Discussions reforme de la CEI : EDS accuse le gouvernement de vouloir passer en force

Par Ivoirebusiness - Discussions reforme de la CEI. EDS accuse le gouvernement de vouloir passer en force.

Pr Georges-Armand Ouegnin, président de EDS.

La plateforme de l’opposition ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS) a accusé dimanche le gouvernement ivoirien de vouloir opérer un passage en force concernant les discussions sur la reforme de la CEI.
Dans une déclaration transmise dimanche à Ivoirebusiness, EDS invite le gouvernement à se conformer strictement à l’arrêt de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et à privilégier un cadre de concertation tripartite élargie pouvoir-opposition-société civile, pour des échanges dynamiques et productifs, sans calculs.
Ci-dessous, le texte intégral de la déclaration de EDS signée par son président Pr Georges-Armand Ouegnin.

DÉCLARATION DE LA PLATE FORME EDS RELATIVE AUX DISCUSSIONS SUR LA REFORME DE LA CEI

Le 21 janvier 2019, sous la pression combinée des partis de l’opposition,
de la société civile et de la communauté internationale, le Gouvernement
ivoirien a ouvert les discussions sur la réforme de la Commission
électorale Indépendante (CEI).

A l’entame de ces discussions, le 21 janvier, l’opposition en général, mais
singulièrement la Plateforme Ensemble pour la Démocratie et la
Souveraineté (EDS) a clairement indiqué au Gouvernement, qu’au regard
de notre histoire récente et des expériences douloureuses que la Côte
d’Ivoire a vécues, une large concertation s’impose aujourd’hui sur
l’ensemble du cadre juridique et institutionnel devant régir les élections
dans notre pays.

En effet, la Plateforme EDS, soucieuse de mettre à contribution les
intelligences et la force de proposition de toutes les parties prenantes, a
demandé des discussions tripartites autour d’une table, entre le pouvoir, les
partis politiques et la société civile, dont tout le monde sait qu’elle s’est
activement impliquée, ces dernières années, dans les réflexions et des actions visant à obtenir la réforme du cadre des élections en Côte d’Ivoire.

A l’opposé, le Gouvernement a opté pour des consultations séparées avec
les différents acteurs en vue du réexamen de la composition de la CEI
refusant, obstinément, toute idée de concertation tripartite.

En effet, le Gouvernement, choisissant de donner dans la caricature, a assimilé les propositions de l’opposition au modèle des conférences nationales des années 90 en Afrique.
Il s’agissait là de profondes divergences entre le pouvoir et l’opposition, tant sur la vision, l’objet des discussions que sur la démarche à adopter.

A la deuxième rencontre du 4 avril 2019, ces divergences ont
naturellement persisté et les discussions étaient pratiquement dans l’impasse.

Cependant, nous nous sommes employés à démontrer l’intérêt, pour notre pays, d’une concertation, la plus inclusive possible, sur la question de la
réforme de la CEI et du cadre juridique et institutionnel des élections. Face à la pertinence de l’argumentation de l’opposition, le Premier Ministre a indiqué que le Gouvernement avait déjà créé un cadre de concertation avec
la société civile.

En conséquence, il proposait un cadre restreint de
concertation, de haut niveau, avec les partis politiques. Par la suite, suivrait la concertation tripartite, pouvoir, partis politiques et organisations
de la société civile.

En réponse à cette proposition, EDS et les autres partis de l’opposition,
ont marqué son accord pour le principe d’un cadre restreint de concertation, qui constituait une solution médiane. Toutefois, dans le souci
de créer un cadre de discussions sereines et constructives, l’opposition a
demandé que lui soit préalablement transmis un document de termes de
référence (TDR) du cadre restreint de concertation.

Cette proposition avait pour objectifs la recherche d’une plus grande efficacité, l’identification, à l’avance, des sujets de discussions, l’adoption d’une méthodologie de travail, la liste des participants et les résultats attendus. Le Gouvernement s’est engagé à nous faire parvenir ce document avant les prochaines rencontres.

Le 10 mai 2019, soit plus d’un mois après, le Gouvernement nous a adressé un courrier d’invitation à la 3ème rencontre des discussions, prévue pour le 16 mai 2019 ; cette fois dans un cadre restreint, sans pour autant nous avoir transmis les TDR comme convenu, mais en nous demandant de donner les noms de nos représentants. Nous avons relevé cela, mais avons tout de même transmis les noms de nos représentants pour les discussions dans le cadre restreint de concertation annoncé.

Jusqu’au 15 mai, veille de la rencontre, nous n’avions toujours pas reçu les documents promis, et ce,
malgré nos nombreuses relances au cours des cinq jours qui ont suivi la
réception de la lettre d’invitation à la rencontre.

Le matin du 16 mai, nous avons déposé auprès du ministère de l’intérieur un courrier, contre décharge, pour marquer notre étonnement de n’avoir pas reçu les termes de référence que le Gouvernement s’était pourtant formellement engagé à nous transmettre préalablement à l’entame des discussions dans le cadre restreint de concertation ; et que n’ayant pas reçu ce document dont nous avions convenu depuis plus d’un mois, il nous était difficile de prendre part à la rencontre bien que nous ayons donné les noms de nos représentants pour manifester notre bonne volonté et notre disponibilité.

Le 22 mai, un coup de fil du ministère de l’intérieur nous demande d’aller récupérer un courrier nous invitant à la deuxième rencontre du cadre restreint prévue pour le 23 mai 2019. Dans cette correspondance, le ministre de l’intérieur, ignorant royalement notre lettre du 16 mai, s’étonne de l’absence de nos représentants à la première réunion du cadre restreint et indique que les discussions se poursuivent.

Plus grave, il y a joint une copie du compte rendu de la rencontre du 4 avril 2019, dans lequel le rédacteur affirme que nous avions « convenu à l’unanimité que nos discussions porteraient désormais uniquement sur la recomposition de la CEI». Ce qui est absolument faux !

La Plateforme EDS s’apprêtait à interpeller le Gouvernement sur toutes ces dérives qui risquent de plomber les discussions tant souhaitées sur la réforme de la CEI, quand celui a publié son communiqué du 28 mai 2019.

Dans ce communiqué le Gouvernement est visiblement dans une logique de communication dont l’objectif est de préparer son passage en force sur la question de la réforme de la CEI et du cadre juridique et institutionnel des élections en Côte d’Ivoire, contrairement à ce qu’a décidé la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

EDS rappelle que la réforme de la CEI réclamée depuis des années par les partis d’opposition dans leur ensemble, mais aussi par la société civile et la population est une exigence que commande l’intérêt national. L’arrêt de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples fait, en effet, injonction à la Côte d’Ivoire de procéder à la « Modification de la loi portant création, organisation, composition et fonctionnement de la Commission Electorale Indépendante », une véritable réforme de la CEI, au motif que la loi de 2014 a institué un organe électoral non indépendant et non impartial qui ne garantit pas le droit des citoyens à choisir librement leurs représentants.

Au terme du procès, la Cour a condamné Gouvernement à réformer la loi sur la CEI pour la rendre conforme aux normes internationales et particulièrement aux différents traités et accords africains signés par la Côte d’Ivoire.

En insistant sur la tenue d’une large concertation l’opposition a à cœur de doter la Côte d’Ivoire d’un organe électoral consensuel qui s’appuie sur un cadre juridique et institutionnel tout aussi consensuel afin de sortir définitivement notre pays du cycle infernal d’élections tumultueuses.

Au regard de ces enjeux, le EDS tient à préciser ses propositions sont disponibles et sont prêtes à être confrontées à celles des autres partis politiques, à celles du pouvoir et à celles de la société civile, dans un cadre
de concertation élargie, pour des échanges dynamiques et productifs, sans calculs et dans l’optique de la recherche d’un large consensus.

EDS invite donc le Gouvernement à se conformer strictement à l’arrêt de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et à s’inscrire avec courage et responsabilité dans une large concertation qui nous permette d’obtenir un organe électoral institutionnellement outillé pour conduire, en toute indépendance, tous les processus électoraux en Côte d’Ivoire.

Fait à Abidjan, le 30 mai 2019.
Pour la Plate Forme EDS
Le Président
Pr Georges-Armand OUEGNIN