Présidentielle 2020: La Côte d’Ivoire attend son joker

Par IvoireBusiness - Présidentielle 2020. La Côte d’Ivoire attend son joker.

La prochaine présidentielle s’annonce houleuse en raison des antagonismes exacerbés entre groupements politiques. Un homme providentiel serait le bienvenu pour bouter hors compétition les partis hors jeu et rassembler les Ivoiriens.

Les signaux tardent à passer au vert en Côte d’Ivoire. Le pays reste malade de ses clivages politiques chroniques et de ses récurrentes querelles domestiques qui n’annoncent guère le beau temps.

A l’instar de la résidence officielle des chefs d’État ivoiriens complètement détruite, la crise post-électorale a laissé de profondes stigmates.
La grave crise politico-armée conclue par une guerre post-électorale continue, en effet, de causer des dégâts et la paix reste un vain mot. Dans un violent climat d’hostilité, le pays est scindé entre deux blocs antagonistes qui ne cherchent qu’à en découdre.

D’un côté, le pouvoir regroupé au sein du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (coalition politique à la tête de l’État). Ce régime se bat pour garder le pouvoir pendant encore des décennies.

De ce fait et coûte que coûte, il entreprend tout pour écraser ses adversaires avec les arrestations à la pelle, les emprisonnements, les mandats d’arrêt, le gel des comptes et les multiples procès.

Au RHDP, le torchon brûle entre le RDR et le PDCI-RDA représentés respectivement par Alassane Ouattara, président d’honneur et Konan Bédié, président.
De l’autre, l’Opposition menée par le FPI, parti déchu le 11 avril 2011. Avec ses diverses alliances politiques (AFD et EDS sont les principales), elle se bat pour prendre sa revanche après la déroute militaire de 2011. Elle prépare le «match retour» dont elle a soif. Le projet politique est «Ôte-toi de là que je m’y mette».

La présidentielle de 2010 a laissé tellement de séquelles et de profondes stigmates que les confrontations politiques restent donc placées sous très haute tension. Les adversaires qui ne cessent de cultiver l’inimitié et l’animosité dans des propos peu amènes, gardent dans leurs états-majors des casus belli.

Les partis et groupements politiques ont, en effet, échoué en Côte d’Ivoire. La seule expression du suffrage à laquelle ils concourent est connue: la haine de l’autre. Résultat, les militants et autres partisans des deux bords, chauffés à blanc, sont dressés les uns contre les autres et ne se regardent plus qu’en chiens de faïence.

Au FPI, Abou Drahamane Sangaré (à g) et Pascal Affi N’Guessan sont à couteaux tirés.

La situation est d’autant plus confuse et conflictuelle qu’au sein de chaque camp politique, les divisions sont apparues au grand jour. Dans l’Opposition émiettée, le FPI est frappé par le schisme entre deux courants qui sont à couteaux tirés sans compter les fractures à LIDER, au MFA, au PIT…

Au RHDP, les deux poids lourds (le RDR et le PDCI-RDA) ne chantent plus à l’unisson dans la perspective de la présidentielle d’octobre 2020. Le programme de gouvernement est… l’alternance au pouvoir.

Dans une telle atmosphère électrique et pourrie, le pays a plus que besoin d’un joker qui jouerait le rôle de l’oiseau rare qui lui fait tant défaut pour colmater les brèches et réconcilier les Ivoiriens. Un traitement de choc s’impose avec un Talon ou un Macron ivoirien qui couperait l’herbe sous les pieds des appareils politiques guindés, égoïstes et à bout de souffle.

A la présidentielle de 2016 au Bénin, l’homme d’affaires Patrice Talon a survolé ses concurrents.

Au Bénin en 2016 et en France en 2017, ces deux leaders, sortis de nulle part et sans étiquette politique, ont surclassé, avec des discours neufs et novateurs, leurs concurrents d’une classe politique constipée et dépassée.

Un tel vent de cure de jeunesse a soufflé durant les élections législatives du 18 décembre 2016 dans des circonscriptions électorales dont particulièrement Cocody, à Abidjan. La candidature de Yasmina Frédérique Lucienne Ouégnin, militante du PDCI-RDA mise en quarantaine, a franchi les frontières de sa commune, tellement elle est devenue presque nationale.

La députée Yasmina Ouégnin a fait souffler un vent de renaissance politique dans la circonscription de Cocody.

Partie en indépendante, elle a fait mordre la poussière à la liste du RHDP conduite par l’ancienne ministre Bamba-Lamine Affoussiata. Elle a ratissé large et, capitalisant les frustrations des uns et des autres, elle a remporté les suffrages des électeurs aussi bien du PDCI-RDA que de l’Opposition et de la société civile.

Très actif, Soro Kigbafori Guillaume, président de l’Assemblée nationale et troisième personnalité de l’État ivoirien, s’essaie habilement à cette stratégie gagnante. Des mouvements dont L’alliance du 3 avril, se réclamant de lui, se sont formés et sont sur le terrain pour faire du lobbying.

Mais il souffre de deux lourds talons d’Achille. Primo, cet ancien leader de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI, syndicat) qui avait bénéficié d’une cote de popularité jamais démentie, est désormais devenu un homme politique clivant pour avoir conduit une rébellion armée contre le régime de Laurent Gbagbo.

Soro Guillaume est très actif mais cet ancien leader de la FESCI est devenu un homme politique clivant.

Secundo, son adhésion au RDR pour bénéficier certainement d’un parapluie atomique ne lui laisse plus désormais aucune marge de manœuvre. Accusé ouvertement d’opportunisme, de militantisme douteux et de parachutage, il n’est plus le chouchou. Vice-président de ce parti présidentiel, il est non seulement combattu par les dinosaures de la Case, mais placé sous les fourches caudines d’Alassane Ouattara qui le surveille comme de l’huile sur le feu.

Depuis le 9 octobre 2017, Koné Kamaraté Souleymane dit Soul To Soul, son directeur du protocole, est détenu à la prison civile d’Abidjan et poursuivi pour «atteinte à la sûreté de l’État». Celui qui a été appelé «le sauveur de la République» pour avoir pris des armes contre Gbagbo est soupçonné maintenant de comploter contre la République. Et régulièrement, des drones sont chargés de veiller et surveiller ses déplacements et ses résidences.

Soro Guillaume et son directeur de protocole, Kamaraté Souleymane dit Soul To Soul. Ce dernier est inculpé pour atteinte à la sûreté de l’État.

Dans cette situation de ni paix ni guerre, le terrain politique est donc vierge et attend sa mise en valeur par un homme providentiel. Mais existe-t-il dans ce pays de francs couards un messie pour ravir la vedette aux formations politiques qui ne sont d’accord que sur leurs désaccords? Peut-être que oui, peut-être que non.

Tout comme Soro Guillaume qui à force de tergiversations, n’a pas opté pour la rupture et risque de griller ses cartes, les acteurs politiques, dans le jeu du chat et de la souris, sont tenus solidement en laisse. Prisonniers des appareils politiques, ils recherchent l’aval des sponsors politiques.

Par son franc-parler, sa campagne de proximité et sans l’aval de partis politiques, Ouégnin a séduit les Ivoiriens dans leur majorité.

Or, le moment n’a jamais été, et Yasmina Ouégnin l’a prouvé, autant favorable à une candidature qui s’affranchirait des états-majors politiques et de leurs états d’âme. Malgré des succès apparents, les deux mandats d’Alassane Ouattara n’auront pas tenu toute la promesse des fleurs et la classe politique traditionnelle souffre de carence, occasionnant désenchantement, désillusion et rancœur de part et d’autre.

De ce fait, dans leur silence, les Ivoiriens veulent de plus en plus se libérer de leurs fantômes et des antagonismes préfabriqués et exacerbés dont vivent nos politiciens démagogues et machiavéliques car sclérosés mais assoiffés de pouvoir.

Les Ivoiriens attendent leur joker.

Les Ivoiriens rêvent d’un leader qui, par son charisme et un programme avant-gardiste et audacieux, non seulement prendrait clairement le leadership sur des sujets lancinants comme la vie chère, la corruption, le tribalisme, mais les conduirait sur le chemin de la réconciliation nationale et des retrouvailles chaleureuses entre sœurs et frères d’une même nation malmenée.

FERRO M. Bally
In Journal de Ferro