Côte d'Ivoire: Les damnés de leur terre, Par Leslie Varenne (Directrice de l'Iveris)

Par Iveris - Côte d'Ivoire. Les damnés de leur terre, Par Leslie Varenne (Directrice de l'Iveris).

« Ils auront honte ». Cette petite phrase inscrite sur une des tentes du camp d'Egyeikrom dans lesquelles certaines familles dorment encore, depuis plus de six ans, s’adresse à beaucoup de monde ; « ILS » sont nombreux.

31 aout, 2017
Note de voyage
Leslie Varenne

La guerre de 2011 en Côte d’Ivoire n’est toujours pas soldée. Outre les problèmes politiques et sécuritaires auxquels ce pays est confronté, de nombreux Ivoiriens sont encore exilés aux quatre coins du monde ; des milliers se trouvent toujours dans des camps de réfugiés au Ghana, au Togo et au Libéria. Ces enfants, ces femmes, ces hommes, oubliés de tous, tentent de survivre en attendant un éventuel retour… Après six longues années, certains ont fini par perdre l’espoir de pouvoir, un jour, rentrer chez eux et ont pris les routes dangereuses des migrants - désert nigérien, prisons libyennes et pour certains, la traversée de la Méditerranée, les plus chanceux sont arrivés en Italie. D’autres, les plus nombreux ont trouvé refuge au Maroc, en Algérie ou encore en Mauritanie. Ceux qui restent dans les camps essayent de s’organiser pour résister, améliorer, autant que faire se peut, leur condition de survie et se prémunir des vautours pour qui « réfugié » signifie aussi : « business ». Au mois d’août 2017, l’IVERIS a été à la rencontre des réfugiés ivoiriens au Ghana dans le camp d’Egyeikrom.

« Ils auront honte »

Cette petite phrase inscrite sur une des tentes du camp d'Egyeikrom dans lesquelles certaines familles dorment encore, depuis plus de six ans, s’adresse à beaucoup de monde ; « ILS » sont nombreux.

Le gouvernement ivoirien

En premier lieu, cette formule concerne l’Etat ivoirien qui n’a rien mis en place pour permettre aux réfugiés de rentrer chez eux. Environ 70% des 1800 personnes vivant dans ce camp sont originaires de l’Ouest ivoirien, une région de planteurs où des ressortissants des Etats voisins ont profité de la guerre pour accaparer les terres des autochtones. Le gouvernement n’a montré aucune volonté politique pour résoudre ce problème afin de permettre aux expulsés de retrouver enfin leur maison et leur travail. Mieux, depuis quelques mois, le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) enregistre de nouvelles demandes, quarante-cinq familles de l’Ouest sont arrivées à Egyeikrom, inquiètes de la situation sécuritaire et des soubresauts violents que pourrait connaître à nouveau la Côte d’Ivoire. Ces populations ont payé le plus lourd tribut de la guerre de 2011. Mais quelle que soit l’origine des réfugiés ou les raisons de leur présence ici, tous sont empêchés de rentrer en raison de l’insécurité qui perdure. Mamadou Bamba, un des porte-parole de l’association du camp, expose la situation : « Les réfugiés urbains qui sont connus peuvent négocier leur retour en toute sécurité avec le pouvoir d’Abidjan, certains ont été emprisonnés à leur retour mais les journaux s’inquiètent de leur sort (1). Ceux appartenant à une autre couche sociale, les anonymes, ne sont pas protégés du tout, s’ils sont tués, personne n’en fait état. Vous retournez dans votre quartier où vous êtes connu comme un supporter de Laurent Gbagbo et on vous envoie les microbes, les dozos ou les FACI (2). Un gars rentré au pays s’est fait découpé le bras à la machette par les microbes. C’est la raison pour laquelle, ici, il n’y a pas eu plus de 50 retours volontaires au pays en six ans (3). »

Tous les partis politiques ivoiriens confondus…

Si le sort des prisonniers politiques est une revendication à l’agenda de plusieurs partis, celui des réfugiés est totalement absent des débats, y compris pendant la campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2015. Ces compatriotes exilés dans les camps sont les grands oubliés de la société ivoirienne.

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