Guerre totale Bédié-Ouattara: Le Sénat toujours au point mort

Par IvoireBusiness - Guerre totale Bédié-Ouattara. Le Sénat toujours au point mort.

Côte d'Ivoire. Le Président Alassane Ouattara enterre le Sénat, faute de la rallier à son RHDP parti unifié.

La guerre totale que se livrent en ce moment les Présidents Alassane Ouattara, chef de l’Etat et président du RHDP parti unifié, et Henri Konan Bédié président du PDCI-RDA, continue de faire des victimes en cascade. Dernière victime de taille : le Sénat, inauguré en grande pompe, mais toujours au point mort.

En effet, le nouveau Sénat n'a toujours pas dépassé la phase de démarrage. Le mois dernier, ses pouvoirs et attributions ont été transférés à l'Assemblée nationale sur décision du président Alassane Ouattara.

Le président du Sénat, Ahoussou Kouadio Jeannot, qui est resté très proche d’Henri Konan Bédié, dans la guerre totale que se livrent Ouattara et Bédié, était en première ligne lors du dernier congrès du PDCI-RDA le 15 octobre 2018 à Daoukro.

Ceci expliquant peut-être cela.

Selon une source bien introduite, le Sénat fait les frais de la guerre fraticide que se livrent Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié.

"C'est faute d'avoir réussi à convaincre Ahoussou Jeannot à le rejoindre dans le Rhdp unifié comme le vice-président Kablan Duncan, que le Président de la République a decidé de couper les vivres au Sénat, pour le punir", affirme cette source.

Mais le motif officiel avancé par le chef de l'Etat pour « tuer » le Sénat est le suivant: la haute chambre, née de la nouvelle Constitution de 2016 et installée en avril dernier dans le paysage politique ivoirien, n'est toujours pas opérationnelle et ne peut donc remplir ses fonctions parlementaires. Un motif insuffisant et qui ne résiste pas à l’analyse, notamment pour le président du groupe de sénateurs d'opposition PDCI au Sénat.

Pour rappel, la mise « à mort » du Sénat s’est faite par un simple courrier daté du 13 septembre du Président Alassane Ouattara au président du Sénat, courrier ayant fuité dans la presse. Dans cette lettre adressée au président Conseil constitutionnel, le président Alassane Ouattara annonce le transfert des pouvoirs du Sénat à l'Assemblée nationale.

Le chef de l'Etat explique sa décision en rappelant que les organes de fonctionnement de la haute chambre, tels que le bureau et les commissions techniques, n'ont toujours pas été créés.

Autrement dit, le Sénat n'est pas en état de travailler, l'Assemblée nationale va donc assurer l'intérim.

Cette décision unilatérale est totalement incompréhensible pour le sénateur Alain Cocauthrey, président du groupe parlementaire PDCI. Selon lui, si les instances de fonctionnement de la chambre sont toujours absentes, c'est notamment parce que leur installation est bloquée par les élus du parti au pouvoir, qui tardent à constituer leur propre groupe parlementaire.

En clair, les raisons du dépouillement des pouvoirs de la seconde chambre sont purement politiques, et peut-être même liées aux relations conflictuelles qu'entretiennent le PDCI et le pouvoir depuis leur divorce cet été.

Par ailleurs, le Sénat est toujours incomplet. Sur ses 99 membres, les deux tiers ont été élus et installés, mais ils attendent toujours l'arrivée des 33 derniers, qui doivent être nommés par le chef de l'état.

Comme on le voit, le Sénat est une nouvelle victime collatérale de la guerre totale que se livrent les alliés d’hier, sur fond de contrôle de pouvoir en 2020. La tontine de Bédié (appel de Daoukro de 2014) par laquelle le PDCI s’effaçait de la présidentielle au profit du RDR en 2015 et ensuite le RDR s'effaçait à son tour au profit du PDCI en 2020, a vécue.

Le RDR a opposé comme on le sait une fin de non recevoir au PDCI-RDA. Alassane Ouattara a même fait savoir à Bédié qu’il ne lui avait jamais rien promis. Il l'a d'ailleurs affirmé publiquement. Humiliation suprême pour Bedié, chez qui on affirme que les témoins sont encore vivants et que le moment venu, on les ferait sortir.

C’est dans cette ambiance de fin de règne que l’opposition réunie au sein de la coalition Ensemble pour la démocratie et la souveraineté, EDS, dirigée par le professeur Georges-Armand Ouegnin, compte ses points. Boostée par la libération de la première dame Simone Ehivet Gbagbo, vice-présidente du FPI, parti membre de EDS, elle compte ramasser la mise en 2020 et revenir au pouvoir à la faveur d’élections justes, équitables, et transparentes. Et cela passe par la reforme de la commission électorale indépendante (CEI), dirigée par le très controversé Youssouf Bakayoko, accusé par la rue ivoirienne de rependre la mort dans le pays avec ses élections frauduleuses, et violentes, les unes après les autres.

D’autres partis d’opposition sont d’ores et déjà allés proposer leurs services au PDCI afin de créer une nouvelle plateforme politique de l’opposition. On peut citer le FPI d’Affi N’guessan, le RPCI du Pr Bamba Moriferé, le RPP de Ouattara Gnonzié, le MFA d’Anaky Kobenan Innocent (déjà membre de EDS).

Tous étaient présents au dernier congrès du PDCI-RDA tenu le 15 octobre dernier à l’hôtel de la Paix de Daoukro, la ville natale d’Henri Konan Bédié. Sauf la plateforme EDS et le FPI d’Aboudramane Sangaré, qui ont brillé par leur absence.

Tout porte à croire que la véritable alliance qui semble intéresser le PDCI est celle qu’il entend nouer avec la plateforme EDS. Plusieurs dignitaires du parti d’Henri Konan Bédié n’ont d'ailleurs pas arrêtés ces dernières semaines de défiler soit à La Haye chez le Président Laurent Gbagbo (Jean Louis Billon S.E. chargé de l communication), soit chez son épouse Simone Gbagbo à sa résidence d’Abidjan-Cocody dans le quartier chic de la Riviera Golf.

On a vu tour à tour le même Jean Louis Billon, Maurice Kacou Guikahué secrétaire exécutif, Emile Constant Bombet vice-président, le bouillant KKB, etc…aller saluer celle que les ivoiriens appellent affectueusement la première Dame.

Dernier visiteur en date, le tout fraîchement élu Maire PDCI de Cocody, M. Yacé.
A EDS, on est conscient des enjeux et de la reconquête du pouvoir en 2020.

Si on est d’accord sur le principe d’une future alliance avec le PDCI, pour dit-on sauver la République en danger, on pense que c’est au tour des gbagboïstes de jouer les premiers rôles en 2020.

Laurent Gbagbo lui-même disait que Bédié avait cédé sa place à Ouattara pour un plat de lentilles.

Autrement dit, pas question pour EDS dont le Président Gbagbo est le référent politique, de céder sa place en 2020 au PDCI-RDA, dont les positions, notamment celle de participer aux dernières élections municipales et régionales du 13 octobre dernier, alors même que tout tendait vers le contraire, intriguent encore les gbagboïstes.

Avec la débâcle du PDCI due aux multiples fraudes et à une CEI inféodée au pouvoir, EDS estime avoir eu raison d’appeler les ivoiriens à se tenir à l’écart de ces joutes barbares. Résultat des courses, son mot d’ordre de boycott du scrutin a été suivi à 90% par la majorité des ivoiriens.

Il peut donc se targuer d’avoir la majorité potentielle et surtout les faveurs de l’opinion, et faire monter les enchères sur l’échiquier politique en Côte d’Ivoire, face au régime Ouattara d'une part, et face au PDCI-RDA d'autre part.

Nous y reviendrons.

Eric Lassale