Couverture maladie universelle (CMU) en Côte d’Ivoire – Donatien Robé, expert : « Il y a plus de spectacle que d’actions concrètes »

Le 16 octobre 2012 par Le Nouveau Courrier - Spécialiste de la protection sociale, Donatien Robé est aussi président de l’Ong «Orphelins secours». Il est l’auteur du livre «financement de la santé en Afrique : le choix de l’assurance maladie obligatoire». Pour le

Donatien Robé.

Le 16 octobre 2012 par Le Nouveau Courrier - Spécialiste de la protection sociale, Donatien Robé est aussi président de l’Ong «Orphelins secours». Il est l’auteur du livre «financement de la santé en Afrique : le choix de l’assurance maladie obligatoire». Pour le

compte de son Ong, il a soutenu l’Assurance maladie universelle (AMU) du président Laurent Gbagbo. Il avait également applaudi quand la gratuité des soins a été instaurée par Alassane Ouattara. Dans cette interview accordée au Nouveau Courrier [publiée pour la première fois le 4 octobre 2012], il jette un regard critique sur la pratique gouvernementale en la matière. "La déception est à la hauteur des attentes", juge-t-il.
Pourquoi avez-vous soutenu la gratuité des soins après l’AMU?

Toute politique susceptible de permettre aux Ivoiriens d’accéder aux soins aura notre soutien. Laurent Gbagbo a été courageux en 2000 en s’engageant pour l’Assurance maladie universelle au moment où les institutions internationales soutenaient la mutualité et la micro-assurance en Afrique. Il a opté pour un projet public national. Aujourd’hui, il a eu raison car tous les pays africains et même les institutions internationales parlent de couverture santé universelle. La politique de gratuité des soins d’Alassane Ouattara était nécessaire, la Côte d’ivoire sortant d’une crise qui a davantage appauvri les Ivoiriens. Son caractère conjoncturel nous convenait donc.

A votre avis, pourquoi cette gratuité est un échec ?

Cette gratuité des soins, qu’elle soit totale ou ciblée a un financement, comme dans tous les pays où elle existe, qui repose sur l’aide internationale. Evidemment, cette aide n’est toujours pas disponible surtout en cette période de crise économique internationale. C’est pourquoi nous rappelons au chef de l’Etat sa promesse de la couverture médicale universelle. Seul un système contributif, dont le financement est basé sur les efforts des Ivoiriens peut garantir la pérennité de l’accès aux soins. Le chef de l’Etat avait promis la Couverture maladie universelle d’ici la fin de l’année. Nous attendons impatiemment. Cependant, je ne pense pas que cette gratuité soit un échec total. Certes il n’existe pas de statistiques, mais il est évident que cette politique a sauvé des vies et fait moins d’orphelins.

Que vous inspire la grève des agents des centres de santé communautaires ?

C’est la preuve que cette politique n’est pas financée. Si ces centres communautaires qui sont des structures de proximité sont en grève pour des raisons de salaires, c’est qu’il y a un souci majeur. Le chef de l’Etat qui est économiste sait qu’une politique qui n’est pas financée est vouée à l’échec. Pourquoi s’entêter pour l’appliquer longtemps ? Elle a été salutaire mais plus elle dure, moins elle devient inefficace et impopulaire. Partout en Afrique où il existe la gratuité des soins, l’état a accumulé des dettes énormes. Il y a l’exemple du plan SESAME au Sénégal qui offrait la gratuité des soins aux personnes âgées pour lequel l’état doit près de 5 milliards.

Pourtant le ministère du travail et des affaires sociales ne cesse de faire des promesses !

Ecoutez, ce ministère fait plus de communication et de spectacles que d’actions concrètes. Et la déception est à la hauteur des espoirs d’autant que celui qui le détient est ministre d’Etat. Je le suis sur les réseaux sociaux. Le forum social annoncé à grand renfort de publicité a été une mascarade. La visite de Martin Hirsch à la fin du mois de mai de cette année a été largement médiatisée, donnant l’impression que ce grand expert des questions sociales, père du RSA et du Bouclier sanitaire en France épaulerait la Côte d’Ivoire. Je l’ai contacté, il semble qu’il y était à la demande de l’UNICEF et ne voit pas de suite à cette visite. C’est une autre mascarade. La politique sociale en Côte d’Ivoire est ainsi informelle et relève du spectacle.

Propos recueillis par Saint-Claver Oula