Après la décision de la CPI: Voici les armes de Maître Altit

Par Le Nouveau Courrier - Voici les armes de Maître Altit après la décision de la CPI.

Me Emmanuel Altit et son staff de défense.

La chambre préliminaire 1 de la cour pénale internationale a certes confirmé jeudi 12 juin 2014 les charges concoctées par l’accusation contre le Président Laurent Gbagbo. Mais rien n’est totalement joué. Plusieurs voies s’offrent à Me Emmanuel Altit pour réclamer la libération de son client. Ce qui pourrait se passer dans les jours et semaines à venir.
La Chambre préliminaire I a confirmé le jeudi 12 juin 2014 les charges contre le président Laurent Gbagbo. Qu’est-ce que cela signifie à cette étape de la procédure
? Que va-t-il se passer maintenant
? Se dirige-t-on de facto vers un procès dans les semaines et mois
à venir ? Beaucoup de questions que se posent inévitablement de nombreux
Ivoiriens dont l’actualité – voire l’avenir – de leur pays est, de
manière redondante, associée à ce qui se passe à la Cour pénale internationale
(CPI). Concernant la suite de la procédure dans l’affaire le
Procureur contre Laurent Gbagbo, le paragraphe 11 de l’article 61 du
Statut de Rome instituant la CPI précise: « Dès que les charges ont été
confirmées conformément au présentarticle, la Présidence constitue
une chambre de première instance qui, sous réserve du paragraphe 9 et
de l'article 64, paragraphe 4, conduit la phase suivante de la procédure et
peut remplir à cette fin toute fonction de la Chambre préliminaire utile en l'espèce ».
Aucune précision expresse n’est faite quant à la date de l’ouverture
d’un procès après la décision de confirmation des charges. C’est donc
une porte ouverte qui peut donner
lieu à des procédures qui peuvent se dérouler sur la durée. En effet, le paragraphe 9 souligne que « après
confirmation des charges et avant que le procès ne commence, le
Procureur peut modifier les charges
avec l'autorisation de la Chambre préliminaire et après que l'accusé en
a été avisé. Si le Procureur entend ajouter des charges supplémentaires
ou substituer aux charges des
charges plus graves, une audience
doit se tenir conformément au présent article pour confirmer les charges nouvelles. Après l'ouverture
du procès, le Procureur peut retirer les charges avec l'autorisation de première instance ». Ce qui signifie
que Fatou Bensouda peut d’ores et
déjà modifier ses charges contre le président Gbagbo.
Mais va-t-elle envisager cette possibilité? Rien n’est moins sûr. Quand
on sait que le document de notification des charges amendé déposé le
13 janvier 2014 par le Procureur présente
d’énormes failles qui ont d’ailleurs
motivé la décision « dissidente » de l’une des trois juges de la
Chambre préliminaire I, on ne peut pas négliger cette piste. D’autant
plus que comme l’a relevé la juge dissidente, la Défense part avec un
énorme avantage car les charges
tels que formulées contre le président
Gbagbo ne permettent à la vérité pas au Procureur de gagner un
éventuel procès. Fatou Bensousa reste donc toujours sous pression.
Aussi, le paragraphe 4 de l’article article 64 mentionne que « la
Chambre de première instance peut,
si cela est nécessaire pour assurer son fonctionnement efficace et équitable,
soumettre des questions préliminaires à la Chambre préliminaire
ou, au besoin, à un autre juge disponible
de la Section préliminaire ».
Pour l’heure, on n’en est pas encore à l’étape d’un procès. En effet, après
la notification de la confirmation des charges, la Défense de Gbagbo et
l’Accusation disposent d’un délai de
5 jours pour demander l’autorisation d’interjeter appel de cette décision.
Mais Maitre Emmanuel Altit va-t-il
user de cette voie qui lui est offerte pour contester la détention de
Gbagbo même s’il soutient que son client souhaite voire éclater la vérité
sur la situation en Côte d’Ivoire ?
En tout cas, l’avocat principal du
président Gbagbo n’a pas écarté cette probabilité lorsqu’il s’est
confié en février dernier à la plateforme «Regards sur Gbagbo». Sur un
éventuel appel du verdict de l’audience
de confirmation des charges, voici ce que disait l’avocat français :
«Cette décision pourra éventuellement faire l’objet d’un appel de la
part des deux parties, Défense et
Accusation. Et alors, à ce moment là,
la décision définitive sur la confirmation des charges, c’est-à-dire en
fait, la question de savoir s’il y aura procès ou pas - parce que c’est ça la
question - ne sera pas tranchée
avant peut-être septembre, peut-être octobre. Bref, la 2ème moitié de
l’année 2014». Me Altit évaluait déjà à cette date, une éventuelle liberté
provisoire pour Gbagbo même si les
charges étaient confirmées et que la
procédure devait donc se poursuivre devant la CPI. «Même dans l’hypothèse
que la procédure continue un certain temps, il peut obtenir une
libération provisoire assortie ou non
de conditions. Nous travaillons naturellement de manière particulièrement
constante, de manière particulièrement importante, à avancer
dans cette direction. Et il est particulièrement
important aujourd’hui, de constater, de considérer, qu’une
éventuelle libération du président
Gbagbo serait une étape essentielle
dans le processus de réconciliation qui a lieu en ce moment en Côte
d’Ivoire», soulignait-il. Ce qui laisse entrevoir que l’avocat principal de
Gbagbo pourrait introduire une
requête de mise en liberté provisoire pour son client.
A cela, il faut également ajouter l’examen périodique par la Chambre
du maintien en détention ou non de l’Accusé tous les 120 jours conformément
à l'article 60 (3) du Statut de Rome et de la règle 118 (2) du
Règlement de procédure et de
preuve. Cette libération provisoire a
été déjà réexaminée 4 fois par laChambre préliminaire I. La dernière a
eu lieu le 11 juillet 2013. Ce qu’il faut noter, c’est que rien
n’est joué d’avance. La voie de la
contestation du verdict de l’audience de confirmation des charges reste
ouverte – Bensouda qui se réjouit de la décision écarte selon toute vraisemblance
cette possibilité – aussi bien que celle d’une demande de
mise en liberté provisoire. Et si malgré
tout, la CPI souhaite un procès, Gbagbo part avec une longueur
d’avance sur ses accusateurs.
D’autant plus que la juge dissidente
– qui est allée dans le fond du dossier
contrairement à ses deux collègues
– a déjà planté le décor. Son argumentaire pour justifier sa position
est édifiant : les charges de Fatou Bensouda n'incriminent pas
directement Gbagbo et si elle va à un procès, elle ne peut pas gagner. Me
Emmanuel Altit, qui depuis le début fait remarquer que les accusations
du Procureur devraient être rejetées parce qu’elles manquent de consistance,
surfe bien entendu sur le positionnement de la juge dissidente.

Anderson Diedri