Côte d'Ivoire: Révélations sur la trahison d’Affi N’guessan, par Professeur Bruno Gnaoulé-Oupoh

Par IvoireBusiness - Révélations sur la trahison d’Affi N’guessan, Par le Prof Bruno Gnaoulé-Oupoh.

Affi N'guessan, ex-président du FPI, limogé par le Comité central extraordinaire du 05 mars 2015.

Contrairement à ses apparences troubles, le marigot politique s’éclaircit au fil des jours, à mesure que se rapprochent les ailes ultra droitières des principaux partis qui animent la scène politique ivoirienne : le Rdr au pouvoir, son allié le Pdci et Front populaire ivoirien figure de proue de l’opposition. Pour la clarté de mon propos, il est bon de souligner qu’un parti politique quelle que soit son obédience d’idéologique libérale ou socialiste, c’est-à-dire de Droite ou de Gauche est traversé aussi, par divers courants qui vont de la gauche à la droite au sein de chaque parti. Tout parti politique porte donc aussi en son sein sa gauche, sa droite et parfois son centre. Au-delà du clivage idéologique économique et social entre le capitalisme, le socialisme, la ligne de démarcation entre un comportement politique de droite et de gauche dans la gestion du pouvoir au sommet de l’Etat, ou au sein d’un parti politique s’observe dans deux attitudes principales :

1. A l’égard de la loi fondamentale qu’est la Constitution,

2. Celle du rapport à la démocratie.

Les partis de gauche et les tendances de gauche même au sein d’un parti de droite optent généralement pour le strict respect de la Constitution avant tout,et de la démocratie en leur sein.

Les partis de droite et les tendances de droite présentes au sein des partis de gauche sont coutumiers du viol de la Constitution ,n’en respectent que les dispositions qui leur sont favorables. C’est le cas principalement sous nos latitudes tropicales où la démocratie peine à entrer dans les mœurs. La scène politique ivoirienne depuis ces huit derniers mois, donne à voir le spectacle d’une extrême droitisation par la coalition de toutes les droites issues de Rdr, du Pdci et du Fpi, qui se traduit par le verrouillage et l’interdiction de la démocratie en Côte d’Ivoire. D’une confrontation bipolaire antagonique en 2010 entre les partis de droite alliés au sein du Rhdp (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix), et la gauche constituée du Front populaire ivoirien et ses alliés de La majorité présidentielle, l’on est à présent passé en 2015, à une opposition entre dictateurs et démocrates.

1.
Ouattara ; Bédié ; Affi ; même combat, mêmes méthodes

Les dictateurs, ce sont les présidents Ouattara du Rdr, Bédié du Pdci-Rda, et le président sortant du Fpi, Affi N’guessan. Ils mènent tous les trois, le même combat au sein de leur parti et sur la scène politique, contre la démocratie.

1. 1 Le pouvoir Ouattara : la Constitution et la démocratie aux abonnés absents

Le premier d’entre eux Alassane Ouattara, qui a l’exercice du pouvoir d’Etat se singularise lui par ses viols répétés et multiples de la Constitution. Sa prise du pouvoir…,son maintien à la tête du Rdr en étant dans des fonctions de chef d’Etat, ses remplacements des membres du Conseil constitutionnel, la nomination de Guillaume Soro, après son élection, au poste de président de l’Assemblée nationale alors qu’il n’avait pas quarante ans révolus, la détention en exil des partisans du Président Laurent Gbagbo etc. Tous ces actes sont anti- Constitutionnels.

Les libertés d’opinions confisquées par la détention massive de prisonniers et des simulacres de procès qui ne visent que les opposants à son régime. La répression systématique des manifestations de l’opposition, et le refus de son expression dans les médias publics, font de son régime, un pouvoir dictatorial. Et pourtant que de promesses et de profession de foi proclamées dans son programme de société élaboré pour les besoins de la campagne présidentielle de 2010, et depuis longtemps, jetés aux orties. Au chapitre II (construisons une démocratie de tolérance et d’efficacité) de son programme de société , le candidat Ouattara dit ceci : «Rien de durable ne pourra être accompli si nous ne réussissons pas d’abord par notre démocratie, si nous ne parvenons pas à faire primer les débats d’idées sur les querelles partisanes. Voici notre projet pour la démocratie ivoirienne : nous organiserons des débats nationaux sur les grandes questions de société. Nous prendrons les bonnes idées d’où qu’elles viennent». Or, tout le monde a pu s’en rendre compte aujourd’hui, depuis cinq ans, Ouattara et les siens sont seuls à s’exprimer dans les médias publics.

A propos de la justice qu’il envisageait d’instaurer, voici ce qu’il disait : «Nous nous doterons d’une justice indépendante, impartiale et efficace», cinq ans plus tard, on observe à l’arrivée, une justice dépendante, aux ordres, partiale qui ne s’acharne que sur ses adversaires d’hier et d’aujourd’hui. Une justice des vainqueurs inefficace, incapable d’organiser des procès équitables.

1. 2 Bédié, le monarque : pour la démocratie repassez toujours demain

Le second président de parti foncièrement anti-démocrate, dictateur devant l’Eternel est celui du Pdci-Rda, Henri Konan Bédié. Il est à la tête de ce parti depuis 1993, après la disparition de son fondateur Félix Houphouët- Boigny. 22 ans de règne sans discontinuer dont six ans d’exercice du pouvoir d’Etat (1993 – 1999) qui se sont achevés par son éjection brutale du pouvoir. Au fil de ce long règne, le Pdci-Rda s’est effiloché par le départ de ses rangs, de nombreux cadres qui ont créé d’autres partis, le Rdr de Djéni Kobenan et Alassane Ouattara, l’Udpci du Général Robert Guéi etc. Cela, du fait principalement du manque d’ouverture et surtout, du refus du débat démocratique au sein du parti par son président Bédié. A sa naissance, en 1946, sur les cendres du bouillant Syndicat agricole africain, le Pdci-Rda était un parti de combat. Après l’expurgation de sa direction des militants de gauche (Dadié Bernard, Ekra Mathieu, etc.) arrêtés, jetés en prison, lors des évènements du 06 février 1949, et le désapparentement d’avec le Parti communiste français (Pcf) opéré par la droite du parti incarnée par son Président Félix Houphouët-Boigny, le Pdci-Rda est devenu par la suite, un parti d’accompagnement, de collaboration avec le pouvoir colonial. Après s’être imposé comme parti unique à la proclamation de l’indépendance octroyée par l’ex-tutelle coloniale et adoubé par celle-ci, le président du Pdci, Félix Houphouët-Boigny s’est employé méthodiquement à coups de faux complots ourdis par ses soins à extirper de ses rangs et à neutraliser tous les militants démocrates attachés à la lutte pour une véritable indépendance. Durant trente trois ans (de 1960 à 1993) à sa mort, il avait réussi à juguler au sein du Pdci-Rda, toutes les volontés de libre expression démocratique, et ambitions diverses. Ce sont elles qui ont éclaté au lendemain de sa mort et que Henri Konan Bédié n’a pas su contenir et qui se sont traduites par ces nombreux départs qui ont fragilisé considérablement ce parti. Henri Konan Bédié n’a pas su être à la hauteur de la situation emmuré qu’il était et qu’il reste encore dans deux reflexes opposés à la libre expression démocratique. Il s’agit d’une part, du reflexe atavique monarchique Akan de prince, et du reflexe monopartisan hérité du long règne de son parti, en tant que parti unique. Emmuré dans ces deux reflexes, il s’attend à ce que ses ordres soient exécutés et non discutés, encore moins remis en cause. A cela, s’ajoutent ses propres besoins sécuritaires de vie et de survie sur tous les plans et ceux de son entourage qu’il protège ; toutes choses qu’il place au-dessus de la survie du parti. La lutte pour le pouvoir d’Etat qu’il a déjà exercé avec mauvaise fortune, la nécessité pour son parti d’avoir son propre candidat, tout ce discours qui n’est plus de son intérêt personnel ne peut plus l’atteindre. Dès lors, Bédié se barricade. Il change de place ses meubles, (entendez par là, les dirigeants qu’il a nommés), les remplacent quand ils le dérangent. Alphonse Djédjé Mady a été remplacé par Maurice Kacou Guikahué (…) Le dernier congrès ordinaire du Pdci-Rda a décidé que le parti aura son candidat choisi en son sein et présenté lors d’une convention. Le président Bédié en bon politique de droite, n’a que faire des décisions déjà prises par le congrès et qui ne rencontrent plus son assentiment personnel. Il décide tout seul de choisir le candidat du parti hors du Pdci-Rda, organise un congrès extraordinaire sur mesure et le tour est joué. On se rappelle aussi par ailleurs que pour justifier le choix qu’il a porté sur le président Ouattara du Rdr, Bédié avait souligné dans son Appel de Daoukro, que c’était pour éviter que le pays ne sombre à nouveau, dans la violence et dans un bain de sang. Mettant ainsi en relation d’identité le Président Ouattara avec la violence et le bain de sang. C’est que Bédié redoute son homologue du Rdr. Il faut bien le dire, il a une peur bien bleue de lui. Sont encore présents dans sa propre mémoire, les propos qu’il a tenus sur lui, dans son livre "Les chemins e ma vie", le mandat d’arrêt international qu’il a lancé contre lui,quand il était chef de l’Etat et la réaction qui fut celle de Ouattara. "Quand je frapperai ce pouvoir moribond, Il tombera". La suite on la connaît, Bédié est tombé le 24 décembre 1999. Ouattara a fêté «La Révolution des oeillets». Mais il y a bien plus. Entre les deux tours des présidentielles de 2010, une très forte pression assortie de menaces s’est exercée sur lui,pour qu’il laisse Ouattara passer au second tour. Bédié qui n’a jamais passé toute sa carrière politique, un seul jour en prison, a peur de Ouattara et ne veut rien entreprendre qui puisse le fâcher.Le petit poucet des anti-démocrates, dictateur en herbe a pour nom Pascal Affi N’guessan, président sortant et bientôt sorti du Fpi.

1. 3 Affi à l’école de Bédié

Affi N’guessan a commencé à dériver en quittant la rive gauche pour gagner la rive droite dès qu’il a été sorti de prison par le pouvoir Ouattara, le 06 août 2013. Des confidences au sein du Secrétariat exécutif que confirmeront par la suite, les actes posés par Affi, avaient fait état de ce qu’il a été sorti de prison pour accomplir une mission de sabotage au sein du Fpi pour le compte de son commanditaire Ouattara, via Bédié qui devait jouer sur la fibre ethnique. La raison ? Miaka Ouréto, le président du Fpi par intérim était jugé trop gbagboïste par le pouvoir dont le rêve était de faire disparaître le Front populaire ivoirien, dans la foulée de sa perte du pouvoir et la répression sanglante qui s’est abattue sur ses militants. Mais Miaka et son équipe de la direction intérimaire ont su organiser la résistance après la défection de Mamadou Koulibaly. Le Front populaire ivoirien est resté debout, mobilisé en rangs serrés comme en ont témoigné le giga meeting du 21 janvier 2012, sur la plage Ficgayo de Yopougon qui a drainé des milliers de militants pour exiger la libération du Président Gbagbo, et le respect des mots d’ordre de boycott des élections législatives, municipales et régionales qui se sont soldées par le désert électoral que l’on a vu. C’est ce Fpi là, celui de la résistance contre la dictature pour la libération du Président Gbagbo et la restauration de la démocratie, qui donnait des insomnies au pouvoir Ouattara, que Pascal Affi N’guessan a trouvé en place à sa sortie de prison. On se rappelle la précipitation avec laquelle il voulait en reprendre la direction.

Depuis lors, après avoir fait illusion quelques mois, Affi a abattu ses cartes le 27 mai 2014,en allant de façon solitaire, sur son simple claquement de doigts, rencontrer le ministre d’Etat Kouadio Ahoussou Jeannot, sans le médiateur qu’exigeait l’écrasante majorité du Secrétariat exécutif du parti. Affi est ressorti de cette rencontre, comme il fallait s’y attendre, bredouille et même humilié par son hôte qui s’est même quasiment permis de lui ordonner, comme à un pantin qu’on agite, de faire lever le mot d’ordre de boycott du Rgph. C’est au Comité central convoqué à cet effet, que tout le monde a pu s’apercevoir que Pascal Affi N’guessan avait un agenda personnel.

Les camarades fraîchement rentrés d’exil, et qui gravitent aujourd’hui autour de lui dans l’espoir de participer aux festins royaux du pouvoir Ouattara, avaient été visiblement actionnés par Affi pour le soutenir. Mais en dépit des vociférations d’Alain Dogou, Alcide Djédjé and co (et compagnie), le Comité central les a débouté dans leur requête capitularde, démobilisatrice. Depuis lors, Affi qui seul, avait déjà rencontré Bédié plusieurs fois, certaines fois en nous informant après coup, a décidé de fonctionner comme son mentor, en «séfon ». Comme l’avait fait Bédié,pour dégommer les membres de la direction du Pdci qui critiquaient sa gestion solitaire du Pdci-Rda, Affi a fait le large remaniement solitaire du 4 juillet 2014, qui est apparu comme une photocopie de celui opéré par Bédié. Il avait rappelons-le, remplacé le Secrétaire général du Pdci-Rda, Alphonse Djédjé Mady, un Bété par un autre Bété, Maurice Kacou Guikahué. Affi a effectué exactement la même opération en remplaçant le Secrétaire général du Fpi Akoun Laurent, Attié par une Attié, Agnès Monnet, pour les mêmes raisons que son mentor, explicitées déjà plus haut. Affi tout comme Bédié n’a rien à faire avec les textes fondateurs du Fpi,ses statuts et règlement intérieur, sauf pour s’en réclamer, et crier à une légitimité vieille de quatorze ans, qu’il refuse de soumettre au suffrage des militants dont l’écrasante majorité ne se reconnaît plus en lui. Affi n’a aussi que faire de la ligne du parti qu’il a déjà depuis plusieurs mois dévoyée dans les actions solitaires et l’immobilisme qu’il impose au parti. Le plus important pour lui, son unique souci, conserver la direction du parti, s’y accrocher le plus durablement comme son mentor Bédié avec la bénédiction de son autre allié véritable, Ouattara, détenteur du pouvoir, dont Affi redoute la force comme Bédié. «Ceux qui sont au pouvoir sont trop forts. Ne faisons rien qui puisse les gêner ». Clame à tout vent Affi qui dans cette posture capitularde, vient de voir ses comptes dégelés, de retrouver sa liberté de circulation, octroyée par l’Ue, et pour qui, les Assises prononceront bientôt sa condamnation à 24 mois, mais avec sursis. Voici ainsi présenté, un aspect du nouveau paysage politique ivoirien, à travers le trio infernal de dictateurs dont l’un exerce le pouvoir d’Etat et les deux autres lui servant de béquilles sur la scène politique. Eux et leurs suiveurs traitent les démocrates au sein du Pdci, "d’irréductibles", et au Fpi de "frondeurs". La résistance valant en tous points mieux que la capitulation, nous les baptiserons pour notre part, eux qui ont vendu leur âme au diable, pour une bouchée de pain, aussi bien au sein du Pdci-Rda que du Fpi, de vendus capitulards ou vendus collabos (…) Que faire alors pour déverrouiller et rendre possible la démocratie dans notre pays ?

Pour l’instant juste, quelques mots. Il revient avant tout, aux cadres démocrates de chaque formation politique y compris ceux du Rdr et de la société civile de prendre hic et nunc, ici et maintenant, l’exacte mesure de la situation au sein de leur organisation de sorte que soient répertoriées les dispositions nécessaires pour isoler tous les antidémocrates et les dictateurs (…) et se tenir prêts pour être présents au rendez-vous de la renaissance démocratique de notre pays. La victoire des démocrates de tous bords contre les dictateurs de tout acabit dépend de notre détermination et engagement collectifs. Pour la suite, nous nous reparlerons dans les prochains jours, pourvu que Dieu nous prête longue vie.

Une contribution de Professeur Bruno Gnaoulé-Oupoh

Secrétaire général adjoint du Fpi Chargé des relations avec les Syndicats

et la société civile