Diaspora/ Rap: le légendaire Secteur Ä se reforme

Par Le Parisien- Diaspora Rap. Le légendaire Secteur Ä se reforme.

Rap. Le légendaire Secteur Ä se reforme.

Eric Bureau

Disparu depuis des années, le légendaire collectif de hip-hop français qui comprenait aussi bien Doc Gynéco que Ministère A.M.E.R. reprend la route à l’occasion d’une tournée qui débutera en avril prochain.

Le Secteur Ä se reforme. C’est peut-être un détail pour vous mais pour les fans de rap, ça veut dire beaucoup. Dans la lancée de la tournée « L’âge d’or du rap », qui a recueilli un beau succès l’an dernier, la première grande famille du hip-hop francilien, qui réunissait Passi et Stomy Bugsy, de Ministère A.M.E.R., Doc Gynéco, Pit Baccardi, Lino et Calbo, d’Arsenïk, Jacky et Ben-J, des Nèg’Marrons, va faire sa propre tournée de reformation à partir du 6 avril. Avec comme point d’orgue l’AccorHotel Arena (ex-Paris Bercy) le 20 mai, 20 ans jour pour jour après leur concert mythique à l’Olympia.

Ils seront dix sur scène, avec un sacré paquet de tubes, « Né ici », pour Doc Gynéco, « Je zappe et je mate », pour Passi, « Mon papa à moi est un gangster », pour Stomy Bugsy, « Le bilan », des Nèg’Marrons… Le Secteur Ä, sous son nom et sous celui de ses artistes, c’est près de 6 millions d’albums vendus entre 1996 et 2001. « C’est l’ADN du rap français, une bande de blacks qui réussissait et faisait rêver, analyse Singuila, le dernier arrivé dans la famille, en 2000. MHD et la nouvelle génération, qui remet au goût du jour la musique africaine, ont été biberonnés au Secteur Ä ».

Un collectif qui a marqué l’histoire du rap français
Nous avons assisté aux retrouvailles de ses membres, il y a quelques jours lors de la session photo officielle à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Entre ceux qui doivent partir et ceux qui n’arrivent pas, un joyeux bazar règne dans cette ancienne usine. Mais Valérie Atlan, dite Valou, personnage incontournable du rap français depuis vingt ans, veille au grain. C’est elle qui a convaincu Kenzi, le fondateur du Secteur Ä, et la plupart des artistes du collectif de se reformer.

« Le Secteur Ä était déjà en grande partie présent l’an dernier sur la tournée L’âge d’or du rap, rappelle Valérie Atlan. Et les vingt dernières minutes avec eux marchaient super bien auprès du public, comme un final en apothéose. Les titres populaires et connus des Neg’Marrons, de Passi, de Bisso Na Bisso, faisaient mouche. On s’est dit que ce serait génial de poursuivre notre œuvre de transmission en reformant sur scène le Secteur Ä. »

Ce dernier, né dans la cité Abdulaï, surnom d’un quartier de Sarcelles, a marqué l’histoire du rap français en tant que label, maison d’éditions et collectif d’artistes. « Au-delà des tubes, c’est le premier exemple d’un label et d’une maison d’éditions très organisés, analyse Valérie Atlan. Un exemple suivi bien plus tard par Wati-B, le label de Sexion d’Assaut, Maître Gims, Black M… ».

« Le côté militant et le côté fun »
« On s’est inspiré nous-mêmes de ce qui se passait aux Etats-Unis à l’époque, les collectifs formés par le Wu-Tang Clan ou Public Enemy, rappelle Passi. On avait une phrase, Rien que du naturel, qui résumait nos deux aspects : le côté militant, la promotion de la banlieue, de nos origines africaines, et le côté divertissement, amusement, fun. L’un n’allait pas sans l’autre. »

« Le Secteur Ä nous a fait entrer dans le monde industriel de la musique, se souvient Pit Baccardi, qui a intégré le collectif en 1999. Je venais du collectif Time Bomb, qui était plutôt une école de technique pure. Celle-ci était une école de rigueur, qui nous a appris à tout gérer, la réalisation de l’album, le message, l’image. Des principes que j’applique depuis six ans que je suis producteur au Cameroun, où je suis né. J’ai changé d’orientation car, après la fin du Secteur Ä, je me suis heurté à beaucoup de portes fermées. Notre succès avait créé des jalousies. »

Doc Gynéco : « C’est de ma faute… »
« Le Secteur Ä, c’était la Motown française (NDLR : l’un des plus grands labels de soul américains), une bande de blacks qui réussissait socialement et musicalement, analyse Singuila. J’étais de Cergy, mais il avait ouvert le collectif à toute la région parisienne. Ils m’ont tout appris, le métier, les médias, le message à passer. MHD et la nouvelle génération, qui remet au goût du jour la musique africaine, ont été biberonnés au Secteur Ä. C’est l’ADN du rap français. »

« Notre force, c’était notre innocence, estime Doc Gynéco. Sur la photo de classe, il y avait beaucoup de gens différents qui se sont retrouvés autour d’un idéal. Mais au bout d’un certain temps, notre cause commune a été moins forte que nos causes individuelles. Et c’est de ma faute, car c’est moi qui ai amené l’argent dans le Secteur Ä et les problèmes qui vont avec. Ben non, on n’est pas tous des Rolling Stones… On est d’autant plus heureux vingt ans plus tard de se retrouver. »

Le Secteur Ä en tournée le 26 avril à Rennes, le 2 mai à Lyon, le 4 à Marseille, le 22 à l’AccorHotel Arena…

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