Changement 2015 - LES RELATIONS INTERNATIONALES DE L’AFRIQUE ET DE LA FRANCE : LES CHANCES DES MOBILISATIONS POPULAIRES DEVANT UNE FIN DE MANDAT

Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - Changement 2015/ LES RELATIONS INTERNATIONALES DE L’AFRIQUE ET DE LA FRANCE. LES CHANCES DES MOBILISATIONS POPULAIRES DEVANT UNE FIN DE MANDAT.

Michel Galy.

Isoler un seul pays d’Afrique, comme le font beaucoup trop d’analystes pressés, dans ses relations avec l’ancienne( ?)Puissance coloniale est un contresens ; comme je l’ai proposé antérieurement, les relations entre la France et l’Afrique agissent dans un système interdépendant. Ainsi, contre une pseudo interprétation marxisante, ni le Mali ni la Centrafrique ne sont déterminant EN SOI pour la diplomatie et l’économie occidentale, notamment française ; ce serait plutôt, dans leur contexte, l’uranium d’Arlit au Niger ou le coltan de RDC qui auraient leur importance.
Il en va autrement si l’on considère le « bloc géopolitique » de l’Afrique subsaharienne, notamment francophone : le vieux « pacte colonial » tenant toujours, combinant alliances diplomatiques imposées, soutien aux régimes despotiques et corrompus, et monopole, du moins prédation dominante, des matières premières.
Pourtant plusieurs dynamiques ont entravé ce système de violence et de prédation continue, tant en relations internationales africaines, que dans le système des pouvoirs français ; dont ici encore l’interdépendance semble sous-estimée, notamment par les dirigeants vs leaders d’opinion démocrates en Afrique.
Djihadisme vs gouvernance franco-africaine : tel est le dilemme qui se pose aux régimes et populations sahéliennes, qui ont vu naitre très vite un nouvel arc de crise, un front de conflit saharo sahélien très large, en expansion constante. Du Polisario du Sahara à AQMI, de BOKO HARAM du Nord Nigeria aux Shébabs de Somalie, la zone conflictuelle bouleverse la théorie des « guerres nomades » : au-delà des mouvances touaregs et djihadistes, c’est, de par leurs larges alliances internationales, un émirat territorialisé, faisant allégeance à Daesh, qui se profile. Le traitement purement militaire semble un semi-échec, et à terme mener à une dangereuse escalade conflictuelle : ne parle-t-on pas d’une 2ème guerre en Libye et d’une intervention conjointe au Nigeria ?
Dans ce contexte conflictuel, les médias ni les politiques n’ont informé le peuple français qu’il s’agit d’un engagement sur 10 ans, qui prend certaines formes d’une « recolonisation accélérée » : c’est là que s’inscrit rétrospectivement ce que j’ai dénommé le « coup d’État franco –onusien » d’avril 2011 en Côte d’Ivoire. J’ai proposé par ailleurs la thèse suivante-actuellement en cours d’inversion : via le « complexe militaro-colonial » qui à Paris va bien au-delà du Ministère de la Défense, une frange d’extrême droite a pris le pouvoir dans les institutions- avec ses thuriféraires stipendiés et ses « intellectuels organiques » dévoyés, ou journalistes notoirement corrompus. Or devant l’échec annoncé, via les diplomates du Quai qui reprennent le dessus, certains commencent à comprendre que les leaders nationalistes, ceux d’une « Afrique digne » qui lentement se met en place, sont à l’inverse des précédents combats, la dernière chance de l’influence française- au prix de révisions déchirantes dans les alliances et les pratiques.
C’est ici qu’intervient, surfant sur ces tendances lourdes, la contingence de la fin du mandat de François Hollande. Comme François Mitterrand qui avait hélas, malgré la tentative éphémère de la Baule, mené une politique africaine d’une grande continuité avec la droite, Hollande, sans grande compétence ni appétence envers les questions africaines, a fait de même- touchant des dividendes sporadiques de sa nouvelle « stature » de chef guerrier, quand tout échouait autour de lui . Le parallèle avec Obama, en politique étrangère, semble évident- si l’on considère pour ce dernier l’Afghanistan, l’Iran ou Cuba : touché du syndrome, comme disent les américains, du « canard boiteux » (car Hollande, au vu de ses résultats, ne semble pas en vue d’un second mandat) le président français, qui n’a plus rien à perdre, peut contribuer à laisser l’Afrique se libérer elle-même des despotismes et régimes corrompus.
Comme à l’époque Jospin, la passivité de l’Etat et de l’Armée française, et un soutien diplomatique implicite est tout ce qu’il suffit aux peuples : la chute de Compaoré renouvelle le « ni ingérence ni indifférence »jospinien à la chute de Bédié…et c’est bien tout ce que demandent les progressistes africains aux « socialistes » français.
Selon cette interprétation et avec bien des limites, c’est donc le « modèle burkinabé » qui désormais prévaudrait et le Quai d’Orsay sur la Défense, pour aller vite- et c’ est bien ce que Hollande a signifié à Dakar aux dictateurs atterrés. Togo, RDC, Congo, Gabon…les « dominos démocratiques » pourraient gagner la Cote d’ivoire. Déjà mal en cours à Paris pour sa volonté de non- réconciliation, le traitement ignoble réservé aux centaines de prisonniers politiques, un endettement inquiétant, Alassane Ouattara fait face à une armée de mercenaires turbulents, des partisans déçus car appauvris, et une large moitié de la population restée fidèle au président Laurent Gbagbo. Certes la nouvelle « doctrine Hollande » vise à n’abattre que les dictatures les plus voyantes, laissant les populations elles-mêmes agir sans intervention militaire française. Mais que la maladie ou la mort touche le chef d’état ivoirien, qu’un seul autre candidat se déclare à la présidentielle, si des troubles alors éclataient, il semble assuré dans les cercles politiques et diplomatiques ou militaires français qu’aucune intervention ne serait envisageable dans un contexte aussi troublé.
Dès lors, la « doctrine Hollande » de non-ingérence pourrait , à la fois par effet de contagion et selon les spécificités ivoiriennes, s’appliquer faute de mieux aux bords de la lagune Ebrié : le lâchage du régime fragilisé amènerait ainsi , en 2015, le changement tant attendu.

Une contribution de Michel Galy