Situation politique: Voici comment Ouattara veut neutraliser Soro

Par Soir info - Situation politique. Voici comment Ouattara veut neutraliser Soro.

Ouattara descend dans l’arène contre Guillaume Soro.

C’est une vérité reconnue de toute la Côte d’Ivoire. Entre Alassane Ouattara, chef de l’État, président-fondateur du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), et Guillaume Soro, président démissionnaire de l’Assemblée nationale, on est passé de la guerre de clocher à la guerre de terrain.

Les actes des uns et les propos des autres ont contribué, aujourd’hui, grandement, à pourrir totalement les rapports entre le président de la république et son ancien Premier ministre. Aujourd’hui, à la guerre comme à la guerre. Les deux hommes qui appartenaient, hier, à un même ensemble politique, ont entrepris de se neutraliser sur le terrain. Depuis qu’il a libéré « le tabouret » en février 2019, Guillaume Soro multiplie les rencontres avec les couches sociales et communautaires. Au centre de ses attaques, Alassane Ouattara.

Le président du Rhdp n’entend pas rester muet et passif face aux menées « subversives » de Guillaume Soro. Que ce soit lui-même ou par personnes interposées déployées à travers le pays, Alassane Ouattara, qui semble avoir pris conscience de son retard face à son ex-poulain sur le front, veut faire évoluer la situation en sa faveur. Dans cette dynamique, il a décidé de passer à la contre-offensive, d’aller au charbon, sur les traces de l’ancien chef rebelle.

Pour ce faire, il a inscrit, dans son agenda, des audiences avec les communautés ivoiriennes. Dans cet élan, Alassane Ouattara a reçu, hier mardi 23 avril 2019, les chefs Tchaman, Attié, des Grands ponts et du Sud-Comoé, au Palais de la présidence de la République, au Plateau. L’objectif étant de « déconstruire » toute la « mécanique » politique, les « propos médisants et autres méchancetés » développés par le député de Ferké, tant dans ses multiples déplacements vers les populations, que lors de ses rencontres avec celles-ci.

Face à ces mêmes chefs Tchaman, à sa résidence de Marcory, le 19 février 2019, peu après sa démission, Guillaumre Soro était allé un peu fort, parlant du régime incarné par Alassane Ouattara, en mettant en relief sa fibre d’enfant du nord. « Mon père est né au nord, ma mère est née au nord, moi-même je suis né au nord. Mon cordon ombilical est enterré à Kofiplé au nord. Personne ne peut me le contester dans ce pays, la Côte d’Ivoire.

Personne ne peut revendiquer le nord plus que moi, sinon tout autant que moi. Le pouvoir au nord, le pouvoir au nord ; qu’est-ce que ça veut dire ? Arrêtons ce jeu. Ils ont convié à une assemblée, les chefs traditionnels du nord, pour leur demander de venir au Rhdp, parce que Guillaume veut donner le pouvoir à Bédié », s’était littéralement emporté M. Soro, avant d’écraser le « champignon » des critiques. « Les gens disent : « Guillaume Soro veut prendre le pouvoir du nord pour le remettre à Bédié ».

Le nord a quel pouvoir ? Le pouvoir n’appartient pas à une région. Il appartient, avant tout, au peuple. Qui doit avoir une telle conception ? Telle région a le pouvoir ? Cela est dangereux. C’est pourquoi j’irai à Ferkessédougou pour parler avec mes parents. Comme je leur ai dit la dernière fois ; moi je suis fils du nord de la Côte d’Ivoire, et je le revendique… », s’était-il insurgé.
Des railleries piquantes…

Il y a quelques semaines, Guillaume Soro a déserté l’Assemblée nationale et sa résidence d’Abidjan, pour élire quasiment domicile dans le département de Dabakala, réputé fief de Ouattara, où à chacune de ses rencontres avec les populations, il n’épargne pas le chef de l’exécutif ivoirien et son gouvernement, de railleries piquantes sur sa politique sociale. « Quand Gbagbo était là, il ne mettait pas Blé Goudé en prison tous les jours. Quand Bédié était là, il ne mettait pas KKB (Kouadio Konan Bertin) en prison.

Pourquoi c’est au tour du nord, que le nord met en prison ? Pourquoi c’est au tour du nord que le nord décapite les têtes des fils du nord à toutes les sociétés d’État ? … Nous nous sommes battus. Nous avons tellement souffert dans cette bataille. Nos morts sont là pour nous le rappeler chaque jour », a d’abord dit le président du Comité politique (Cp) à la population réunie dans le cadre d’un meeting qu’il a animé à Dabakala.

Puis, enfonçant le clou, comme s’il voulait ameuter celles-ci contre le chef de l’État, il lance : « Le fait que je sois ici à Dabakala, le gouvernement va courir pour venir ici. Ils vont venir bientôt pour venir effacer les traces de Guillaume Soro, pour venir sur les traces de Guillaume Soro. … Moi-même, je demande au gouvernement de venir ici à Dabakala, pour réparer les injustices… Je ne supporte pas la pauvreté. Alors que j’étais à Abidjan, je croyais que tout allait bien au nord.

Mais, tout ne va pas bien au nord. Nos parents sont pauvres. L’anacarde est acheté à 100 F, 150 F, 200 F. C’est eux-mêmes qui avaient dit qu’ils achèteraient l’anacarde à 1000 F le kilo. Donc, qu’ils le fassent… Chers chefs (…). Dites-leur que vous n’êtes pas des mendiants. Vous ne voulez pas les billets de 500 F sortis des banques. Qu’ils achètent votre anacarde à 500 F, 1000 F, comme ça, vous aurez votre propre argent. Dites-leur de mettre les rails pour sortir les produits de la brousse. Demandez-leur de vous donner des cartes d’identité gratuitement, comme on l’a fait 2009… ».

Après le pays Djimini et Djamana, Guillaume Soro doit continuer sa randonnée en pays Tagbana, toujours dans le Hambol. Le président du Rhdp, lui, n’entend pas rester les bras croisés.
Armand B. DEPEYLA