Côte d'Ivoire : le scandale des déchets toxiques emporte le ministre Adama Bictogo

Le 23 mai 2012 par Jeuneafrique.com - Le ministre ivoirien de l’Intégration africaine, Adama Bictogo, a été limogé mardi 22 mai. Son départ du gouvernement fait suite au nouveau scandale des déchets toxiques.

Adama Bictogo.

Le 23 mai 2012 par Jeuneafrique.com - Le ministre ivoirien de l’Intégration africaine, Adama Bictogo, a été limogé mardi 22 mai. Son départ du gouvernement fait suite au nouveau scandale des déchets toxiques.

« Sur proposition du Premier ministre (Jeannot Ahoussou Kouadio, NDLR), le président de la République a mis fin aux fonctions de ministre de l’Intégration africaine de M. Adama Bictogo ». Le communiqué annonçant le limogeage par Alassane Ouattara, d’Adama Bictogo (issu du Rassemblement des républicains - RDR), est tombé en milieu d’après-midi, ce mardi 22 mai.
Ce limogeage spectaculaire d’un ministre, le premier de l’ère Ouattara, était attendu. Depuis quelques jours, Adama Bictogo était en sursis. Le Premier ministre l’avait déjà poliment mis à l’écart de la médiation dans la crise malienne qu’il gérait depuis le coup d’État contre Amadou Amani Touré, pour le confier au ministre des Affaires étrangères, Daniel Kablan Duncan. Désormais, c'est également ce dernier qui prend en charge, à titre intérimaire, les attributions du ministre de l’Intégration africaine.
Des sommes perçues par son cabinet
Le limogeage de Bictogo fait suite au nouveau scandale des déchets toxiques en Côte d’Ivoire (lire dans Jeune Afrique 2680, en kiosque actuellement). Ce proche du chef de l’État, Alassane Ouattara, est accusé par une association d’avoir perçu une partie des sommes versées par Trafigura (la société néerlandaise affréteuse en 2006, du navire polluant, Probo Koala) pour l’indemnisation des victimes.
Début 2010, Adama Bictogo dirigeait le cabinet de consulting MBLA et a mené une médiation entre les différentes parties pour laquelle il a été rémunéré par la Coordination nationale des victimes des déchets toxiques (CNVDT), dirigée à l'époque par Claude Gohourou, autre personnalité mise en accusation. Depuis février dernier, les enquêteurs de la police économique et financière ont transmis leur rapport au procureur de la République, Simplice Kouadio, recommandant l'ouverture de poursuites judiciaires pour « faux, usage de faux, détournement de fonds, recel et complicité ».
Adama Bictogo plaide la bonne foi et a entamé des discussions avec les représentants des victimes pour trouver une solution à l'amiable, proposant de rembourser les sommes indûment perçues par son cabinet lors de la médiation qu'il a dirigée. Elu député en décembre dernier (à Agboville), l'ex-ministre de l'Intégration africaine va désormais pouvoir se consacrer à sa défense...

Par André Silver Konan, à Abidjan

Lire l'article sur Jeuneafrique.com : Côte d'Ivoire : le scandale des déchets toxiques emporte le ministre Adama Bictogo | Jeuneafrique.com - le premier site d'information et d'actualité sur l'Afrique

Affaire Bictogo : Ahoussou et Ouattara savaient depuis des mois… [Extraits*]

Le 23 mai 2012 par Le Nouveau Courrier - Une information d’importance apparaît quand on lit l’enquête de Jeune Afrique. Le rapport détaillé sur les «exploits» supposés de Bictogo et Compagnie a été remis au procureur de la République depuis le 16 février dernier. Cela fait donc plus de trois mois que des enquêteurs désignés par le régime actuel accusent de faits très graves le ministre de l’Intégration africaine de Ouattara. Explosif, ce rapport remis au procureur, alors sous l’autorité directe de Jeannot Ahoussou Kouadio, ministre de la Justice, est naturellement passé par ses mains. Ce qui ne l’a pas empêché de composer son gouvernement en y introduisant un des personnages-clés de ce qui se présentait déjà comme une affaire d’Etat. Faute politique. Chef de l’Etat autoritaire, considéré par ses propres amis comme un «hyper-président», Alassane Ouattara ne pouvait pas ne pas être au courant de ce que disaient ses propres services de police sur un ministre dont il a continué de renforcer les pouvoirs. Les cris de colère des victimes des déchets toxiques n’y ont rien fait. Sans la publication de l’enquête de Jeune Afrique, peut-être que Bictogo, limogé ce mardi après-midi, aurait continué à vivre des jours paisibles. Le scandale qui le frappe aujourd’hui frappe donc naturellement ses supérieurs, qui ont organisé son impunité. Mais pourquoi l’ont-ils fait ?
Bictogo, l’homme des affaires sales du pouvoir
Il faut savoir qu’Adama Bictogo n’est pas n’importe qui au sein du régime RDR. Il est au cœur du secret du clan les moins avouables du clan Ouattara. Juste avant le déclenchement de la rébellion ivoirienne, le 19 septembre 2002, ses comptes logés à la banque d’affaires britannique en France, HSBC, sont fermés parce qu’ils sont jugés «préoccupants» et «indésirables» en raison de soupçons de trafic – armes ou blanchiment d’argent. Comme par hasard, l’insurrection dont des cadres de son parti seront des figures principales, commence très vite après. C’est Adama Bictogo qui, par la suite, organise, avec son entreprise Côte d’Ivoire Fruit et des firmes étrangères partenaires, tout le business de la contrebande du cacao ivoirien qui passe par le Burkina Faso et le Togo. Est-ce dans le cadre de ses activités délictueuses qu’il noue des relations particulières avec Loïc Folloroux, fils de Dominique Ouattara et directeur Afrique d’Armajaro, firme sulfureuse impliquée dans la spéculation sur le cacao ivoirien ? Mystère.
Adama Bictogo, c’est également un des symboles de ce que Mamadou Koulibaly a appelé la «Rebfondation», c’est-à-dire les affaires inavouables mêlant personnages proches de la rébellion et dignitaires de la Refondation, et qui ont permis au clan de Ouattara de pénétrer le système Gbagbo pour mieux l’abattre. Adama Bictogo, c’est, au moins depuis 2007, l’agent d’influence de Blaise Compaoré, qui met de l’huile dans les rouages du difficile dialogue inter-ivoirien et gère des affaires «d’intendance» un peu particulières. Adama Bictogo, c’est le frère de Salif Bictogo, au cœur du scandale «Satarem-Greensol» autour de la gestion des ordures ménagères sous le régime Ouattara, qui n’a même pas coûté son poste à la ministre Anne Ouloto. (…).

Par Philippe Brou