Procès de Gbagbo-L’Oidh persiste et signe: «Pas de preuves de l’existence d’un plan commun»

Par Le Temps - Procès de Gbagbo-L’Oidh persiste et signe «Pas de preuves de l’existence d’un plan commun».

Le Président Laurent Gbagbo et le Ministre Charles Blé Goudé, devant la cour pénale internationale. Photomontage utilisé à titre d'illustration.

Procès de Gbagbo-L’Oidh persiste et signe: «Pas de preuves de l’existence d’un plan commun»

Après de deux (2) années d’audience de comparution des témoins de l’Accusation, le procès Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé connaîtra bientôt une autre phase: celle de la comparution des témoins de la Défense. Sur 138 témoins annoncés, l’Accusation en a présentés 79. Que retenir alors de la phase qui a vu succéder des personnalités politiques, des officiers de l’armée ivoirienne et des victimes de la crise post-électorale en tant que témoins de l’Accusation ? En d’autres termes, quelle a été la contribution de ces témoignages à la manifestation de la vérité dans ce procès? Une telle analyse nécessite, au préalable, une brève présentation des chefs d’accusation. L’on pourra ensuite, de façon plus aisée, discuter de l’apport de ces témoignages à la recherche de la vérité.

Les chefs d’accusation.
Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé répondent de quatre charges de crimes contre l’humanité que constituent le meurtre, le viol, les autres actes inhumains, la tentative de meurtre et la persécution perpétrés dans le contexte des violences post-électorale en Côte d’Ivoire. Ces évènements ont eu lieu entre le 16 et le 19 décembre 2010, le 3 mars 2011, le 17 mars 2011 et le 12 avril 2011. Ils auraient perpétré ces actes à travers un «plan commun» afin de conserver le pouvoir «par tous lès moyens».

2-Quelle contribution des témoignages à la manifestation de la vérité?

La recherche de la vérité sur les faits reprochés à Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé semblait être au cœur de la stratégie de l’Accusation. A preuve, la variété des témoins auxquels elle a recouru. Mais au terme de leur comparution, il est possible de faire les remarques ci-dessous. Une instruction peu approfondie. Les failles de l’instruction ont donné une série de témoignages peu cohérents, des pièces à conviction peu fiables, peu crédibles et quelque fois étrangères à la situation. A preuve, le cas de Monsieur Doukouré Ladji, cité à comparaître le 09 décembre 2016. Le témoin a présenté un certificat de décès de son frère établi le 23 mai 2011 alors que ce dernier aurait perdu la vie le 10 décembre 2010. Il s’agit donc d’un document nul étant donné qu’un acte de décès doit être établi durant les 15 jours qui suivent le décès. Au-delà de cette période, c’est un jugement supplétif d’acte de décès qui doit être produit.

Absence de preuves de l’existence d’un plan commun, d’extermination des populations du nord.

L’Accusation a voulu démontrer un lien matériel de causalité entre un projet de massacres massifs d’une certaine population et Laurent Gbagbo qui serait l’auteur des ordres donnés à cet effet aux différents chefs de commandement des Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire, au moment des faits. Mais, les passages des Généraux Brindou M’Bia, Kassaraté Edouard Tiapé, lé Commandant Guiai Bi Poin et l’ex-Chef d’état-major des Armées, le Général Philippe Mangou n’ont pas permis d’établir un lien irréfutable entre les crimes commis, l’ordre supposé avoir été donné et le plan commun. A propos du meurtre des femmes, par exemple, Mangou a dénié toute implication des Forces de défense et de sécurité (Fds), des forces sous contrôle du régime de Laurent Gbagbo. L’on pourrait également évoquer les témoignages de Até Kloosterman et Charles Finch, respectivement spécialiste en Adn et expert en ingénierie militaire. Ils ont émis des doutes sur le sang des présumés femmes mortes lors de la marche du 3 mars et sur la nature de l’arme utilisée pour le bombardement du marche Siaka Koné d’Abobo le 17 mars 2011.

Mise en perspective de la stratégie de la défense: vers une demande de non-lieu ou une présentation de témoins ?
Le caractère moyen et quasi médiocre des témoins qui se sont succédé laisse les partisans de Laurent Gbagbo penser qu’il serait préférable d’envisager une libération dd ce dernier. Devant ce constat, l’on s’interroge sur la stratégie future de la défense. Va-t-elle demander à la Cour de prononcer un non-lieu ou se contentera-t-elle de présenter ses témoins ? Quoi qu’il en soit, l’on de note l’absence actuelle de calendrier pour les prochaines audiences de la Cour. Pour un procès qui dure maintenant deux (2) ans, son prolongement pourrait finir par installer la désillusion chez lès victimes qui attendent réparations.

Par l’Equipe de l’Observation de procès de l’Oidh (Observatoire ivoirien pour les droits de l’Homme)