Côte d'Ivoire: Le Professeur KOUDOU Kessié Raymond à propos de la candidature du Président Gbagbo à la présidence du FPI

Par Notre Voie - Le Professeur KOUDOU Kessié Raymond à propos de la candidature du Président Gbagbo à la présidence du FPI.

Au centre, Koudou Kessié, lors de la campagne #BringBackourGbagbo à Londres.

La candidature du Président Gbagbo à la présidence du FPI vient d’être portée et déposée par des fédéraux et militants. Gbagbo candidat, ce n’est donc plus une rumeur ?

Koudou Kessié : Qui vous a dit que c’était une rumeur ? Non, ceux qui l’ont pensé voulaient certainement se rassurer. Mais c’est une réalité.

Est-ce vraiment bon pour lui et son procès à la CPI ? Les choses ne vont-elles pas se compliquer pour lui ? Avez-vous conscience que vous ne lui rendez pas service ?

Koudou Kessié : Qui est mieux placé que Gbagbo lui-même pour savoir ce qui est bon pour lui ? Ecoutez, j’étais encore en exil à Accra quand sa première demande de mise en liberté provisoire lui a été refusée par les juges de la CPI au motif qu’il bénéficiait encore d’un vaste réseau de soutien en Côte d’Ivoire et dans les pays de la sous-région et que ses partisans en exil au Ghana s’étaient engagés à déstabiliser le régime de M. Ouattara. Leur vrai souci c’est le maintien du régime de M. Ouattara. Sont-ce de telles raisons, plus politiques que juridiques, qui devraient nous conduire à renoncer au combat ? Nous avons dit non et avons aussitôt publié en exil un ouvrage de combat depuis Accra pour dénoncer leur imposture recouverte du manteau juridique. Les mobilisations des militants et tout ce qui pouvait mettre en difficulté le régime Ouattara ont été servis invariablement comme raisons pour refuser de lui redonner sa liberté confisquée. Et ceci est utilisé pour donner raison à ceux qui prônent d’être gentil avec le pouvoir afin qu’il soit gentil en retour et libère Gbagbo. Il faut savoir que dans leur logique pour porter à bout de bras le régime pro impérialiste de Ouattara, l’impérialisme et ses représentants auront toujours recours à ce type d’argument dont l’objectif est de saper le moral des militants et pour que les militants inscrivent dans leur inconscient que c’est en ne faisant rien pour mécontenter la puissance dominatrice et son représentant interne que Gbagbo pourra être affranchi. Mais pour nous, renoncer à lutter pour ne pas mécontenter le bourreau, c’est se faire complice de notre propre oppression en tendant allégrement le fouet au bourreau. Le parti a été maintenu dans l’immobilisme au nom de cette vision surréaliste. Nous devons l’en sortir car nous sommes convaincus que c’est grâce au rapport de forces créé par les mobilisations de masse que nous couperons nos chaînes et celles du Président Gbagbo. Jusqu’à présent, le régime Ouattara n’a rien vu en face parce que le Président du parti, le camarade Affi a inscrit à son programme qu’il ne faut pas contrarier le pouvoir. Mais, personne n’est obligé d’être le chef du FPI s’il ne croit pas en la force de la mobilisation populaire et en la force des militants. Dès l’instant où vous acceptez de diriger le FPI, il faut le mettre au moment où cela s’impose dans la posture qui l’identifie le mieux, le combat pour arracher encore plus de victoires pour le bien-être du peuple. Sinon vous avez l’obligation de passer le témoin, et cela de vous-même car c’est toujours mieux ainsi. Pour tout dire, nos avons sollicité le Président Gbagbo. Il est mieux placé que quiconque pour savoir ce qui est bon ou mauvais pour lui.

Il n’y avait pas de personne de poids à opposer à la candidature de M. Affi ?

Koudou Kessié : C’est du FPi que l’on parle et celui qui peut affirmer cela connaît mal le FPI et les personnalités de haut niveau qui pullulent en son sein. Un candidat pour battre Affi, ce n’est pas cela la préoccupation de l’heure car le camarade Affi s’est lui-même suffisamment discrédité aux yeux des militants pour avoir un quelconque poids aujourd’hui au FPI. Je le répète, le souci c’est l’union du FPI, son rassemblement et sa cohésion autour de son président fondateur. Maintenant, nous sommes une organisation démocratique, si le camarade Affi, par extraordinaire, sortait vainqueur du scrutin, j’accepterai sa victoire mais je continuerai le combat pour le triomphe de cette ligne fondatrice du FPI.

Certains de vos contradicteurs disent que vous rabaissez le Président Gbagbo en le proposant comme candidat à la présidence du FPI ?

Koudou Kessié : Il faut savoir de quoi l’on parle car tout dépend de l’objectif stratégique que l’on se fixe. Pour les besoins de la cause, je voudrais me souvenir de l’histoire récente de l’alternance à la présidence de la Russie entre M. Vladimir Poutine et M. Dmitri Medvedev. Président sortant en 2008, M. Vladimir Poutine ne pouvait pas se représenter en raison de la limitation, à deux mandats consécutifs, inscrite dans la constitution russe. C’est à M. Dmitri Medvedev, son premier ministre, plus jeune que lui de 13 ans, qu’il a donné l’onction de se présenter comme candidat. Celui-ci est devenu Président de la République et M. Poutine, son ancien patron, est devenu son Premier ministre. Mais le métier est aussitôt remis à l’ouvrage puisque M. Poutine qui redevient le Président de la République après le mandat de M. Medvedev le désigne à son tour comme Premier ministre. Il faut retenir que c’est même le Président Medvedev qui avait sollicité que le Premier ministre Vladimir Poutine soit le candidat du parti Russe Unie lors de son congrès. Certains avaient d'ailleurs fustigé le retour de M. Poutine en parlant de scénario catastrophique pour la Russie et pour le parti Russie Unie. Est-ce le scénario prédit que vous observez en Russie ? M. Poutine et M. Medvedev, Président ou Premier ministre l’un de l’autre font actuellement de la Russie une Nation encore plus grande et rayonnante aux côtés de la Chine et cela en contrepoids au camp impérialiste. Ses deux dirigeants se sont-ils sentis rabaissés, diminués pour être devenus Premier ministre après avoir été Président de la République et vice-versa? En politique la seule question qui mérite intérêt concerne l’objectif et la stratégie. On peut donc dire cela si l’on ne connaît pas l’objectif qui est toujours au service d’une stratégie.

A quel objectif et à quelle stratégie répond donc de présenter le Président Gbagbo comme candidat du FPI ?
Koudou Kessié : De mon point de vue, cette candidature répond principalement à un double objectif. Le premier objectif est de porter un message en direction de la communauté internationale et singulièrement de la CPI pour leur dire qu’il y a erreur sur la personne car cet homme qu’ils poursuivent comme criminel, comme dictateur et enfin comme l’auteur d’un plan d’extermination de sa propre population n’est pas le bon. Cet homme est plutôt celui que la Côte d’Ivoire réclame car c’est lui qu’il a porté à la tête de l’Etat. Ce message vient conforter cet autre message que portent toutes les manifestations répétées de la diaspora ivoirienne et africaine en Europe et à chaque session de la CPI à La Haye et qui me semble être le suivant : les Ivoiriens ne sont pas devenus si masochistes pour réclamer leur bourreau car à la vérité leur tortionnaire est celui qui a usurpé le fauteuil au sommet de l’Etat de la Côte d’Ivoire. Ces messages-là, il nous faut les redire, les traduire à ceux qui n’ont pas encore su les comprendre ou les décoder. Les militants du FPI, le peuple ivoirien réclament leur Gbagbo. Voilà le message que traduit sa candidature voulue par les militants. Le second objectif est interne. Il s’agit de ramener la cohésion au sein du parti grâce au rassemblement autour de l’Homme qui a toujours su faire et continue de faire l’unanimité en son sein. Le camarade Laurent Gbagbo a fait vivre au FPI les moments les plus glorieux de son histoire en tant que parti de combat et c’est d’ailleurs pourquoi ayant incarné le combat pour le retour au multipartisme, il est le porte-flambeau du combat pour la souveraineté nationale et pour la démocratie. La démocratie interne, l’esprit de camaraderie, l’ambiance joviale et fraternelle entre les militants, entre les militants et leur direction, l’unité et la cohésion interne ont été cultivés par lui comme la prunelle de ses yeux car comment combattre à l’extérieur et contre l’extérieur si notre front interne est désuni, lézardé. Toute l’histoire de la dénomination du parti y trouve son fondement. Le Front Uni le plus large possible qu’il a voulu pour notre combat s’appelle le Front Populaire Ivoirien. Au moment où son Président actuel, le camarade Affi a ruiné sa cohésion et son fonctionnement démocratique dans des pratiques et des aventures sans lendemain, solliciter Laurent Gbagbo c’est avoir le souci de ramener tout le monde autour de l’essentiel, c’est-à-dire le combat contre toute forme de domination sur la Côte d’Ivoire et en Côte d’Ivoire, combat qui ne peut s’accommoder de la présence de prisonniers politiques et de celle de Gbagbo à la CPI. Voilà pour l’essentiel. Maintenant pour la stratégie ce n’est pas dans une interview qu’on en parle.
Mais si Gbagbo demeurait en prison, comment va-t-il présider aux destinées du FPI ? Gbagbo n’a-t-il pas dit lui-même que s’il tombait de continuer d’avancer malgré tout?
Koudou Kessié : Ce n’est pas la première fois qu’il se retrouve en prison et le parti qu’on voulait décapiter à chacune des ses incarcérations a montré comme une hydre d’autres visages pour assumer pleinement le leadership du parti en son absence. Les militants du FPI n’avancent jamais à l’aveuglette ou la tête baissée et sans leader. Ils ont toujours su montrer que le headship n’est pas synonyme de leadership, car on peut en effet avoir à sa tête un chef, mais sans charisme et ne conduisant pas les militants comme il le faut et là où il faut. Mais le deuxième pan de votre question m’interpelle encore plus sur ceux qui l’ont mis dans un cercueil ou qui annoncent en riant sous cap que Gbagbo c’est fini car il ne sera jamais libéré par les blancs à qui il a tenu tête alors qu’ils sont trop forts. Ils se fourvoient et en même temps ils fourvoient les militants. Ils devraient faire attention à l’emploi du terme jamais en politique. Gbagbo est plus vivant que jamais dans nos rangs car il n’a qu’un genou à terre et nous avons le devoir de battre le pavé afin qu’il le relève ; que lui et les autres sortent de prison et que les exilés rentrent à la maison afin de redonner le souffle et le pouls réguliers qui manquent aujourd’hui à la Côte d’Ivoire.
Avez-vous une idée de la réponse du Président Gbagbo à votre sollicitation ?
Koudou Kessié : Sa réponse reste attendue par tous. Mais moi, je sais que le oui de Gbagbo devrait être considéré comme acquis d’avance car cet-homme-là que nous connaissons ne sait pas se dérober à l’appel des militants et des populations. Il répond toujours présent là où le devoir l’appelle.

Avez-vous un plan B au cas où?

Koudou Kessié : Restons-en au plan A, car à chaque jour suffit sa peine. A bientôt donc au congrès.

Interview réalisée par Boga Sivori pour Notre Voie