L’AFREXIT: Une voie de sortie d’un processus qui écarte toute possibilité d’industrialisation de l’Afrique, Par Dr Ahoua Don Mello

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - L’AFREXIT, une voie de sortie d’un processus qui écarte toute possibilité d’industrialisation de l’Afrique, Par Dr Ahoua Don Mello.

Dr Don Mello Ahoua.

A La naissance de la Communauté Economique Européenne (CEE), devenue Union Européenne, L’Afrique faisait partie intégrante de l’Europe. Les rapports entre l’Afrique et l’Europe étaient pensés et mis en œuvre par une direction spéciale de la Commission de la CEE. Après les indépendances, l’ajustement de la politique coloniale par rapport au nouveau contexte, a donné naissance aux accords UE-ACP, prolongement à l’échelle de l’Europe des accords de coopération entre la France et ses ex-colonies : la Françafrique.
L’Afrexit désigne l’idée d’une possibilité de révision ou de rupture des accords coloniaux conclus à l’insu des peuples d’Afrique. L’actualité du Brexit nous indique une voie de sortie d’un processus historique qui écarte toute possibilité d’industrialisation de l’Afrique. Examinons ensemble l’histoire de cette aventure commune entre l’Europe et l’Afrique pour mieux apprécier la nécessité de l’Afrexit.

1885, la conférence de Berlin, ancêtre de l’Union Européenne, assassine et dépèce l’Afrique dont on relie, par des chemins de fer coloniaux, les morceaux enclavés, aux morceaux de la façade maritime. C’est le grand voyage des richesses du continent africain. Ces richesses qui partent en vrac en Europe et qui reviennent en emballage estampillé Europe et enfermé dans des containers au retour, après une transformation dans les cuves, hauts fourneaux et machines-outils des industries européennes.
1939, par une guerre éclair, l’Allemagne nazie occupe la moitié de la France qui s’étendra ensuite à la totalité du territoire français et fait main basse sur le franc français et l’économie française. Le franc CFA naît officieusement pour les colonies françaises et servira de caisse noire pendant toute la période de guerre à De Gaulle exilé en Angleterre.
1942, De Gaulle, fait réquisitionner les matières premières à vil prix dans les colonies d’Afrique et les vend à prix d’or en Angleterre et aux USA pour financer l’effort de Guerre de la France Libre dont la capitale passe de Paris à Brazzaville. Cette réquisition s’étend aux jeunes africains valides pour se rendre sans visa sur les théâtres d’opération en Afrique du Nord puis en Europe et servir de boucliers humains. Après avoir libérer la France, sur ordre de De Gaulle, l’armée française fût blanchie avec des héros n’ayant livré aucun combat pour défiler à Paris devant les officiels et les soldats Africains serons regroupés à Toulon et réexpédiés à Thiaroye au Sénégal pour certains avec pour seule récompense la fusillade et des médailles. Ils ont ainsi été écartés et enterrés dans les sous-sols de l’histoire pour éviter qu’ils rentrent dans l’histoire glorieuse de la France. Leur commandant, le Général LECLERC eu droit à tous les honneurs et est rentré dans l’histoire sans ses soldats.
Le 26 Décembre 1945, le franc CFA sort de la clandestinité et naît officiellement pour financer l’effort de reconstruction d’une France sortie très abîmée de la guerre.
En Mai 56, par une lettre adressée à Guy Mollet Président de France, Gaston Deferre, alors Ministre de la France d’outre-mer, demande à Guy Mollet de conditionner la participation de la France au marché commun européen et à la communauté Européenne de l’Energie Atomique par l’adhésion des colonies à la Communauté économique européenne (CEE). Cette manœuvre française visait à obtenir un égal accès à l’Uranium Congolais sous contrôle de la Belgique. C'est en effet cet uranium qui a servi à la fabrication de la bombe atomique américaine. En satisfaisant ainsi les ambitions gaullistes de souveraineté nucléaire vis-à-vis des USA, la manœuvre permettait de faire porter les dépenses en
infrastructures des colonies sur l’Allemagne, grand contributeur du Fonds Européen. Deferre n’écartait pas le risque de la perte d’influence de la France en accordant à l'Afrique en général et au pré-carré français en particulier l’accès des autres pays européens. Face à ce risque, la Grande Bretagne refuse le traité qui fonde la CEE pour maintenir des relations privilégiées avec ses anciennes colonies qui sont entre autres les USA, le Nigeria, le Ghana, l’Afrique du Sud, le Kenya et l’inde.
En 1957 lors des négociations du traité de Rome qui crée la CEE, De Gaulle obtient la création de la DG VIII, une direction Générale de la commission Européenne chargée de gérer les fonds Européens pour la mise en valeur des territoires coloniaux en vue d’un égal accès de l’économie européenne aux matières premières africaines. Cette direction était majoritairement sous contrôle de fonctionnaires français pour éviter toute ingérence des autres membres de la CEE dans le pré-carré français mais profiter du pré-carré Belge. L’éviction de l’Allemagne du continent africain à la fin de la deuxième guerre, faisait de la France, de l’Angleterre et de la Belgique les seuls maîtres du continent et les intermédiaires obligés des autres membres de la CEE pour l'exploitation des ressources en matières premières africaines. Après le refus de l’Angleterre d’adhérer à la CEE, La France assure le tutorat de l’Afrique et prend une ascendance diplomatique en Europe et sur la scène internationale. La France représente ainsi le continent Africain et a l’initiative des résolutions à l’ONU pour le compte des États africains.
L’épuisement des matières premières en Europe et le besoin de nouvelles ressources ainsi que des matières premières typiquement tropicales (coton, hévéa, palmier à huile, cacao, café, fruits tropicaux, etc.) imposent une alliance entre l’Afrique et une Europe sous perfusion du plan Marshall que De Gaulle considérait comme un moyen de chantage pour mettre l’Europe sous la coupe de l’arme nucléaire américaine mais imposera aux africains ce qu’il a refusé des américains.
Après les indépendances, pour éviter la contagion de l’Afrexit de l’Algérie, de l’Egypte, du Ghana et de la Guinée, et avant la convention de Yaoundé en 1963 qui prolonge l’alliance CEE-ACP (Afrique Caraïbes Pacifique) en les contextualisant, De Gaulle s’empresse de donner une forme juridique à la réquisition économique de l’Afrique pour assurer le maintien de l’économie coloniale de guerre sous surveillance de l’armée française dans ses ex-colonies. C’était la signature des accords de coopération militaro- économico-financiers en 1961 qui fondent la françafrique pour financer la reconstruction de la France et contraindre les chefs d’États africains au respect de ses accords par le maintien de l’armée française sur leur sol. Ainsi les accords françafricains s’imposent aux accords CEE-ACP. Ces derniers deviennent le prolongement des premiers.
Les accords de 1961 et de 1963 après les indépendances, ont donc laissé intact l’économie coloniale et entraîné le sous-développement perpétuel par la réquisition permanente ainsi que la sanction ou l’élimination physique des Chefs d’États qui tentent l’Afrexit. Le passage de l’économie coloniale à une économie industrielle est pris en otage par ces deux cordes qui lient les mains et les pieds du continent africain.
Les révisions successives des accords UE-ACP ont renforcé le lien entre l’économie coloniale et le FED (Fonds Européen de Développement) avec la création du STABEX (Fonds de stabilisation des recettes d’exportation sur les produits agricoles) et du SYSMIN (Fonds de stabilisation des recettes d’exportation des produits minéraux) Ces différents fonds étaient financés par des ristournes sur les énormes bénéfices issus du pillage par réquisition permanente des matières premières. Ces «aides » ont été conçues comme une arme de guerre pour détourner les chefs d’États africains contre un
nouvel acteur international porteur d’une idéologie dite « indésirable » : l’URSS. Après l’effondrement de l’URSS, le STABEX et le SYSMIN ont disparu et les avantages non réciproques en faveur de l’Afrique deviendront bientôt réciproques avec les APE (accords de partenariat économiques) entre l’Union Européenne (UE) et les ACP pour étouffer toute tentative d’industrialisation de l’Afrique par l’accès sans barrière des produits industriels européens au marché africain.
Pour maquiller les coups d’États de Foccart et de Bob Denard, l’aide de l’UE aux ACP subit des révisions en 1990 et en 2005, conditionnant l’accès à l’aide au respect des droits de l’homme et à l’adhésion à l’insu des peuples à la CPI. Cette adhésion clandestine à la CPI sera une arme fatale pour les Chefs d’État portant des germes de l’Afrexit qu’on prend le soin de dépeindre devant le peuple européen par des reportages médiatiques dignes des séries hollywoodiennes où la victime devient un tueur en série et le bourreau un parfait démocrate respectueux des droits de l’homme afin de justifier l’intervention de l’OTAN ou de l’armée française pour tuer à bout portant des Chefs d’Etats souverains, les déporter ou les menacer par des mandats d’arrêt.
A la différence de l’Europe, ces accords n’ont jamais été soumis au vote des peuples d’Afrique. Cette omission volontaire permet d’entretenir l’ignorance des causes profondes du sous-développement du continent en focalisant les esprits sur des référendums pour voter des constitutions préfabriquées, et sur le vote des Présidents qu’on peut étouffer financièrement ou débarquer à tout moment lorsqu’ils s’écartent du chemin de fer de l’UE-ACP au nom des droits de l’homme.
A l’image du Brexit (British exit), vivement l’Afrexit par un référendum sur ces accords pour briser les chaînes du mouvement perpétuel du sous-développement et emprunter enfin le chemin de fer du panafricanisme pour mettre en place les institutions fédérales qui reprennent les fonctions de l’UE- ACP et de la Françafrique afin de créer, sur l’ensemble du continent, les quatre piliers qui déclencheront et accélèreront le développement des hauts fourneaux, des cuves et des machines- outils en Afrique : La liberté des personnes, des biens, des capitaux et des services.
L’Afrexit permettra donc de ressusciter, d’industrialiser et de recoller les morceaux du continent africain mort et dépecé en 1885.

Une contribution par DON MELLO Ahoua
Docteur Ingénieur des Ponts et chaussées