Côte d'Ivoire - Le régime enregistre ses premiers désaveux: La déception monte chez les parrains de Ouattara

Par Aujourd'hui - Le régime Ouattara enregistre ses premiers désaveux. La déception monte chez les parrains de Ouattara.

L'Ambassadeur de Suisse en Côte d'Ivoire.

Dans une interview à venir, l’ambassadeur de Suisse en Côte d’Ivoire se penche sur les injustices ivoiriennes et donne un extraordinaire coup de pouce à Laurent Gbagbo que son pays a combattu en 2011. François Hollande, lui, réclame toujours à Ouattara des têtes à couper parmi ses proches tandis que le chanteur de reggae Tiken Jah montre sa mélancolie dans son nouvel opus.
Derrière le soutien ostentatoire, des critiques parfois dures. C’est la nouvelle dualité que les occidentaux, principaux parrains de l’arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir en Côte d’Ivoire, imposent dorénavant à leur poulain. Car trois ans sont passés. Et avec eux, les espoirs d’une gouvernance qui ferait oublier l’ancien président, Laurent Gbagbo, que la plupart des chancelleries occidentales ont combattu. Or, les choses n’ont fait qu’empirer. C’est d’ailleurs ce que dénonce l’ambassadeur de Suisse David Vogelsanger dans une interview accordée au journal l’Inter qui sera publiée demain. Le diplomate relève pêle-mêle la culture de l’arbitraire, principalement dans les décisions de justice et l’attribution des marchés publics, la justice des vainqueurs aussi, et les spéculations du pouvoir sur les supposés comptes des pro-Gbagbo dans son pays. Sur la question, c’est d’ailleurs l’ancien président qui en rigole : « A la Haye…La première fois que j’ai eu l’occasion de sourire, je crois, c’est le jour où trois fonctionnaires de la CPI sont venus pour me demander comment j’allais payer mes frais d’avocats. Je leur ai répondu que les comptes en banque sur les- quels je recevais mon seul revenu, c’est-à-dire mon salaire depuis mon accession à la présidence en 2000, avaient été bloqués, et que je n’avais rien d’autre. Ils ne m’ont certainement pas cru, ils ont décidé de diligenter des enquêtes internationales. J’ai plaisanté : je leur ai dit s’ils trouvaient quelque chose, qu’ils gardent tout pour eux. Ils ont cherché partout, en France, en Suisse, aux Etats-Unis, dans les paradis fiscaux…Ils ont eu beau faire, ils n’ont rien trouvé, pas de fortune cachées, pas de biens im- mobiliers « mal acquis » à l’étranger. Sarkozy aussi s’est démené pour faire chercher partout…Evidemment, qu’ils n’ont rien trouvé, parce que je n’ai pas grande chose. », affirme-t-il dans le livre du journaliste français, François Mattei, intitulé « Pour la vérité et la justice : révélations sur un scandale français. » Le diplomate suisse ne dit pas autre chose et raille amplement « les spéculations » sur les supposés comptes des pro-Gbagbo dans son pays. « Si je devais publier la liste, il y aurait beaucoup de déçus », affirme-t-il, dans un pays où le gouvernement tente de convaincre qu’il vaut mieux s’occuper du camp Gbagbo que de ses propres sicaires. Son discours ne passe d’ailleurs de plus et malgré le soutien public qu’il a affiché envers Alassane Ouattara, lors de son bref passage en Côte d’Ivoire, le président français François Hollande a également largement bousculé son hôte sur l’impunité de ses com’zones malgré leur recyclage dans l’armée régulière et des galons d’officiers. Hollande ne voulait même pas en voir sur son passage et a également snobé le président de l’Assemblée na- tionale. L’impunité en Côte d’Ivoire gêne le discours des occidentaux et brouille leurs justifi- cations a posteriori. Les américains avaient d’ailleurs été les premiers à évoquer cette question. Ils avaient alors décidé de réhabiliter les tribunaux dé- truits dans la plupart des villes restées sous occupation des ex- forces nouvelles. Mais Washing- ton n’a jamais cessé de réclamer la tête de Guillaume Soro et de ses com’zones. Bref, en trois an- nées de gouvernance, Alassane Ouattara a montré qu’il ne pouvait pas réaliser la réconciliation nationale et soumettre tous les Ivoiriens à la même justice. Ce qui a l’air d’agacer ses parrains, à quatorze mois des échéances électorales qui font craindre à nouveau le pire dans le pays. Le chanteur ivoirien Tiken Jah, proche d’Alassane Ouattara, est également déçu de la gestion de son mentor. Il revient d’ailleurs largement, dans un nouvel opus, sur le rattrapage ethnique qui discrédite à lui seul le discours de l’actuel chef de l’Etat. Or, comme tous les occidentaux, Tiken Jah a été un des principaux relais de la guerre médiatique contre Laurent Gbagbo et son régime. Mais la gouvernance de Ouattara est surtout marquée par les violations des droits de l’homme. Au total, plus de 800 opposants à sa politique sont retenus dans les prisons ivoiriennes, torturés et retenus dans des conditions inhumaines. Le doyen du corps diplomatique en Côte d’Ivoire avait lui aussi plaidé pour que ces prisonniers soient libérés. Sans doute parce qu’aucun pro-Ouattara n’est inquiété. C’est ce que dit l’ambassadeur suisse qui affirme que « pendant les quinze dernières années, d’horribles crimes ont été commis, et les coupables ne sont pas tous d’un côté ». On peut s’étonner de ces discours ou autres prises de position. Car tous ces occidentaux, et ceux qui en constituent les relais, avaient engagé une campagne militaire contre Laurent Gbagbo pour le faire partir du pouvoir. Regrettent-ils la guerre qu’ils ont menée contre Gbagbo ? Assurément pas. Cela dit, beaucoup d’entre eux commencent à montrer leur déception. Et comme seuls ne comptent que leurs intérêts…■

Sévérine Blé