informations
indiquant que ses troupes avaient commis des crimes car il recevait des rapports
réguliers de ses subordonnés et cette information était diffusée par les médias et
par la communauté internationale, qui ont porté à son attention les exactions
commises par ses troupes; b) dans les déclarations publiques ou privées de
GBAGBO effectuées au cours de la période pertinente, et notamment le fait qu’il
ait admis que des civils avaient été tués; c) la mise en place, sur ses propres
instructions et sous la pression de la communauté internationale, d'une
Commission internationale d'enquête en janvier 2011 pour enquêter sur les
crimes commis au cours de la période post-électorale, bien que le rapport produit
par la commission n’était qu’un simulacre et qu’il n'y ait pas eu de suivi, d) les
crimes commis par les forces qui lui étaient fidèles dans le passé, non seulement
sont restées impunis, mais il a assuré leurs auteurs de manière explicite qu'ils
seraient absous de toute responsabilité en cas d'utilisation de force excessive; e) il
a nommé des personnes comme BLÉ GOUDÉ à des postes clés au sein de son
gouvernement, tout en sachant que ce dernier était accusé et placé sous sanctions
ICC-02/11-01/11-592-Anx1 13-01-2014 81/96 EK PT
ICC-02/11-01/11 81/91 13 janvier 2014
de la communauté internationale pour avoir incité et contribué à la perpétration
de crimes violents contre les adversaires de GBAGBO dans le passé. En somme,
GBAGBO a été, à tout le moins, informé des crimes commis par ses subordonnés,
mais il n'a pas initié de véritables enquêtes ou pris d'autres mesures nécessaires,
en dépit de sa responsabilité effective et des moyens dont il disposait pour le
faire.
9. EXPOSÉ DES CHARGES
211.Laurent GBAGBO est pénalement responsable des crimes contre l’humanité que
sont le meurtre, le viol, les actes inhumains (ou, à titre subsidiaire, la tentative de
meurtre) et la persécution, tels qu’exposés aux chefs 1 à 4 ci-après. Sa
responsabilité dans ces crimes est engagée en vertu des motifs de responsabilité
pénale tels qu’exposés ci-après : l’article 25-3-a du Statut (sous la forme de
coaction indirecte) ; l’article 25-3-b (ordonner, solliciter et encourager) ;
l’article 25-3-d du Statut, s’agissant de la contribution à la commission de ces
crimes conjointement avec les membres de son entourage immédiat, et au travers
des forces pro-GBAGBO qui adhéraient à son Plan visant à rester au pouvoir par
tous les moyens possibles. Ces modes de responsabilités, alternatifs, retenus au
terme de l’article 25 sont non seulement pour les actes commis par GBAGBO
mais aussi pour ses omissions qui ont mené à la commission des crimes
reprochés. Enfin, GBAGBO est également responsable des crimes qui lui sont
reprochés du fait du lien de subordination existant avec les forces en question,
conformément aux alinéas a) et b) de l’article 28 du Statut.
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ICC-02/11-01/11 82/91 13 janvier 2014
a) Faits et circonstances en cause
Faits et circonstances en cause correspondant aux charges et la responsabilité pénale
en vertu des articles 25-3-a, 25-3-b, 25-3-d, 28-a et 28-b du Statut
212.À partir de l’instant où il est devenu Président de la Côte d’Ivoire, en octobre
2000, GBAGBO a eu pour objectif de se maintenir au pouvoir, y compris en
réprimant ou en attaquant violemment ceux qui contestaient son autorité.
Sachant l’éléction présidentielle inévitable, GBAGBO et son entourage immédiat
ont, conjointement, conçu et mis en oeuvre un Plan commun en vue de le
maintenir à la Présidence par tous les moyens nécessaires, y compris en
commetant les crimes poursuivis. Au plus tard le 27 novembre 2010, la mise en
oeuvre du Plan commun a évolué pour inclure une politique d’État ou
organisationnelle qui avait pour but une attaque généralisée et systématique
contre les civils considérés comme soutenant OUATTARA (« la Politique »). La
poursuite du Plan commun et de la Politique était de nature criminelle : la mise
en oeuvre de cette attaque généralisée ou systématique comprenait multiples
actes criminels tels que les meurtres, les viols, d’autres actes inhumains et la
persécution de cette population civile. Les crimes poursuivis ont donc résulté de
la mise en oeuvre du Plan commun.
213.GBAGBO, son entourage immédiat, des membres des forces pro-GBAGBO, y
compris les auteurs directs des crimes reprochés, et d’autres personnes soutenant
GBAGBO, ont tous pris part au Plan commun.
214.Les forces pro-GBAGBO ont commis les crimes reprochés en application du Plan
commun.
215.À partir d’octobre 2000 et jusqu’au 11 avril 2011, GBAGBO a exercé un
commandement, un contrôle et autorité sur les FDS. Entre le 27 novembre 2010 et
le 11 avril 2011, il a également exercé son contrôle et autorité directement et à
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ICC-02/11-01/11 83/91 13 janvier 2014
travers son entourage immédiat sur les jeunes pro-Gbagbo, les miliciens et les
mercenaires qui prêtaient main-forte aux FDS (ensemble, les « forces pro-
GBAGBO »).
216.Les forces pro-GBAGBO constituaient un appareil de pouvoir organisé et
hiérarchisé. Du fait de leur position d’autorité et des contributions qu’ils
apportaient au Plan commun et à la Politique, GBAGBO et son entourage
immédiat pouvaient se servir de ces forces pour les mettre en oeuvre en
commettant les crimes reprochés.
217.Entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011, les forces pro-GBAGBO ont tué au
moins 167 personnes lors des quatre événements ci-après :
i) Entre le 16 et le 19 décembre 2010, elles ont tué au moins 45 personnes au
moins à Abidjan pendant et après la marche des partisans de OUATTARA
qui se rendaient au siège de la RTI.
ii) Le 3 mars 2011, elles ont tué sept femmes qui avaient pris part à une
manifestation de partisanes de OUATTARA dans la commune d’Abobo à
Abidjan.
iii) Le 17 mars 2011, elles ont tué au moins 40 personnes au marché d’Abobo ou
dans les environs en bombardant à l’aide de mortiers un secteur densément
peuplé.
iv) Le ou vers le 12 avril 2011, elles ont tué dans la commune de Yopougon à
Abidjan 75 personnes au moins, originaires pour la plupart du nord de la
Côte d’Ivoire et de pays voisins de l’Afrique de l’Ouest.
218.Entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011, les forces pro-GBAGBO ont violé au
moins 38 femmes et filles lors des deux événements ci-après :
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ICC-02/11-01/11 84/91 13 janvier 2014
i) Entre le 16 et le 19 décembre 2010, les forces pro-GBAGBO ont violé au
moins 16 femmes et filles à Abidjan pendant et après la marche des partisans
de OUATTARA qui se rendaient au siège de la RTI.
ii) Le ou vers le 12 avril 2011, elles ont violé au moins 22 femmes à Yopougon.
219.Entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011, les forces pro-GBAGBO ont infligé à
119 personnes au moins de grandes souffrances et des atteintes graves à
l’intégrité physique lors des quatre événements ci-après :
i) Entre le 16 et le 19 décembre 2010, elles ont blessé au moins 54 personnes à
Abidjan pendant et après la marche des partisans de OUATTARA qui se
rendaient au siège de la RTI.
ii) Le 3 mars 2011, elles ont blessé trois personnes au moins qui avaient pris
part à une manifestation de partisanes de OUATTARA à Abobo.
iii) Le 17 mars 2011, elles ont blessé au moins 60 personnes au marché d’Abobo
ou dans les environs en bombardant à l’aide de mortiers un secteur
densément peuplé.
iv) Le ou vers le 12 avril 2011, elles ont blessé au moins deux personnes à
Yopougon.
220.Les crimes énoncés dans les paragraphes 217 à 219 ont été commis pour des
motifs d’ordre politique, national, ethnique ou religieux. Les victimes de ces
crimes ont été visées parce qu’elles étaient assimilées à des membres des groupes
politiques de OUATTARA ou à des partisans de ce dernier, ou parce qu’elles
vivaient dans des quartiers d’Abidjan perçus comme des bastions de celui-ci. Par
ailleurs, les cibles étaient souvent choisies pour des motifs ethniques
(principalement Dioula et Baoulé), religieux (musulmans), ou nationaux (des
citoyens d’États ouest-africains tels que le Mali, le Burkina Faso ou le Nigéria
ICC-02/11-01/11-592-Anx1 13-01-2014 85/96 EK PT
ICC-02/11-01/11 85/91 13 janvier 2014
ainsi que des Ivoiriens d’ascendance ouest-africaine). GBAGBO et d’autres
membres du Plan commun considéraient tous les membres des groupes
politiques, ethniques, nationaux et religieux susmentionnés comme des partisans
de OUATTARA.
221.L’Accusation s’appuie sur plus de 800 actes commis contre des civils lors de 39
incidents, y compris les quatre incidents pour lesquels la responsabilité pénale de
GBAGBO est engagée. Ces actes, pris dans leur ensemble, forment « l’attaque »
au sens de l’article 7 du Statut. Il s’agissait d’une attaque généralisée et
systématique commise dans la poursuite de la Politique. En plus, les 324 actes
énumérés aux paragraphes 217 à 219 constituent en eux-même une attaque
lancée par des forces pro-GBAGBO contre des civils considérés comme des
partisans de OUATTARA et ont été commis dans le cadre de cette attaque.
222.GBAGBO a contribué à la commission des crimes énumérés aux paragraphes 217
à 219 de la manière suivante :
i) GBAGBO a conçu et mis en oeuvre le Plan commun, ce qui s’est traduit par la
commission des crimes.
ii) GBAGBO a créé une structure lui permettant de mettre en oeuvre le Plan
commun, ce qui s’est traduit par la commission des crimes, notamment en
nommant ou promouvant des personnes qui lui étaient loyales à des postesclés
du Gouvernement et des FDS, ainsi que dans les médias, en chargeant ses
subordonnés de recruter des éléments supplémentaires, y compris des jeunes
pro-GBAGBO et des miliciens, dans les FDS, et en supervisant leurs
recrutement.
iii) GBAGBO a armé les forces qui lui étaient fidèles et qui ont commis les crimes
en cause, notamment, en mettant les armes qu’il contrôlait à leur disposition,
en chargeant ses subordonnés d’en acheter d’autres, en octroyant les fonds
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ICC-02/11-01/11 86/91 13 janvier 2014
nécessaires pour ce faire et en s’assurant que des armes et des munitions
étaient fournies à ces forces.
iv) GBAGBO a coordonné la mise en oeuvre du Plan commun, qui s’est traduite
par la commission des crimes, notamment en tenant des réunions et en
s’entretenant régulièrement avec son entourage immédiat et d’autres membres
de son réseau de soutien à ce sujet, pour être informé de la situation sur le
terrain par les commandants qui lui étaient subordonnés et leur donner des
instructions dans le cadre des opérations. GBAGBO, que ce soit directement
ou par l’intermédiaire des membres de son entourage immédiat, a chargé ou
incité ses subordonnés à mettre en oeuvre le Plan commun, qui s’est traduit
par la commission de crimes, et a notamment a) ordonné le déploiement des
forces armées contre des manifestants opposés à sa politique ; b) chargé les
forces qui lui étaient fidèles d’arrêter la marche des partisans de OUATTARA
qui se rendaient au siège de la RTI le 16 décembre 2010 ; c) ordonné à ces
forces de faire le siège de l’hôtel du Golf avec ses résidents ; d) enjoint à cellesci
de tenir bon et de ne pas perdre Abobo ; et e) employé des termes péjoratifs
et de nature haineuse à l’encontre de ses opposants politiques, notamment en
traitant ces derniers de « bandits », d’« ennemis » et de « terroristes » ; f) incité
les jeunes pro-GBAGBO et les miliciens de Yopougon, directement ou par
l’intermédiaire de BLÉ GOUDÉ, à se battre pour protéger la nation et ne pas
laisser le pays aux mains des ennemis, et appelé ses partisans à continuer à
résister et à combattre OUATTARA et ses « terroristes ».
v) GBAGBO a incité les forces qui lui étaient fidèles à commettre des crimes a) en
leur ordonnant de ne pas remettre en question la légalité des ordres qu’elles
avaient reçus, en leur faisant clairement savoir qu’elles ne seraient pas punies
pour les crimes commis ; b) en ne prenant pas les mesures qui étaient en son
pouvoir pour empêcher ou réprimer la commission de ces crimes pendant la
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ICC-02/11-01/11 87/91 13 janvier 2014
crise post-électorale, ou en punir les auteurs et ; c) en s’abstenant d’en référer
aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites.
223.GBAGBO était animé de l’intention requise. Il a délibérément adopté le
comportement en cause tout en sachant que, dans le cours normal des
événements, des crimes, notamment ceux qui lui sont reprochés, découleraient
de la mise en oeuvre du Plan commun, et de ses actes et omissions. Il était
conscient des risques qu’entraînait l’exécution d’un tel Plan et a accepté de les
prendre. GBAGBO a contribué à la commission des crimes afin de faciliter
l’activité criminelle ou le dessein criminel.
224.GBAGBO a également agi avec la connaissance requise. Il savait que le Plan
commun comportait un élément de criminalité. Il avait connaissance des
caractéristiques principales des forces qui lui étaient fidèles et des circonstances
qui lui permettaient d’exercer, conjointement avec d’autres membres de son
entourage immédiat, un contrôle sur les crimes en question. GBAGBO savait en
outre que son comportement s’inscrivait dans le cadre d’une attaque généralisée
ou systématique dirigée contre une population civile, en application ou dans la
poursuite de la Politique et du Plan commun, ou en avait l’intention. GBAGBO a
contribué à la commission des crimes en pleine connaissance de l’intention des
forces qui lui étaient fidèles de les commettre. Il savait également que ses actes et
omissions causeraient ou contribueraient à la commission des crimes reprochés.
Faits et circonstances supplémentaires liés aux motifs de responsabilité pénale en
vertu des alinéas (a) et (b) de l’article 28 du Statut
225.Les victimes des crimes susvisés sont des personnes dont GBAGBO, en sa qualité
de chef de l’État ivoirien, devait assurer la protection.
226.D’octobre 2000 au 11 avril 2011, GBAGBO était un chef militaire ou une personne
faisant effectivement fonction de chef militaire, à l’égard des FDS, des
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ICC-02/11-01/11 88/91 13 janvier 2014
mercenaires, des jeunes pro-GBAGBO et des miliciens intégrés dans les rangs des
FDS. De plus, GBAGBO était le supérieur hiérarchique des jeunes pro-GBAGBO,
des miliciens et des mercenaires qui n’étaient pas intégrés dans les rangs des
FDS, et qui lui étaient fidèles. GBAGBO était aussi le supérieur hiérarchique des
membres de son entourage immédiat et de son gouvernement et a travers
lesquels il exerçait son autorité.
227.GBAGBO exerçait un commandement, une autorité et un contrôle effectifs sur les
FDS, les mercenaires, les jeunes pro-GBAGBO et les miliciens, à tout moment à
l’époque des faits. D’octobre 2000 au 11 avril 2011, l’autorité suprême qu’il
exerçait en droit, renforcée par le contrôle qu’il assurait de fait, lui permettait
d’empêcher la commission des crimes, notamment en les dénonçant et en
appelant à mettre un terme à la violence, de réprimer l’exécution de crimes en
cause et d’en punir les auteurs, ou d’en référer aux autorités compétentes aux
fins d’enquête et de poursuites. En particulier, a) bien que les résultats de
l’élection fussent contestés, GBAGBO continuait à exercer la fonction de
Président de Côte d’Ivoire – ainsi que ses prérogatives sur le Gouvernement
ivoirien comme le prévoit la Constitution – et la fonction de commandant
suprême des forces armées et il était reconnu comme tel par les forces pro-
GBAGBO ; b) les FDS étaient composées d’officiers bien entraînés et disposaient
d’une structure de commandement opérationnelle à la tête de laquelle se trouvait
GBAGBO ; c) les mercenaires, qui étaient bien organisés et entraînés, menaient
conjointement leurs opérations avec les FDS, sous la direction de ces dernières ;
d) GBAGBO était en mesure de nommer, promouvoir, dégrader, limoger ou
révoquer les responsables qui formaient le Gouvernement et les supérieurs
hiérarchiques dans les rangs des FDS, même au sommet de la hiérarchie ;
e) GBAGBO pouvait adresser ses ordres aux responsables du Gouvernement
ainsi qu’aux commandants des FDS, et il pouvait du reste leur dicter leur
conduite ; f) par l’intermédiaire du haut commandement des FDS, de BLÉ
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ICC-02/11-01/11 89/91 13 janvier 2014
GOUDÉ et d’autres chefs des jeunes pro-GBAGBO et des miliciens, il était en
mesure de dicter ce que devaient faire les membres de ces mouvements et les
mercenaires ; g) GBAGBO pouvait ordonner le recrutement de membres des
FDS, ainsi que l’incorporation des jeunes pro-GBAGBO, des miliciens et des
mercenaires dans les rangs des FDS ; h) il était en mesure d’armer et de financer
les forces qui lui étaient loyales ; i) GBAGBO pouvait ordonner le déploiement
des unités des FDS dans certains secteurs et leur retrait de ces derniers ; j) il
pouvait veiller à ce que ses subordonnés exécutent ses ordres, en remplaçant ou
en destituant tout membre du Gouvernement ou des FDS ; et k) GBAGBO
pouvait s’assurer que de véritables enquêtes et poursuites soient effectivement
menées à propos des crimes que les forces pro-GBAGBO auraient commis.
228.GBAGBO savait, ou en raison des circonstances à l’époque des faits, aurait dû
savoir que les forces qui lui étaient fidèles commettaient ou allaient commettre
les crimes en cause. De plus, GBAGBO a délibérément ignoré des informations
qui indiquaient clairement que ses forces ou ses subordonnés commettaient ou
allaient commettre ces crimes.
229.GBAGBO n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient
en son pouvoir pour empêcher ou réprimer l’exécution des crimes en cause et
n’en a pas référé aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites
véritables.
230.Compte tenu du commandement, de l’autorité et du contrôle que GBAGBO
exerçait sur les forces qui lui étaient loyales, il savait qu’en ne prenant aucune
mesure pour empêcher les crimes cela inciterait ses forces à continuer de
commettre les crimes reprochés.
231.Enfin, les crimes reprochés commis par les forces pro-GBAGBO se rapportent à
des activités relevant de la responsabilité et du contrôle effectifs de GBAGBO.
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b) Qualification juridique des faits
Chef 1 - Meurtre constituant un crime contre l’humanité
232.Au vu des faits et des circonstances énoncés aux paragraphes 217, 220 à 225,
GBAGBO est responsable, au titre de l’article 7-1-a du Statut, ainsi que,
alternativement, des alinéas a (coaction indirecte), b (ordonner, solliciter et
encourager) et d de l’article 25-3 et des alinéas a et b de l’article 28 du Statut, du
crime contre l’humanité de meurtre d’au moins 167 personnes commis par les
forces pro-GBAGBO.
Chef 2 - Viol constituant un crime contre l’humanité
233.Au vu des faits et des circonstances énoncés aux paragraphes 218, 220 à 225,
GBAGBO est responsable, au titre de l’article 7-1-g du Statut, ainsi que,
alternativement, des alinéas a (coaction indirecte), b (ordonner, solliciter et
encourager) et d de l’article 25-3 et des alinéas a et b de l’article 28 du Statut, du
crime contre l’humanité de viol d’au moins 38 personnes commis par les forces
pro-GBAGBO.
Chef 3 - Actes inhumains ou tentative de meurtre constituant
un crime contre l’humanité
234.Au vu des faits et des circonstances énoncés aux paragraphes 219, 220 à 225,
GBAGBO est responsable, au titre de l’article 7-1-k du Statut, ainsi que,
alternativement, des alinéas a (coaction indirecte), b (ordonner, solliciter et
encourager) et d de l’article 25-3 et des alinéas a et b de l’article 28 du Statut, du
crime contre l’humanité d’actes inhumains, à savoir des actes causant des
atteintes graves à l’intégrité physique et de grandes souffrances d’au moins 119
personnes, commis par les forces pro-GBAGBO. À titre subsidiaire, au vu des
mêmes faits et circonstances, il est responsable, au titre de l’article 7-1-a du
Statut, ainsi que, alternativement, des alinéas a (coaction indirecte), b (ordonner,
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ICC-02/11-01/11 91/91 13 janvier 2014
solliciter et encourager) et d de l’article 25-3 et des alinéas a et b de l’article 28 du
Statut, du crime de tentative de meurtre d’au moins 119 personnes commis par
les forces pro-GBAGBO.
Chef 4 - Persécution constituant un crime contre l’humanité
235.Au vu des faits et des circonstances énoncés aux paragraphes 217 à 225,
GBAGBO est responsable, au titre de l’article 7-1-k du Statut, ainsi que,
alternativement, des alinéas a (coaction indirecte), b (ordonner, solliciter et
encourager) et d de l’article 25-3 et des alinéas a et b de l’article 28 du Statut, du
crime contre l’humanité de persécution, pour des motifs d’ordre politique,
national, ethnique et religieux, commis contre au moins 324 personnes par les
forces pro-GBAGBO.
Fatou Bensouda, Procureur
Fait le 13 janvier 2014
À La Haye (Pays-Bas)
ICC-02/11-01/11-592-Anx1 13-01-2014 92/96 EK PT
1
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES
SIGLES/ACRONYMS NOM COMPLET
AJSN Alliance des Jeunes patriotes pour le Sursaut National
BAE Brigade Anti-Émeute
BASA Bataillon d’Artillerie Sol-Air
BASS Bataillon d’Artillerie Sol-Sol
1er BB Premier Bataillon Blindé
BCP Bataillon des Commandos Parachutistes
BMO Brigade de Maintien de l’Ordre
BMP Boyevaya Mashina Pekhoty (véhicule de combat d’infanterie)
BSP Brigade de Surveillance des Personnalités
Bton Bataillon
CECOS Centre de Commandement des Opérations de Sécurité
CEDEAO Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest
CEI Commission Électorale Indépendante
CEMA Chef d’État-Major
CNRD Congrès National de la Résistance pour la Démocratie
CO Centres Opérationnels
COJEP Congrès panafricain des Jeunes et patriotes
COMAIR Commandant des Forces Aériennes
COMAR Commandant de la Marine Nationale
COMTER Commandant des Forces Terrestres
COMTHEATRE Commandant du Théâtre des Opérations
CONARECI Coalition Nationale des Résistants de Côte d’Ivoire
CPCO Centre de Planification et de Coordination des Operations
CRS Compagnie Républicaine de Sécurité
DGPN Directeur Général de la Police Nationale/ Direction Générale de la
Police Nationale
DMIR Détachement Mobile d’Intervention Rapide
DST Direction de la Surveillance du Territoire
FAFN Forces Armées des Forces Nouvelles
FANCI Forces Armées Nationales de Côte d’Ivoire
FDS Forces de Défense et de Sécurité
FESCI Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire
FIDH Fédération Internationale des ligues des Droits de l'Homme
FPI Front Populaire Ivoirien
FLGO Front pour la Libération du Grand Ouest
FRCI Forces Républicaines de Côte d’Ivoire
FUMACO Fusilliers Commando Marine
GEB Groupe d’Escadron Blindé
GPP Groupement des Patriotes pour la Paix
GR Garde Républicaine
GSPR Groupe de Sécurité du Président de la République
ICC-02/11-01/11-592-Anx1 13-01-2014 93/96 EK PT
2
HRW Human Rights Watch
Licorne (Force créée par la France afin de protéger ses ressortissants)
LIDHO Ligue Ivoirienne des Droits de l’Homme
LIMA Signifie la lettre « L » selon l’alphabet phonétique militaire et donc «
LIMA » réfère aux « Libériens »
LMP La Majorité Présidentielle
MODEL Movement for Democracy in Liberia
(acronyme anglais pour Mouvement pour la démocratie au Libéria)
ONUCI Opération de maintien de la paix des Nations Unies en Côte d’Ivoire
PC Poste de Commandement
PDCI Parti Démocratique de Côte d’Ivoire
PDCI - RDA Parti Démocratique de Côte d’Ivoire – Rassemblement
Démocratique Africain
RCI République de Côte d'Ivoire
RDR Rassemblement Des Républicains de Côte d’ivoire
RFI Radio France Internationale
RHDP Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix
RTI Radiodiffusion-Télévision Ivoirienne
TCI Télévision Côte d’Ivoire
UIGN Unité d’Intervention de la Gendarmerie Nationale
UNMIL United Nations Mission in Liberia
(acronyme anglais de MINUL, Mission des Nations Unies au
Libéria)
UNOCI United Nations Operation in Côte d’Ivoire
UNPOL United Nations Police
(acronyme anglais de la police civile des Nations Unies)
UPLTCI Union des Patriotes pour la Libération Totale de la Côte-d'Ivoire
ICC-02/11-01/11-592-Anx1 13-01-2014 94/96 EK PT
FDS
Sources: voir DCC, paras. 75-77, 80-81, 86, 132-185, 187-189, 196, 201-203
FANCI
Laurent GBAGBO
Président/Chef Suprême
des Armées
Ministère de l’Interieur
1 Co. GSPR
G.R.
Etat-major des Armées
Garde Républicaine Gendarmerie Nationale
CECOS
DMIR
Escadron
Yopougon
Escadron
Koumassi
Escadron
Abobo
UIGN
GEB
BMO
Police Nationale
Brigade
Anti-Emeutes
(BAE)
Compagnie
Républicaine
de sécurité 2
(CRS2)
CSR3
CSR4
Prefecture
Police
Abidjan
BSP
Compagnie
Républicaine
de sécurité 1
(CRS1)
Forces Aeriennes
Marine Nationale Forces Terrestres
Bataillon
Commando
Parachutiste
(BCP)
Bataillon
Blindé
(BB)
1
bataillon
d’infanterie
Base
navale
d’Abidjan
(Locodjoro)
Base
lagunaire
d’Adiake
3
bataillon
d’infanterie
2
bataillon
d’infanterie
FUMACO
Forces
Speciales
Cabinet Militaire
Ministère de la Défense
“La Présidence”
Thêatre
des
Opérations
Unités de Specialités
Bases Navales
Alain DOGOU Emile GUIRIEOULOU
YORO
KOUKOUGNON GUIAI BI
ABEHI
GUIAI BI
DUI
Philippe MANGOU
DETOH LETHO
DOGBO BLE
DOGBO BLE
AHOUMAN
FAUSSIGNAUX KASSARATE BREDOU
Bataillon
Artillerie Sol
Air (BASA)
Légion Abidjan
Ecole de
Gendarmerie
Boniface
KONAN
Boniface
KONAN
ZADI
Boniface KONAN
Bertin KADET
er
ème
ème
ère
Sousgroupement
tactique
DADI
AKA KADJO
Unités Mixtes
Structure formelle
des FDS
Légende
CECOS
DMIR
Sous groupement tactique
Chaîne de commandement
formelle
ICC-02/11-01/11-592-Anx1 13-01-2014 95/96 EK PT
FDS
Sources: voir DCC, paras. 75-77, 80-81, 86, 132-185, 187-189, 196, 201-203__