Rebondissement Libération de Gbagbo - Koné Katinan après sa libération [Interview exclusive]: "La suite logique de ma libération, c’est la libération de Gbagbo"

Par Le Nouveau Courrier - Koné Katinan "Si le juge a estimé qu’il n’y a aucune preuve contre nous, Laurent Gbagbo devrait aussi être libéré ».

« Voici ce que le juge ghanéen a révélé su rles vols à la BCEAO »[interview exclusive]

Après le verdict du juge Aboagye Tanor du Osu District Court, qui a décidé d’acquitter le porte-parole du Président Laurent Gbagbo et ex-ministre du budget du gouvernement Aké N’Gbo, pour «insuffisances de preuves» et «accusations d’ordre politique», Justin Katinan Koné, a accordé sa première interview exclusive au Nouveau Courrier.

Justin Koné Katinan réhabilité et blanchi par la justice ghanéenne.
Quelles sont vos premières impressions après le verdict de la justice ghanéenne, dans l’affaire vous concernant ?
C’est vraiment une grande joie qui m’anime. Mais, au-delà du fait que je sois totalement libre, le plus important c’est que c’est la première fois dans cette affaire qu’un juge a ouvertement dit que les choses qu’on nous reproche, ne constituent pas des infractions. Parce que ceux qui nous le reprochent n’ont jamais pu apporter la moindre preuve. Et ça, c’est extrêmement important. Evidemment, cela me fait penser au président Laurent Gbagbo. Et je me dis que ce verdict est également le sien. Je dédie donc ce verdict au président Gbagbo, je lui dédie ma victoire. Manifestement, il n’y a pas de raison que des personnes innocentes soient maintenues en prison de cette façon là. Et ça c’est le plus important pour nous, au-delà du fait que le juge m’ait accordé toute la liberté et qu’il m’ait lavé de toutes ces accusations. En clair, selon le juge, tout ce qu’on nous a reproché ne reposait sur aucun élément sérieux et plus grave, aucune preuve n’étayait ces accusations.
De plus, précise le juge, la Côte d’Ivoire n’a pas ratifié la convention de la Cedeao, en matière de procédures d’extradition. Ce qui signifie que les extraditions de Lida Kouassi, Blé Goudé, Jean Yves Dibopieu et autres ont été faites sur la base du non droit. Poursuivant, le juge a fait savoir qu’il s’agit d’une affaire politique, et au vu de tout cela, la Constitution de son pays ne lui permet pas d’extrader quelqu’un sur la base de considérations politiques. Nous avons donc gagné sur toute la ligne. Et il est très important pour nous de le dire. Et ce que tous les Ivoiriens attendent pour pouvoir rentrer dans la réconciliation c’est que le président Gbagbo soit libéré. Ce qui s’est passé aujourd’hui (hier avec le verdict, ndlr) et hier (avant-hier avec la décision de la Cour suprême ghanéenne dans le contentieux électoral de la présidentielle de décembre dernier, ndlr) au Ghana, doit tout de même nous interpeller de ce que la démocratie repose sur le respect de la loi et des Institutions. Hier, le Ghana nous a donné un exemple et nous devons suivre cet exemple. Quand le Conseil constitutionnel ou la Cour suprême d’un pays s’est prononcé, personne ne doit trouver à redire ou à remettre en cause cette décision. On peut ne pas être d’accord, mais on ne peut pas remettre en cause cela.
M. le ministre, vous avez dédié votre victoire au président Laurent Gbagbo. Pensez-vous que cette décision de la justice ghanéenne est un signe avant-coureur de ce qui pourrait advenir dans la procédure contre Laurent Gbagbo ?
C’est même la logique normale. Parce que le juge s’est prononcé sur le fond dans l’affaire. C’était un jugement de fond. Ceux qui accusent sont censés apporter des preuves et la Défense est censée fournir des contre-épreuves. Ce que le juge dit, c’est que les éléments fournis par l’Accusation ne sont nullement de nature à justifier que les actes commis sont des infractions. Cela veut dire que le président Laurent Gbagbo devrait être aussi libéré, parce qu’il était le chef de l’Etat. Si le juge estime qu’il n’y a aucune preuve contre nous, Laurent Gbagbo devrait aussi être libéré. Pour nous donc, c’est de façon abusive que Laurent Gbagbo se trouve en prison. Mais il va sortir, ne serait-ce que pour l’intérêt de la justice et l’intérêt de la Côte d’Ivoire. C’est pourquoi, je lui ai dédié mon acquittement, le rejet par la justice ghanéenne de la demande d’extradition du régime Ouattara.
Pensez-vous aussi qu’il y a un lien intrinsèque entre l’affaire vous concernant et celle pendante devant la justice ivoirienne concernant vos camarades ?
Mais absolument ! Aujourd’hui, un juge ghanéen a eu le courage de dire aux juges ivoiriens que les éléments envoyés pour étayer leurs accusations ne sont pas des preuves suffisantes pour justifier les accusations de crimes économiques et crimes de sang. Parce qu’il y avait aussi une autre procédure contre moi dans une affaire de crimes de sang (la justice a rapidement bouclé ce dossier pour délit non constitué). C’est une décision qui donne la nature exacte des poursuites engagées contre les uns et les autres. Le juge ghanéen a affirmé que c’est une affaire politique. Les gens ont été arrêtés pour des opinions politiques. Et c’est anticonstitutionnel, puisque la Constitution ivoirienne interdit des poursuites judicaires pour des opinions politiques et c’est le cas actuellement. Alors, forcément la justice ivoirienne doit laisser tomber toutes ces poursuites.
Estimez-vous alors que le régime Ouattara devrait tirer les conséquences du verdict prononcé par la justice ghanéenne ?
Ecoutez, moi je présume – je suis quand même un Ivoirien – que les autorités ivoiriennes se sont trompées de bonne foi. Maintenant que la justice ghanéenne leur a démontré qu’elles se sont trompées, elles devraient en tirer toutes les conséquences. Je présume en tout cas que ceux qui nous dirigent croyaient être dans leur droit. Maintenant, quelqu’un leur a dit qu’ils ne sont pas dans leur droit et que ce qu’ils reprochent est faux. Je pense qu’ils devraient tirer la conséquence et laisser tomber tout ça.
Cette décision détruit absolument et complètement les accusations de crimes économiques et autres portées contre notre personne, le président Gbagbo et la plupart des responsables politiques détenus et/ou en liberté provisoire en Côte d’Ivoire. Et le juge a même relevé un élément qui est très important.
Lequel ?
Le juge a relevé que parmi les documents transmis par la justice ivoirienne pour étayer leurs allégations, il y a certains éléments qui disent que les crimes, les vols ont été commis par les Frci, je dis bien par les Frci, le 19 avril 2011. Et le 19 avril 2011, le président Laurent Gbagbo n’était plus au pouvoir et nous-mêmes étions déjà en exil au Ghana. Le juge a fait savoir que tous ces détails prouvent qu’il s’agit de fausses accusations.

Propos recueillis par Frank Toti

NB: Le titre est de la rédaction.