Scandale: Les ambitions présidentielles de Ban Ki-moon perturbées par une affaire de corruption

Par Le Monde - Les ambitions présidentielles de Ban Ki-moon perturbées par une affaire de corruption.

Ban Ki-moon lors de sa dernière conférence de presse en tant que secrétaire général des Nations unies, à New York, le 16 décembre. BEBETO MATTHEWS / AP.

Un hebdomadaire sud-coréen affirme que le secrétaire général de l’ONU a reçu 200 000 dollars en liquide en 2005, alors qu’il était ministre des affaires étrangères.

Un scandale de corruption menace les ambitions présidentielles du secrétaire général des Nations unies (ONU), le Sud-Coréen Ban Ki-moon. L’hebdomadaire Sisa-in, basé à Séoul, a affirmé dans son édition du samedi 24 décembre que M. Ban avait reçu 200 000 dollars en liquide en mai 2005, quand il était ministre des affaires étrangères du président progressiste sud-coréen Roh Moo-hyun. L’argent lui aurait été remis lors d’une réception à sa résidence d’alors, située dans la capitale sud-coréenne. Il aurait également perçu 30 000 dollars en 2007, alors qu’il venait d’accéder à la tête de l’ONU. Les fonds auraient cette fois transité par un restaurant new-yorkais.

Dès la parution de l’affaire, le porte-parole des Nations unies, Stéphane Dujarric, a dénoncé ces accusations portées contre M. Ban, les qualifiant de « complètement fausses et dénuées de fondement ». Il a annoncé l’envoi d’un courrier officiel à leur auteur, le magazine Sisa-in, pour obtenir des excuses et la rétractation de l’article accusateur.

L’argent viendrait du sulfureux Park Yeon-cha. Ancien patron du fabricant de chaussures Taekwang, il avait été condamné en 2009, à l’issue d’un procès retentissant pour évasion fiscale et corruption de nombreuses personnalités politiques – dont des proches du président Roh Moo-hyun –, économiques et judiciaires.

« L’anguille insaisissable »

D’après Sisa-in, les enquêteurs chargés du scandale Park Yeon-cha auraient délibérément ignoré l’affaire de corruption impliquant M. Ban. Interrogé le 24 décembre par l’agence de presse sud-coréenne Yonhap, le procureur Li In-kyu, qui avait mené les investigations à l’époque, a nié, déclarant qu’il ne « savai[t] rien ».

Ces révélations sortent au moment où M. Ban, 72 ans, dont dix passés à la tête de l’ONU, prépare son retour sur la scène politique sud-coréenne, et plus spécifiquement sa candidature à l’élection présidentielle, programmée pour décembre 2017. Les rumeurs sur sa candidature courent depuis plusieurs mois. Il aurait multiplié les consultations dans les milieux conservateurs et auprès de la présidente, Park Geun-hye.

Le « Choigate », le scandale de corruption et d’abus de pouvoir impliquant la présidente, l’a pourtant contraint à prendre ses distances avec Mme Park. A la suite du vote d’une motion de destitution, le 9 décembre, la présidente pourrait quitter son poste dans les premiers mois de 2017. Un scrutin présidentiel interviendrait alors dans les soixante jours.

Surnommé « l’anguille insaisissable » pour sa capacité à se faufiler entre les écueils et son goût de l’ambiguïté, M. Ban s’est adapté, refusant d’intervenir dans le « Choigate » en invoquant sa fonction à l’ONU. Devant la presse, le 21 décembre, à New York, il s’est simplement dit prêt à « aider » son pays en lui faisant profiter de son expérience.

Une chance quasi inespérée de conserver le pouvoir

Populaire chez les personnes âgées, M. Ban était en tête du dernier sondage réalisé par l’institut Real Meter, avec 23,3 % d’intentions de vote, devant Moon Jae-in, figure du Parti Minjoo (opposition, centre-gauche), à 23,1 %. Pour le Parti Saenuri (conservateur, au pouvoir), M. Ban représente une chance inespérée de conserver le pouvoir. Lundi 26 décembre, Chung Woo-taik, membre influent du Saenuri, a indiqué que sa formation voulait soutenir M. Ban. Mais le parti est impopulaire et affaibli : mardi 27 décembre, 29 de ses 120 parlementaires, critiques de Mme Park, l’ont quitté.

Le même jour, un conseiller de Ban Ki-moon, resté anonyme, a indiqué qu’il reviendrait en Corée du Sud vers le 15 janvier et chercherait à former une alliance politique la plus large possible « afin d’aider la Corée du Sud à franchir une nouvelle étape ».

Reste une inconnue de taille : l’incidence des révélations du Sisa-in sur sa popularité. L’opposition s’est emparée des révélations du Sisa-in : « Le parquet doit faire toute la lumière sur cette histoire », a appelé Ki Dong-min, le porte-parole du Minjoo. Connu pour le sérieux de ses investigations, l’hebdomadaire de centre gauche Sisa-in a joué un rôle majeur dans les révélations du « Choigate ».

Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
Journaliste au Monde

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